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Date : 20050712

Dossier : IMM-8722-04

Référence : 2005 CF 960

ENTRE :

                                                                 YING JIN LIN

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF

[1]                La demanderesse, Ying Jin Lin, demande le contrôle judiciaire du rejet de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire qu'elle a présentée en vertu de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Cette décision a été rendue environ trois ans après le dépôt de la demande.


[2]                Mme Lin déclare avoir été un membre actif de l'Église catholique romaine clandestine dans la province du Fujian, en Chine. Elle est arrivée au Canada en juillet 1999, lors de la première traversée de clandestins de la mer prétendument organisée par des « têtes de serpent » . La preuve révèle qu'elle a joué un rôle actif au sein de différentes paroisses catholiques romaines de Vancouver au cours des six dernières années.

[3]                Aucun membre de sa famille n'a accompagné la demanderesse au Canada. Ses enfants, qui étaient adolescents lorsqu'elle a quitté la Chine, vivent toujours dans ce pays. La demanderesse est maintenant divorcée de son mari et habite avec un autre ressortissant chinois à Vancouver.

[4]                La demande d'asile de Mme Lin a été rejetée en 1999. Dans ses motifs, le président de l'audience de la Section du statut de réfugié la (SSR) a expliqué pourquoi il n'était pas convaincu que la demanderesse avait fait la preuve de son engagement envers la foi chrétienne :

En résumé, je suis d'avis que la revendicatrice manque clairement de crédibilité pour ce qui est de la persécution qu'elle aurait subie en tant que membre de l'Église catholique clandestine. Je ne perçois, pour étayer sa preuve, ni motivation crédible ni engagement spirituel envers la foi chrétienne qui soit plausible ou compatible avec les risques très concrets que comporte, selon la documentation, l'observation des célébrations religieuses dans une église catholique clandestine, situation qui a été décrite non seulement dans divers documents, mais aussi par M. Graham Johnson. Je fais cette remarque tout en étant pleinement conscient du fait que la revendicatrice n'est pas une personne instruite ou très avertie. Mais je dois conclure que la revendicatrice n'a pas satisfait au fardeau qui lui incombait d'établir qu'elle est un témoin fiable et crédible quant aux aspects essentiels de sa revendication, à savoir qu'elle serait une adepte engagée et pratiquante d'une section clandestine de l'Église catholique en Chine et qu'à ce titre, elle risque de subir de la persécution. En conséquence, je dois conclure qu'elle n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.

                                                                                                [Non souligné dans l'original.]


[5]                En avril 2000, un agent a conclu que la demanderesse n'appartenait pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC). Les demandes d'autorisation de contester les deux décisions défavorables - celle rendue par la SSR et celle concernant la catégorie des DNRSRC - ont été rejetées parce que la demanderesse n'avait pas mis en état le dossier de la Cour dans les deux cas.

[6]                La demanderesse fait principalement valoir que l'analyse des risques effectuée par l'agent d'immigration et les motifs de la décision défavorable relative à l'existence de motifs d'ordre humanitaire sont entachés d'erreurs. Je ne suis pas convaincu que l'argument est bien fondé.

[7]                Je conviens que les risques constituent un facteur dont il faut tenir compte lorsqu'on évalue les « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives » dans le contexte d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire : Beluli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 898, au paragraphe 10, et Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 296, au paragraphe 5.

[8]                Il est vrai également qu'il incombe à la demanderesse d'établir les motifs d'ordre humanitaire et au délégué du ministre de soupeser les facteurs pertinents. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de réexaminer le poids accordé aux différents facteurs par l'agent d'immigration : Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125, et Huang c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1330.

[9]                En l'espèce, l'agent d'immigration a pris en considération les facteurs de risque et y a expressément fait référence lorsqu'il a énuméré les considérations qui, à son avis, ne justifiaient pas une décision favorable fondée sur des motifs d'ordre humanitaire.

[10]            J'estime en outre que l'analyse des risques qui a été effectuée est complète. Les motifs de décision indiquent que l'agent d'immigration a tenu compte des renseignements fournis par la demanderesse, en commençant par le processus de détermination du statut de réfugié au sens de la Convention jusqu'aux cinq années subséquentes pendant lesquelles elle a été active au sein de différentes paroisses catholiques romaines de Vancouver.


[11]            La demanderesse se fonde sur le principe selon lequel la liberté de religion comprend aussi la liberté de manifester sa religion en public et selon lequel l'interdiction de montrer publiquement ses croyances religieuses peut constituer de la persécution : Fosu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1813 (QL) (1re inst.), (QL) Husseini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 177, et Appellant S395/2002 c. Minister for Immigration and Multicultural Affairs, [2003] HCA 71, une décision de la Haute Cour de l'Australie. À mon avis, l'agent d'immigration pouvait conclure que les faits n'étaient pas suffisants en l'espèce pour que ce principe s'applique à la demanderesse. Si je comprends bien sa décision, l'agent d'immigration n'était pas convaincu que la situation personnelle de la demanderesse satisfaisait au critère mentionné dans la preuve documentaire concernant les risques que courent les catholiques qui pratiquent leur religion publiquement ou clandestinement dans la province du Fujian.

[12]            Enfin, il faut rejeter la prétention de la demanderesse selon laquelle l'agent d'immigration n'a pas motivé suffisamment sa décision. À mon avis, l'analyse effectuée par l'agent d'immigration est parfaitement conforme, compte tenu des faits qui lui ont été présentés par la demanderesse, aux critères établis par la jurisprudence pour déterminer si les motifs sont suffisants : VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25. J'estime que les motifs exposés par l'agent d'immigration permettaient aux parties et à la Cour de comprendre sa décision aux fins du présent contrôle judiciaire.

[13]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune partie n'a proposé la certification d'une question grave et aucune question ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

          « Allan Lutfy »          

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              IMM-8722-04

INTITULÉ :                                                             YING JIN LIN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      VANCOUVER

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 29 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :             LE JUGE EN CHEF

DATE DES MOTIFS :          

COMPARUTIONS :

Shane Molyneaux                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Peter Bell                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates                                        POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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