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Date : 20011002

Dossier : IMM-187-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1081

ENTRE :

DALANGUERBAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas datée du 24 novembre 1999 dans laquelle celui-ci rejetait la demande de résidence permanente présentée par le demandeur dans la catégorie des entrepreneurs.

[2]                 Voici les trois questions en litige :

1.         L'agent des visas a-t-il commis une erreur parce qu'il s'est principalement fondé sur le projet d'entreprise présenté par le demandeur?


2.         L'agent des visas a-t-il commis une erreur en se limitant à un aspect de la définition d' « entrepreneur » , à savoir la capacité du demandeur d'établir une entreprise, sans examiner sa capacité d'acheter ou d'investir au Canada une somme importante dans une entreprise ou un commerce?

3.         L'agent des visas a-t-il commis une erreur en arrivant à la conclusion que le demandeur avait préparé un projet de cinq ans concernant le commerce des métaux et des produits chimiques?

Les faits

[3]                 Le demandeur a présenté sa demande de résidence permanente au Canada à titre d'entrepreneur le 13 mars 1998.

[4]                 Le Règlement sur l'immigration de 1978 définit « entrepreneur » de la façon suivante :

« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

[5]                 Dans une lettre datée du 6 mars 1998 émanant de son avocat, elle déclare que le demandeur :


[TRADUCTION

... a fait le projet de mettre sur pied une entreprise commerciale au Canada qui fera le commerce des métaux et des produits chimiques entre le Canada et la Chine et la Mongolie. Ces produits sont des ressources naturelles du Canada et il pense que les activités commerciales qu'il va exercer au Canada seront très fructueuses. Il a une valeur nette de 1,1 million de dollars CAN. Il a l'intention de visiter le Canada avant son entrevue pour obtenir des renseignements sur le milieu des affaires à Toronto et à Vancouver et pour déterminer quelles sont ses options. Il prévoit néanmoins qu'il créera une entreprise de ce genre au Canada à un coût s'établissant entre 150 000 $ et 250 000 $ CAN.

[6]                 Il a déposé des états financiers vérifiés qui indiquent qu'il a gagné plus de 100 000 $ et parfois plus de 800 000 $ au cours des années 1996, 1997 et 1998. Ces chiffres sont confirmés par la cotisation à l'impôt sur le revenu établie à Hong Kong.

[7]                 Dans son résumé de projet d'entreprise, il mentionne à titre d'expérience en administration des affaires le fait qu'il est l'administrateur et l'interprète de la société China Nonferrous Metal Industry's Foreign Engineering and Construction Corp. à Beijing, en Chine, depuis janvier 1985. Il mentionne également qu'il a constitué, en novembre 1994, sa propre entreprise commerciale qui faisait le négoce des produits chimiques et des concentrés métalliques entre la Mongolie extérieure et la Chine. Ils ont mis sur pied une usine de fabrication de tissus en laine en Mongolie. Il a déclaré :

[TRADUCTION]

Je m'occupais de l'entreprise, y compris des ventes et des achats. Je surveillais le personnel qui comprenait quatre personnes et m'occupais des aspects financiers, des expéditions, du budget et du fonctionnement général de l'entreprise.

Il a également déclaré qu'il avait l'intention de créer une entreprise au Canada qui exporterait des métaux et des produits chimiques du Canada vers la Chine et la Mongolie.

[8]                 Le demandeur a indiqué qu'il avait modifié ses projets canadiens et il a présenté une autre proposition préliminaire d'entreprise à l'entrevue tenue le 25 octobre 1999. À ce moment-là, il a déclaré que son objectif était le suivant :

Créer au Canada une usine qui fabriquerait des vêtements pour les femmes en cachemire de chèvre ainsi que des accessoires comme des foulards, des chapeaux et des gants.

Il a fait remarquer que la Mongolie extérieure était le deuxième producteur de cachemire de chèvre au monde. Il concluait son projet commercial en ajoutant ce qui suit au dernier paragraphe :

Je pensais au départ exporter des métaux et des produits chimiques du Canada vers la Chine et il est également possible que j'exerce cette activité lorsque j'aurai déménagé au Canada.

