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Date : 20010710

Dossier : IMM-2238-00

                                                                                          

                                       Référence neutre : 2001 CFPI 779

ENTRE :

                       PAUL OMOROGBE ELEMAH

                                                                            demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                             défendeur

                      MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[2]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut du réfugié de la Commission de l'immigration et du statut du réfugié (la Commission), datée du 4 avril 2000 et communiquée à Paul Omoragbe Elemah (le demandeur) le 13 avril 2000, par laquelle elle a décidé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2] Paul Omaragbe Elemah est citoyen du Nigeria. Il fonde sa demande sur ses opinions politiques et sur son appartenance à un groupe social particulier, à savoir les personnes appartenant à l'association des commerçants de pièces d'automobile qui, en tant que membres de cette association, ont participé activement à la lutte de la NADECO en faveur de la démocratie au Nigeria.

[3] Le demandeur allègue que, le 1er mai 1998, il a participé à une démonstration pacifique organisée par des membres de son association avec d'autres groupes et personnes en faveur de la démocratie afin de protester contre le maintien du gouvernement militaire au pays et la détention d'opposants politiques du gouvernement. On allègue que de nombreuses personnes ont été arrêtées, dont le leader de la NADECO, le chef Bola Ige, le demandeur et d'autres membres de son association.

[4] Selon le demandeur, il a d'abord été emmené à la caserne d'Ibadan, puis il a été transféré à la caserne Dondan à Lagos, où il aurait été torturé et interrogé pendant six jours. Il aurait été libéré par deux fonctionnaires compatissants, qui lui ont recommandé de se cacher.


[5]         La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention puisque sa réclamation n'était pas fondée objectivement. Elle a également conclu que sa revendication n'était pas un cas auquel le paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) était applicable.

[6]         En particulier, la Commission a accepté que le demandeur était actif dans le mouvement pro-démocratique et a été emprisonné pour ses actions, mais elle a conclu qu'il n'attirerait pas l'attention des autorités dans l'environnement politique actuel au Nigeria. La Commission a indiqué que la preuve documentaire indiquait un progrès continu de la primauté du droit au Nigeria sous un gouvernement civil capable d'assurer la protection de l'État à ses citoyens. Elle a conclu que ces changements étaient assez durables pour satisfaire au critère exposé dans l'arrêt Yusuf. Elle a donc jugé qu'il n'y avait qu'une simple possibilité que le demandeur soit persécuté s'il retournait au Nigeria.

[7]         S'agissant du paragraphe 2(3) de la Loi, la Commission a accepté, sur le fondement de son témoignage, d'un billet de médecin et d'un rapport médical, que le demandeur avait subi des mauvais traitements, y compris la torture, au cours de sa détention et qu'il continue jusqu'à maintenant de subir les effets physiques et psychologiques de la torture. Mais, en indiquant qu'elle était liée par le critère établi dans l'arrêt Obstoj, elle a conclu que les mauvais traitements subis, bien qu'ils soient de la nature de la persécution, n'atteignaient pas un degré tel qu'on puisse les qualifier d' « atroces » et d' « épouvantables » .


[8]         Le demandeur fait valoir que la Commission n'a pas douté de sa crédibilité, ni du fait qu'il avait été persécuté et que c'était ce qui avait entraîné sa fuite du Nigeria.

[9]         Le demandeur fait encore valoir que la Commission a mal compris la preuve et que, par conséquent, sa décision n'était pas fondée sur la totalité de la preuve, mais sur ses propres suppositions et sur des déductions non justifiées. Elle aurait dénaturé les faits et n'aurait pas pris en compte des éléments de preuve fondamentaux.

[10]       Le demandeur plaide que le changement de situation dans le pays ne constitue pas une panacée générale permettant d'écarter la persécution, mais qu'il est plutôt une question de fait à déterminer par rapport au cas particulier du demandeur. En outre, la Commission aurait mal compris la jurisprudence applicable.

[11]       Selon le demandeur, la Commission aurait ignoré par négligence des éléments de preuve documentaire établissant que, malgré des changements dans le pays d'origine du demandeur, les cas de violation des droits de la personne qui se poursuivent joints à son expérience antérieure font que son cas se prête à l'octroi du statut de réfugié selon le paragraphe 2(3) de la Loi.


