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Date : 20010411

Dossier : IMM-2502-00

                                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 321

ENTRE :

                                                              JIANNIAN DONG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]                La présente demande en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de l'agente des visas (l'agente) en date du 28 avril 2000, par laquelle elle rejetait la demande de résidence permanente du demandeur (la décision).


Le contexte

[2]         Le demandeur est citoyen de la République populaire de Chine (la Chine). En 1978, il a commencé des études de génie au East China Institute of Technology (l'Institut) à Nanjing, en Chine, avec une spécialisation en radio. Il a suivi des cours de l'Institut de décembre 1978 à juillet 1981, soit pendant deux ans et sept mois. En 1981, il a obtenu un diplôme de génie (le diplôme), mais il n'a pas passé les examens menant au baccalauréat.

[2]                Après avoir obtenu son diplôme, le demandeur a continué à travailler à l'Institut. Ses fonctions consistaient à entretenir et à réparer l'équipement électrique utilisé par les étudiants, ainsi qu'à concevoir des circuits électriques et à participer à leur installation.

[3]                En 1986, le demandeur a reçu l'appui de son employeur pour entreprendre un programme de maîtrise ès sciences à l'Institut, avec une spécialisation en balistique. Après un programme d'études de deux ans et quatre mois, il a obtenu sa maîtrise ès sciences en 1989 (la maîtrise). Suite à l'obtention de ce diplôme, le demandeur a continué à travailler à l'Institut. En 1994, il a reçu des responsabilités additionnelles et, en 1998, il avait le statut d'ingénieur principal.

[4]                En octobre 1998, le demandeur a fait une demande de résidence permanente au Canada, dans la catégorie des indépendants et dans la profession d'ingénieur électronicien. À l'appui de sa demande, il a fait évaluer ses études de façon informelle par le Conseil canadien des ingénieurs (le CCI). Dans l'affidavit qu'il a souscrit le 23 juin 2000, le demandeur déclare que le CCI [traduction] « a accepté que mes études me qualifiaient comme ingénieur au Canada » .


[5]                Le 27 avril 2000, le demandeur a été reçu en entrevue par l'agente au consulat du Canada à Hong Kong. Le jour suivant, l'agente a rendu sa décision et elle n'a accordé que 68 points d'appréciation au demandeur. Comme le demandeur n'avait pas obtenu les 70 points exigés, l'agente a rejeté sa demande de résidence permanente.

Les questions en litige

[7]         Le demandeur déclare que l'agente a commis une erreur en ne lui accordant que 13 points au lieu de 16 pour ses études. De plus, il soutient qu'elle a commis une erreur en prenant une décision déroutante. Finalement, le demandeur déclare que l'agente a commis une erreur en ne lui accordant que cinq points sur un total possible de dix pour la personnalité. Je vais traiter chaque question successivement.

Les études

[8]         Le facteur no 1 de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) contient le barème d'évaluation des études d'un demandeur. L'agente a déterminé que la disposition applicable était le sous-alinéa (1)c)(ii) et elle a accordé 13 points au demandeur. L'article 1 du facteur no 1 est rédigé comme suit :

(1) Sous réserve des paragraphes (2) à (4), des points d'appréciation sont attribués selon le barème suivant :

a) lorsqu'un diplôme d'études secondaires n'a pas été obtenu, aucun point;

b) lorsqu'un diplôme d'études secondaires a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :


(i) si le diplôme ne rend pas le titulaire admissible à des études universitaires et ne lui confère pas de qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 5 points,

(ii) si le diplôme rend le titulaire admissible à des études universitaires dans le pays où il a été obtenu, 10 points,

(iii) si le diplôme confère une qualification de membre d'un corps de métier ou d'un groupe professionnel dans le pays où il a été obtenu, 10 points;

c) lorsqu'un diplôme ou un certificat d'apprentissage d'un collège, d'une école de métiers ou de tout autre établissement postsecondaire, qui comporte au moins un an d'études à temps plein en salle de cours, a été obtenu, le plus élevé des nombres de points applicables suivants :

(i) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé aux sous-alinéas b)(i) ou (iii), 10 points,

(ii) si le programme d'études menant à un tel diplôme ou certificat exige un diplôme d'études secondaires visé au sous-alinéa b)(ii), 13 points,

d) lorsqu'un diplôme universitaire de premier cycle, comportant au moins trois ans d'études à temps plein, a été obtenu, 15 points;

e) lorsqu'un diplôme universitaire de second ou de troisième cycle a été obtenu, 16 points.

