Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



                                             Date : 19990625

     Dossier : T-1380-88

ENTRE :

     KEVIN BUSSEY,

     demandeur,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

                                         premier défendeur,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE ET

     LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE

     ROYALE DU CANADA

                                         deuxième défendeur.


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE MacKAY

[1]      Les présents motifs expliquent pourquoi la demande d"autorisation présentée par le demandeur pour modifier sa déclaration est rejetée en l"espèce. Les avocats des parties ont été entendus le 18 juin 1999 à St. John"s (Terre-Neuve), où j"ai rejeté la demande oralement, et j"ai subséquemment rendu une ordonnance écrite le confirmant, sans préjudice de modifications ultérieures faites de consentement ou avec l"autorisation de la Cour, exposant la base factuelle sous-tendant la demande du demandeur relativement à la violation des droits garantis par la Charte , ainsi que la réparation s"y rattachant.

[2]      L"action a été introduite par une déclaration déposée le 4 juillet 1988, visant essentiellement à intenter une action en dommages-intérêts pour poursuites abusives, relativement à des événements s"étant principalement produits en 1985 et 1986.

[3]      L"action avait peu progressé lorsque le demandeur fut appelé, par un avis d"examen de l"état de l"instance daté du 22 octobre 1998, à déposer des prétentions écrites exposant les raisons pour lesquelles l"action ne devrait pas être rejetée pour cause de retard, le tout conformément aux Règles de la Cour. Les prétentions écrites déposées pour le demandeur et pour les défendeurs ont été examinées et le 3 février 1999, le juge Blais a ordonné que le demandeur soit disponible pour un interrogatoire préalable et que les parties préparent la tenue d"un interrogatoire préalable au plus tard le 31 mars 1999, que tous les actes de procédure soient déposés et signifiés au plus tard le 14 mai 1999, et que le demandeur dépose et signifie une demande de conférence préparatoire ainsi qu"un mémoire au plus tard le 4 juin 1999.

[4]      Au mois d"avril, l"avocat du demandeur a prévenu la Cour qu"il n"avait pas été possible d"achever l"interrogatoire préalable du demandeur pour le 31 mars et qu"il ne fallait pas s"attendre à ce que tous les interrogatoires préalables soient terminés avant le milieu ou la fin de mai. Le 14 mai, le demandeur a déposé un avis de requête afin d"obtenir l"autorisation de modifier la déclaration. Les modifications que l"on propose maintenant résulteraient de l"achèvement des interrogatoires préalables, qui ont permis au demandeur de comprendre dans l"ensemble sur quelles parties repose ultimement la responsabilité de l"enquête, la mise en accusation, la poursuite du demandeur et les actes délictueux commis par le défendeur qui donnent lieu à la présente action.

[5]      J"ai ordonné que la requête du demandeur soit entendue à St .John"s (Terre-Neuve) le 18 juin 1999. À l"audience, l"avocat du demandeur et l"avocat représentant la Couronne et les défendeurs étaient présents et ont été entendus.

[6]      Au soutien de la position du demandeur, il a été allégué que les modifications que l"on propose maintenant dans l"ébauche de déclaration modifiée présentée avec la requête ne changent pas les faits essentiels allégués au départ, mais les précisent simplement, afin de mieux expliquer la nature de la demande du demandeur. Il a été allégué que les modifications proposées n"occasionneraient pas au défendeur d"injustice ou de préjudice ne pouvant être réparés par l"adjudication de dépens, que les modifications ne retarderaient pas la bonne marche du procès en l"espèce, et qu"elles ne soulèveraient pas de causes d"action fondées sur des faits n"ayant pas été allégués précédemment.

[7]      Au soutien de la position des défendeurs, leur avocat a allégué que les modifications proposées créeraient bel et bien un préjudice pour les défendeurs, qu"elles occasionneraient des retards additionnels et qu"elles semblaient effectivement donner ouverture à de nouvelles causes d"action. Il a été allégué que si les modifications étaient autorisées les défendeurs devraient chercher à obtenir davantage de précisions, et les prenant en considération ils devraient entreprendre une enquête complémentaire et poursuivre leur examen auprès des policiers et d"autres personnes ayant pu être impliquées dans des événements survenus il y a plus de dix ans. Par exemple, l"avocat a indiqué que les faits essentiels sous-tendant l"action, énoncés au paragraphe 16 amendé de la déclaration, n"étaient pas du tout clairs s"ils n"étaient pas l"objet de précisions supplémentaires. Ce paragraphe est rédigé comme suit :

         [TRADUCTION]

     16.      Le demandeur prétend que les défendeurs, par leurs dirigeants, agents et fonctionnaires, ont commis solidairement de nombreux actes illégaux incluant des délits civils et des violations de la Loi constitutionnelle de 1982, et soit l"une ou plusieurs de ces infractions : poursuite abusive, abus du processus judiciaire, complot pour blesser, négligence, violation intentionnelle d"un droit constitutionnel et manquement à l"obligation de diligence raisonnable issue de la common law ou de la loi.

