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Date : 20010202

Dossier : IMM-2625-99

                                                                                                                            Référence : 2001 CFPI 8

OTTAWA (ONTARIO), LE 2 FÉVRIER 2001

DEVANT : MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

                                                                 SHENGFANG LIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                     ORDONNANCE

Une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d'immigration avait refusé, le 9 avril 1999, la demande que Shengfang Lin avait présentée en vue de résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie de travailleurs autonomes ayant été présentée;

Les documents qui ont été déposés ayant été examinés et les observations des parties ayant été entendues;


Pour les motifs d'ordonnance prononcés en ce jour :

LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                       Dolores M. Hansen                       

                                                                                                                                                          J.C.F.C.                                   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010202

Dossier : IMM-2625-99

                                                                                                                            Référence : 2001 CFPI 8

ENTRE :

                                                                 SHENGFANG LIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

Introduction

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d'immigration a refusé, le 9 avril 1999, la demande que Shengfang Lin avait présentée en vue de résider en permanence au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes en sa qualité de chef. Au début de l'audience, le demandeur s'est désisté de la demande de contrôle judiciaire qu'il avait présentée dans le dossier du greffe IMM-34-99.


Les faits

[2]         Depuis qu'il a quitté, en 1989, la Chine où sa conjointe et deux enfants demeurent encore, le demandeur a travaillé comme chef chinois dans l'État de Washington, États-Unis. Il a reçu une formation régulière de chef dans la République populaire de Chine et a travaillé en cette qualité en Chine ainsi qu'aux États-Unis, depuis qu'il est arrivé dans ce dernier pays en 1990. Dans son énoncé des faits, le demandeur déclare être entré sans visa aux États-Unis depuis le Mexique, avoir été détenu et avoir par la suite été mis en liberté sous caution; cependant, dans son formulaire de demande, le demandeur a répondu par la négative à la question de savoir s'il avait été détenu ou incarcéré.

[3]         À l'heure actuelle, le demandeur gagne 650 $ US par semaine en sa qualité de premier chef du « Top's China » , à Arlington, en Virginie. Dans sa lettre de demande du 3 septembre 1998, le représentant du demandeur dit que le demandeur a 55 700 $ US dans son compte et qu'il possède, en Chine, une maison d'une valeur de 250 000 ¥, ce qui représente environ 45 000 $ CAN, de sorte qu'il possède des biens ayant une valeur approximative de 130 000 $ CAN. L'avocat du demandeur affirme qu'entre la date à laquelle la demande a été présentée et la date à laquelle l'entrevue a eu lieu, les avoirs du demandeur ont augmenté de 9 000 $ US.

[4]         Dans les notes prises à l'entrevue que l'agente d'immigration a consignées dans le CAIPS, il est dit ce qui suit :


[TRADUCTION]

Il veut un jour ouvrir son propre restaurant-minute chinois dans un centre commercial. Son ami, à Vancouver, a trouvé un emplacement, rue « U » ; mais il ne sait pas où cela est situé. Toutefois, un emploi lui a également été offert [...] il ne sait pas trop s'il l'acceptera. Au début de l'entrevue, l'IE a affirmé avec véhémence qu'il voulait tout d'abord travailler comme cuisinier pour quelqu'un d'autre au Canada puisque, s'il ouvrait son propre établissement sans connaître le milieu canadien des affaires, il perdrait certainement de l'argent. Il a ensuite changé d'idée et a déclaré qu'il visiterait l'endroit que son ami avait trouvé [...] (dossier du Tribunal, page 5).

[5]         Dans les notes qu'elle a prises à l'entrevue, l'agente d'immigration dit ensuite ce qui suit : [TRADUCTION]

J'ai informé l'IE que, puisque sa connaissance de l'anglais laissait fortement à désirer (et ce, même s'il avait passé neuf ans aux États-Unis), qu'il n'était jamais allé au Canada, qu'il n'avait jamais exploité une entreprise et qu'il voulait s'établir à Vancouver sans avoir beaucoup d'argent, il n'avait pas démontré qu'il serait en mesure de contribuer de manière significative à la vie économique canadienne [...] (dossier du Tribunal, page 5).