                                                                                        [je souligne]

[6]                Le demandeur soutient que l'agente a commis une erreur en lui accordant 13 points pour son diplôme en vertu du sous-alinéa (1)c)(ii) du facteur no 1. Le demandeur déclare qu'au vu de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Hameed c. M.C.I. [2001] J.C.F. no 10 (C.A.) (QL), les alinéas 1d) et 1e) doivent être interprétés indépendamment l'un de l'autre. Il déclare donc qu'il aurait dû recevoir 16 points en vertu de l'alinéa 1e) pour son diplôme de deuxième cycle, la maîtrise, même s'il reconnaît ne pas avoir obtenu un diplôme de premier cycle.

[7]                Dans l'affaire Hameed, le demandeur avait obtenu un baccalauréat ès arts de l'Université de Karachi, au terme d'études à temps partiel qui ont duré deux ans et cinq mois, de même qu'une maîtrise ès arts, qu'il a également obtenue au terme d'études à temps partiel qui ont duré deux ans et trois mois. L'agent qui a évalué M. Hameed lui a accordé 13 points d'appréciation sur le fondement de ses diplômes d'études secondaires et de génie, mais il a refusé de lui accorder les points liés à ses diplômes de premier et de deuxième cycle, étant donné que son diplôme de premier cycle avait exigé moins de trois ans d'études à temps plein, critère établi par l'alinéa 1d). La Cour a conclu que les alinéas 1d) et 1e) devaient être interprétés indépendamment l'un de l'autre et que, par conséquent, le demandeur avait droit aux points d'appréciation pour son diplôme de deuxième cycle en vertu de l'alinéa 1e), même si son diplôme de premier cycle ne correspondait pas à ce qui est prescrit par l'alinéa 1d).

[8]                Toutefois, dans l'arrêt Hameed la Cour d'appel n'a examiné que la question de savoir si un demandeur qui avait obtenu un diplôme de premier cycle n'exigeant pas les trois années d'études prescrites par l'alinéa 1d) pouvait recevoir des points pour un diplôme de deuxième cycle en vertu de l'alinéa 1e). La Cour n'a pas envisagé le problème qui se pose ici, savoir si un demandeur qui ne possède pas un diplôme de premier cycle peut obtenir 16 points d'appréciation pour un diplôme de deuxième cycle en vertu de l'alinéa 1e).


[9]                Selon moi, lorsqu'on interprète l'alinéa 1e) indépendamment, comme l'exige l'arrêt Hameed, on voit qu'il y a lieu d'accorder 16 points d'appréciation pour l'obtention d'un diplôme universitaire de deuxième (ou de troisième) cycle. Normalement, on ne peut obtenir au Canada un diplôme de deuxième cycle lorsqu'on ne possède pas déjà un diplôme de premier cycle. Par conséquent, l'existence même d'un diplôme de deuxième cycle est fondée par implication nécessaire sur l'existence d'un diplôme de premier cycle. Selon l'arrêt Hameed, le diplôme de premier cycle ne doit pas nécessairement comporter trois années d'études à temps plein, mais, selon moi, le diplôme de premier cycle doit quand même exister et on ne peut le remplacer par une combinaison d'autres études. Par conséquent, je conclus qu'un demandeur doit posséder un diplôme de premier cycle afin d'obtenir les points d'appréciation prévus pour un diplôme de deuxième cycle. Ceci veut dire que c'est à bon droit que le demandeur en l'instance a reçu 13 points d'appréciation pour son diplôme.

[10]            Il me faut faire remarquer que dans des affaires comme celles-ci, où les établissements d'enseignement dans le pays d'un demandeur octroient des diplômes de deuxième cycle en l'absence d'un diplôme de premier cycle, et dans une situation comme la présente où le CCI entérine les études d'un demandeur, un agent pourrait tout à fait exercer de manière favorable le pouvoir discrétionnaire de délivrer un visa que lui confère l'alinéa 11(3)a) du Règlement. Une telle décision n'a toutefois pas été prise dans le cas présent.

