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Date : 20050429

Dossier : T-238-03

Référence : 2005 CF 589

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

ESCO CORPORATION et

ESCO LIMITED

demanderesses

et

QUALITY STEEL FOUNDRIES LTD.

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Le juge O'Keefe


[1]                Les demanderesses, Esco Corporation et Esco Limited (les appelantes), ont présenté une requête en vertu de l'article 51 des Règles des Cours fédérales (1998), DORS/2004-283, article 2, par laquelle elles interjettent appel de l'ordonnance rendue par la protonotaire, le 25 octobre 2004, dans laquelle cette dernière accueillait en partie la requête des appelantes qui sollicitaient la production et la remise d'échantillons neufs « tels que construits » et d'échantillons usagés « tels qu'utilisés » des produits de l'intimée. La protonotaire a accueilli la demande portant sur les nouveaux échantillons « tels que construits » , mais elle l'a rejetée en ce qui concerne les échantillons usagés « tel qu'utilisés » .

Résumé des faits à l'origine du litige

[2]                L'appelante Esco Corporation, compagnie organisée et constituée en vertu des lois américaines, est propriétaire des brevets canadiens 019, 818 et 644 mentionnés dans la déclaration. Ces brevets portent sur des attaches d'équipement d'excavation (soit des arêtes et des dents remplaçables de godets dont sont munis les gros appareils d'excavation utilisés pour l'extraction de minerais et de sables bitumineux). L'appelante Esco Limited, filiale en propriété exclusive canadienne organisée et constituée en vertu des lois canadiennes, agit à titre de distributeur des attaches d'équipement d'excavation d'Esco Corporation.

[3]                La défenderesse Quality Steel Foundries Limited (l'intimée), compagnie constituée en vertu des lois de l'Alberta, fabrique et vend des accessoires et des pièces de rechange d'équipement minier et d'excavation. Dans la déclaration, les appelantes soutiennent que l'équipement de l'intimée contrefait les brevets susmentionnés. L'intimée a nié ce fait et a présenté une demande reconventionnelle par laquelle elle fait valoir que les brevets sont invalides.


[4]                Les appelantes ont déposé une requête par laquelle elles demandent à la Cour d'ordonner à l'intimée [traduction] « de remettre, à des fins d'inspection et d'examen par les appelantes, des échantillons de pièces qui contreferaient les brevets de ces dernières, tant neufs « tels que construits » qu'usagés « tels qu'utilisés » . Dans l'annexe A jointe à l'avis de requête (et l'avis de présentation de la requête), les appelantes ont précisé encore davantage leur demande. La protonotaire a accueilli la requête en ce qui a trait à la demande des pièces neuves « telles que construites » et a ordonné à l'intimée de remettre une version antérieure de ses pièces (aux fins d'un examen non attentatoire), mais a rejeté la demande relative à la remise des pièces « telles qu'utilisées    » . Les appelantes ont interjeté appel du refus de la protonotaire d'ordonner à l'intimée de remettre les échantillons de certaines pièces usagées « telles qu'utilisées » qu'elle a en sa possession. Les appelantes ont également sollicité une légère modification de l'ordonnance prescrivant la remise, aux fins d'une inspection, de certaines pièces « telles que construites » .

[5]                L'intimée a déposé une motion incidente devant la protonotaire. L'appel de l'ordonnance de la protonotaire tranchant cette requête fait l'objet de motifs distincts.

Résumé des observations des appelantes

[6]                Les appelantes ont soutenu que la protonotaire avait commis une erreur de droit et qu'elle s'était fondée sur un mauvais principe en concluant que l'inspection, l'analyse et l'essai de certaines pièces usagées ne fourniraient aucun élément de preuve pertinent et n'aideraient aucunement la Cour à l'instruction. La protonotaire aurait aussi commis une erreur en limitant les échantillons des pièces neuves à un sous-ensemble des pièces pertinentes que les appelantes souhaitaient obtenir et en refusant d'ordonner l'inspection de certaines pièces.


Résumé des observations de l'intimée

[7]                L'intimée a soutenu que la protonotaire avait considéré correctement tous les facteurs pertinents pour une requête visant une inspection (soit la nécessité, la rapidité, l'utilité pour le tribunal de première instance (y compris l'admissibilité, la pertinence et la valeur probante) et le caractère attentatoire), et que l'exercice de son pouvoir discrétionnaire se fondait sur un bon principe.

