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                                                                                                                                         Date : 20040318

                                                                                                                             Dossier : IMM-1015-03

                                                                                                                          Référence : 2004 CF 393

ENTRE :

                                                          HUSSEIN JAWAD JABER

                                                                                                                                               Demandeur

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                             ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                   Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 31 janvier 2003, statuant que le demandeur s'est désisté de sa revendication.

[2]         Hussein Jawad Jaber (le demandeur) est citoyen du Liban. Il est arrivé au Canada le 30 janvier 2001 où il a revendiqué le statut de réfugié alléguant une crainte de persécution en raison de ses opinions politiques.


[3]         Le demandeur a mandaté Maître Élie Chahwan afin de poursuivre sa revendication de statut de réfugié au Canada. Le 16 mars 2001, le demandeur a soumis son Formulaire de renseignements personnels à la CISR.

[4]         Le 1er août 2001, le demandeur serait déménagé à Windsor (Ontario). Il aurait avisé son avocat du déménagement en laissant un message dans sa boîte vocale. Lors de son séjour à Windsor, il aurait laissé plusieurs autres messages à son avocat. Le demandeur, qui n'aurait pas eu de téléphone, dit avoir indiquéà son avocat de transmettre toute information relative au dossier à une de ses amies vivant à Montréal.

[5]         Le 22 novembre 2002, la CISR a envoyé à l'avocat du demandeur l'avis d'audience indiquant que la revendication serait entendue le 23 janvier 2003. La copie envoyée au demandeur fut retournée à l'expéditeur le 27 novembre 2002. Le 18 janvier 2003, le demandeur se serait rendu à Montréal afin de voir à la préparation de sa revendication, mais ce n'est que le 22 janvier 2003 qu'il aurait enfin rencontré son avocat.

[6]         La CISR a conclu que le demandeur stait montré totalement désintéressé de sa demande et a prononcé le désistement de sa revendication. La CISR écrit ce qui suit dans sa décision :

On 30th day of January, 2001, your claim was referred to the Refugee Protection Division (RPD).

By Notice dated 22nd day of November, 2002, the RPD advised you and your counsel that a hearing would take place on 23rd day of January, 2003.

You and your counsel appeared at that hearing but did not show reason why the RPD should not declare your claim to be abandoned.

ACCORDINGLY, THE REFUGEE PROTECTION DIVISION DECLARES YOUR CLAIM TO HAVE BEEN ABANDONED.

[7]         Selon les notes sténographiques de l'audience, à la page 81 du dossier du tribunal, la CISR exprime les motifs suivants à l'appui de sa décision :


Monsieur, je trouve vos excuses inacceptables. Je ne vous trouve pas crédible du tout. En vertu de l'article 168 de la Loi, je vais déclarer le... je vais conclure aux procédures de désistement, parce que vous n'avez, vous n'avez pas respecté les normes de la Loi, c'est-à -dire que vous avez... vous n'avez pas avisé la Commission des changements concernant votre adresse et votre situation, vous n'avez pas fourni les documents dont nous avions besoin et qu'on vous a demandés de fournir dans le cadre de votre revendication et les explications que vous donnez je les considère absolument pas crédibles et, par conséquent, vous ne vous êtes pas déchargé de vos obligations par rapport à votre revendication.

Par conséquent, je conclus au désistement.

[8]         La CISR a conclu que le demandeur stait montré totalement désintéressé de sa demande et a prononcé le désistement de sa revendication. Selon le demandeur la CISR n'a pas tenu compte des facteurs pertinents applicables à sa demande, ni de la preuve présentée, et le comportement de la CISR avait une apparence de partialité.

[9]         La norme de contrôle applicable à une décision de la CISR par laquelle elle conclut que le demandeur s'est désisté de sa revendication est celle de la décision raisonnable simpliciter, puisqu'il s'agit d'une décision discrétionnaire (Ahamad c. Canada (M.C.I.), [2000] 3 C.F. 109). En raison des conséquences sérieuses qui peuvent résulter d'une telle décision, celle-ci doit être assujettie à un examen rigoureux (Cirahan c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 1469 (C.F. 1re inst.) (QL)).