[12]       Le demandeur soutient que, dans l'application du paragraphe 2(3) de la Loi, elle s'est trompée quant aux faits pertinents à prendre en compte, de sorte qu'elle est arrivée à la conclusion erronée qu'il n'avait pas subi une persécution épouvantable et atroce.

[13]       De son côté, le défendeur soutient qu'il n'existe aucune preuve donnant à penser que la Commission aurait refusé de prendre en compte des éléments de preuve, ignoré des éléments de preuve ou tiré une conclusion erronée à l'égard de la preuve.

[14]       La Commission a simplement décidé que, malgré la preuve fournie par le demandeur quant aux mauvais traitements subis au Nigeria, la situation dans ce pays s'était améliorée au point qu'il ne pouvait plus entretenir une crainte bien fondée de persécution. C'est là une question de fait. La façon dont la Commission a analysé la question ne permet pas de penser qu'elle ait tiré des conclusions de fait absurdes ou arbitraires ou ignoré des éléments de preuve. Ses motifs démontrent plutôt qu'elle a bien compris les questions en cause et les éléments de preuve pertinents.

[15]       Le défendeur plaide que la Commission n'a pas commis d'erreur en concluant que le demandeur n'avait pas subi une persécution « épouvantable » qui lui permettrait de se prévaloir du paragraphe 2(3) de la Loi. Elle a analysé la question avec soin, compte tenu de tous les éléments de preuve pertinents, de la situation personnelle du demandeur et du critère juridique approprié.


[16]       Le défendeur plaide encore que ce n'est pas tout demandeur qui a subi des mauvais traitements, même des mauvais traitements graves, qui peut invoquer le paragraphe 2(3) de la Loi.

[17]       Les questions en litige sont donc de savoir si la Commission a appliqué les bons principes dans son appréciation du changement de situation dans le pays et dans l'application du paragraphe 2(3) de la Loi.

[18]       C'est un principe élémentaire de droit que la question de savoir s'il y a eu un changement de situation dans le pays d'origine suffisant pour écarter ce qui avait été une crainte bien fondée de persécution au moment où le demandeur s'est enfui de son pays est une question de fait qu'il appartient à la Commission de trancher. Dans l'arrêt Yusuf c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 179 N.R. 11 (C.A.F.), autorisation d'appel à la C.S.C. refusée [1995] S.C.C.A. n ° 102, la Cour d'appel fédérale a indiqué ce qui suit à la page 12 :

Nous ajouterions que la question du « changement de situation » risquait, semble-t-il, d'être élevée, erronément, à notre avis, au rang de question de droit, alors qu'elle est, au fond, simplement une question de fait. Un changement dans la situation politique du pays d'origine du demandeur n'est pertinent que dans la mesure où il peut aider à déterminer s'il y a, au moment de l'audience, une possibilité raisonnable et objectivement prévisible que le demandeur soit persécuté dans l'éventualité de son retour au pays. Il s'agit donc d'établir les faits, et il n'existe aucun « critère » juridique distinct permettant de jauger les allégations de changement de situation. L'emploi de termes comme « important » , « réel » et « durable » n'est utile que si l'on garde bien à l'esprit que la seule question à résoudre, et par conséquent le seul critère à appliquer, est celle qui découle de la définition de réfugié au sens de la Convention donnée par l'article 2 de la Loi : le demandeur de statut a-t-il actuellement raison de craindre d'être persécuté? Étant donné qu'en l'espèce il existe des éléments de preuve appuyant la décision défavorable de la Commission, nous n'interviendrons pas.


[19]       Comme l'a fait observer le juge Cullen dans la décision Chkiaou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1995), 92 F.T.R. 49 (1re inst.) à la page 52, la Cour doit hésiter à intervenir à moins que la conclusion de la Commission ne soit vraiment erronée :

Étant donné la directive selon laquelle la question du changement de circonstances donne lieu à une conclusion de fait, la Cour devrait hésiter à intervenir à moins que la conclusion ne soit vraiment erronée. En l'espèce, le fait que la Commission a si peu tenu compte du témoignage oral du requérant et de la preuve documentaire montrant que l'instabilité politique persistait en Moldavie me préoccupe. Toutefois, je ne puis dire que cette conclusion est vraiment erronée. Je ne souscrirais peut-être pas au résultat auquel la Commission est arrivée, mais je ne puis conclure que sa décision n'est pas étayée par la preuve documentaire ou que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire.

