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                                                                                                                                           Date : 20011213

                                                                                                                             Dossier : IMM-6345-00

                                                                                                                                                                       

                                                                                                        Référence neutre : 2001 CFPI 1370

Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2001

EN PRÉSENCE DU JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                                         SUKHDEV SINGH SANDHU

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLANCHARD

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision négative en date du 27 novembre 2000 qu'a rendue M. Bilucaglia, agent de révision des revendications refusées.


[2]                 Âgé de 41 ans, le demandeur, Sukhdev Singh Sandhu, est un Sikh originaire du Punjab qui a demandé le statut de réfugié au Canada à son arrivée le 4 mars 1998. La Section du statut de réfugié au sens de la Convention n'a pas cru la version qu'il a donnée des événements et a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[3]                 Devant l'agent de révision, le demandeur a soutenu qu'il serait exposé à un risque objectivement identifiable s'il devait retourner en Inde en raison des incidents suivants (évaluation du risque faite par l'agent de révision, page 7 du dossier du demandeur) :

[TRADUCTION] En 1985, il a été arrêté, détenu pendant huit ou neuf jours et battu alors qu'il était interrogé au sujet d'activités militantes. Il a été relâché avec l'aide d'un ami de la famille (inspecteur de police principal pour le district de Tarntarn). En février 1989, les autorités de la police centrale et de la police locale l'ont détenu et battu pendant une période de trois semaines au sujet d'un incident de terrorisme survenu à Ludhiana. Il s'est rendu dans le Punjab et a habité chez des amis et parents pendant environ 21 mois. En janvier 1991, le demandeur ainsi que son épouse et ses enfants ont déménagé à Ludhiana et ont dissimulé leur identité jusqu'en décembre 1993 (soit pendant près de deux ans). Tout au long de cette période, la police a harcelé la famille du demandeur au Punjab. En décembre 1993, la police a arrêté le demandeur et l'a détenu et torturé avant de le relâcher en janvier 1994, moyennant le paiement d'un pot-de-vin élevé. Lorsqu'il s'est rétabli en mars 1994, le demandeur a déménagé à Kahnpur, dans l'État d'Uttar Pradesh, et a commencé à planifier son départ de l'Inde en octobre 1996.

Le demandeur a quitté l'Inde le 10 février 1998. Après avoir passé quelque temps en Italie (sept jours), au Royaume-Uni (quatre jours) et aux États-Unis (neuf jours), il est arrivé au Canada le 4 mars 1998 et a demandé le statut de réfugié à son arrivée.

[4]                 L'agent de révision a refusé la demande du demandeur parce qu'il estimait que celui-ci n'avait pas prouvé qu'il serait exposé à un risque objectivement identifiable s'il retournait en Inde. L'agent a justifié cette décision en commentant trois aspects des arguments que le demandeur a invoqués (décision de l'agent de révision, aux pages 1 et 2) :


[TRADUCTION] Avant d'arriver au Canada, le demandeur a passé quelque temps en Italie (sept jours), au Royaume-Uni (quatre jours) et aux États-Unis (neuf jours), mais il n'a demandé le statut de réfugié dans aucun de ces pays. Sur son FRP, il a mentionné qu'il a commencé à communiquer avec des agents en octobre 1996. Ce renseignement donne à penser qu'il avait planifié son voyage, ce qui, à mon avis, diminue les possibilités de risque.

D'après son FRP, il semble que la police l'aurait relâché (avec l'aide d'un ami - inspecteur de police principal) en 1985 sans exiger de conditions ou de paiement, parce qu'elle a compris qu'il n'était pas un des hors-la-loi. À mon avis, si la police l'a relâché parce qu'elle croyait qu'il n'était pas un hors-la-loi et qu'il n'était pas impliqué dans des activités militantes, il est contradictoire de dire que, bien qu'il ait été relâché, la police croyait qu'il avait des liens avec des militants sikhs et l'a par la suite harcelé ainsi que les membres de sa famille.

Le maire du village a tenté de convaincre la police que le demandeur ne participait pas à des activités militantes. La police a cru qu'il avait quitté l'Inde. Par conséquent, il ne semble pas qu'elle l'ait activement recherché un peu partout en Inde. D'après son FRP, tout au long de la période où il est resté à Ludhiana, le demandeur n'a pas eu de problème.

[5]                 L'agent a ensuite examiné la preuve documentaire concernant le climat politique qui régnait dans le Punjab, y compris deux réponses à des demandes d'information de la CISR (une en date du 17 février 1997 et une autre en date du 12 juin 2000) ainsi qu'un rapport appelé Country Report des États-Unis pour l'année 1999. L'agent a conclu à la lumière de cette preuve que le conflit opposant différents groupes du Pujab s'était résorbé et que les disparitions semblaient avoir pris fin dans cette région.

[6]                 L'agent a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque objectivement identifiable s'il devait retourner en Inde.


[7]                 Le demandeur soutient que les conclusions de l'agent sont abusives, parce que celui-ci n'a pas mentionné que la version du demandeur n'était pas crédible. De l'avis du demandeur, l'omission de sa part de demander le statut de réfugié ailleurs qu'au Canada peut être pertinente quant à la crédibilité, mais ne peut être déterminante en ce qui a trait à une demande présentée par un DNRSRC. De plus, l'agent a tiré une conclusion négative de cette omission sans aviser le demandeur.

[8]                 Le demandeur ajoute qu'il était déraisonnable de la part de l'agent de conclure que la police ne croyait pas qu'il était impliqué avec des militants, puisqu'elle l'a relâché en 1985. Selon le demandeur, cette supposition ne tient pas compte du fait qu'il a été détenu à deux occasions après l'incident survenu en 1985, ce qui prouve que la police continuait à avoir des soupçons au sujet du demandeur.

