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Date : 20030627

Dossier : T-509-02

Référence : 2003 CFPI 798

OTTAWA (Ontario), le vendredi 27 juin 2003

En présence de :         MONSIEUR LE JUGE KELEN                                

ENTRE :

                                                                          4-YOU A/S

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   

                                                                                   et

                         CHRISTINA AMÉRIQUE INC. / CHRISTINA AMERICA INC.

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande présentée en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée (la Loi), visant la radiation de la marque de commerce de la défenderesse CHRISTINA 4 YOU et dessin y afférent, enregistrement no LMC473,655 du registre des marques de commerce. La seule question en litige dans la présente demande porte sur le point de savoir si la marque de commerce de la défenderesse créait de la confusion, au moment de la production de la demande d'enregistrement, avec la marque de commerce de la demanderesse Dessin 4 YOU, de sorte que la défenderesse n'avait pas droit d'en obtenir l'enregistrement en vertu de l'alinéa 16(3)b) de la Loi.

LES FAITS

[2]                 Le 12 décembre 1995, le prédécesseur en titre de la défenderesse a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce CHRISTINA 4 YOU et dessin y afférent sur le fondement de l'emploi projeté. La marque de commerce CHRISTINA 4 YOU et dessin y afférent a été enregistrée le 25 mars 1997 en vue de l'emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

[traduction] vêtements de bain et vêtements de plage, nommément maillots, shorts, chemisettes, t-shirts, cache-maillot, casquettes, serviettes et sacs de plage.

[3]                 La demanderesse allègue que la marque de commerce de la défenderesse crée de la confusion avec sa marque de commerce qui était alors projetée Dessin 4 YOU, demande produite le 24 janvier 1995. La marque Dessin 4 YOU a ensuite donné lieu à l'enregistrement canadien no LMC490,947, délivré le 5 mars 1998 en vue de l'emploi en liaison avec les marchandises suivantes :

[traduction] vestons, blazers, pantalons, jeans, shorts, manteaux, pardessus, blousons, pulls de survêtement, chemises, T-shirts, ceintures, chaussettes, cravates, et bonneterie, nommément pulls en tricot, gilets en tricot, cardigans en tricot, chaussettes en tricot, cravates en tricot, chapeaux en tricot, casquettes en tricot, gants en tricot, écharpes en tricot, sous-vêtements en tricot et vestes en tricot.


[4]                 Les deux dessins-marques sont reproduits ci-dessous :

Marque de la défenderesse                                               Marque de la demanderesse

ligne

ligne

[5]                 La présente affaire a son origine dans la demande ultérieure faite par la défenderesse pour l'enregistrement de la marque verbale 4 YOU sans dessin. La demande a été produite le 12 juillet 2000 en vue de l'emploi avec les marchandises suivantes :

[traduction] lunettes soleil et étuis pour lunettes; montres et horloges, boîtiers de montre et d'horloge, bijoux, épingles de cravate et pinces à cravate, boutons de manchette, porte-clés, breloques (bijoux); vêtements, nommément complets, smokings, vestons, blazers, pantalons, jeans, shorts, manteaux, pardessus, imperméables, anoraks, blousons, pulls de survêtement, pantalons de survêtement, chemises, T-shirts, polos, ceintures, bretelles, cravates, écharpes, chaussettes, et bonneterie, nommément pulls en tricot, gilets en tricot, cardigans en tricot, chaussettes en tricot, cravates en tricot, chapeaux en tricot, casquettes en tricot, gants en tricot, écharpes en tricot, sous-vêtements en tricot et cabans en tricot; vêtements de nuit, pyjamas; vêtements de bain, nommément slips de bain; sous-vêtements, articles chaussants et coiffures.

[6]                 Le Bureau des marques de commerce refuse actuellement d'enregistrer cette marque parce que la demande crée de la confusion avec la marque de commerce de la défenderesse CHRISTINA 4 YOU et dessin y afférent. En réponse, la demanderesse cherche à obtenir la radiation de la marque de commerce de la défenderesse sur le fondement de l'alinéa 16(3)b) de la Loi, qui dispose :


Marques projetées

(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 38 et 40, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n'ait créé de la confusion_:

b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;


Proposed marks

(3) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a proposed trade-mark that is registrable is entitled, subject to sections 38 and 40, to secure its registration in respect of the wares or services specified in the application, unless at the date of filing of the application it was confusing with

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or


[7]         Les parties conviennent que la date pertinente à laquelle il faut apprécier la confusion est le 12 décembre 1995, date de production de la demande d'enregistrement de la marque de commerce CHRISTINA 4 YOU et dessin y afférent, et que la demande d'enregistrement de la marque de commerce de la demanderesse Dessin 4 YOU avait été produite avant cette date.


