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Date : 20060126

Dossier : T-240-05

Référence : 2006 CF 78

Ottawa (Ontario), le 26 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

KENT DANIEL GLOWINSKI

demandeur

 

 

et

 

LE CONSEIL DU TRÉSOR,

LE MINISTRE DE L’INDUSTRIE DU CANADA

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Conseil du Trésor et d’Industrie Canada prise le ou vers le 17 janvier 2005, déterminant que le demandeur est un employé de la fonction publique et que pour ce motif, il n’était pas habilité à négocier son salaire en vertu de la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique ». La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes : Un étudiant salarié dans la fonction publique est-il ou non un employé de la fonction publique? Les nombreuses politiques du Conseil du Trésor ont-elles ou devraient-elles avoir force de loi? Le demandeur peut-il s’adresser directement à la Cour avant d’avoir déposé un grief dans le cadre du régime fédéral de règlement des différends en matière de travail? Le demandeur soutient, avec Corporations Canada, qu’il était un employé provenant de « l’extérieur de la fonction publique » pendant la période où il a occupé un poste dans le cadre du Programme fédéral d’expérience de travail étudiant et que pour ce motif, il était habilité à négocier un salaire supérieur à la rémunération minimale prévue pour le poste CO‑01 que lui a proposé Corporations Canada.

 

 

LES FAITS

 

[2]               Du 3 mai au 3 septembre 2004, le demandeur a été embauché comme étudiant en droit en vertu d’un contrat « coopératif » étudiant à Corporations Canada, une direction du Secteur des opérations d’Industrie Canada. Corporations Canada est chargée de la mise en application, notamment, de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, ch. C-44, régissant les sociétés qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.

 

[3]               Le 7 septembre 2004, le demandeur a été réembauché à Corporations Canada aux termes d’un contrat conclu en vertu du  Programme fédéral d’expérience de travail étudiant (PFETE), prenant fin le 6 mai 2005. Des milliers d’étudiants sont embauchés dans le cadre de ce programme chaque année.

 

[4]               En août 2004, le demandeur a présenté sa candidature à un concours public pour le poste d’agent des arrangements et des dispenses (CO-01), qui n’était pas un emploi étudiant, à Corporations Canada. Le 13 janvier 2005, le demandeur s’est vu offrir un poste CO-01 pour une période à durée déterminée, soit du 17 janvier 2005 au 31 août 2005, pour une rémunération de 41 321 $. L’offre précisait que la rémunération proposée était conforme au « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique », une politique établie par le Conseil du Trésor.

 

[5]               Avant d’accepter l’offre, le demandeur a informé ses supérieurs qu’il souhaitait négocier un salaire supérieur à la rémunération minimum prévue pour un poste CO-01, compte tenu de son expérience et de sa formation juridique. L’échelle salariale établie pour les postes CO-01 est comprise entre 41 321 $ et 54 975 $.

 

 

LA DÉCISION EN CAUSE

 

[6]               Au moment de l’offre, le 13 janvier 2005, Mme Cheryl Ringor, chef de la Direction de la conformité et politique à Corporations Canada, a informé le demandeur que la Direction générale des ressources humaines d’Industrie Canada avait décidé de ne pas négocier de salaire et que l’offre devait être acceptée ou refusée telle quelle. Le demandeur a demandé à Industrie Canada de lui préciser les raisons pour lesquelles il n’était pas autorisé à négocier son salaire de départ au poste CO-01. Mme Ringor a informé le demandeur que l’offre demeurait valable pendant quatre jours, ce qui lui laissait le temps de découvrir les raisons de ce refus et possiblement, de tenter de convaincre la Direction générale des ressources humaines de revenir sur sa décision.

 

[7]               Au lieu de cela, le lendemain, soit le 14 janvier 2005, le demandeur a accepté l’offre d’emploi sans essayer de convaincre la Direction générale des ressources humaines d’autoriser la négociation d’un salaire plus élevé pour le demandeur.

 

[8]               Par avis de demande en date du 10 février 2005, le demandeur a saisi la Cour de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[9]               Le 15 février 2005, le Conseil du Trésor a informé le demandeur par courriel que les étudiants embauchés en vertu d’un contrat du PFETE étaient des « employés » pour la détermination du taux de rémunération. Par le biais de différents courriels, le demandeur a reçu les explications suivantes :

i.        le pouvoir d’établir les conditions d’emploi dans la fonction publique a été délégué au Conseil du Trésor en vertu de l’article 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11;

 

ii.       le taux de rémunération d’un employé lors de sa nomination à la fonction publique est déterminé conformément au « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique », promulgué par le Conseil du Trésor;

