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                                                                                                                                            Date : 20020207

                                                                                                                                  Dossier : IMM-408-02

Ottawa (Ontario), le 7 février 2002

ENTRE :

                                                                     O'NEIL GRANT

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                                     ORDONNANCE

SUR PRÉSENTATION D'UNE REQUÊTE au nom du demandeur afin d'obtenir un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi prise contre lui;

ET APRÈS avoir lu le dossier déposé devant la Cour;

ET APRÈS avoir entendu les avocats des parties au cours d'une conférence téléphonique;

LA COUR ORDONNE :

La demande visant à obtenir un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

« Michael A. KELEN »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


                                                                                                                                            Date : 20020207

                                                                                                                                  Dossier : IMM-408-02

                                                                                                               Référence neutre : 2002 CFPI 141

ENTRE :

                                                                     O'NEIL GRANT

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]         Le demandeur, O'Neil Grant, a sollicité une ordonnance qui surseoirait à l'exécution de la mesure de renvoi du Canada à la Jamaïque dont il est frappé. J'ai lu et examiné attentivement tous les éléments de preuve présentés par les parties et ai entendu leurs avocats.


[2]         Il n'est pas nécessaire, en l'espèce, d'examiner la longue histoire du demandeur (son statut d'immigrant et ses déclarations de culpabilité criminelle qui ont des incidences sur son statut au Canada). Dans sa décision de 30 pages, datée du 21 juin 2001, la Section d'appel de l'immigration (la SAI) a exposé en détail les faits qui sous-tendent la présente affaire.

CRITÈRE APPLICABLE POUR L'OBTENTION D'UN SURSIS

[3]         Pour que sa requête visant à obtenir une ordonnance de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi soit accueillie, le demandeur doit satisfaire aux exigences du critère à trois volets établi par la Cour d'appel fédérale dans Toth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123 (C.A.F.), et par la Cour suprême du Canada dans RJR-MacDonald Inc. c. Procureur général du Canada et autres, [1994] 1 R.C.S. 311, [1994] A.C.S. no 17 (C.S.C.) : existence d'une question grave à juger, existence d'un préjudice irréparable pour le demandeur, causé par son expulsion, et prépondérance des inconvénients jouant en faveur du demandeur.

QUESTION GRAVE : ARTICLE 7 DE LA CHARTE

[4]         Dans la présente affaire, le demandeur prétend que la question grave est de savoir si son expulsion portera atteinte aux droits que lui reconnaît l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), qui se lit comme suit :



Vie, liberté et sécurité

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Life, liberty and security of person

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.


Il est bien établi dans la jurisprudence que les exigences de la Loi sur l'immigration n'enfreignent pas l'article 7 de la Charte. Le juge Sopinka a écrit, dans Chiarelli c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 R.C.S. 711, aux paragraphes 24 et 25 :

[...] [L]e principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non-citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer. En common law, les étrangers ne jouissent pas du droit d'enter au pays ou d'y demeurer : R. c. Governor of Pentonville Prison, [1973] 2 All E.R. 741; Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration, [1976] 1 R.C.S. 376.

Le juge La Forest a répété ce principe dans l'arrêt récent Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), précité, à la p. 834 :

Le gouvernement a le droit et le devoir d'empêcher des étrangers d'entrer dans notre pays et d'en expulser s'il le juge à propos. Évidemment, ce droit existe indépendamment de l'extradition. Si un étranger dont le dossier criminel grave est notoire tente d'entrer au Canada, on peut lui refuser l'entrée. De la même façon, il pourrait être déporté une fois entré au Canada.

[...]

S'il en était autrement, le Canada pourrait devenir un refuge pour les criminels et les autres personnes que, légitimement, nous ne voulons pas avoir parmi nous.

