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                                                                                                                                  Date : 20010427

                                                                                                                       Dossier : IMM-3287-00

Ottawa (Ontario), le 27 avril 2001

En présence de Monsieur le juge Pinard

Entre :

                                            DANIEL KWAKU OFOSU

                                                                                                             demandeur

                                                             et

                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                              défendeur

                                                   ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision de Jean­-Pierre Gaboury, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 26 avril 2000, par laquelle il accordait l'autorisation au défendeur de présenter une demande à la Section du statut de réfugié de réexaminer et annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention est rejetée.

« Yvon Pinard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                                                                                                  Date : 20010427

                                                                                                                       Dossier : IMM-3287-00

                                                                                                      Référence neutre : 2001 CFPI 400

Entre :

                                            DANIEL KWAKU OFOSU

                                                                                                             demandeur

                                                             et

                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                              défendeur

                                        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de Jean-Pierre Gaboury, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 26 avril 2000, par laquelle il accordait l'autorisation au défendeur de présenter une demande à la Section du statut de réfugié (la SSR) de réexaminer et annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention, en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

[2]         Le demandeur est arrivé au Canada en provenance du Ghana le 13 mai 1994 et il a obtenu le statut de réfugié le 10 juillet 1995. Le demandeur a immédiatement présenté une demande de droit d'établissement, droit qu'il n'a jamais obtenu. Il est marié et a des enfants, et il n'a pas vu sa famille depuis qu'il s'est enfui du Ghana en 1994, il y a maintenant près de sept ans.


[3]         Le demandeur a présenté certains documents à l'appui de sa revendication de statut de réfugié, y compris un avis de recherche de la police ghanéenne daté du 11 mai 1994, une déclaration de culpabilité de la Cour de circuit de Kumasi, au Ghana, qui ne porte pas de date mais un numéro de dossier, le 1152/94, ainsi qu'une lettre d'un juriste ghanéen du nom de Kofi Owusu Asante, datée du 11 novembre 1994.

[4]         Le 20 mars 1995, avant l'audition de la revendication du statut de réfugié du demandeur, l'agent d'audience a envoyé ces documents au Greffe des appels d'immigration pour qu'on procède à une vérification de leur authenticité.

[5]         Au vu des renseignements obtenus par la suite du commissaire de police/CID, envoyés au premier secrétaire du haut-commissariat du Canada à Accra, au Ghana, le défendeur a présenté une demande à la SSR en vertu du paragraphe 69.2(3) de la Loi pour qu'elle réexamine et annule la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur. Le défendeur soutient que le demandeur a obtenu le statut de réfugié par des moyens frauduleux et par une fausse indication, en présentant des documents falsifiés à l'appui de sa revendication, et que la SSR aurait pu arriver à une décision différente si elle avait connu la vérité. La SSR a donné son autorisation au défendeur le 26 avril 2000.

[6]         Les dispositions pertinentes de la Loi sont rédigées comme suit :


69.2 (2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.


69.2 (2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person.



69.2 (3) L'autorisation requise dans le cadre du paragraphe (2) se demande par écrit et ex parte; le président peut l'accorder s'il est convaincu qu'il existe des éléments de preuve qui, portés à la connaissance de la section du statut, auraient pu modifier la décision.


69.2 (3) An application to the Chairperson for leave to apply to the Refugee Division under subsection (2) shall be made ex parte and in writing and the Chairperson may grant that leave if the Chairperson is satisfied that evidence exists that, if it had been known to the Refugee Division, could have resulted in a different determination.


[7]         En ce qui concerne les allégations du demandeur qui se fondent sur une violation de la justice naturelle par suite du fait que la décision contestée n'est pas motivée, rien dans la Loi n'exige la production de motifs dans le cadre d'une demande d'autorisation de présenter une demande d'annulation. Contrairement à ce que le demandeur prétend, le paragraphe 69.1(11) n'est pas pertinent en l'instance, puisqu'il ne porte que sur les revendications déférées à la SSR en vertu des articles 46.02 ou 46.03. Or, ce n'est pas le cas ici.