[6]         L'agente d'immigration a informé le demandeur que, cela étant, elle devait refuser sa demande. Voici ce qu'elle a inscrit dans les notes du CAIPS :

[TRADUCTION]

Il a ensuite déclaré qu'il avait de fait déjà exploité une entreprise, mais qu'il avait oublié de mentionner la chose dans sa demande. Il a produit un permis d'exploitation [...] sur lequel figurait son nom, lequel avait été délivré à Bluefield, West Virginia et était valide du 1er juillet 1997 au 30 juin 1998. Il a déclaré qu'il avait possédé et exploité cet établissement pendant environ un an, mais qu'il s'était vu obligé de le vendre parce qu'il ne pouvait trouver personne qui travaillerait avec lui et qu'il y avait pour lui seul trop de travail. Il a ensuite modifié sa déclaration et il a affirmé avoir eu trois employés, mais que le travail était si exigeant que cela l'avait énormément fatigué et que le profit qu'il faisait n'était pas plus élevé que le salaire qu'il gagnait en travaillant comme employé. Il n'a apporté aucun document concernant l'entreprise et il a déclaré qu'il ne savait pas où étaient les documents. Étant donné qu'il avait déjà essayé d'exploiter son propre restaurant aux États-Unis et qu'il s'était vu obligé d'y renoncer, je lui ai demandé pourquoi il croyait qu'il n'en serait pas ainsi au Canada. Il a répondu que sa famille serait là. Malheureusement, cela ne constitue pas un motif suffisamment convaincant pour conclure qu'il serait en mesure de remplir les conditions applicables aux TA au Canada [...]

La décision

[7]         Par une lettre en date du 9 avril 1999, l'agente d'immigration a informé le demandeur qu'il ne remplissait pas les conditions nécessaires pour immigrer au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes :[TRADUCTION]

À mon avis, vous ne remplissez pas les conditions d'application de la définition du « travailleur autonome » (dossier du Tribunal, page 7).

[8]         Dans sa lettre de refus, l'agente d'immigration relate les faits susmentionnés et ajoute ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il ressort de ce qui précède qu'il n'existe pas de considérations culturelles ou artistiques à l'égard de la demande que vous avez présentée à titre de travailleur autonome. De plus, vous n'avez pas réussi à démontrer que vous étiez en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique. Vous n'êtes jamais allé au Canada et votre connaissance de l'anglais est fort restreinte. Lors de l'entrevue, vous avez déclaré qu'il vous fallait environ 60 000 $ US pour lancer votre entreprise au Canada et vous avez déclaré que vous possédiez des biens d'une valeur de 56 000 $ US. Vous n'avez pas fait d'études ou reçu de formation dans le domaine des affaires et vous n'avez pas établi que vous avez de l'expérience dans les affaires. Vous aviez initialement déclaré que vous n'aviez jamais possédé ou exploité une entreprise, mais lorsque j'ai exprimé mes préoccupations au sujet de votre manque d'expérience, vous avez déclaré qu'en fait, vous aviez déjà été propriétaire d'un restaurant [...]

Analyse

[9]         Le demandeur affirme que l'agente d'immigration a uniquement mis l'accent sur la définition du « travailleur autonome » telle qu'elle figure dans le Règlement et sur la question de savoir s'il allait obtenir suffisamment de points d'appréciation en vertu de l'annexe I du Règlement et qu'elle a omis de se demander si selon toute probabilité sa famille et lui « allaient subvenir à leurs besoins » au Canada. Le demandeur affirme qu'il aurait fallu effectuer l'appréciation [TRADUCTION] « en vertu du paragraphe 8(1) du Règlement » pour déterminer s'il « pou[vait] réussir son installation » . Par « réussir son installation » , on entend l'installation sur le plan financier, de façon qu'un demandeur puisse démontrer que, s'il était fait droit à sa demande, il subviendrait à ses besoins au Canada.