 

iii.      l’article 22 du « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique » précise que, sous réserve de tout autre édit du Conseil du Trésor, le taux de rémunération d’une personne nommée à la fonction publique doit être le taux minimum applicable au poste auquel elle accède;

 

iv.      la « Convention collective du groupe Vérification, Commerce et Achat » établit le taux de rémunération minimum pour les postes CO‑01 à 41 321 $;

 

v.       la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique » autorise la négociation d’un salaire en vertu d’un pouvoir discrétionnaire;

 

vi.      puisque les étudiants sont considérés comme des « employés » dans le « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique », le demandeur n’est donc pas assujetti à la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique » et M. Glowinski doit donc être rémunéré au taux minimum prévu pour un poste CO-01.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[10]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève essentiellement deux questions :

1.         La Cour doit-elle, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, refuser d’exercer sa compétence de contrôle judiciaire au motif que cette question a fait l’objet à juste titre d’une procédure de grief, un autre recours approprié que le demandeur aurait dû exercer avant de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour?

 

2.         Le Conseil du Trésor a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur était un « employé » de la « fonction publique » avant sa nomination au poste CO-01 et qu’en conséquence, il n’était pas habilité à négocier un taux de rémunération en vertu de la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique »?

 

 

ANALYSE

 

Question n° 1 :    La Cour doit-elle, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, refuser d’exercer sa compétence de contrôle judiciaire au motif que cette question a fait l’objet à juste titre d’une procédure de grief, un autre recours approprié que le demandeur aurait dû exercer avant de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour?

 

[11]           L’article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35,  (la LRTFP) établit une procédure de grief interne pour les différends en matière de travail entre l’employé et l’employeur de la fonction publique. La Cour suprême du Canada, dans Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, affirme sous la plume du juge Binnie que les tribunaux devraient refuser d’intervenir dans les différends en matière de travail, sauf dans le cadre d’un contrôle judiciaire :

¶ 2                  Je suis d’accord avec l’appelant pour dire que le texte et le contexte de la LRTFP ne vont pas jusqu’à écarter explicitement la compétence des tribunaux, comme c’était le cas dans l’affaire Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929. Bien que les tribunaux conservent une compétence résiduelle pour trancher les questions liées au secteur du travail qui découlent de l’art. 91 de la LRTFP et qui ne peuvent faire l’objet de l’arbitrage prévu à l’art. 92, je suis néanmoins d’avis qu’ils devraient généralement exercer leur pouvoir discrétionnaire pour refuser d’intervenir, sauf dans le cadre limité du contrôle judiciaire. Les faits de la présente affaire, dans la mesure où l’on peut les établir, illustrent bien pourquoi il est souhaitable de faire preuve de retenue judiciaire dans ce domaine. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[12]           C’est un recours en contrôle judiciaire que le demandeur a choisi d’exercer dans le cas en l’espèce. Cependant, dans Vaughan, précité, la Cour suprême déclare au paragraphe 54, par la voix du juge Bastarache (dissident pour d’autres motifs), que la Cour fédérale est habilitée à exercer son pouvoir de contrôle judiciaire seulement à l’encontre d’une décision finale rendue en vertu de l’article 91 de la LRTFP :

¶ 54                Pour savoir si le régime établi au par. 91(1) est exclusif, nous devons d’abord examiner son application. Cette disposition permet à un fonctionnaire, même s’il n’est pas visé par une convention collective, de présenter un grief relativement à toute question ou presque liée à l’emploi et de le porter jusqu’au dernier palier de la procédure. Le paragraphe 92(1) ne permet l’arbitrage par un tiers que pour certaines questions liées à l’application d’une convention collective, à une mesure disciplinaire ou à un licenciement. La décision finale rendue aux termes de l’art. 91 est susceptible de contrôle judiciaire en vertu de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]           En l’espèce, le demandeur n’a pas déposé de grief; il a immédiatement déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour. La Cour suprême du Canada, dans Vaughan, précité, a rejeté cette approche, tel qu’il appert des motifs du juge Binnie, au paragraphe 39 :

¶ 39                Sixièmement, lorsque le législateur a clairement établi un régime complet pour le règlement des différends en matière de relations de travail, comme c’est le cas en l’espèce, les tribunaux ne devraient pas mettre en péril le mécanisme exhaustif de règlement des différends que contient la loi en permettant l’accès systématique aux tribunaux. Même si l’absence d’un arbitre indépendant peut, dans certaines circonstances, se répercuter sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire résiduel du tribunal (comme dans les cas de dénonciateurs), la règle générale de la retenue dans les instances découlant des relations de travail devrait prévaloir.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Existence d’un autre recours approprié