[8]                L'intimée a fait valoir que (i) selon la preuve, étant donné certains changements subis par des composantes des pièces une fois utilisées, une analyse de ces pièces ne fournit que peu d'éléments de preuve, voire aucun, quant à savoir si elles constituaient une contrefaçon à la date de leur vente, de leur fabrication ou de leur distribution, (ii) les appelantes avaient déjà certaines des pièces « telles qu'utilisées » en question; (iii) selon la preuve dont la protonotaire était saisie, l'ordonnance sollicitée relative aux pièces « telles qu'utilisées » avait un caractère attentatoire extrême; (iv) quant à la prétention des appelantes selon laquelle la protonotaire avait commis une erreur [traduction] « en limitant les échantillons des pièces neuves à un sous-ensemble des pièces pertinentes que les appelantes souhaitaient obtenir » , ces dernières sollicitent, dans le cadre du présent appel, une réparation qu'elles n'ont pas tenté d'obtenir devant la protonotaire.

Questions en litige

[9]                Les questions en litige sont les suivantes :

1.          Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision de la protonotaire?

2.          La protonotaire a-t-elle commis une erreur révisable?


Dispositions législatives pertinentes

[10]            Le paragraphe 249(1) des Règles des Cours fédérales (1998), précitées, prévoit :

249. (1) La Cour peut, sur requête, si elle l'estime nécessaire ou opportun pour obtenir des renseignements complets ou une preuve complète, ordonner à l'égard des biens qui font l'objet de l'action ou au sujet desquels une question peut y être soulevée:

a) que des échantillons de ces biens soient prélevés;

b) que l'examen de ces biens soit effectué;

c) que des expériences soient effectuées sur ces biens ou à l'aide de ceux-ci.

249. (1) On motion, where the Court is satisfied that it is necessary or expedient for the purpose of obtaining information or evidence in full, the Court may order, in respect of any property that is the subject-matter of an action or as to which a question may arise therein, that

(a) a sample be taken of the property;

(b) an inspection be made of the property; or

(c) an experiment be tried on or with the property.

Analyse et décision

[11]            Première question

Quelle est la norme de contrôle judiciaire applicable à la décision de la protonotaire?

La Cour d'appel fédérale a affirmé, au paragraphe 19 de la décision Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc. 2003 CAF 488, que le juge saisi de l'appel d'une ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les cas où :

1.          l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal,

2.          l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits.


[12]            Les appelantes ont fait valoir que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de novo, puisque la protonotaire avait exercé le sien en vertu d'un mauvais principe. Cette dernière avait commis une erreur en jugeant, lors d'une étape préliminaire, que certains éléments de preuve potentiels étaient inadmissibles en preuve, à l'instruction, du fait qu'ils n'étaient pas fiables, et elle avait, de ce fait, usurpé le rôle du juge du procès. L'intimée a soutenu que la protonotaire avait examiné adéquatement divers facteurs et établi un bon équilibre entre eux, comme elle devait le faire dans le cas d'une requête en vue d'une inspection, qu'elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur le bon principe et que sa décision ne devrait pas être modifiée en appel. En l'espèce, la protonotaire avait exercé son pouvoir discrétionnaire de rejeter une partie de la requête en vue d'une inspection et d'une remise de pièces, ce qui ne constitue pas une question déterminante pour l'issue finale de la cause. Je dois maintenant décider si la protonotaire a commis une « erreur flagrante, en ce sens qu'[elle] a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits » . En me fondant sur le raisonnement qui suit, je conclurais que la protonotaire n'a pas commis d'erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Je ne devrais donc pas exercer mon pouvoir discrétionnaire de novo.

[13]            Deuxième question

La protonotaire a-t-elle commis une erreur révisable?

L'avis de présentation de la requête dont la protonotaire était saisie sollicitait ce qui suit :

1.          Une ordonnance du type de celle jointe à l'annexe A, exigeant de l'intimée qu'elle remette, aux fins de l'inspection et de l'examen par les demanderesses, des échantillons de pièces qui constitueraient une contrefaçon des brevets de la demanderesse Esco Corporation.

2.          Une ordonnance enjoignant à la défenderesse de payer les dépens des demanderesses.


[14]            Les motifs de la requête étaient les suivants :

1.          Les demanderesses soutiennent que la défenderesse avait contrefait chacun des trois brevets en question (soit les brevets 019, 818 et 644).

2.          Les demanderesses n'avaient pu obtenir tous les échantillons pertinents des marchandises qui constitueraient des contrefaçons des brevets afin de procéder à des essais. Lors de l'interrogatoire préalable, la défenderesse a révélé que les dessins des pièces ont changé au fil du temps et que ceux qu'elle avait produits en preuve ne sont pas, dans tous les cas, représentatifs des pièces qu'elle avait réellement vendues. Dans les circonstances, les demanderesses exigent la production d'échantillons de pièces neuves « telles que construites » et de pièces usagées « telles qu'utilisées » de la défenderesse.