[9]                 Enfin, le demandeur fait valoir que, même si la preuve documentaire indique que la situation s'améliore au Punjab, il est également reconnu qu'un risque continue à exister pour les personnes qui sont considérées comme des personnes ayant des liens avec les militants. L'agent n'a donc pas tenu compte de l'ensemble de la preuve.

[10]            Le défendeur répond que la demande du demandeur a été refusée parce que l'agent a conclu que celui-ci ne serait pas exposé à un risque objectivement identifiable s'il devait retourner en Inde. Cette conclusion était fondée sur la preuve documentaire et sur les observations écrites du demandeur et non sur la crédibilité de celui-ci. De plus, le défendeur allègue que, dans une demande présentée par un DNRSRC, le demandeur a le droit de déposer des observations écrites; toutefois, l'agent de révision des revendications refusées n'est pas tenu, au nom de l'équité procédurale, d'aviser le demandeur de toutes les réserves qu'il peut avoir.


[11]            En dernier lieu, le défendeur fait valoir que l'agent a tenu compte de l'argument du demandeur selon lequel il avait été arrêté à trois occasions et battu. Toutefois, l'agent a conclu que, même si le demandeur avait été arrêté et battu en 1985, 1989 et 1993, cela ne signifie pas qu'il serait exposé au même risque s'il retournait en Inde aujourd'hui. Par conséquent, le demandeur n'est pas exposé à un risque objectivement identifiable.

[12]            La question que la Cour doit trancher en l'espèce est de savoir si l'agent de révision des revendications refusées a commis une erreur susceptible de révision lorsqu'il a évalué la demande du demandeur. Pour trancher cette question, j'appliquerai la norme de révision que Madame le juge L'Heureux-Dubé a adoptée dans Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817. Dans cet arrêt, la norme d'examen de la décision raisonnable simpliciter a été adoptée à titre de norme d'examen applicable dans le cas d'une décision que prend un agent d'immigration au sujet d'une demande pour des raisons d'ordre humanitaire fondée sur le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration.

[13]            La définition du DNRSRC figure au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, DORS/78-72 (le Règlement) :


« demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada » : immigrant au Canada :

member of the post-determination refugee claimants in Canada class" means an immigrant in Canada


a) à l'égard duquel la section du statut a décidé, le 1er février 1993 ou après cette date, de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention,

...

c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé l'expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l'un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d'autres individus provenant de ce pays ou s'y trouvant :

(i) sa vie est menacée pour des raisons autres                  que l'incapacité de ce pays de fournir des                  soins médicaux ou de santé adéquats,

(ii) des sanctions excessives peuvent être                  exercées contre lui,

(iii) un traitement inhumain peut lui être                  infligé

(a) who the Refugee Division has determined on or after February 1, 1993 is not a Convention refugee,

...

(c) who if removed to a country to which the immigrant could be removed would be subjected to an objectively identifiable risk, which risk would apply in every part of that country and would not be faced generally by other individuals in or from that country,

(i) to the immigrant's life, other than a risk to                  the immigrant's life that is caused by the                  inability of that country to provide adequate                  health or medical care,

(ii) of extreme sanctions against the                  immigrant, or

(iii) of inhumane treatment of the immigrant.


[14]            L'évaluation négative de l'agent de révision des revendications refusées était fondée en partie sur le témoignage du demandeur lui-même. Le demandeur a commencé à planifier son départ de l'Inde en 1996; toutefois, ce n'est qu'en 1998 qu'il a quitté le pays. De plus, le demandeur est passé par l'Italie, le Royaume-Uni et les États-Unis sans revendiquer le statut de réfugié. L'agent a conclu de ces faits que le demandeur n'est pas exposé à un risque objectivement identifiable. Lorsqu'une personne met deux ans à planifier son départ, il est raisonnable de conclure que le risque que cette personne invoque n'est pas imminent.

[15]            L'argument du demandeur selon lequel l'agent n'a pas tenu compte des arrestations dont il a fait l'objet après celle de 1985 est sans fondement. Il appert clairement des notes de l'agent que celui-ci a tenu compte des arrestations survenues en 1985, 1989 et 1993.

[16]            L'agent a également examiné la preuve documentaire et accordé une attention particulière au fait que la situation au Punjab s'est améliorée au point où le demandeur n'est pas exposé à un risque objectivement identifiable.


[17]            À mon avis, l'évaluation que l'agent de révision a faite du risque auquel le demandeur serait exposé à son retour, conformément au paragraphe 2(1) du Règlement, ne peut être considérée comme une évaluation déraisonnable. Il n'y a pas lieu de dire non plus que l'agent a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de manière abusive ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. À mon avis, la preuve n'indique nullement que l'agent de révision a exercé son pouvoir discrétionnaire dans un but irrégulier ou de mauvaise foi. Je ne vois donc aucune raison de modifier la décision qu'il a rendue.

[18]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[19]            Les parties ne m'ont pas demandé de certifier une question grave de portée générale, comme le permet l'article 83 de la Loi sur l'immigration, malgré la possibilité qu'elles avaient de le faire. Par conséquent, je n'ai pas l'intention de certifier une question grave de portée générale.


.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

  

                                                                                                                             « Edmond P. Blanchard »             

                                                                                                                                                                 Juge                                

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-6345-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Sukhdev Singh Sandhu c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 20 août 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE PAR :                           Monsieur le juge Blanchard

DATE DES MOTIFS :                                     le 13 décembre 2001

COMPARUTIONS :

M. Lorne Waldman                                                           POUR LE DEMANDEUR

M. Matthew Oommen                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates

Toronto (Ontario)                                                              POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR

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