Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19971119

     Dossier : IMM-215-97

ENTRE :      WO PING YUEN,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire concernant la décision d'un agent des visas qui a refusé la demande de résidence permanente au Canada du requérant. Cette décision porte la date du 9 décembre 1996.

[2]      Le requérant a demandé à Hong Kong un visa d'immigrant au Canada dans le cadre des lignes directrices concernant les " travailleurs autonomes ". Un élément fondamental de ces lignes directrices est la définition d'un " travailleur autonome ", que l'on retrouve au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 19781. Le texte de la définition est le suivant :

     " travailleur autonome " s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.         

Le requérant a une longue expérience, d'une quinzaine d'années, en tant que réalisateur/producteur de films. Il proposait d'établir au Canada une entreprise de réalisation de films.

[3]      Voici ce qu'a écrit l'agent des visas dans la lettre annonçant la décision visée par le présent contrôle judiciaire :

     [TRADUCTION]         
     J'ai décidé que vous ne satisfaites pas à la définition d'un travailleur autonome, et ce pour les motifs suivants :         
         Vous n'avez pu montrer, à ma satisfaction, que vous êtes capable d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada. Dans tous les aspects des questions portant à la fois sur votre expérience à Hong Kong et les possibilités prévues d'un travail indépendant au Canada, vos réponses ont été suffisamment vagues pour susciter un doute persistant à l'égard de tous les aspects de votre demande.         
         Malgré la longue expérience que vous avez dans le domaine de la réalisation de films à Hong Kong, l'ampleur, l'étendue et le succès de cette expérience ne me convainc pas que vous disposez de la capacité susmentionnée. De votre aveu, le marché prévu et éventuel qui vous intéresse est un petit créneau qui ne peut vraisemblablement pas vous permettre de travailler de façon autonome comme vous l'envisagez. En outre, vous n'avez pu expliquer comment vous seriez en mesure d'établir et d'exploiter une entreprise au Canada en raison des différences de style et de genre de cinéma qui existent entre le Canada et Hong Kong, pas plus que vous n'avez pu faire valoir que vous seriez en mesure de vous établir dans un milieu artistique et professionnel tout à fait ou nettement différent.         
         Votre rendement dans le domaine des affaires, comme en font foi divers documents fiscaux et comptables, dénote que votre entreprise est de proportions modestes et procure des revenus cycliques, qui dépendent entièrement de l'octroi de contrats ou de projets. Cette entreprise accuse souvent des pertes importantes et, dans l'année financière la plus récente, elle n'a touché que des revenus de location. En outre, vous n'avez pas pu non plus expliquer les aspects fondamentaux de la comptabilité et de la gestion de cette entreprise, et vous avez indiqué que d'autres s'en chargeaient, ce qui dénote que vos capacités de gestion d'une entreprise sont minimes.         
         Dans l'ensemble, vous ne semblez pas avoir une chance raisonnable de contribuer de façon significative à l'économie ou à la vie culturelle ou artistique du Canada. De plus, vous avez fait peu de recherches, sinon pas, sur les possibilités de vous établir à titre de travailleur autonome et, enfin, votre manque de connaissance de l'anglais entraverait dans une large mesure les efforts que vous feriez pour vous établir et exploiter une entreprise au Canada.         
         Étant donné que vous ne correspondez pas à la définition d'un " travailleur autonome ", vous faites partie de la catégorie des personnes non admissibles au Canada qui est décrite à l'alinéa 19(2)d ) de la Loi sur l'immigration, en ce sens que vous ne vous conformez pas aux conditions de la Loi sur l'immigration et du Règlement y afférent. J'ai donc refusé votre demande. ...         
         J'ai pris aussi en considération d'autres facteurs inclus dans votre demande, et je ne vois pas d'autre raison de l'approuver.         

[4]      À l'audience, l'avocat du requérant a fait valoir qu'au vu de l'ensemble des éléments de preuve soumis à l'agent des visas, et plus particulièrement en ce qui concernait la longue expérience du requérant dans le domaine de l'industrie cinématographique à Hong Kong, la décision de cet agent était tout simplement absurde. En outre, toujours selon l'avocat, l'entrevue d'une trentaine de minutes accordée au requérant, compte tenu surtout du fait que cette entrevue était menée par l'entremise d'un interprète et que l'entreprise que le requérant proposait d'établir au Canada était une affaire assez complexe, était tout simplement insuffisante pour que son client puisse défendre complètement sa cause et, à ce titre, constituait un manquement à l'obligation d'équité que l'intimé devait au requérant.

