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     Date : 19981204

     Dossier : IMM-5129-97

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 1998

En présence de : Monsieur le juge Pinard

ENTRE

     ROMMEL KUDJOE,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     ORDONNANCE

         La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 5 novembre 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

                             YVON PINARD

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19981204

     Dossier : IMM-5129-97

ENTRE

     ROMMEL KUDJOE,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]          Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision en date du 5 novembre 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, en vertu de l'article 1Fa) de la clause d'exclusion.

[2]          Le demandeur, âgé de 33 ans, est un citoyen ghanéen qui revendique le statut de réfugié du fait de son appartenance à un groupe particulier et de ses opinions politiques imputées. Il prétend craindre d'être persécuté par des membres du Bureau of National Investigations (BNI) (bureau des enquêtes nationales) parce qu'il a démissionné de son poste au sein de l'organisation.

[3]          La demande est rejetée parce que le demandeur n'a pas établi que la Commission avait eu tort de conclure que le BNI visait principalement une fin brutale limitée, qu'il avait personnellement participé à des actes de persécution et qu'il n'avait pas démissionné à la première et raisonnable occasion.

[4]          Il existait la preuve que le BNI était un organisme de sécurité interne composé d'un personnel tant civil que militaire dont le rôle était de surveiller de près les opposants au gouvernement. Selon la Response to Information Request GHA12111 (réponse à la demande d'information) en date du 4 décembre 1992, le BNI pouvait interroger et détenir sans procès et indéfiniment des gens qu'il soupçonnait de subversion, pour des motifs de sécurité nationale. Le témoin expert, M. Kwadwo Appiagyei Atua, a témoigné que le BNI avait deux fonctions : une fonction d'organisme de renseignements de sécurité nationale et l'autre de service de sécurité pour le gouvernement au pouvoir. D'après son témoignage, des violations des droits de la personne avaient lieu avec cette seconde fonction. Dans ce contexte, étant donné la preuve documentaire additionnelle aux pages 104, 106 et 108 du dossier de la Cour, il n'y a pas lieu de toucher à la conclusion de la Commission selon laquelle le BNI [TRADUCTION] "visait principalement une fin brutale limitée".

[5]          Il appert que les responsabilités du demandeur se rapportaient à la première fonction de l'organisation, celle d'un organisme de renseignements de sécurité nationale. Toutefois, lorsque le demandeur se trouvait au pays, il travaillait dans le même bureau où des gens étaient amenés par des commandos et étaient battus. Étant donné que le demandeur connaissait ces activités et qu'il a continué de travailler pour le BNI pendant plusieurs semaines après qu'il en eut eu connaissance, la conclusion qu'il n'était pas un simple [TRADUCTION] "spectateur innocent" n'est pas déraisonnable.

[6]          Dans l'affaire Aguebor c. Canada (M.E.I.), (1993), 160 N.R. 315, aux pages 316 et 317, Le juge Décary, J.C.A., qui rédigeait les motifs de la Cour d'appel fédérale, a décrit la norme de déférence applicable aux conclusions de la Commission quant à la crédibilité :

             Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[7]          Considérant que le fardeau de la preuve dont le ministre doit s'acquitter pour démontrer que la Convention ne s'applique pas à un individu donné est moindre que la prépondérance des probabilités (voir Ramirez c. M.E.I. (1992), 135 N.R. 390; 89 D.L.R. (4th) 173 (C.A.F.); Moreno et Sanchez c. M.E.I. (1993), 159 N.R. 210 (C.A.F.) et Sivakumar c. M.E.I. (1993), 163 N.R. 197 (C.A.F.), je suis convaincu que la Commission pouvait raisonnablement conclure comme elle l'a fait.

[8]          De même, vu que les arguments du demandeur reposent essentiellement sur des faits, et étant donné les décisions ci-dessus rendues par la Cour d'appel fédérale dans les affaires Ramirez, Moreno et Sanchez et Sivakumar1, j'estime que l'espèce ne soulève aucune question de portée générale aux fins de certification. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire

est rejetée.

                         YVON PINARD

                                 JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 décembre 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-5129-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Rommel Kudjoe c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 18 novembre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

EN DATE DU                      4 décembre 1998

ONT COMPARU :

    Stewart Istvanffy                  pour le demandeur
    Claude Provencher                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Stewart Istvanffy                  pour le demandeur
    Montréal
    Morris Rosenberg
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur

__________________

     1      Voir également Bazargan c. M.E.I. (1996), 205 N.R. 282.

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