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Date : 20050512

Dossier : IMM-2727-04

Référence : 2005 CF 683

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                 ADRIAN (CABANSAG) VALDEZ

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Adrian Valdez prétend qu'il était poursuivi par des opposants politiques aux Philippines et qu'il a fui au Canada pour échapper à des menaces contre sa vie. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d'asile de M. Valdez principalement parce que les Philippines étaient en mesure de le protéger. M. Valdez soutient que la Commission n'a pas analysé correctement la question de la protection de l'État ni examiné les éléments de preuve pertinents. Il me demande d'ordonner la tenue d'une nouvelle audience.

[2]                Je ne puis trouver aucune raison de modifier la décision de la Commission et je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Questions en litige

1.          La Commission a-t-elle appliqué le critère approprié en ce qui concerne la protection de l'État?

2.          La Commission a-t-elle correctement analysé les éléments de preuve relatifs à la protection de l'État?

II. Analyse

1. La Commission a-t-elle appliqué le critère approprié en ce qui concerne la protection de l'État?


[3]                Le demandeur et le défendeur conviennent que le critère applicable en matière de protection de l'État découle des décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Ward, [2003] 1 R.C.S. 226; Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 (C.A.) (QL); Mendivil c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] A.C.F. no 2021 (C.A.) (QL); Zhuravlvev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 507 (1re inst.) (QL); Badran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 437 (1re inst.) (QL). Ils conviennent également que les demandeurs d'asile doivent généralement fournir une preuve claire et convaincante que leur pays d'origine ne pouvait pas ou ne voulait pas les protéger contre la persécution. M. Valdez affirme cependant qu'il existe une exception à cette règle générale dans les cas où une personne est membre d'un groupe visé par la violence d'un groupe rival. Il invoque le passage suivant de l'arrêt Mendivil, précité, à l'appui de son affirmation :

[...] des personnes spécialement visées et qui de ce fait peuvent être considérées comme membres d'un groupe social particulier, puissent toujours craindre avec raison dtre persécutées, dans les cas oùltat peut protéger les citoyens ordinaires mais est dans l'incapacitéde protéger les membres de ce groupe social. (par. 11)

[4]                M. Valdez s'appuie également sur le passage suivant de la décision Badran, précitée :

Le plus souvent, l'inaptitude à protéger les citoyens contre les agressions terroristes commises au hasard ne constitue pas une incapacité de l'État à assurer la protection de ses administrés. Mais les décisions Ward (précitée) et Mendivil (précitée) ont délimité une exception par laquelle des incidents personnels antérieurs peuvent faire d'une personne un membre d'un certain groupe social que l'État n'est pas en mesure de protéger. (par. 16)

[5]                Là encore, le défendeur ne conteste pas la jurisprudence invoquée par le demandeur. Il soutient toutefois que l'exception sur laquelle M. Valdez prétend se fonder ne s'applique pas dans son cas et que, par conséquent, la Commission n'a pas commis d'erreur en n'en tenant pas compte.


[6]                M. Valdez a déclaré avoir été la cible de membres d'un groupe politique rival du parti que sa famille soutenait. Il a expliqué que des hommes de main du parti opposé étaient venus chez lui et avaient menacé sa famille en décembre 2001. Lorsque son grand­-père, candidat aux élections des conseillers municipaux, s'est adressé à la foule pendant la campagne de 2002, une fusillade a éclaté et certaines personnes présentes ont été blessées. M. Valdez ajoute qu'un individu a tiré sur lui au moment où il rentrait de la messe en mars 2002. Il a signalé ces deux incidents à la police, qui a fait enquête.

[7]                Après avoir entendu ce témoignage et pris connaissance des éléments de preuve documentaire sur la situation aux Philippines, la Commission a conclu que M. Valdez n'avait pas prouvé que l'État ne pouvait pas le protéger. Elle a rappelé que les Philippines sont un État démocratique qui fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens, qu'on y a pris des mesures pour contrôler les armes à feu et que la police a donné suite aux plaintes du demandeur.