[10]       Je ne retiens pas cet argument. Comme l'a dit le juge Tremblay-Lamer dans la décision Cao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1077, au paragraphe 21 :

Le Règlement sur l'immigration prévoit que les demandes invoquant la catégorie des travailleurs autonomes doivent faire l'objet d'une analyse en deux volets. Les demandeurs doivent être appréciés conformément à l'alinéa 8(1)b) et au paragraphe 8(4) du Règlement, et ils doivent être visés par la définition du paragraphe 2(1)

[11]       En invoquant cet argument, le demandeur ne tient pas compte de la définition du « travailleur autonome » figurant dans le Règlement ainsi que du fait que, pour régler l'affaire il est essentiel de déterminer s'il est en mesure « d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada de façon à créer un emploi pour lui-même » .

[12]       Le demandeur soutient également que l'agente d'immigration a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. Premièrement, il conteste la conclusion selon laquelle la prévision d'une marge de profit de 20 p. 100 [TRADUCTION] « semble plutôt élevée » . Compte tenu de l'absence d'un plan d'entreprise ou de prévisions concrètes relatives aux profits et pertes ainsi que du fait que la charge de la preuve incombe au demandeur, je ne puis conclure que cela constitue une erreur susceptible de révision.


[13]       Deuxièmement, le demandeur affirme qu'aux fins du calcul de la valeur des avoirs, l'agente d'immigration a uniquement tenu compte de ses disponibilités et qu'elle a omis de tenir compte de la valeur de sa maison en Chine. Le demandeur a raison sur ce point, mais la capacité financière n'est que l'une des considérations lorsqu'il s'agit de déterminer si le demandeur remplit les conditions d'application de la définition du « travailleur autonome » . Compte tenu des facteurs examinés par l'agente d'immigration et de la décision dans son ensemble, j'estime que la décision ne devrait pas être modifiée pour ce seul motif.

[14]       Un autre argument que le demandeur a invoqué se rapporte à la question de savoir si l'entreprise envisagée « contribuer[a] de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada » . À mon avis, puisqu'elle avait conclu que le demandeur n'avait pas réussi à démontrer qu'il était en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise, l'agente d'immigration n'était pas tenue de se demander si pareille entreprise allait apporter une contribution significative au sens de la définition.

[15]       Le demandeur déclare enfin que l'agente d'immigration a commis une erreur en omettant d'envisager d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré au paragraphe 11(3) du Règlement. Dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1239, paragraphe 6, le juge Rothstein a fait les remarques suivantes :

Dans le cas où le demandeur a des raisons de penser qu'il pourra s'établir avec succès au Canada, abstraction faite des points d'appréciation attribués, il peut faire part de ces raisons à l'agent des visas pour lui demander d'exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3). Faute de demande, celui-ci peut l'exercer de son propre chef, mais il n'y est nullement tenu. Comme noté supra, le demandeur n'en a pas fait la demande à l'agente des visas en l'espèce.

[16]       L'avocat du demandeur a attiré l'attention de la Cour sur la lettre qu'il avait envoyée au consulat général du Canada, le 3 septembre 1998, laquelle, soutient-il, renferme pareille demande. J'ai minutieusement examiné le contenu de cette lettre et je conclus qu'aucune demande expresse ou implicite n'y est faite en vue d'un examen fondé sur le paragraphe 11(3) du Règlement.


[17]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                            Dolores M. Hansen                         

                                                                                                                                J.C.F.C.                                  

Ottawa (Ontario)

Le 2 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                           IMM-2625-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Shengfang Lin c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                               TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 15 JUIN 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HANSEN EN DATE DU 2 FÉVRIER 2001.

ONT COMPARU :

Timothy E. Leahy                                                POUR LE DEMANDEUR

Neeta Logsetty                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Timothy E. Leahy                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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