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Date : 20021105

Dossier : T-1635-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1144

Vancouver (Colombie-Britannique), le mardi 5 novembre 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                   JACINTO MARCELO DIMAILIG

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BEAUDRY


[1]                 Le présent appel porte sur la décision du juge de la citoyenneté Gallagher (le juge de la citoyenneté), datée du 24 juillet 2001, par laquelle il accueillait la demande de citoyenneté canadienne présentée par le défendeur en vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et modifications (la Loi). Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision du juge de la citoyenneté d'accueillir la demande de citoyenneté du défendeur, et lui refusant la citoyenneté.

La question en litige

[2]                 La seule question en litige consiste à savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur en arrivant à la conclusion que le défendeur avait satisfait au critère de résidence énoncé à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

Le contexte

[3]                 Le demandeur et le défendeur s'appuient tous deux sur les faits et la preuve consignés dans la copie certifiée du dossier du juge de la citoyenneté (le dossier).

[4]                 Le 26 mars 2001, le défendeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne - adulte. Dans une lettre d'accompagnement portant la même date, le défendeur déclare clairement qu'il considère que sa demande mérite un examen exceptionnel dans les circonstances. Le 19 juin 2001, il s'est présenté à un examen de citoyenneté sur la connaissance du Canada. Dans l'avis de se présenter à un examen sur la citoyenneté, on trouve inscrit le résultat suivant : 20/20.


[5]                 À l'appui de sa demande de citoyenneté canadienne, le défendeur a rempli un questionnaire sur la résidence et il a présenté divers documents que l'on trouve au dossier, y compris un certificat de droit d'établissement, des permis d'entrée des résidents, des titres de propriété, une carte d'assurance sociale, un permis de conduire de la Colombie-Britannique, un avis de cotisation de l'ADRC pour l'année d'imposition 2000 ainsi qu'une déclaration d'impôt pour l'année 2000. Durant la période pertinente, savoir du 26 mars 1997 au 26 mars 2001, le défendeur s'est souvent absenté du Canada pendant de longues périodes à cause de son emploi. Selon les renseignements que le défendeur a présentés à l'appui de sa demande, il a été absent du Canada pendant 1 222 jours durant cette période. Ceci veut dire que depuis son arrivée au Canada le 31 mai 1997, il a été physiquement présent pendant 238 jours durant les quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté.

[6]                 Convaincu que le cas du défendeur méritait d'être examiné de façon exceptionnelle, le juge de la citoyenneté a accueilli sa demande de citoyenneté canadienne dans une décision datée du 26 juillet 2001. Il a procédé ainsi nonobstant le fait que le défendeur avait 860 jours de moins que le minimum requis de trois ans de résidence au Canada dans les quatre années précédant la date de sa demande, comme le précise l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Le demandeur a déposé son avis de demande pour faire appel de la décision du juge de la citoyenneté dans une lettre datée du 12 septembre 2001.

Analyse


[7]                 Dans Badjeck c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 19 Imm. L.R. (3d) 8, aux paragraphes 38 à 40 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a résumé le rôle de notre Cour lorsqu'elle est saisie de l'appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté. Il s'exprime comme suit :

D'entrée de jeu, il convient de noter que la norme de contrôle applicable dans les appels en matière de citoyenneté a été établi par la jurisprudence comme étant celle de l'absence d'erreur : Lam c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177 au para. 33; Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) c. Hung, [1998] A.C.F. no 1927, au para. 12 (QL) (C.F.). Bien qu'il faille faire preuve de retenue à l'égard des conclusions de fait des juges de la Citoyenneté, la décision du juge de la Citoyenneté en l'espèce pourra être annulée si celle-ci fit complètement abstraction d'éléments de preuve importants sans fournir d'explications : Hung, supra.

Une personne qui fait une demande d'attribution de la citoyennetéau titre du paragraphe 5(1)c) de la Loi doit avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans dans les quatre années précédant la date de sa demande. Cette Cour a noté à maintes reprises que les décisions judiciaires aux interprétations radicalement divergentes ont gravement compliquél'application de la loi. L'appréciation de la jurisprudence au regard de la condition de résidence faite par la juge de la Citoyenneté en l'espèce n'est guère un exemple de précision et d'éloquence, et la manière dont elle cite les éléments développés par les différents courants jurisprudentiels peut certes porter à confusion. Or, dans l'affaire Lam, supra au para. 33, le juge Lutfy fait remarquer que la décision d'un juge de la Citoyenneténe doit pas être annulée simplement parce qu'une partie au différend n'accepte pas le critère qui a étéappliqué pour déterminer la résidence. Voici ce que le juge Lutfy a écrit à ce sujet :        

Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans les motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition. (Non souligné dans l'original)

[8]                 Dans la décision subséquente Yang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2002) 20 Imm. L.R. (3d) 171, au paragraphe 16 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a clarifié sa déclaration antérieure comme suit :


Depuis la décision Lam, précitée, du juge Lutfy, la jurisprudence de notre Cour indique qu'il faut faire montre d'une certaine retenue envers les connaissances et l'expérience particulières des juges de la citoyenneté. Ainsi, un juge de la citoyennetéa le droit de préférer une interprétation à une autre pour déterminer si les conditions concernant la résidence sont respectées. Tant et aussi longtemps que l'interprétation choisie par le juge de la citoyennetéest correctement appliquée, l'intervention de notre Cour n'est pas justifiée. (Non souligné dans l'original)

[9]                 En l'instance, au vu des pages 10, 11 et 12 de la décision contestée, je constate que le juge de la citoyenneté a fondé sa décision sur une analyse des facteurs énoncés par le juge Reed dans Koo (Re) , [1993] 1 C.F. 286 (C.F. 1re inst.).

[Traduction]

10. Décrivez vos attaches avec le Canada, en sus de vos relations avec votre famille.

Mon épouse et mon fils sont canadiens et ils vivent à Burnaby. Ils sont devenus citoyens en 2001. Je me suis toujours intéressé activement à ce qui se passe au Canada. J'ai obtenu une note de 100 p. 100 à l'examen sur la connaissance du Canada. Je suis très à l'aise en anglais.

14. Vos absences étaient-elles une partie nécessaire de votre vie en tant que personne d'affaires (cette mention est rayée et remplacée par « employé des Nations Unies » )?

Oui (case cochée)

Date : le 24 juillet 2001

Signé : le juge Paul Gallagher

Lorsqu'il a commencé à travailler aux Nations Unies, il vivait aux Philippines. Lorsque sa famille est venue s'installer au Canada, il a continué à travailler pour les Nations Unies - autrement, il aurait dû « tout recommencer à nouveau » au Canada.

Il a l'intention de « prendre sa retraite » au Canada lorsqu'il aura ses prestations de retraite des Nations Unies, auxquelles il aura droit dans cinq ans.

Son emploi aux Nations Unies est « temporaire » , en ce sens qu'il sera éligible à la retraite dans cinq ans et qu'ensuite il viendra vivre et travailler au Canada.

-              possède une résidence au Canada et nulle part ailleurs. Il loue un logement à New York.

-              son épouse et son fils sont devenus citoyens et ils vivent au Canada en permanence.

-              connaissance et appréciation du Canada excellentes - très évoluées.

-              clairement résident « temporaire » et non permanent de New York.

-              n'a plus d'attaches évidentes avec les Philippines.


La demande est accueillie.

Bien que le demandeur n'a résidé que 298 jours au Canada depuis qu'il a reçu le droit d'établissement, il est clair que sa « maison » est au Canada et que ses attaches avec le Canada sont très fortes.

Il aurait été peu réaliste qu'il abandonne son poste aux Nations Unies lorsqu'il a reçu le droit d'établissement au Canada et, dans cinq ans, il aura une situation financière assez stable pour pouvoir quitter les Nations Unies et s'installer au Canada de façon régulière.

Je veux aussi attirer l'attention sur Mitha (le 1er juin 1979). Dans la demande qui m'est présentée, « le fait de ne pas accorder la citoyenneté n'aurait aucun sens. D'exiger que le demandeur satisfasse aux exigences de résidence serait l'équivalent de la condamner à cinq années d'inactivité et à la perte de la sécurité que lui donnera sa retraite » , en plus que de priver les Nations Unies de ses services fort utiles.

(Signature du juge) Paul Gallagher (Date) le 26 juillet 2001

[10]            Nonobstant l'argument bien présenté de l'avocat du demandeur, je suis d'avis que la décision du juge de la citoyenneté ne comporte aucune erreur susceptible de révision.

[11]            Il n'y a pas de motif qui justifierait l'intervention de la Cour.

                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     « Michel Beaudry »

                                                                                                             Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :              T-1635-01

INTITULÉ :              Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c.

Jacinto Marcelo Dimailig

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 5 novembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                    Le 5 novembre 2002

COMPARUTIONS :

M. Peter Bell                                                         POUR LE DEMANDEUR

M. Jacinto Marcelo Dimailig                                             POUR LE DÉFENDEUR

(en son propre nom)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                                           POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

M. Jacinto Marcelo Dimailig                                             POUR LE DÉFENDEUR

(en son propre nom)

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