LA QUESTION EN LITIGE

[8]                 Le seul point en litige est de savoir si le dessin-marque de la défenderesse créait de la confusion avec le dessin-marque de la demanderesse le 12 décembre 1995.

LE CRITÈRE DE LA CONFUSION

[9]                 Le critère de la confusion consiste à apprécier si le client ordinaire ou l'acheteur qui n'est pas sur ses gardes penserait probablement que le produit ou le service d'un commerçant est relié au produit ou au service d'un autre commerçant : Rowntree Co. c. Paulin Chambers Co. (1967), [1968] R.C.S. 134, 54 C.P.R. 43. L'appréciation de la confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait : Battle Pharmaceuticals c. British Drug Houses, Ltd. (1945), [1946] R.C.S. 50, 5 C.P.R. 71. Le juge Décary a résumé le critère dans l'arrêt Miss Universe c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 à la page 387 (C.A.F.) :

Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale. [Notes de bas de page omises]

[10]            Le paragraphe 6(5) de la Loi contient une liste de facteurs à prendre en compte pour déterminer s'il existe de la confusion :


Éléments d'appréciation

6. (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.


What to be considered

6. (5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.


[11]            Il ne faut pas nécessairement accorder le même poids aux facteurs énumérés au paragraphe 6(5) : Polysar c. Gesco Distributing Ltd. (1985), 6 C.P.R. (3d) 289 à la page 298 (C.F. 1re inst.); et United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp., [1998] 3 C.F. 534, 80 C.P.R. (3d) 247 au paragraphe 38 (C.A.). Dans chaque cas de confusion, le poids relatif accordé aux divers facteurs peut varier. En outre, la liste de facteurs donnée au paragraphe 6(5) ne vise pas à être exhaustive. La Cour doit faire un effort pour examiner toutes les circonstances de l'espèce : Les Brasseries Molson c. La Brasserie Labatt Limitée (1996), 115 F.T.R. 33, 68 C.P.R. (3d) 202.


ANALYSE

[12]            La Cour analysera la probabilité de confusion en fonction des facteurs énumérés au paragraphe 6(5). Pour les motifs qui suivent, la présente demande doit être rejetée et le dessin-marque de la défenderesse doit rester au registre.

Le caractère distinctif inhérent

[13]       La demanderesse a soutenu que les mots formant la marque de commerce Dessin 4 YOU possèdent un caractère distinctif inhérent marqué. Je ne puis souscrire à cette position. L'expression « 4 YOU » (de même que les équivalents phonétiques « FOR YOU » , « FOR U » et « 4 U » ) est une expression courante de la langue anglaise qui possède une signification évidente autre que celle fournie par les produits de la demanderesse. Les mots courants jouiront d'une protection moindre qu'un mot inventé, unique ou non descriptif : General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678, 10 C.P.R. 101 aux pages 115 et 116. Le caractère distinctif inhérent de la marque de commerce de la demanderesse provient des éléments de son dessin, spécifiquement l'emploi d'une police de fantaisie et la disposition particulière de « 4 YOU » , et non des mots mêmes qui sont employés. Les mots ne donnent donc pas droit à une protection élevée selon le premier facteur.


[14]            Je conviens avec la demanderesse que la preuve concernant l'état du registre à l'égard des marques de commerce incorporant les expressions « 4YOU » , ou « 4 You » constitue du ouï-dire et est donc inadmissible. Je n'ai donc pas pris en compte cette preuve, qui, de toute façon aurait pu ne pas être pertinente parce qu'il n'y avait pas de preuve que les marques de commerce figurant au registre sont couramment employées sur le marché.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[15]       La demanderesse n'a pas fourni de preuve démontrant que son dessin-marque était bien connu le 12 décembre 1995. Comme sa demande a été produite moins d'un an avant le 12 décembre 1995 et était fondée sur l'emploi projeté, on peut présumer que le dessin-marque de la demanderesse n'était pas bien connu au Canada. Il en découle qu'il ne donne pas droit à un degré élevé de protection.