[8]         Quant à l'obligation de common law de fournir des motifs, la jurisprudence a clairement conclu à l'existence d'une obligation d'équité lorsqu'une décision administrative touche les « droits, privilèges ou biens d'une personne » (voir Cardinal c. Directeur de l'établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la page 653). Comme l'explique Madame le juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 21, la portée et le contenu de l'obligation d'équité varient selon le contexte de la législation et des droits en cause.

[9]         La présente instance est inhabituelle, en ce que le demandeur conteste la décision d'accorder l'autorisation au ministre plutôt que la décision annulant le statut. Selon moi, l'obligation d'équité en l'instance est minimale étant donné l'exigence de procéder rapidement.


[10]       La seule question à régler dans une demande présentée en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi consiste à savoir si le ministre peut convaincre le président « qu'il existe des éléments de preuve qui, portés à la connaissance de la section du statut, auraient pu modifier la décision » . Si le ministre a gain de cause, l'autorisation accordée va déclencher une audition en bonne et due forme, avec toutes les garanties de procédure s'appliquant normalement. Le demandeur aura l'occasion de présenter pleinement ses arguments juridiques à l'audition, et il pourra aussi à la fin de l'audience solliciter une autorisation de demander le contrôle judiciaire de toute décision négative qui pourrait être rendue. Si le ministre n'a pas gain de cause dans sa demande d'autorisation, il n'y aura aucune suite. En l'instance, le demandeur n'a pas à répondre à une argumentation dont il devrait recevoir avis. Je ne peux admettre que dans une telle situation il y a lieu de tenir une audience ou de fournir des motifs.

[11]       En conséquence, je suis d'avis que la décision d'accorder l'autorisation de présenter une demande en vertu de l'article 69.2 ne correspond pas aux circonstances envisagées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Baker, précité. Par conséquent, je refuse d'interpréter le terme « shall » , dans la version anglaise du paragraphe 69.2(3), dans le cadre d'une demande ex parte, comme permissif.

[12]       Quant aux allégations du demandeur au sujet de la nature de la preuve fournie par le ministre et de la façon dont il l'a obtenue, ce sont là des questions qui sont prématurées et qui peuvent être traitées correctement par la SSR à l'audition de la demande d'annulation. Ces conclusions de fait sont proprement du domaine de la SSR, qui a une expertise en ces matières, et non celui de la Cour.

[13]       Quant au dernier argument du demandeur, qui porte sur le retard à traiter sa demande de droit d'établissement, je partage l'avis du défendeur que ce n'est pas le moment de soulever une telle question. Cette question pourrait tout à fait être soulevée dans le cadre d'une demande séparée de contrôle judiciaire, étant donné qu'elle n'a rien à voir avec la décision d'accorder l'autorisation contestée ici.


[14]       La contestation de la constitutionnalité du paragraphe 69.2(3) de la Loi n'a pas été traitée au fond, étant donné que le demandeur n'a pas signifié et déposé l'avis requis par l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7. Le fait que l'on trouve dans le Mémoire des faits et du droit du demandeur (à son dossier de demande) des allégations au sujet d'une question constitutionnelle ne suffit pas à l'exempter de l'exigence de déposer l'avis prévu à l'article 57 de la Loi. Je ne comprends pas pourquoi le demandeur, qui a fait signifier l'avis requis avec son Mémoire des faits et du droit au procureur général de chacune des provinces, ne l'a pas aussi fait pour le procureur général du Canada. Je suis d'accord avec l'avocat du défendeur qu'il avait droit aux dix jours d'avis requis, ce qui lui aurait permis (ainsi qu'à la Cour) de savoir si le demandeur avait l'intention de maintenir la contestation constitutionnelle prévue dans son dossier de demande et de se préparer en conséquence. Comme on ne m'a donné aucun motif pour ce défaut de déposer l'avis en question, sauf ce qui est indiqué dans le Mémoire des faits et du droit au dossier de demande, je conclus que l'utilisation de mon pouvoir discrétionnaire pour rectifier la situation viendrait encourager une pratique peu recommandable.

[15]       Pour les motifs précités, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Yvon Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 27 avril 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                         IMM-3287-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                        DANIEL KWAKU OFOSU

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le mardi 3 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                      MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                                  le 27 avril 2001

ONT COMPARU

M. Rocco Galati                                                            POUR LE DEMANDEUR

M. Kevin Lunney                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

GALATI, RODRIGUES and Associates                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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