[8]                M. Valdez soutient cependant que la Commission n'a pas tenu compte du point de vue adopté eu égard à la protection de l'État dans les décisions Mendivil et Badran, précitées. Il affirme avoir été la cible directe de partis politiques adverses et que les autorités des Philippines ne pouvaient pas le protéger.


[9]                Dans Mendivil, le demandeur était un fonctionnaire qui avait été chargé de faire enquête sur les activités illicites du Sendero Luminoso ou Sentier Lumineux, mouvement antigouvernemental prônant la violence, et qui avait appris que son nom figurait sur la liste noire du Sentier. Dans Badran, le demandeur était le fils d'un policier égyptien. Les membres des familles des policiers étaient souvent la cible des Frères Musulmans en Égypte parce qu'ils étaient considérés comme des antiterroristes. De plus, dans l'arrêt Ward, précité, le demandeur était membre d'un groupe paramilitaire de la République d'Irlande, visé à la fois par l'IRA et par des membres de sa propre organisation après qu'il eut laissé des otages s'échapper. Sa femme et sa fille avaient été prises en otage. Le gouvernement irlandais a reconnu qu'il ne pouvait pas protéger Ward contre les représailles des groupes terroristes.

[10]            C'est dans ces circonstances que les tribunaux ont reconnu que des personnes peuvent établir qu'elles craignent avec raison d'être persécutées bien que leur pays d'origine soit disposé à protéger ses citoyens et soit en mesure de le faire. M. Valdez se trouve-t-il dans une situation de ce genre? J'estime que non.

[11]            La Commission a rappelé que la violence politique était répandue aux Philippines pendant la campagne électorale de 2002. Mais rien n'indique que des partis politiques rivaux ont continué de se battre après les élections. Rien n'indique non plus que M. Valdez a été ou risquerait d'être personnellement visé. Par conséquent, je ne peux pas conclure que la Commission n'a pas appliqué le critère approprié en ce qui concerne la protection de l'État.

2. La Commission a-t-elle correctement analysé les éléments de preuve relatifs à la protection de l'État?


[12]            M. Valdez soutient que la Commission n'a pas suffisamment tenu compte du fait qu'il avait signalé les incidents violents à la police et que cela n'avait rien changé. Il ajoute que la Commission n'a pas tenu compte des éléments de preuve documentaire indiquant que beaucoup de gens ont été victimes d'actes de violence pendant la campagne électorale de 2002 et n'ont pas été protégés par l'État. Il estime que l'analyse que la Commission a faite de la question de la protection de l'État est « sommaire » ou « superficielle » , comme l'a conclu la Cour dans Zhuravlvev, précitée.

[13]            J'estime que la Commission a fait une analyse suffisante des éléments de preuve. Elle a tenu compte des violents événements qui ont précédé les élections de 2002 et de la participation de divers partis politiques à ces crimes. Elle a également tenu compte du fait que M. Valdez n'a pas signalé l'incident de décembre 2001, mais qu'il a signalé ceux de 2002. La Commission a fait remarquer que la police ne pouvait pas faire grand-chose étant donné que les suspects étaient inconnus. Néanmoins, la police avait décidé de faire enquête.

[14]            Je ne peux pas conclure que la Commission n'a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents. Je ne dirais pas non plus que l'analyse qu'elle a faite de la protection de l'État est sommaire ou superficielle.

[15]            Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties ne m'a proposé de question de portée générale en vue de sa certification, et aucune question n'est donc formulée.


                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question de portée générale n'est formulée.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »               

Juge     

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2727-04

INTITULÉ :                                        ADRIAN (CABANSAG) VALDEZ c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONT.)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 27 AVRIL 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                       LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Inna Kogan                                           POUR LE DEMANDEUR

Bridget O'Leary                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

INNA KOGAN                                    POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ont.)

John H. Sims, c, r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ont.)


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