[5]         De plus, la Charte n'accorte pas au demandeur un droit absolu de rester au Canada en raison de sa mauvaise santé et du fait qu'il recevrait de meilleurs soins médicaux au Canada que dans son pays natal. Le juge Décary, qui a rendu le jugement de la Cour d'appel fédérale dans Steven Romans c. M.C.I., [2001] A.C.F. no 1416, 2001 CAF 272 (C.A.F.), a dit au paragraphe 2 :


Le fait que l'appelant réside au Canada depuis sa petite enfance, qu'il n'ait établi aucun domicile à l'extérieur du Canada et qu'il souffre de schizophrénie paranoïde chronique ne lui confère pas le droit absolu de rester au Canada, ce droit étant accordé uniquement aux citoyens canadiens au paragraphe 6(1) de la Charte.

[6]         Je suis convaincu que le demandeur a exercé les droits que lui confère le Canada, qu'il a été traité avec équité et que tant la SAI que le ministère de l'Immigration ont correctement examiné son dossier. Par conséquent, le droit du demandeur à la vie, à la liberté et à la sécurité, auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale, a été respecté. Le demandeur a été traité selon les principes d'équité fondamentale.

[7]         Le demandeur avait antérieurement demandé à la SAI de réexaminer sa décision. La SAI a répondu à cette demande avant l'audition de la présente demande de sursis et a dit qu'elle ne réexaminerait pas sa décision. Dans la présente affaire, l'exécution de la mesure de renvoi ne portera pas atteinte aux recours subséquents du demandeur. Celui-ci peut continuer d'exercer ses recours de la Jamaïque par l'intermédiaire de son avocat au Canada. Par conséquent, il n'y a pas absence d'équité procédurale qui soulèverait une question grave, premier volet du critère de Toth. Il n'y a donc pas de question grave à juger en l'espèce.


PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[8]         Un principe fondamental du droit de l'immigration est que les non-citoyens n'ont pas le droit de demeurer au Canada. Le Canada n'est pas, et ne deviendra pas, un refuge pour les criminels. Si un non-citoyen commet un crime, il peut perdre son droit de demeurer au Canada. La jurisprudence a établi, d'une part, qu'une maladie mentale ou autre ne donne pas le droit à un étranger de demeurer au Canada et, d'autre part, que les activités criminelles, la consommation de drogues et la maladie ne peuvent servir de fondement à une demande qui invoque le préjudice irréparable. Les éléments de preuve fournis par le demandeur au sujet du préjudice irréparable qu'il subira en raison de sa séparation de ses enfants, de la suspension de son traitement du SSPT et de son absence de domicile en Jamaïque sont, le moins qu'on puisse dire, théoriques et la SAI s'est longuement penchée sur ces questions dans sa décision initiale.

[9]         Je suis convaincu qu'en l'espèce le demandeur ne subirait aucun préjudice irréparable en raison de son expulsion. La preuve du préjudice irréparable doit être claire et ne doit pas reposer sur des conjectures.

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS


[10]       Finalement, en ce qui concerne le troisième volet du critère de Toth, la prépondérance des inconvénients joue en faveur du ministre défendeur, étant donné que le gouvernement protège la population contre les criminels. La SAI a donné son opinion de façon claire et catégorique : le demandeur constitue un danger pour la population canadienne. La SAI avait le pouvoir discrétionnaire et la compétence nécessaires pour rendre une telle décision.

CONCLUSION

[11]       Je ne suis pas convaincu que le demandeur a soulevé une question grave, démontré qu'il subirait un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence ou prouvé que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur. Par conséquent, la présente demande, qui vise à obtenir le sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, est rejetée.

« Michael A. KELEN »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 février 2002

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-408-02

INTITULÉ :                                                        O'NEIL GRANT c. MCI

REQUÊTE ENTENDUE PAR VOIE DE CONFÉRENCE TÉLÉPHONIQUE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le mercredi 6 février 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                     Le jeudi 7 février 2002

COMPARUTIONS :

M. Osborne G. Barnwell                                     POUR LE DEMANDEUR

M. Stephen Gold                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FERGUSON, BARNWELL                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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