3.          L'inspection et les essais ne causeraient que des inconvénients mineurs et n'entraîneraient aucun coût pour la défenderesse. En outre, l'inspection et l'essai des échantillons faciliteront l'obtention et la production d'éléments de preuve relatifs à la contrefaçon, à l'instruction, et auront donc pour effet de le simplifier.

[15]            En accueillant en partie la requête des appelantes, la protonotaire a affirmé :


[traduction]    Je souscris aux observations de l'avocat des demanderesses selon lesquelles le simple fait de se reporter aux dessins des produits qui contreferaient les brevets des demanderesses n'est pas adéquat en l'espèce et que la production dchantillons de produits nouveaux « tels que construits » que souhaitent obtenir les demanderesses pour en faire l'examen et l'essai est nécessaire et appropriée. Dans la mesure où la défenderesse a en sa possession des versions antérieures de ses produits, leur production et leur remise aux demanderesses, aux fins d'un examen non attentatoire, à condition qu'ils lui soient retournés, est également approprié. En revanche, il est totalement déraisonnable d'ordonner que la défenderesse donne aux représentants des demanderesses accès à ses locaux afin qu'ils fouillent dans ses rebuts pour y trouver des pièces usagées, ou d'ordonner que la défenderesse fournisse des pièces usagées qui ont été renvoyées pour être mises aux rebuts avec son consentement. L'analyse et l'essai de ces pièces ne fourniraient pas dléments de preuve pertinents et ne seraient d'aucune aide pour la Cour dans le cadre de l'audition de la demande. L'historique de l'usage de ces pièces usagées ne serait pas connu. La nature et la durée de leur utilisation seraient également inconnues, comme toute information relative à leur entretien. Cette information est tout à fait inconnue de la défenderesse et ne relève pas d'elle, mais elle pourrait affecter l'apparence physique et le fonctionnement des pièces en question.

J'estime également qu'il serait coûteux et même dommageable pour les relations de la défenderesse avec ses clients, d'ordonner à cette dernière d'aider ou de faciliter par ailleurs la vente de ses pièces aux demanderesses par l'intermédiaire d'un tiers.

[16]            Puis, la protonotaire a ordonné à l'intimée de remettre des échantillons (i) d'une pointe SE218, (ii) d'un SE218, (iii) d'un adapteur 23OST11, (iv) de deux axes et de deux verrous non installés pour la pointe SE218, dans un état neuf « tels que construits » , et (v) de [traduction] « toutes les pièces qui se trouvent dans le système de rétention Maglock actuellement utilisé, autre que la coiffe et le goulot auquel celle-ci est fixée, les pièces fournies devant inclure le bossage Maglock, le support d'axe, l'axe, le levier et l'adapteur à utiliser avec les bossages de la demanderesse » .

[17]            La protonotaire a également ordonné à l'intimée de remettre aux appelantes et de mettre à leur disposition un échantillon des dessins antérieurs des versions fabriquées de pièces particulières de manière qu'elles en fassent une inspection non attentatoire.

[18]            Les appelantes ont soutenu que la protonotaire avait commis une erreur de droit en excluant, des pièces à remettre, l'ensemble de la coiffe Maglock, puisque cette pièce même est visée par la demande. L'appelante a demandé que l'ordonnance de la protonotaire soit donc modifiée de façon à exiger la remise et l'inspection de la coiffe Maglok.


[19]            Je ne souscris pas à ce point de vue. La protonotaire n'a pas commis d'erreur. Elle a utilisé le libellé précis fourni par les appelantes à l'alinéa 1f) de l'ébauche d'ordonnance jointe à l'annexe A, tant de l'avis de requête que de l'avis de présentation de la requête. Les appelantes ont obtenu exactement ce qu'elles avaient demandé à cet égard.

[20]            Les appelantes ont soutenu que la protonotaire avait commis une erreur de droit et s'était fondée sur le mauvais principe en concluant que l'inspection, l'analyse et l'essai de certaines pièces usagées ne fourniraient pas d'éléments de preuve pertinents et n'aideraient aucunement la Cour lors de l'instruction.