 

[14]           En outre, sur la question de savoir si la Cour doit s’abstenir d’exercer sa compétence de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale dans Froom c. Canada (Ministre de la Justice), [2005] 2 R.C.F. 195 (C.A.), a précisé que le critère applicable consistait à déterminer si l’autre recours disponible est approprié, et non s’il est parfait. La juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour, affirme ce qui suit, au paragraphe 12 :

¶ 12                Il est bien reconnu que la Cour fédérale possède le pouvoir discrétionnaire de refuser d’exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire lorsque le demandeur dispose d’un autre recours approprié : Fast c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 41 Admin. L.R. (3d) 200 (C.A.F.); Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3. Pour décider s’il y a lieu de refuser d’exercer sa compétence, la Cour doit se demander si le recours subsidiaire est adéquat et non s’il est parfait. La décision d’exercer ou de refuser d’exercer sa compétence est une décision discrétionnaire qui ne peut être infirmée en appel, à moins que le juge n’ait tenu compte de facteurs non pertinents, qu’il n’ait omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou qu’il n’ait tiré une conclusion déraisonnable : Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 39 (motifs du juge en chef Lamer, qui a rédigé le jugement de la majorité sur cet aspect).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[15]           La question que doit donc trancher la Cour est la suivante : le demandeur disposait-il d’un autre recours approprié, hormis le contrôle judiciaire? Existe-t-il des circonstances démontrant que la procédure de règlement interne du grief n’est pas un recours approprié suffisant?

 

La demande de contrôle judiciaire

 

[16]           En ce qui concerne la présente demande de contrôle judiciaire, le Parlement avait établi dans la loi, à l’époque concernée, un mécanisme de résolution des différends exhaustif pour la fonction publique fédérale. Avant son abrogation, le 31 mars 2005, le sous-alinéa 91(1)a)(i) de la LRTFP précisait qu’un fonctionnaire pouvait présenter un grief à l’encontre de toute décision administrative portant sur l’interprétation ou l’application d’une loi, d’un règlement ou d’une politique, dans le cadre d’une procédure de grief :

Droit du fonctionnaire

 

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d’une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu’il s’estime lésé :

 

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

 

(i) soit d’une disposition législative, d’un règlement - administratif ou autre -, d’une instruction ou d’un autre acte pris par l’employeur concernant les conditions d’emploi,

 

[...]

 

 

 

[Non souligné dans l’original.]

Right of employee

 

91. (1) Where any employee feels aggrieved

 

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

 

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by-law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, [...]

 

in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

 

[Emphasis added]

 

 

 

[17]           En tant qu’employé, le demandeur avait le droit de présenter un grief en vertu du paragraphe 91(1) de la LRTFP puisque la décision en cause, rendue par le Conseil du Trésor ou Industrie Canada, porte sur l’interprétation ou l’application d’une directive prise par l’employeur. La question de savoir si le demandeur était habilité à négocier un salaire supérieur au taux de rémunération minimum prévu dans la Convention collective du groupe Vérification, Commerce et Achat dépend des effets combinés de la politique du Conseil du Trésor intitulée « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique », de la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique » et d’autres politiques du Conseil du Trésor, qui seront examinées dans les pages qui suivent.

 

[18]           De l’avis de la Cour, la procédure de grief prévue par la loi aurait constitué un autre recours approprié à la présente demande de contrôle judiciaire. Il n’y a aucune allégation voulant que les différents paliers de la procédure de grief, y compris le dernier palier, ne permettent pas au demandeur d’obtenir la mesure réparatrice demandée. La Cour devrait également refuser d’exercer sa compétence en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, car le demandeur a omis d’épuiser les autres procédures de grief disponibles à l’encontre de la décision des intimés, y compris jusqu’au dernier palier, avant d’entreprendre la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[19]           Le demandeur soutient qu’il ne pouvait pas déposer de procédure de grief parce qu’il n’était pas un employé habilité à déposer un grief tant qu’il n’avait pas accepté l’offre d’emploi, qui prenait effet le 17 janvier 2005. Le demandeur aurait pu refuser le poste CO-01 au motif qu’Industrie Canada ne voulait pas négocier une rémunération supérieure au minimum prévu; il aurait pu alors déposer sa demande de contrôle judiciaire. Toutefois, le demandeur a accepté le poste CO-01. Le demandeur est alors devenu un employé et il était tenu de suivre la procédure de grief prévue à l’article 91 de la LRTFP; cette procédure vise à régler toutes les questions relatives au travail, y compris l’application et l’interprétation des politiques du Conseil du Trésor.