[9]                 L'agent des visas a pris des notes au cours de l'entrevue dans laquelle il parlait d'un processus en trois étapes qu'il a ensuite repris dans les notes du STIDI, le lendemain de l'entrevue. On constate toutefois qu'un élément important a été ajouté aux notes d'entrevue pour ce qui est de sa troisième étape. La première étape consistait à créer au Canada une entreprise de façon à se qualifier comme « entrepreneur » et il a déclaré qu'il pensait qu'il serait rentable de fabriquer des produits à base de cachemire. La deuxième étape consisterait à développer l'entreprise et la troisième à, cinq ans plus tard, faire le commerce des métaux non ferreux. Les notes manuscrites initiales ne contiennent aucune mention d'une période de cinq ans. Les notes du STIDI sont plus longues que les notes d'entrevue, ce qui n'est pas surprenant si l'on considère que l'agent des visas a pris ces notes tout en conduisant l'entrevue.

[10]            J'estime que l'agent des visas a entendu le demandeur parler d'un plan de cinq ans pour les métaux non ferreux et cette conclusion est confortée par l'affidavit de l'agent des visas dans lequel il déclare au paragraphe 17 :

[TRADUCTION]

Dans une troisième étape, lorsqu'il se sera familiarisé avec la façon dont on fait des affaires au Canada, dans cinq ans environ, il aimerait s'occuper du commerce des métaux non ferreux. M. Dalanguerban a parlé d'une période de cinq ans, comme de la période dont il aurait besoin pour se familiariser suffisamment avec l'industrie minière canadienne.

[11]            Le 24 novembre 1999, l'agent des visas a écrit au demandeur pour l'informer qu'il ne répondait pas aux conditions requises pour immigrer au Canada dans la catégorie des entrepreneurs. Il a déclaré :

[TRADUCTION]

J'ai décidé que vous ne répondiez pas à la définition d'entrepreneur pour les raisons suivantes.

Vous ne m'avez pas démontré que vous étiez en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à permettre à au moins un citoyen canadien, à part vous-même et les personnes à votre charge, d'obtenir ou de conserver un emploi. Plus précisément, j'en suis arrivé à cette conclusion après avoir examiné les renseignements que vous avez fournis au sujet de votre projet et pris en considération le fait que vous n'avez aucune expérience directe dans le secteur manufacturier, que vous n'avez jamais visité le Canada et avez une connaissance limitée du monde des affaires canadien, vous avez effectué une étude très sommaire des paramètres économiques de votre projet et vous n'avez pas fait d'étude de marché pour les produits que vous avez l'intention de vendre au Canada.

Analyse

[12]            Le demandeur soutient que l'agent des visas a commis une erreur de droit en privilégiant l'aspect projet d'entreprise dans la lettre et dans ses notes. Le demandeur soutient que l'agent des visas se contredit dans son affidavit lorsqu'il déclare au paragraphe 30 :


Je ne me souviens pas avoir demandé à M. Dalanguerban s'il était en mesure d'acheter ou d'investir une somme importante dans une entreprise et je ne me souviens pas qu'il ait abordé ce sujet. Je me souviens toutefois que j'ai examiné cet aspect lorsque j'ai pris ma décision, comme cela ressort de ma lettre de refus. J'ai estimé qu'avec une valeur nette de plus de 1 000 000 $, M. Dalanguerban était en mesure d'acheter et d'investir une somme importante dans une entreprise. J'étais plutôt préoccupé par le fait qu'il n'avait pas réussi à me démontrer qu'il était en mesure de participer activement à l'administration de cette entreprise et de créer ou de conserver au moins un emploi.

[13]            Dans la lettre de refus initiale, l'agent des visas a fondé sa décision sur l'incapacité de créer une entreprise, ce qui est un aspect visé par la partie a) de la définition d' « entrepreneur » . L'agent des visas ne mentionne aucunement la partie b). Cependant, étant donné que l'agent des visas a décidé que le demandeur ne répondait pas aux conditions exposées à l'alinéa a), il n'était pas nécessaire qu'il examine la partie b), et je ne vois pas de contradiction lorsque l'agent des visas déclare que le demandeur n'avait pas l'expérience commerciale requise à la partie b) pour ce qui est de la partie a), alors qu'il ne faisait que commenter brièvement deux autres aspects de la définition. L'agent des visas n'a jamais affirmé que le demandeur répondait aux conditions en matière de gestion énoncées à la partie b).


[14]            Le demandeur affirme que le Manuel d'immigration, chapitre OP6, intitulé « Traitement des demandes d'entrepreneurs et de travailleurs autonomes » énonce : « Vous devez essayer de dissuader le requérant de présenter un projet d'entreprise en bonne et due forme » , le demandeur n'a transmis qu'un projet commercial préliminaire de trois pages et je ne pense pas que cela soit contraire au Manuel d'immigration. Les lignes directrices mentionnent : « ... son expérience des affaires [celle du demandeur] peut être extrêmement utile pour prendre une décision » en vue de déterminer si un entrepreneur peut établir avec succès une entreprise au Canada. Rien n'interdit à l'agent des visas d'examiner des documents qui ne sont pas exigés.