[20]       Pour apprécier le changement de la situation dans le pays, il faut déterminer s'il y a eu des changements réels dans la conduite du gouvernement, et non de « simples déclarations » (voir l'arrêt Ahmed c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 156 N.R. 221 (C.A.F.).

[21]       En l'espèce, la Commission a conclu qu'il y a eu un changement de situation qui viciait sa crainte. Elle a fourni des motifs clairs pour décider que la crainte bien fondée que le demandeur a éprouvée dans le passé n'avait plus sa raison d'être et a cité des éléments de preuve documentaire à l'appui de sa conclusion.


[22]       Bien qu'on trouve au dossier certains éléments de preuve documentaire indiquant que les conditions dans les prisons sont encore déplorables et que des incidents de violence surviennent encore, la preuve documentaire appuie de façon raisonnable la conclusion de la Commission qu'il y a eu de grands changements dans l'environnement politique depuis la présidence d'Abubakar et l'élection ultérieure du Président Obasanjo qui ont pour effet de vicier la crainte de persécution du demandeur. En outre, il n'y a pas de preuve péremptoire au dossier indiquant que le changement des conditions dans le pays n'était pas durable.

[23]       Le paragraphe 2(3) de la Loi dispose :


(3) Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa (2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.

(3) A person does not cease to be a Convention refugee by virtue of paragraph 2(e) if the person establishes that there are compelling reasons arising out of any previous persecution for refusing to avail himself of the protection of the country that the person left, or outside of which the person remained, by reason of fear of persecution.


[24]       Dans l'arrêt Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Obstoj, [1992] 2 C.F. 739 (C.A.F.), le juge Hugessen, aux paragraphes 19 et 20, a statué ce qui suit à l'égard du paragraphe 2(3) de la Loi :

Quelle que soit l'interprétation du paragraphe 2(3), elle doit s'étendre à quiconque a été reconnu comme réfugié à un moment donné, même bien après la date de la Convention. Il n'est donc guère surprenant que ce paragraphe doive être interprété comme exigeant des autorités canadiennes qu'elles accordent la reconnaissance du statut de réfugiépour des raisons d'ordre humanitaire à cette catégorie spéciale et limitée de personnes, c'est-à -dire ceux qui ont souffert d'une persécution tellement épouvantable que leur seule expérience constitue une raison impérieuse pour ne pas les renvoyer, lors même qu'ils n'auraient plus aucune raison de craindre une nouvelle persécution.


Les circonstances exceptionnelles envisagées par le paragraphe 2(3) doivent certes s'appliquer uniquement à une petite minoritéde demandeurs actuels. [Non souligné dans l'original.]

[25]       Reconnaissant les principes exposés dans l'arrêt Obstoj, précité, la Cour a indiqué ce qui suit dans la décision Hassan c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 77 F.T.R. 309 à la page 312 à l'égard de la portée du paragraphe 2(3) de la Loi :

Bien qu'un grand nombre de demandeurs du statut de réfugié pourront s'estimer visés par le paragraphe 2(3), on doit se souvenir que toute forme de persécution est associée, par définition, à la mort, à des blessures physiques ou à d'autres sévices. Le paragraphe 2(3), tel qu'il a été interprété, ne s'applique qu'à des cas extraordinaires de persécution si exceptionnelle que même l'éventualité d'un changement de contexte ne justifierait pas le renvoi du requérant.

[26]       Monsieur le juge Lemieux, dans la décision Ogbebor c. MCI, [2001] A.C.F. n ° 770 (1re inst.) (QL), après avoir cité les extraits souvent cités de l'arrêt Obstoj, précité, et de la décision Hassan, précitée, a récemment passé en revue la jurisprudence relative au paragraphe 2(3) de la Loi :

Récemment, dans l'arrêt Yamba c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. n ° 457, la Cour d'appel fédérale a examiné une question liée au paragraphe 2(3) de la Loi.