 

[20]           Puisque la Cour a refusé d’exercer sa compétence en l’espèce, il n’est pas nécessaire de trancher la deuxième question en litige. Cependant, pour le cas où j’aurais commis une erreur en parvenant à cette conclusion, j’examinerai cette deuxième question.

 

 

Question n° 2 :    Le Conseil du Trésor a-t-il commis une erreur en concluant que le demandeur était un « employé » de la « fonction publique » avant sa nomination au poste CO-01 et qu’en conséquence, il n’était pas habilité à négocier un taux de rémunération en vertu de la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique »?

 

 

[21]           Le demandeur fait valoir que ses supérieurs ont indiqué qu’ils étaient disposés à négocier un salaire supérieur au taux de rémunération minimum prévu pour un poste CO-01 mais ces derniers ont ensuite été informés que le demandeur était déjà un employé de la fonction publique et qu’en conséquence, la politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique » ne s’appliquait pas au demandeur.

 

[22]           Le demandeur soutient qu’en tant qu’étudiant travaillant pour Corporations Canada en vertu d’un contrat de travail à durée déterminée conclu dans le cadre du Programme fédéral d’expérience de travail étudiant, il n’était pas un employé de la fonction publique et il n’avait pas droit aux avantages et aux droits attachés à ce statut. Ainsi, lorsqu’il a présenté sa candidature à un concours public pour le poste CO-01 à Corporations Canada, il ne faisait pas partie de la fonction publique et il était donc habilité à négocier un salaire supérieur au taux de rémunération minimum prévu pour ce poste, conformément à la politique du Conseil du Trésor sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique ». Cette politique accorde aux ministères le pouvoir discrétionnaire de négocier un salaire supérieur au taux de rémunération minimum fixé pour un poste donné dans trois situations, lorsqu’ils engagent une personne qui ne fait pas partie de la fonction publique.

 

[23]           Après avoir examiné l’ensemble du dossier, je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’Industrie Canada a effectivement décidé que le demandeur n’était pas habilité à négocier car en tant qu’étudiant salarié, il était déjà un employé de la fonction publique et par voie de conséquence, il ne provenait pas de l’extérieur de la fonction publique. Il est inutile d’examiner cette preuve parce que ce fait a été admis lors de l’audience, après un examen minutieux de la preuve.

 

[24]           En outre, les parties ont convenu à l’audience que plus d’une dizaine de politiques et de règlements du Conseil du Trésor s’appliquent en l’espèce et ces textes ne précisent pas de manière uniforme si le demandeur était ou n’était pas un employé au moment où il a présenté sa candidature pour le poste CO-01 à Corporations Canada. Pour illustrer cette absence d’uniformité, je passerai en revue certaines de ces directives.

 

1.         La politique sur les « Conditions d’emploi pour les étudiants »

 

[25]           Cette politique faisait partie du contrat du PFETE qui liait le demandeur à Industrie Canada. Une définition du mot « employé » figure dans la politique du Conseil du Trésor sur les « Conditions d’emploi pour les étudiants », qui s’applique aux employés recrutés dans le cadre du PFETE.  L’article 1.2 de la politique sur les Conditions d’emploi pour les étudiants précise que, sauf pour les définitions contenues dans cette politique, les définitions du « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique » s’appliquent. L’article 1.4 de la politique sur les Conditions d’emploi pour les étudiants précise que les étudiants sont des employés en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques mais qu’ils ne sont pas assujettis à la LRTFP :

1.2 Définitions

 

À moins qu’elle ne figure dans le présent document, la définition des autres termes pertinents est celle utilisée dans le Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique pour les employés des groupes autres que la direction.

 

[...]

 

1.4 Statut juridique

 

Les étudiants sont considérés à titre d’employés en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques et de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État. Toutefois, ils ne sont pas assujettis à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et, de plus, en vertu du décret d’exclusion de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, ils ne sont pas admissibles aux concours restreints.

 

[ ...]

 

3.21 Emploi continu

 

Advenant qu’un étudiant soit embauché [...] et qu’il soit ensuite nommé à la fonction publique, les affectations peuvent être calculées comme de l’emploi continu [...].

 

Donc, les étudiants tels que le demandeur qui sont embauchés par Industrie Canada sont des « employés » en vertu de la politique sur les « Conditions d’emploi pour les étudiants ».

 

2.         La politique du « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique »

 

[26]           Malgré son titre, ce « règlement » n’est pas un texte réglementaire ayant force de loi. Il s’agit en réalité d’une politique du Conseil du Trésor. L’article 2 du « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique » définit « employé » comme une personne employée dans un service de la partie I, classée dans une catégorie professionnelle :

2.       [...]