[8]      Dans la déclaration déposée le 4 juillet 1998 il y avait 16 paragraphes ; le dernier énonce les fondations de la réclamation du demandeur quant aux dommages-intérêts généraux et aux dommages-intérêts spéciaux. La déclaration modifiée que le demandeur cherche à déposer avec l"autorisation de la Cour comprend 30 paragraphes ; le dernier énonce les fondements de la réclamation du demandeur quant aux dommages-intérêts généraux, aux dommages-intérêts spéciaux, aux dommages-intérêts majorés et aux dommages-intérêts punitifs et une réclamation pour l"intérêt ayant couru avant et après jugement. Les paragraphes 17 à 20 ont été ajoutés sous l"intitulé [TRADUCTION] " Le fondement juridique de la réclamation contre la Gendarmerie royale du Canada " et les paragraphes 21 à 28, comme cela est souligné ci-dessous, paraissent se rapporter à des réclamations visant les procureurs de la Couronne. Au paragraphe 29, l"on invoque la Loi sur la responsabilité civile de l"État et le contentieux administratif, un argument reposant sur une loi applicable, qui n"est aucunement indispensable, même s"il était approprié, pour l"appréciation des réclamations du demandeur.

[9]      Quoique l"on allègue pour le demandeur que les paragraphes additionnels fournissent les faits essentiels sous-tendant la réclamation générale énoncée au paragraphe 16, je ne suis pas convaincu que ces paragraphes additionnels ne donnent pas ouverture à de nouvelles causes d"action, incluant la possibilité d"actions outrepassant la juridiction de la Cour. Par exemple, je constate que les paragraphes 21 à 28 de la déclaration modifiée apparaissent sous l"intitulé [TRADUCTION] " Le fondement juridique de la responsabilité des procureurs de la Couronne ". Quoique ces avocats soient présentés comme [TRADUCTION] " les mandataires de la Couronne au service du défendeur ", les arguments avancés n"ont pas su me convaincre que, dans le cours de l"administration de la justice, dans les présentes circonstances, soit une poursuite en matière de stupéfiants, les procureurs de la Couronne relèvent du procureur général du Canada par opposition au procureur général de la province, qui est responsable de l"administration de la justice dans la province. S"ils relèvent de ce dernier, alors bien entendu toute demande ayant trait aux actes des procureurs ne donnerait pas lieu, dans le cours normal des choses, à une poursuite contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada et la poursuite, vraisemblablement dirigée contre la Couronne provinciale, ne pourrait être entendue par la Cour. S"il s"agit d"une poursuite intentée contre les procureurs de la Couronne personnellement, une telle poursuite ne peut être entendue par la Cour.

[10]      Puisque je n"étais pas convaincu que les modifications telles que proposées n"occasionneraient pas de préjudice aux défendeurs ou que leur acceptation ne causerait pas de retards supplémentaires, j"ai rejeté les modifications telles que proposées. Je l"ai fait sans préjudice de modifications ultérieures, faites de consentement ou avec l"autorisation de la Cour, qui permettraient au demandeur de plaider sur des faits donnant lieu à des réclamations considérées comme ayant trait aux droits garantis par la Charte. Bien que toute modification tendant à inclure de telles réclamations donnerait, techniquement, ouverture à de nouvelles causes d"action, ces causes seraient, affirme-t-on, fondées sur les mêmes faits essentiels ayant donné naissance à l"action pour poursuite abusive entamée il y a de cela plusieurs années. Je ne me prononce pas sur l"à-propos de soulever une argumentation de violation des droits garantis par la Charte, ni sur les chances qu"elle aurait d"être finalement accueillie, mais je ne suis pas disposé à exclure la possibilité qu"une telle demande soit débattue dans cette affaire.

[11]      L"ordonnance rendue à la suite de l"audience, qui prévoit le rejet de la requête présentée par le demandeur pour obtenir l"autorisation de modifier sa déclaration, était sans préjudice du dépôt par le demandeur, de consentement ou avec l"autorisation de la Cour, d"une déclaration additionnelle incluant les faits allégués en tant que fondement d"une demande de réparation pour toute violation que le demandeur aurait subi de ses droits garantis par la Charte .

[12]      J"ordonne maintenant que toute modification sur consentement ou requête en autorisation visant la modification de la déclaration soit déposée le ou avant le 30 juillet 1999. Après le dépôt de toute modification, que cela soit sur consentement ou par suite d"une autorisation, pendant 14 jours il sera loisible aux défendeurs de modifier la défense. Par la suite, la Cour s"attendra à ce que les parties recommandent à l"intérieur d"un délai additionnel de 30 jours, d"un commun accord


ou séparément, un calendrier quant à la préparation du procès et à une conférence préparatoire, conformément à l"esprit de l"ordonnance du juge Blais en date du 3 février 1999.





                                     W. Andrew MacKay

                                

                                         JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 juin 1999.


Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.





     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-1380-88

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Kevin Bussey c. P.G. du Canada et autres


LIEU DE L"AUDIENCE :          St. John"s (Terre-Neuve)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 18 juin 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :      le juge MacKay

EN DATE DU :              25 juin 1999


ONT COMPARU :


Tom Johnson

Dean Porter                              POUR LE DEMANDEUR


Kevin F. Stamp, c.r.                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :



Thomas E. Williams

St. John"s (Terre-Neuve)                      POUR LE DEMANDEUR



Kevin F. Stamp, c.r.                          POUR LE DÉFENDEUR

St. John"s (Terre-Neuve)             

        


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.