Le genre de marchandises

[16]            La Cour est convaincue que le genre de marchandises ne présente pas de différences significatives du point de vue du droit des marques de commerce. Ainsi qu'il a été statué dans l'arrêt Miss Universe, précité, lorsque les deux marques sont employées précisément dans la même industrie ou entreprise, c'est une erreur de s'attacher aux différences dans le genre de marchandises, comme les vêtements de bain par comparaison aux vêtements d'extérieur. La Cour estime donc que le genre de marchandises ou entreprises est le même. Ce facteur milite en faveur d'une conclusion de confusion.

La nature du commerce

[17]            Pour la même raison, la nature du commerce est la même. Les marchandises liées aux deux dessins-marques sont vendues dans les mêmes canaux, c'est-à-dire les grands magasins, les magasins et boutiques de vêtements. Ce facteur milite également en faveur d'une conclusion de confusion.


Le degré de ressemblance

[18]            Les deux marques de commerce sont des dessins-marques. Leurs dessins respectifs sont leurs caractéristiques principales et dominantes. Les deux marques de commerce ne se ressemblent pas dans la présentation ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[19]            La marque de commerce de la demanderesse est complètement différente. Elle constitue une stylisation et un dessin employant un chiffre et des lettres. La stylisation est de forme tubulaire ou de saucisse. C'est un dessin qui suggère un design scandinave fonctionnel, du genre de celui qu'on trouve chez IKEA. Le dessin-marque de la défenderesse est bordé par une forme de losange. Il ne se limite pas à la stylisation d'un nombre et de lettres. Il contient des volutes à l'intérieur du losange et utilise une fleur pour former la lettre « O » . Il suggère un enfant fleur d'été insouciant comme ceux qui se trouvaient au festival de musique de Woodstock en 1969. Il s'agit d'un thème très différent du thème scandinave fonctionnel évoqué par les formes tubulaires.

[20]            L'inclusion du premier mot « CHRISTINA » dans le dessin-marque de la défenderesse introduit une autre différence importante. Étant donné sa place en tête du texte, ce mot joue un rôle important pour distinguer la marque d'autres marques incorporant l'expression « 4 YOU » . Dans la décision Conde Nast Publications Inc. c. Union des éditions modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 à la page 188 (C.F. 1re inst.), le juge Cattanach a estimé :


Il est évident que le premier mot ou la première syllabe d'une marque de commerce est celui ou celle qui sert le plus à établir son caractère distinctif.

[21]            Les deux marques de commerce ne se ressemblent donc aucunement dans la présentation ou par les idées qu'elles suggèrent. Puisque cette différence est si significative, il faut accorder un poids plus grand à ce facteur qu'aux autres facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi. Pour ce motif, la Cour est convaincue qu'il n'est pas probable qu'une personne ordinaire ayant un souvenir vague ferait la confusion de lier les marchandises portant la marque de commerce de la défenderesse avec les marchandises de la demanderesse.

CONCLUSION

[22]            La marque de commerce de la défenderesse CHRISTINA 4 YOU et dessin y afférent ne créait donc pas de confusion avec la marque de commerce de la demanderesse Dessin 4 YOU au 12 décembre 1995 et ne devrait pas être radiée du registre des marques de commerce.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande est rejetée avec dépens.

                                                                                                                        « Michael A. Kelen »           ______________________________

             Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               T-509-02

INTITULÉ :                              4-YOU A/S c. CHRISTINA AMÉRIQUE INC. /

CHRISTINA AMERICA INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :      OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :    18 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE : 27 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

M. A. David Morrow                              POUR LA DEMANDERESSE

M. Richard S. Levy                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                                       POUR LA DEMANDERESSE

Ottawa (Ontario)                       

Spiegel Sohmer                                       POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                             Date : 20030627

                                            Dossier : T-509-02

ENTRE :

4-YOU A/S

                                                                demanderesse

et

CHRISTINA AMÉRIQUE INC. /

CHRISTINA AMERICA INC.

                    

                                                                 défenderesse

                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                   


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