 

employé signifie une personne employée dans un service de la partie I, classée dans l’une des catégories professionnelles énumérées et définies à l’article 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, à l’exception des personnes employées comme instituteurs ou directeurs d’école au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, des personnes à qui s’appliquent le Règlement de 1964 sur les équipages de navire, le Règlement de 1964 sur les officiers de navire, ainsi que des personnes dont les conditions d’emploi sont établies dans les Directives régissant les conditions d’emploi des employés de la catégorie de la gestion (employee);

 

 

Les « catégories professionnelles » énumérées à l’article 2 de la LRTFP ont été abrogées en 1992. (Voir les modifications apportées à la LRTFP en vertu desquelles les « catégories professionnelles » ont été abrogées (L.C. 1992, ch. 54, art. 32).) Ainsi, pour avoir le statut d’employé, il suffit désormais d’être une personne employée dans un service de la partie I et de ne pas être visé par l’une des exceptions prévues par la loi.

 

[27]           Aux termes de cette définition, le demandeur avait, en tant qu’étudiant salarié à Industrie Canada, le statut d’employé. Toutefois, puisque le « Règlement » est seulement une politique, le fait que la LRTFP ait été modifiée en 1992 pourrait ne pas avoir d’incidence sur le renvoi aux catégories professionnelles dans la définition. Dans ce cas, on ne sait pas clairement si le demandeur était un employé en vertu de cette politique.

 

[28]           L’article 22 du « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique » précise que le salaire du demandeur, lors de sa nomination au poste CO-01, doit être le taux de rémunération minimum applicable à ce poste en vertu de la convention collective, en l’absence de tout autre édit du Conseil du Trésor :

Taux de rémunération à la nomination ou mutation

 

22. Sous réserve du présent règlement et de tout autre édit du Conseil du Trésor, le taux de rémunération d’une personne nommée à un service de la partie I doit être le taux minimum applicable au poste auquel elle accède.

 

La « Convention collective du groupe Vérification, Commerce et Achat » fixe le taux de rémunération minimum pour les postes CO-01 à 41 321 $. Cependant, la politique du Conseil du Trésor autorisant la négociation du salaire lorsqu’une personne nommée provient de l’extérieur de la fonction publique constitue un tel édit et par conséquent, l’article 22 du « Règlement sur les conditions d’emploi dans la fonction publique » ne s’applique pas en l’espèce.

 

3.         Règlement concernant les programmes d’embauche des étudiants DORS/97-194

 

[29]           Ce Règlement est un véritable texte réglementaire pris en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’article 5 du Règlement précise qu’un étudiant salarié dans la fonction publique est admissible à participer à des concours internes et à des nominations internes lorsque cet étudiant est explicitement inclus dans la zone de sélection déterminée pour le concours interne.

 

[30]           Le Règlement contient une clause d’exclusion au paragraphe c) de l’intitulé, aux termes de laquelle les étudiants embauchés en vertu d’un programme d’embauche des étudiants sont exclus de l’application de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, sous réserve de certaines exceptions.  Le demandeur soutient que cette exclusion signifie que les étudiants embauchés dans la fonction publique ne peuvent pas participer aux concours de recrutement internes du gouvernement fédéral. Bien entendu, cet argument n’est pas compatible avec l’article 5 du Règlement précité, aux termes duquel les employés embauchés dans la fonction publique sont habilités à participer aux concours internes et aux nominations internes lorsqu’ils sont explicitement inclus dans la zone de sélection déterminée pour le concours interne. Puisque le concours pour le poste CO-01 à Corporations Canada était un concours public, les étudiants embauchés dans la fonction publique étaient autorisés à y participer, comme toute autre personne de l’extérieur de la fonction publique. En conséquence, le Règlement concernant les programmes d’embauche des étudiants ne s’applique pas en l’espèce.

 

4.                  Politique sur le Programme fédéral d’expérience de travail étudiant

5.                  Politique sur le Programme postsecondaire d’enseignement coopératif/d’internat

6.                  Politique sur le Programme d’échanges internationaux

7.                  Politique sur le Programme d’enseignement coopératif des écoles secondaires

8.                  Politique sur l’embauche des étudiants

 

[31]           En vertu de ces politiques, l’étudiant est employé dans la fonction publique mais il ne bénéficie pas de certains des droits conférés aux autres employés de la fonction publique. Le demandeur rappelle que l’article 2 de la Politique sur l’embauche des étudiants définit les « objectifs de la politique » comme suit :

Encourager les institutions fédérales à embaucher des étudiants afin de constituer un bassin de candidats qualifiés pour pourvoir les postes de la fonction publique de demain.

