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Date : 20000831


Dossier : IMM-5505-99


Toronto (Ontario), le 31 août 2000

En présence de Monsieur le juge McKeown


Entre :


NICOLAE BUDOIU


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



O R D O N N A N C E


     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à la Commission pour qu'une formation différemment constituée statue à son tour sur celle-ci d'une façon qui n'est pas incompatible avec les présents motifs.


« W. P. McKeown »

                                             J.C.F.C.



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000831


Dossier : IMM-5505-99


Entre :


NICOLAE BUDOIU


demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE MCCKEOWN


[1]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire d'une décision, datée du 4 mai 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié (la SSR) a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Les trois questions litigieuses sont de savoir :

     1.      si la Commission a commis une erreur de droit en imposant au demandeur une norme de preuve trop stricte en déterminant s'il était un Tsigane ou non;
     2.      si le bon critère a été utilisé pour déterminer s'il serait perçu comme un Tsigane;
     3.      si le demandeur courrait un risque du fait qu'il n'a pas fait son service militaire.

[3]      En ce qui concerne la première question litigieuse, la Commission a tiré la conclusion suivante : [TRADUCTION] « sur le fondement de la preuve, la formation ne conclut pas définitivement que le revendicateur est un Tsigane » . La Commission a poursuivi en disant que [TRADUCTION] « la formation accepte qu'il se peut que le revendicateur ait des origines tsiganes » . Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en imposant une norme plus stricte en matière d'origine ethnique lorsqu'elle a utilisé le terme « définitivement » .

[4]      À mon avis, si la Commission n'avait pas longuement traité de l'affaire, on pourrait dire qu'elle avait effectivement imposé une norme plus stricte au demandeur. Cependant, compte tenu de la preuve, j'estime que la formation pouvait à bon droit conclure que le demandeur n'était pas un Tsigane. Ses parents parlaient tous les deux la langue des Tsiganes, mais le demandeur était incapable de témoigner au sujet d'une seule coutume ou tradition tsigane. Son témoignage au sujet de son parler et sa tenue vestimentaire était vague. Il n'a pu répondre aux questions que les membres de la formation lui ont posées quant à savoir comment on pourrait l'identifier comme étant un Tsigane. Comme l'a fait remarquer le défendeur, la seule preuve établissant que le demandeur est un Tsigane était sa carte de membre de l'organisme Christian Organization of Roma of Romania (C.O.R.E.), qui tenait des assemblées auxquelles le demandeur n'avait jamais assisté. De plus, le demandeur a obtenu sa carte de membre du C.O.R.E. seulement après avoir quitté la Roumanie.

[5]      Après avoir conclu que le demandeur n'était pas « définitivement » un Tsigane, la Commission a traité de la question de savoir si le demandeur serait perçu comme un Tsigane. La Commission a dit que [TRADUCTION] « même s'il est un Tsigane, on ne peut d'emblée l'identifier comme étant un Tsigane, de sorte qu'il ne court pas un autre risque à ce titre. Il est clair que les membres de la famille du revendicateur n'étaient pas identifiés comme étant tsiganes et qu'ils ont été en mesure de se doter d'une situation financière relativement enviable. » .

[6]      Le demandeur se fonde sur la décision Pluhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 174 F.T.R. 153 (1re inst.). Je suis d'accord avec l'avis du juge Evans, qui dit au paragraphe 10 que « [i]l est fondamentalement dangereux pour les membres de la Commission de décider si les gens dans un autre pays percevraient un revendicateur comme étant d'une origine ethnique particulière en se fondant uniquement sur l'observation de la personne en cause par les membres de la Commission » . À mon avis, cependant, la Commission ne s'est pas simplement fondée sur son observation de la personne en cause. La Commission s'est demandée s'il pouvait dire avec un quelconque degré de certitude si son identité tsigane le distinguerait des autres Roumains, en Roumanie. Il a répondu : [TRADUCTION] « je ne sais pas quoi vous dire » . On lui a plus tard demandé si les gens, à Bucarest, sauraient qu'il est un Tsigane, ce à quoi il a répondu : [TRADUCTION] « probablement pas » .

[7]      La Commission n'aurait pas dû utiliser les mots [TRADUCTION] « on ne peut d'emblée l'identifier » . Dans le contexte de l'affaire, les membres de la formation auraient pu dire qu'ils estimaient que le demandeur n'était pas perçu comme étant un Tsigane.