[21]            Les appelantes ont soutenu qu'elles avaient besoin des pièces usagées puisque ces dernières permettent de déterminer comment fonctionnent les différentes surfaces, ce qui est contesté en l'espèce. Dans le cadre de sa poursuite pour contrefaçon, les appelantes ont besoin d'avoir la preuve des configurations exactes de certaines pièces. En outre, en dépit de sa conclusion quant à l'utilité d'une analyse des pièces usagées, la protonotaire était saisie d'une preuve par affidavit émanant d'un expert en génie qui confirmait qu'une inspection des pièces usagées fournirait de l'information relative aux surfaces d'appui des mécanismes.


[22]            Les appelantes ont soutenu qu'il revient à un témoin expert, à l'instruction, de répondre à la question de savoir comment l'usage des pièces peut affecter leur apparence et leur fonctionnement et que c'est au juge du procès de soupeser cette preuve. Celle-ci ne pourrait être élaborée qu'à l'issue d'une inspection. Par conséquent, la protonotaire a commis une erreur en décidant que tous les éléments de preuve seraient inadmissibles, car elle n'en avait pas été saisie. Elle a appliqué le mauvais critère pour juger que la preuve qui pourrait découler de l'inspection des pièces de l'intimée n'était pas pertinente. De plus, la question de la valeur probante des éléments de preuve relève du juge du procès (voir Everest & Jennings Canadian c. Invacare Corp. (1984), 79 C.P.R. (2d) 138 (C.A.F.)).

[23]            L'appelante a ajouté que le fait pour l'intimée de fournir des pièces usagées ne lui causerait pas d'inconvénient, puisque l'entreprise a l'habitude de récupérer ces pièces.

[24]            L'intimée a soutenu que, dans le cadre d'une requête en vue d'une inspection, le protonotaire est tenu de considérer et de soupeser une variété de facteurs dont la nécessité, la rapidité, l'utilité pour le tribunal de première instance (y compris l'admissibilité, la pertinence et la valeur probante) et le caractère attentatoire. La protonotaire disposait d'éléments de preuve quant à chacun de ces facteurs et elle les a tous considérés et soupesés correctement.

[25]            L'intimée a soutenu que certains éléments de preuve dont était saisie la protonotaire ont établi l'inutilité de l'inspection de pièces usagées supplémentaires (voir Posi-Slope Enterprises Inc. c. Sibo Inc. (1984) 1 C.P.R. (3d) 140 (C.A.F)). Les appelantes avaient déjà des échantillons de toutes les pièces usagées dont elles souhaitaient faire l'inspection.


[26]            L'intimée a soutenu que les éléments de preuve dont était saisie la protonotaire ont établi qu'une inspection des pièces usagées serait vraisemblablement inutile au tribunal de première instance puisque (i) la preuve recherchée était inadmissible du fait que l'intimée ne peut être responsable en droit des caractéristiques du produit qu'elle vend après autant de mois d'utilisation, et (ii) les appelantes ont admis à l'interrogatoire préalable que les effets de l'utilisation peuvent causer des changements considérables au niveau de la forme interne des dents et qu'il est impossible de connaître l'historique d'une dent donnée. Ces facteurs ont un impact sur l'apparence physique et le fonctionnement des dents usagées, ce qui enlève toute pertinence à leur analyse pour juger s'il y avait contrefaçon des brevets au moment de la vente (voir Poly Foam Products Ltd. c. Cascades Sentinel Ltd. (1989), 31 C.P.R. (3d) 140 (C.A.F.)). Cet argument appuie la décision de la protonotaire.

[27]            En outre, selon l'intimée, la preuve dont était saisie la protonotaire a établi que l'ordonnance sollicitée était une mesure très attentatoire. Elle équivalait à une demande d'autorisation pour fouiller les locaux d'un concurrent (voir P.J. Wallbanck Manufacturing Co. c. Kuhlman Corp. (1980), 50 C.P.R. (2d) 145 (C.A.F.)).

[28]            Je ne peux souscrire à l'argument des appelantes à cet égard. À mon sens, la protonotaire a tenu compte, à bon escient, des questions non seulement de pertinence, mais également d'utilité pour la Cour, et ce à la lumière d'un nombre considérable de variables inconnues qui sont totalement indépendantes de la volonté de l'intimée. Comme l'a noté la protonotaire, [traduction] « l'historique de l'usage de ces pièces usagées ne serait pas connue. La nature et la durée de leur utilisation seraient également inconnues, comme toute information relative à leur entretien. Cette information est tout à fait inconnue de la défenderesse et ne relève pas d'elle, mais elle pourrait affecter l'apparence physique et le fonctionnement des pièces en question » .