 

Selon le demandeur, cet énoncé signifie que les étudiants embauchés dans le cadre du PFETE ne font pas partie de la fonction publique, à l’heure actuelle. La Cour n’est pas d’accord avec le demandeur sur ce point. Cet énoncé signifie simplement que les étudiants, qui font partie de la fonction publique, sont embauchés afin de constituer un bassin de candidats qualifiés en vue de pourvoir les postes de la fonction publique dans le futur. Cela ne signifie pas qu’ils ne font pas déjà partie de la fonction publique en leur qualité d’étudiant salarié.

 

9.                  La politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique »

 

 

[32]           La politique ne contient aucune définition du mot « employé » et ne précise pas ce qu’on entend par employé provenant de « l’extérieur » ou de « l’intérieur » de la fonction publique. La politique sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique » s’applique à « tous les ministères et autres éléments de la fonction publique énumérés à la partie I de l’annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique », dont Industrie Canada. Cette loi autorise la négociation du taux de rémunération en vertu d’un pouvoir discrétionnaire dans trois situations précises :

Le taux de rémunération au moment de la nomination dans la fonction publique doit être le taux minimal de l’échelle de rémunération applicable, sauf si l’une des conditions suivantes s’applique clairement :

 

 

- il existe une pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le domaine en question, tel que démontré par des enquêtes locales ou régionales du marché du travail effectuées par des institutions reconnues;

 

- il est exceptionnellement difficile de combler le poste avec des candidats dûment qualifiés (p. ex. le taux minimal de rémunération n’est pas concurrentiel par rapport à ceux offerts par les employeurs locaux ou régionaux pour des fonctions semblables);

 

- la situation opérationnelle exige la présence d’un employé extrêmement qualifié ou expérimenté pouvant assumer immédiatement la totalité des fonctions du poste dès son entrée en fonction (p. ex. il n’existe pas d’autre choix que de verser une rémunération supérieure au taux minimal car la formation d’un employé débutant imposerait un fardeau inacceptable au ministère employeur).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[33]           Pour que le demandeur soit habilité à négocier un taux de rémunération supérieur au minimum fixé pour un poste CO-01, en vertu de la politique, il doit s’agir de sa première nomination dans la fonction publique et l’une des trois conditions énoncées doit s’appliquer. Le ministère employeur peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour négocier un taux de rémunération supérieur seulement si le demandeur satisfait à ces critères.

 

 

10.       La Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, L.R.C., ch. G-8

 

[34]           Pour l’application de cette loi, « agent de l’État (employee) » est défini comme suit, notamment : « Personnes qui sont au service de Sa Majesté et rémunérées directement par celle-ci ou en son nom ». De toute évidence, le demandeur aurait été inclus dans cette définition à titre d’étudiant salarié.

 

 

11.       Guide de l’administration de la paye

 

[35]           Cette politique du Conseil du Trésor contient la définition suivante de « stage » :

désigne la période qui commence le jour où la personne de l’extérieur de la fonction publique est nommée à un poste de la fonction publique et dont la durée est fixée par règlement par la Commission de la fonction publique du Canada pour elle...

 

Le demandeur soutient que puisqu’il a été assujetti à une période de stage lorsqu’il a pris ses fonctions au poste CO-01 à Corporations Canada, le 17 janvier 2005, cela signifie qu’il ne faisait pas partie de la fonction publique avant sa nomination.

 

[36]           La Cour reconnaît que cette disposition signifie que le demandeur ne faisait pas partie de la fonction publique au sens prévu dans la politique sur les stages. Cependant, cette règle est contraire aux autres politiques, qui précisent que les étudiants sont des employés de la fonction publique.

 

Conclusion en ce qui concerne les politiques du Conseil du Trésor

 

[37]           La Cour en vient à la conclusion, et les parties à l’audience ont reconnu, qu’il existe une multitude de politiques du Conseil du Trésor différentes offrant des définitions contradictoires du terme « employé ». Plusieurs politiques indiquent qu’à titre d’étudiant, le demandeur était un employé de la fonction publique; d’autres politiques laissent entendre que le demandeur n’avait pas un statut d’employé complet dans la fonction publique.

 

La Cour doit-elle interpréter, appliquer ou concilier des politiques différentes et contradictoires?

 

[38]           La Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11, contient la définition suivante de « texte législatif (enactment) », au paragraphe 11(1) :

11. (1) ... « texte législatif » Y sont assimilés les règlements, décrets et autres textes d’application d’une loi.

11. (1) ... “enactment” includes any regulation, order or other instrument made under the authority of an Act.

 

 

[39]           L’alinéa 11(2)i) de la Loi sur la gestion des finances publiques précise ce qui suit :

11. (2) ... le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

 

[...]