[10]       Le demandeur soumet que l'avis en date du 22 novembre 2002 est insuffisant, imprécis et en violation de la règle dquité de procédure audi alteram partem. En l'espèce, la CISR n'a pas envoyé d'avis au demandeur à l'effet que la question à traiter à l'audience serait celle du désistement de sa revendication. Toutefois, une lecture du paragraphe 58(2) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228, (les Règles) indique que la CISR n'est pas nécessairement tenue d'avertir le demandeur que l'audience traitera du désistement lorsque, comme en l'espèce, la CISR, jugeant qu'il est équitable de le faire, donne sur-le-champ au demandeur présent à l'audience la possibilité d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé. Il est aussi opportun de noter que ni le demandeur, ni son procureur, ne se sont alors objectés à ce que l'audience porte sur la question du désistement.

[11]       Le demandeur soumet aussi que la décision de la CISR était déraisonnable. Le paragraphe 168 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27, prévoit que la CISR peut prononcer le désistement dans une affaire dont elle est saisie si elle estime que l'intéressé omet de poursuivre l'affaire, notamment par défaut de comparution, de fournir les renseignements qu'elle peut requérir ou de donner suite à ses demandes de communication. Selon le paragraphe 4(3) des Règles, dès que ses coordonnées changent, le demandeur d'asile doit transmettre ses nouvelles coordonnées par écrit à la Section et au ministre. En l'espèce le demandeur à soumis deux avis de changement d'adresse. Cependant, aucun avis ne fut transmis à la CISR ou au ministre concernant le déménagement du demandeur à Windsor (Ontario). Il ntait donc pas déraisonnable pour la CISR de prendre en considération cette lacune importante.

[12]       Le demandeur soumet en outre que la CISR n'a pas tenu compte de facteurs pertinents dans son évaluation de la revendication. Le paragraphe 58(3) des Règles prévoit que pour décider si elle prononce le désistement, la Section prend en considération les explications données par le demandeur d'asile à l'audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d'asile est prêt à commencer ou à poursuivre l'affaire. En l'espèce, la CISR n'a pas retenu les explications du demandeur qu'elle a jugé être complètement désintéressé de sa revendication. Faut-il rappeler qu'il incombe à la CISR d'apprécier les faits et que cette Cour n'a pas à se substituer à ce tribunal pour réévaluer les explications du demandeur et son intérêt dans sa revendication?


[13]       Enfin, le demandeur allègue que la CISR avait un comportement hostile envers lui ce qui a créé une apparence de partialité. À ce sujet, il incombait au demandeur de démontrer que l'attitude du tribunal était telle qu'une personne raisonnablement informée aurait, dans des circonstances semblables, des appréhensions objectives quant à son impartialité. Le test a été bien défini par la Cour suprême du Canada dans Committee for Justice and Liberty et al. c. L'Office national de lnergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369. La Cour d'appel fédérale quant à elle a récemment exprimé ce qui suit au sujet d'une allégation de partialité dans Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, [2001] A.C.F. no 1091 (C.A.) (QL) :

[8]      . . . Une allégation de partialité, surtout la partialité actuelle et non simplement appréhendée, portée à l'encontre d'un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l'intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d'un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme.

[14]       En l'espèce, la CISR a accordé au demandeur l'opportunité de répondre aux questions posées et de donner des explications au sujet du désistement de sa revendication. Le demandeur n'a apporté aucune preuve concrète à l'appui de son allégation de partialité. Le demandeur dit simplement que la Commissaire était hostile envers lui. De plus, la CISR ayant respecté son obligation d'agir équitablement et le demandeur n'ayant pas soulevé la question de la partialité devant elle (Zündel c. Canadian Human Rights Commission et al. (2000), 264 N.R. 174 (C.A.F.)), je suis d'avis que son argument est sans mérite.

[15]       Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 mars 2004


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1015-03

INTITULÉ :                                                          HUSSEIN JAWAD JABER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                               Le 12 février 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                     Le 18 mars 2004

COMPARUTIONS :

Me Patrick-Claude Caron                                POUR LE DEMANDEUR

Me Michel Pépin                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Patrick-Claude Caron                                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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