Dans l'affaire Yamba, précitée, Monsieur le juge Robertson a conclu que la Section du statut de réfugié est tenue d'examiner l'applicabilité du paragraphe 2(3) de la Loi une fois qu'elle est convaincue que le statut de réfugié ne peut être revendiqué en raison d'un changement touchant la situation au pays selon l'alinéa 2(2)e). De plus, selon le juge Robertson,     

Cette conclusion n'enlève rien au fait que le paragraphe 2(3) impose au demandeur du statut de réfugiéle fardeau « d'établir qu'il existe des raisons impérieuses » de ne pas retourner dans le pays oùil était antérieurement persécuté. [Non soulignéà l'original.]


Par ailleurs, dans l'affaire Arguello-Garcia c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 64 F.T.R., Monsieur le juge McKeown a examiné l'objet et la portée du paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration.

En ce qui a trait à l'objet, le juge McKeown a cité le Guide HCR des procédures pour dire que le paragraphe 2(3) est fondé sur un principe humanitaire général qui permet à une personne ayant subi de graves mesures de persécution dans le passé d'obtenir et de conserver le statut de réfugié malgré l'évolution fondamentale de la situation dans son pays d'origine. Le juge McKeown a cité l'extrait suivant du Guide au paragraphe 10 :

Il est fréquemment admis que l'on ne saurait s'attendre qu'une personne qui a étévictime -ou dont la famille a étévictime -de formes atroces de persécution accepte le rapatriement. Même s'il y a eu un changement de régime dans le pays, cela n'a pas nécessairement entraînéun changement complet dans l'attitude de la populationni, compte tenu de son expérience passée, dans les dispositions d'esprit du réfugié.

S'arrêtant aux « formes atroces de persécution » dont il est fait mention dans le Guide HCR des procédures et à la « persécution tellement épouvantable » à laquelle le juge Hugessen a fait allusion dans l'affaire Obstoj, le juge McKeown a examiné le sens de ces deux mots (atroces et épouvantable) et s'est exprimé comme suit au paragraphe 12 :        

Àmon avis, la torture et l'agression sexuelle dont a souffert le requérant ... sont des actes qu'on peut certainement qualifier d' « épouvantables » et d' « atroces » ...le droit à la protection contre la torture et le traitement cruel, inhumain et infamant est un droit fondamental qui bénéficie de la plus grande protection internationale.

(Dans cette affaire, le juge McKeown a statué que le demandeur avait été détenu pendant 45 jours et qu'il avait été victime de sévices corporels graves et d'actes d'agression sexuelle, en plus d'être ébranlé par le meurtre de certains membres de sa famille).

Le juge McKeown a également conclu que le tribunal n'avait pas tenu compte des effets négatifs ou psychologiques des actes de persécution antérieurs. Selon le juge, le tribunal était saisi d'une preuve abondante indiquant que le demandeur avait continué à subir un préjudice psychologique grave par suite de la persécution dont lui-même et les membres de sa famille avaient fait l'objet au Salvador; ainsi, d'après un rapport psychiatrique déposé en preuve à l'audience, le demandeur souffrait d'un syndrome de stress post-traumatique lié aux massacres ainsi qu'aux actes de persécution et de torture dont lui-même et sa famille avaient été victimes.

[...]

Pour sa part, dans l'affaire Shahid c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 89 F.T.R. 106, Monsieur le juge Noël a conclu son analyse par ces remarques au paragraphe 25 :            


Il est clair, à la lumière des décisions Obstoj et Hassan, supra, que la Commission a commis une erreur en interprétant le paragraphe 2(3) comme ne s'appliquant qu'aux personnes qui craignent toujours d'être persécutées. Une fois qu'elle a entrepris d'examiner la demande du requérant au regard du paragraphe 2(3), la Commission est tenue de prendre en considération le degréd'atrocitédes actes dont il a étéla victime et les répercussions de ces actes sur son état de santéphysique et mental et de décider si cette expérience à elle seule constitue une raison impérieuse de ne pas le renvoyer dans son pays d'origine... Même si je doute fortement que le revendicateur soit en mesure, en l'espèce, de respecter le critère de base élevéétabli par la jurisprudence, il appartient à la Commission de trancher cette question après avoir examinétous les facteurs pertinents.