La confusion


[14]       Le demandeur soutient que l'évaluation de l'agente doit être annulée en ce qu'elle est déroutante, puisque le demandeur n'a reçu que 13 points d'appréciation au motif qu'il n'avait pas de baccalauréat mais seulement le diplôme, alors qu'on lui accordait cinq points pour la demande professionnelle qui exige normalement qu'un demandeur ait un baccalauréat. Toutefois, je ne suis pas convaincue que cette contradiction est venue dérouter le demandeur. Comme il savait qu'il ne possédait pas un baccalauréat, il savait aussi que l'agente avait commis une erreur en lui accordant cinq points auxquels il n'avait pas droit. La Classification nationale des professions de 1992 indique clairement, au poste 2133, qu'un demandeur doit avoir un baccalauréat pour satisfaire au facteur de la demande professionnelle. On y trouve notamment ce qui suit :

Conditions d'accès à la profession

·                Un baccalauréat en génie électrique ou électronique ou dans une discipline connexe du génie est exigé.

La personnalité

[15]       Comme dernier argument, l'avocat du demandeur a déclaré que l'agente a commis une erreur dans l'évaluation de la personnalité du demandeur en lui tenant rigueur de ne pas avoir visité le Canada. Toutefois, je ne suis pas convaincue que ce fait, qui est mentionné dans les notes STIDI, a joué un rôle négatif dans la décision. J'interprète les notes plutôt comme voulant dire que ce facteur était neutre plutôt que positif. Voici la seule mention de ceci que l'on trouve dans les notes :

[traduction]

L'IE n'est jamais venu au Canada. L'IE déclare qu'un ami va l'aider. L'IE déclare aussi qu'il a fait une recherche d'emploi par Internet (une certaine preuve a été présentée à l'entrevue). L'IE déclare qu'il suit des cours d'anglais pour améliorer ses compétences linguistiques (aucune preuve de ce fait n'a été présentée à l'entrevue). Il a fait part d'un certain niveau de motivation et d'initiative.

[11]            Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


La certification

[17]       J'ai examiné la question de savoir si la réponse à la question certifiée susmentionnée permettrait de trancher cet appel et j'ai décidé que c'était le cas. Je suis arrivée à cette conclusion compte tenu du fait que le demandeur a reçu cinq points auxquels il n'avait pas droit pour la demande professionnelle, ce qui ramène le total à 63 points. Toutefois, si la Cour d'appel devait conclure qu'il a droit à 16 points pour sa maîtrise plutôt qu'aux 13 points qu'il a reçus pour son diplôme, il aurait 66 points. Il se peut aussi qu'avec de meilleures notes pour ses études et un diplôme de maîtrise reconnu, il recevrait plus de points pour la personnalité. Dans un tel cas, même s'il n'avait aucun point pour la demande professionnelle, le pouvoir discrétionnaire de lui accorder un visa en vertu de l'alinéa 11(3)a) du Règlement pourrait être exercé de façon favorable. En conséquence, si son appel est accueilli, la Cour d'appel pourrait juger qu'il y a lieu de renvoyer sa demande pour nouvel examen par un agent des visas différent.

[12]            Les avocats du demandeur et du défendeur ont demandé la certification de la question suivante, que j'accepte comme question grave de portée générale et que je vais certifier dans l'ordonnance qui accompagne ces motifs.


En vertu de l'annexe I du Règlement sur l'immigration de 1978, un demandeur doit-il nécessairement détenir un diplôme universitaire de premier cycle avant qu'on puisse lui accorder des points en vertu de l'alinéa 1e) du facteur études pour un diplôme de deuxième cycle?

« Sandra J. Simpson »

Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 11 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                     JIANNIAN DONG

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

No DU GREFFE :                               IMM-2502-00

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Vancouver (C.B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 2 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                  MADAME LE JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                                              le 11 avril 2001

ONT COMPARU

M. Dennis Tanack                                                      pour le demandeur

Mme Rama Sood                                                          pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dennis Tanack                                                            pour le demandeur

Avocat

Vancouver (C.B.)

Morris Rosenberg                                                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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