[29]            Les prétentions des appelantes reviennent notamment à dire qu'un protonotaire ne peut se prononcer, dans le cadre d'une requête visant la production d'objets, sur la pertinence de questions et l'utilité ultime pour la Cour, à l'instruction. Selon moi, il s'agit d'une position indéfendable. Lorsque le protonotaire décide de rendre ou non une ordonnance visant la production d'échantillons en vertu de l'article 249 des Règles, il ne lui est pas interdit de tenir compte d'un certain nombre de facteurs, dont la pertinence ou l'utilité pour la Cour lors de l'instruction, lorsque ceux-ci sont raisonnablement liés à la question à trancher.

[30]            Quoi qu'il en soit, si je devais conclure que la protonotaire a commis une erreur, j'exercerais néanmoins mon pouvoir discrétionnaire et je refuserais d'accorder la réparation sollicitée puisque Carl Goeth, représentant des appelantes, a confirmé que ces dernières avaient au moins un exemplaire de chaque pièce dont elles souhaitaient obtenir une version usagée.

[31]         Pour répondre à l'argument des appelantes selon lequel elles ont besoin de pièces usagées additionnelles [traduction] « représentatives » comme le juge l'intimée, je soulignerais que, dans son affidavit, Dennet Netterville (M. Netterville), représentant de l'intimée, a affirmé sous serment que cette dernière ne peut pas accéder à la demande des appelantes parce qu'elle ne connaît ni n'est en mesure d'attester l'historique de l'utilisation des dents SE218 qui se trouvent dans son parc à ferrailles.

[32]         Même si la remise des pièces usagées était ordonnée et que ces dernières étaient alors désassemblées, il n'y aurait aucun moyen de savoir ce qui a causé les changements survenus aux surfaces internes des différentes pièces. Selon certains éléments de preuve dont était saisie la protonotaire, par exemple, l'état dans lequel les surfaces internes des pièces usagées se trouvaient pourrait avoir été causé par un grand nombre de facteurs, notamment une pointe mal fixée à un nez ou l'installation d'une nouvelle pointe sur un nez endommagé. Cela ne permettrait pas d'obtenir des éléments de preuve utiles au juge du procès.


[33]            Lors de l'audience qui s'est déroulée devant moi, les appelantes ont réduit la portée de la réparation demandée advenant le cas où l'appel serait accueilli à la remise, aux fins de l'inspection, d'échantillons des pièces usagées mises de côté par l'intimée à partir de la pile de ferraille « temporaire » , comme l'indique l'affidavit de Dennett Netterville, fait sous serment le 22 juillet 2004.

[34]            Durant l'interrogatoire préalable, M. Netterville a confirmé que l'intimée avait découvert récemment une pile de ferraille « temporaire » dans laquelle ses employés avaient trouvé des échantillons des pièces usagées en question (qui pourraient être représentatives des pièces fabriquées antérieurement). Il a également confirmé que l'intimée avait mis ces pièces usagées de côté et que leur remise aux appelantes ne causerait pas trop d'inconvénients ou de dérangements si la Cour ordonnait une telle chose. Les appelantes ne demandent maintenant que ces pièces, afin de les inspecter aux conditions précisées dans l'ébauche d'ordonnance produite à l'audience.

[35]            Un accès limité à ces pièces répondrait à la préoccupation de la protonotaire quant aux inconvénients et aux dérangements liés à la fouille des installations de l'intimée, mais pour les motifs susmentionnés, j'estime qu'elle n'a pas commis d'erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. En outre, comme je l'ai souligné, les appelantes sont déjà en possession d'au moins un échantillon de chacune des pièces usagées qu'elles souhaitent obtenir.

[36]            Par conséquent, je rejette l'appel de l'ordonnance de la protonotaire quant à la demande de remise et de production d'échantillons « tels qu'utilisés » des pièces de l'intimée, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.


ORDONNANCE

[37]            LA COUR ORDONNE QUE :

1.         L'appel de l'ordonnance de la protonotaire quant à la demande de remise et de production d'échantillon « tels qu'utilisés » des pièces de l'intimée est rejetée, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.

                                        « John A. O'Keefe »            

                                           Juge

Ottawa (Ontario)

Le 29 avril 2005

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-238-03

INTITULÉ :                                         ESCO CORPORATION et

ESCO LIMITED

- et -     

QUALITY STEEL FOUNDRIES LTD.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 22 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Bruce Stratton                                    POUR LES DEMANDERESSES

Kevin Laroche                                    POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton LLP                         POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

Borden Ladner Gervais LLP            POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)

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