 

 

i) réglementer les autres questions, notamment les conditions de travail non prévues de façon expresse par le présent paragraphe, dans la mesure où il l’estime nécessaire à la bonne gestion du personnel de la fonction publique.

11. (2) ... the Treasury Board may, in the exercise of its responsibilities and relation to personnel management including its responsibilities in relation to employer and employee relations in the Public Service, and without limiting the generality of section 7 to 10,

 

[...]

 

(i) provide for such other matters, including terms and conditions of employment not otherwise specifically provided for in this subsection, as the Treasury Board considers necessary for effective personnel management in the Public Service.

 

 

 

[40]           Les politiques du Conseil du Trésor examinées plus haut correspondent à la définition de « texte législatif » telle qu’énoncée au paragraphe 11(1) précité. La jurisprudence indique que la question de savoir si une telle politique crée des droits qu’une cour peut définir ou appliquer dépend de l’intention et du contexte dans lesquels la politique a été prise. Voir Endicott c. Canada (Conseil du Trésor), 2005 CF 253, les motifs du juge suppléant Strayer, au paragraphe 11 :

¶11 La politique de 1999 n’était pas une législation déléguée. Il s’agissait de toute évidence d’une directive du Conseil du Trésor portant sur le traitement équitable des employés par les ministères. Selon la jurisprudence, la question de savoir si de telles directives internes créent des droits reconnus par la loi que les tribunaux peuvent définir et appliquer dépend de l’intention et du contexte dans lequel la directive a été publiée.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

Règle générale, de telles politiques n’ont pas force de loi, à moins que la loi habilitante n’oblige le ministère à émettre une politique. Une cour confèrera plus vraisemblablement force de loi à une politique prise en vertu d’une disposition impérative de la loi plutôt qu’à une politique prise en vertu d’une disposition facultative. Dans Endicott, précité, le juge Strayer examinait une politique du Conseil du Trésor intitulée « Régime de prime au bilinguisme ». Le juge Strayer explique ce qui suit, au paragraphe 12 :

¶12 Dans cette affaire, le régime avait été adopté par le Conseil du Trésor et il était très précis. Il ne laissait aucune marge d’appréciation aux ministères. Dans son arrêt, la Cour d’appel ne précise pas les critères sur lesquels elle s’est fondée pour conclure que la politique pouvait donner ouverture à une action, mais c’est effectivement ce qu’elle a jugé. [Citant Gingras c. Canada 1994 CF 734 (C.A.]

 

 

[41]           Le juge Strayer cite deux autres décisions de la Cour fédérale dans lesquelles cette dernière a jugé qu’une politique du Conseil du Trésor devait avoir force de loi parce qu’elle avait été prise en vertu d’un pouvoir clairement prévu par la loi. Le juge Strayer analyse également d’autres décisions dans lesquelles le tribunal a jugé qu’une politique interne n’avait pas force de loi, y compris une politique du Conseil du Trésor prise en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Dans Gerard c. Canada, [1994] A.C.F. n° 420, le juge Rouleau a estimé qu’on pouvait conclure qu’une politique adoptée par le Conseil du Trésor en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques n’avait pas force de loi si le Conseil du Trésor avait la possibilité de réglementer la même question en prenant un Règlement en vertu d’une autre disposition de la Loi sur la gestion des finances publiques, s’il souhaitait que sa politique ait force de loi.

 

[42]           La Cour est d’avis qu’elle ne doit pas interpréter ou concilier les politiques contradictoires du Conseil du Trésor et qu’elle ne doit pas conférer force de loi à plusieurs de ces politiques. Je suis d’accord avec le juge Rouleau lorsqu’il affirme, dans Girard, précité, que si le Conseil du Trésor avait eu l’intention de conférer force de loi à ces politiques, il aurait exercé son droit d’adopter ses politiques par voie de règlement en vertu de la disposition applicable de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

[43]           En outre, le dilemme que pose cette multitude de politiques contradictoires démontre qu’il est préférable pour un employé lésé tel que le demandeur de recourir en premier lieu à la procédure de grief prévue dans le mécanisme de résolution des différends établi à l’article 91 de la LRTFP. Cette procédure de grief autorise un employé à déposer un grief sur une question relative à l’interprétation ou à l’application « d’une instruction ou d’un autre acte pris par l’employeur ». Cette catégorie de texte inclut manifestement la politique du Conseil du Trésor en cause dans la présente instance. Une cour de justice ne devrait pas conférer force de loi à une politique, à moins que l’intention du Parlement n’ait clairement été de conférer un tel effet à ce texte législatif et à condition que la politique en cause soit claire et qu’elle ne contienne aucune disposition en contradiction des autres politiques.