[5]      En réponse, l'avocate de l'intimé m'a renvoyé au très long affidavit de l'agent des visas qui a été déposé en l'espèce, ainsi qu'aux notes manuscrites et produites par ordinateur qui étayent la décision de ce dernier. L'avocate a fait valoir qu'il était raisonnablement loisible à l'agent des visas de se prononcer comme il l'avait fait sur la demande, et ce, indépendamment du fait que je serais arrivé à la même décision ou non eu égard à l'ensemble des éléments de preuve soumis à l'agent. En outre, l'avocate a soutenu que la durée de l'entrevue n'était pas en soi la preuve d'un manque d'équité car les notes manuscrites et produites par ordinateur de l'agent des visas montraient clairement que les questions qui préoccupaient ce dernier, compte tenu de la demande écrite du requérant, avaient été raisonnablement analysées.

[6]      Je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie. Dans l'arrêt Brar c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration2, la Cour écrit ceci :

     Nous estimons que la plaidoirie de l'avocat du requérant ne soulève que des questions ayant trait à la crédibilité et au poids des éléments de preuve et ne fournit aucun fondement légal permettant à cette cour de modifier la décision de la Commission d'appel de l'immigration.         

En l'espèce, hormis l'argument relatif à l'équité, les points invoqués par l'avocat du requérant n'ont soulevé que des questions liées au poids de la preuve. Dans l'arrêt Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)3, le juge en cef adjoint Jerome a étendu le raisonnement exposé dans l'arrêt Brar au contrôle judiciaire des décisions que rendent les agents des visas. Voici ce qu'il indique, à la p. 83 du recueil :

     Une telle révision est différente de celle qui est effectuée dans le cadre d'un appel. Pour réussir, le requérant doit faire plus qu'établir que j'eusse pu prendre une conclusion différente de celle de l'agent des visas dans cette appréciation : il doit établir soit une erreur de droit évidente à la lecture du dossier, soit la violation d'une obligation d'équité applicable à cette appréciation à caractère essentiellement administratif.         

[7]      Si le requérant, dans l'affidavit qu'il a déposé en l'espèce, soutient qu'au cours de son entrevue avec l'agent des visas, ce dernier ne lui a pas donné une occasion pleine et entière de donner certaines explications qu'il souhaitait fournir, la version de l'entrevue que l'on relève dans le propre affidavit de l'agent des visas, et qui est étayé par ses notes, n'indique pas la même chose. L'agent des visas est d'avis que l'entreue a donné au requérant une possibilité entière et équitable de répondre aux sujets de préoccupation qu'avait relevés l'agent des visas en examinant les documents écrits qui lui avaient été fournis. Rien ne me permet de conclure à un manque d'équité dans le processus d'entrevue. Le poids des documents qui m'ont été soumis indique le contraire. La durée d'une entrevue n'est pas en soi un élément déterminant. La question qui compte davantage est la qualité de l'échange qui a lieu lors de l'entrevue, et je ne puis conclure en l'espèce que l'entrevue en question a été moins que complète et équitable.

[8]     

Pour les motifs qui précèdent, j'ai rejeté à l'audience la demande de contrôle judiciaire. Ni l'un ni l'autre des avocats n'ont recommandé que je certifie une question grave de portée générale découlant de cette affaire, et aucune question n'a été certifiée.

     (Signature) " Frederick E. Gibson "

                                             Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

19 novembre 1997

Traduction certifiée conforme

_______________________________

F. Blais, LL.L.

    

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :      WO PING YUEN

                     - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

NE DU GREFFE :              IMM-215-97

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :          18 novembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE GIBSON

en date du 19 novembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Gerald G. Goldstein                  pour le requérant         

     Me Esta Resnick                      pour l'intimé

                    

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Me Gerald G. Goldstein                  pour le requérant

     Evans, Goldstein & Eadie

     Me George Thomson                      pour l'intimé

     Sous-procureur général du Canada

__________________

1.      DORS/78 - 172 (dans sa forme modifiée).

2.      (1988), 5 IMM. L.R. 264 (C.A.F.).

3.      [1989], 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.