[8]      En plus de tirer les conclusions dont j'ai déjà traité, la Commission a conclu que [TRADUCTION] « il se peut que le revendicateur ait des origines tsiganes » . Si la Commission pouvait percevoir le demandeur comme un Tsigane, on doit alors se demander si les racistes et les fanatiques par qui le demandeur craignait d'être persécuté parviendraient également à la conclusion qu'il pouvait être un Tisgane.

[9]      Cette troisième conclusion est particulièrement importante au regard de la troisième question, qui est de savoir si le demandeur courrait un risque du fait qu'il n'a pas fait son service militaire. En ce qui concerne le service militaire, voici l'ensemble des conclusions de la Commission :

[TRADUCTION] La formation concède qu'il se pourrait que le revendicateur soit persécuté du fait qu'il a évité de faire son service militaire. L'exigence selon laquelle on doit faire son service militaire est une loi d'application générale qui s'applique à tous les Roumains d'un certain âge. La formation n'estime pas que cette loi constitue en soi de la persécution, et comme la formation n'a pas conclu que le revendicateur avait établi qu'il pouvait être identifié comme étant Tsigane et que, partant, il risque grandement d'être persécuté pour ce motif, elle n'estime pas que le fait que le demandeur doive éventuellement faire son service militaire constitue de la persécution.

[10]      Le juge McGuigan a énoncé dans l'arrêt Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 3 C.F. 540 (C.A.), à la page 552, certaines propositions générales au sujet du statut d'une loi ordinaire d'application générale lorsqu'il s'agit de trancher la question de savoir si l'intéressé serait persécuté. La proposition pertinente en l'espèce est la suivante :

1)      La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l'objet (ou tout effet principal) d'une loi ordinaire d'application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l'existence d'une persécution.

Dans la présente affaire, la Commission n'a pas analysé l'effet principal de la loi militaire. À mon avis, la Commission aurait dû analyser la question de savoir pourquoi le service militaire ne constituait pas en soi de la persécution, et ce en raison de deux déclarations qu'elle a faite dans sa décision. La Commission a accepté qu'il se pouvait que le demandeur ait des origines tsiganes et elle a également fait remarquer qu'il se pouvait qu'il soit poursuivi parce qu'il avait évité de faire son service militaire. Il ne fait aucun doute que si le demandeur avait des origines tsiganes, cela lui ferait courir un plus grand risque. Cependant, nous ignorons ce que la Commission pensait de cette question, les membres de la formation ayant dit que le demandeur n'avait pas établi que l'on pouvait l'identifier comme étant un Tsigane. Le demandeur n'était pas tenu de dire à la Commission pourquoi il serait perçu comme un Tsigane par les autorités militaires. Il n'est pas surprenant que le demandeur a dit qu'il ignorait pourquoi les autorités militaires persécutaient les Tsiganes. Cependant, après avoir conclu qu'il se pouvait que le demandeur ait des origines tsiganes, la Commission devait analyser la question de savoir pourquoi le demandeur ne courrait pas de risque, d'autant plus qu'elle avait reconnu que les Tsiganes subissaient des difficultés au sein de l'armée. La question de savoir si l'effet de la loi à l'égard du demandeur constituerait de la persécution n'a pas été abordée. La Commission avait l'obligation d'examiner cette question, particulièrement étant donné que le demandeur avait témoigné qu'il avait des problème de conscience du fait que l'armée ne protégeait pas les Tsiganes. De plus, le demandeur craignait qu'il serait maltraité au sein de l'armée en raison de son origine ethnique. Compte tenu de l'arrêt Zolfagharkhani, précité, il s'agissait d'une opinion politique véritable.

[11]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à la Commission pour qu'une formation différemment constituée statue à son tour sur celle-ci, mais d'une façon qui ne sera pas incompatible avec les présents motifs.

[12]      Compte tenu des motifs, il n'y a pas lieu de certifier aucune des questions identifiées à cette fin.



« W. P. McKeown »

                                             J.C.F.C.


Toronto (Ontario)

Le 31 août 2000.









Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-5505-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :          NICOLAE BUDOIU

                     - c. -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :          LE LUNDI 14 AOÛT 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN


EN DATE DU :              JEUDI 31 AOÛT 2000


ONT COMPARU :

M. Michael Crane                          Pour le demandeur

Mme Amina Riaz                          Pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Barrister & Solicitor

166, rue Pearl, pièce 200

Toronto (Ontario)

M5H 1L3                              Pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  Pour le défendeur

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