[27]             En l'espèce, la Commission a conclu, correctement à mon avis, que, par suite du changement de la situation au Nigeria, il n'y avait plus de fondement objectif à la crainte qu'il serait persécuté s'il y retournait. La Commission a donc examiné, comme il convenait de le faire, la question de savoir si la nature de la persécution qu'il avait subie lui permettait de se prévaloir du paragraphe 2(3) de la Loi.

[28]             Cependant, la Commission a commis une erreur en disant qu'elle était liée par le critère établi dans l'arrêt Obstoj, précité. Dans cet arrêt, la Cour n'a pas établi un critère exigeant que la persécution atteigne un degré tel qu'on puisse la qualifier d' « atroce » et d' « épouvantable » . Plutôt, la Commission doit considérer de façon approfondie toute la preuve documentaire et orale, notamment la nature des incidents de torture et les rapports médicaux fournis par les parties pour évaluer, comme le prévoit la Loi, s'il existe des « raisons impérieuses » de ne pas le renvoyer.


[29]       En l'espèce, la Commission a jugé le témoignage du demandeur crédible. Elle aurait donc dûexaminer à fond ce témoignage afin de faire une bonne évaluation à l'égard du paragraphe 2(3) de la Loi. De manière étonnante, la Commission a choisi d'indiquer, sommairement, les éléments de preuve qu'elle a considérés. Elle n'a pas traité suffisamment d'un rapport médical détaillé établi par le Dr J. Pilowsky, qui affirmait clairement que le demandeur souffrait de symptômes du syndrome de stress post-traumatique et de dépression. En particulier, le diagnostic du Dr J. Pilowsky indiquait :

[traduction] M. Elemah souffre manifestement de certains symptômes de dépression, qui sont consécutifs à sa situation actuelle d'incertitude, et à son expérience de la torture et de la violence. Une partie de sa dépression est liée à son inquiétude au sujet de sa douleur et il craint énormément qu'en vieillissant, il ne soit plus capable de marcher. Il y a des indications d'une préoccupation somatique à cet égard, comme M. Elemah m'a dit qu'il va voir son médecin tous les mois avec quelque plainte d'ordre physique.

En outre, M. Elemah souffre de symptômes du syndrome de stress post-traumatique (309.81 dans le DSM IV). Le SSPT est un trouble très grave et souvent chronique caractérisé par des réponses d'anxiété à un facteur de stress traumatique relié à un danger de mort. Comme la plupart des patients atteints du SSPT, M. Elemah souffre de cauchemars liés à des thèmes et de la rumination de son traumatisme, ainsi que plusieurs symptômes d'hypervigilance : insomnie, sursauts, anxiété généralisée. Il a également des comportements d'évitement, tactique employée pour éviter les situations qui provoquent des émotions.

Les personnes atteintes du SSPT sont très portées à revivre le traumatisme et si M. Elemah devait être déporté, les symptômes pourraient s'accentuer.


[30]       Sur le fondement de ce qui précède, il est clair que la Commission a commis une erreur dans son application et son interprétation de la jurisprudence et de la Loi. La décision de la Commission est donc annulée et la demande est renvoyée à une Commission différemment constituée en vue d'un nouvel examen.

                                                           

                        « Paul Rouleau »                

           JUGE

OTTAWA (Ontario)

10 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


Date : 20010710

Dossier : IMM-2238-00

                                                                                                

OTTAWA (Ontario), le 10 juillet 2001

EN PRÉSENCE DE : Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                         PAUL OMOROGBE ELEMAH

                                                                              demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                                  défendeur

                                   ORDONNANCE

[3]              La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué en vue d'un nouvel examen.

                                                           

                        « Paul Rouleau »                

     JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                    IMM-2238-00                                

INTITULÉ :                                            Paul Omorogbe Elemah c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :             le 17 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                   le 10 juillet 2001

COMPARUTIONS:

M. Kingsley I. Jesuorobo                       POUR LE DEMANDEUR

M. David Tyndale                                   POUR LE DÉFENDEUR                      

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Kingsley I. Jesuorobo                       POUR LE DEMANDEUR

Avocat

North York (Ontario)

M. Morris Rosenberg                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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