 

[44]           Si j’avais à examiner la décision en cause selon l’une ou l’autre des normes de contrôle, je conclurais que les politiques sont contradictoires et que la Cour ne peut pas conclure que la décision est entachée d’erreur, déraisonnable ou manifestement déraisonnable.

 

 

Le bref de mandamus

 

[45]           Le demandeur cherche à obtenir un bref de mandamus pour obliger les intimés à négocier, de manière rétroactive, un taux de rémunération supérieur au minimum prévu pour le poste CO-01, conformément à la politique du Conseil du Trésor sur la « Rémunération supérieure au minimum au moment de la nomination d’un employé provenant de l’extérieur de la fonction publique ». La Cour ne délivrera pas de bref de mandamus pour les deux raisons suivantes :

1.    cette politique n’a aucun effet juridique ni aucune force de loi et en conséquence, elle ne crée aucune obligation d’agir vis-à-vis des intimés;

2.    même si la politique avait force de loi, elle n’est pas impérative. La négociation du taux de rémunération relève du pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Le demandeur soutient qu’un autre employé a réussi à négocier pour le même poste un taux de rémunération supérieur au minimum fixé mais l’employeur affirme que cette personne est membre du Barreau, ce qui n’est pas le cas du demandeur, et qu’elle possède en outre deux années d’expérience de travail juridique.

 

 

L’obligation d’agir équitablement

 

[46]           Le demandeur prétend que les intimés ont manqué à leur obligation d’agir équitablement parce qu’ils ont refusé d’accorder au demandeur le droit de négocier. L’obligation d’agir équitablement consiste à donner au demandeur la possibilité de connaître les raisons pour lesquelles une décision est prise contre ses intérêts et l’occasion de faire valoir ses arguments. Cette obligation a été respectée puisque le demandeur a eu un délai de quatre jours, qu’il a choisi de refuser, pour tenter de comprendre et éventuellement de modifier la décision de la Direction générale des ressources humaines d’Industrie Canada voulant que la politique du Conseil du Trésor interdisait à Industrie Canada de négocier un taux de rémunération supérieur au minimum prévu pour un poste CO-01.

 

 

LES DÉPENS

 

[47]           Le demandeur, actuellement stagiaire en droit, était de toute évidence un étudiant salarié efficace et apprécié à Corporations Canada et ses supérieurs étaient disposés à l’embaucher parce qu’ils appréciaient ses services. L’argument du demandeur selon lequel il était, à titre d’étudiant, à l’extérieur de la fonction publique et qu’en conséquence, son ministère avait le pouvoir discrétionnaire de négocier un taux de rémunération supérieur au minimum prévu pour un poste CO-01, reposait sur certaines politiques du Conseil du Trésor mais en ignorait d’autres. Les intimés ont informé la Cour qu’ils ne demandaient pas les dépens, dans le cas où la Cour rejetterait la demande. En conséquence, la Cour n’adjugera pas de dépens contre le demandeur et ne rendra pas d’ordonnance sur les dépens.

 

 

CONCLUSION

 

[48]           La Cour conclut ce qui suit :

1.         elle doit refuser d’examiner la présente demande de contrôle judiciaire parce que le demandeur a omis d’épuiser les autres recours appropriés disponibles pour faire valoir son grief sur cette question avant de déposer sa demande de contrôle judiciaire;

2.         en tout état de cause, la Cour a conclu qu’il y a une multitude de politiques du Conseil du Trésor contradictoires sur la question de savoir si le demandeur était un employé de la fonction publique, à l’époque pertinente, et la Cour ne doit pas donner d’effet juridique à de telles politiques. Pour ces motifs, la Cour ne peut pas délivrer de bref de mandamus ou d’ordonnance déclaratoire parce que ces politiques ne créent pas de droits. Par ailleurs, la procédure de grief est conçue de manière à permettre l’application et l’interprétation de telles politiques et de résoudre de tels différends en matière de travail.

 

 

 

ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

 

 

La demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Conseil du Trésor et d’Industrie Canada rendue le ou vers le 17 janvier 2005 déterminant que le demandeur est un employé de la fonction publique est rejetée.

 

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-240-05

 

INTITULÉ :                                       KENT DANIEL GLOWINSKI c. LE CONSEIL DU TRÉSOR, LE MINISTRE DE L’INDUSTRIE DU CANADA et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 JANVIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 JANVIER 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kent Daniel Glowinski

(pour son propre compte)

 

POUR LE DEMANDEUR

John G. Jaworski

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kent Daniel Glowinski

(pour son propre compte)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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