[15]            Je sais que le visa d'entrepreneur accorde à l'intéressé une période de deux ans pour monter une entreprise au Canada mais il n'est pas déraisonnable que l'agent des visas examine les projets préparés par le demandeur. En l'espèce, l'agent des visas a estimé que les projets du demandeur étaient « vagues, généraux et ne comprenaient pas un véritable projet d'entreprise » . Il a également déclaré que le succès qu'avait obtenu le demandeur dans le commerce des métaux s'expliquait principalement par sa connaissance de la Mongolie et par les contacts qu'il avait dans l'industrie. Le demandeur n'a pas convaincu l'agent des visas qu'il était en mesure d'apprendre rapidement comment faire des affaires dans un nouveau milieu, dont il ne parlait pas la langue, et différent du contexte industriel auquel il était habitué. En outre, l'agent des visas avait demandé au demandeur s'il avait déjà administré une usine et la réponse a été qu'il n'en avait aucune expérience directe. Je serais peut-être arrivé à une autre conclusion que celle à laquelle est arrivé l'agent des visas sur la question de savoir si le demandeur était en mesure de mettre sur pied une entreprise au Canada mais, d'après les éléments de preuve présentés, l'agent des visas pouvait fort bien en arriver à la conclusion négative qui a été la sienne.


[16]            Le demandeur a également soutenu que l'agent des visas avait le devoir d'évaluer la capacité du demandeur de faire un investissement important dans une entreprise, après qu'il ait conclu que le demandeur n'était pas en mesure de créer une entreprise. Comme je l'ai déclaré plus haut, il est vrai que l'agent des visas n'a pas examiné cet aspect dans les motifs de sa décision tels qu'ils ressortent de son affidavit mais il l'a fait d'une façon limitée au paragraphe 30. Néanmoins, l'agent des visas n'est nullement tenu d'évaluer la capacité du demandeur d'acheter une entreprise ou d'effectuer un investissement important. Le juge Décary a déclaré dans Bakhshaee c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998) 154 F.T.R. 158 :

C'est, non pas l'équité, mais le Règlement qui impose à l'agent des visas l'obligation de déterminer si les conditions de la définition sont remplies. En vertu de la partie a) de la définition, un demandeur a l'option de demander l'admission en tant qu' « entrepreneur » sur la base de son intention et de sa capacité « d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante » . Le demandeur peut très bien décider de fonder sa demande sur une seule des trois options et de soumettre des éléments de preuve à cet égard, auquel cas un agent n'a pas besoin, bien entendu, d'examiner les autres options. En l'espèce, le demandeur s'est limité à des allégations et à des éléments de preuve relatifs à l'établissement d'une entreprise. On ne saurait reprocher à l'agent des visas de n'avoir pas examiné les autres options à l'égard desquelles il n'existait simplement pas d'éléments de preuve.

J'estime que ces commentaires valent également pour l'affaire dont je suis saisi. Ils ont également été appliqués par le juge Lutfy dans Majeed c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 742 (1re inst.) (QL) et dans Dhamee c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 109 (1re inst.) (QL).

[17]            L'agent des visas n'a pas commis d'erreur en n'examinant pas la question de savoir si le demandeur était en mesure « d'acheter une entreprise ou un commerce ou d'y investir une somme importante au Canada » au sens de la définition.


[18]            J'ai déjà exprimé mon opinion selon laquelle l'affidavit et les notes du STIDI de l'agent des visas indiquaient tous deux que le demandeur allait attendre cinq ans avant de commencer son commerce des métaux. Cette conclusion de fait était raisonnable et entrait dans les responsabilités de l'agent des visas. Par conséquent, l'agent des visas n'a commis aucune erreur en formulant cette conclusion de fait.

[19]            Il est vrai que le demandeur est un homme d'affaires qui a réussi mais la décision de l'agent des visas n'en est pas déraisonnable. Il n'a pas commis d'erreur dans l'application de la définition d'entrepreneur et il n'a pas non plus formulé de conclusion injustifiée.

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                   « W.P McKeown »     

                                                                                                           JUGE             

OTTAWA (ONTARIO)

le 2 octobre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-187-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Dalanguerban et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 25 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : M. LE JUGE McKEOWN

DATE DES MOTIFS :                        Le 2 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Mme Robin Seligman                                                          POUR LE DEMANDEUR

M. Martin Anderson                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Robin Seligman                                                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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