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                                                                                                                                 Date : 20050318

                                                                                                                    Dossier : IMM-1621-05

                                                                                                                  Référence : 2005 CF 388

ENTRE :

                                              AL CHIMI MAHAMOUD HISSEINE

                                                                                                                                            requérant

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                  intimé

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE de MONTIGNY

[1]                Les présents motifs font suite à l'ordonnance du 16 mars 2005 par laquelle j'ai rejeté la requête présentée par le requérant en vue d'obtenir un sursis à son renvoi du Canada dans le dossier IMM-1621-05.

[2]                Le requérant a déposé la présente requête visant à obtenir le sursis à l'exécution de son renvoi du Canada aux États-Unis le 17 mars 2005. La demande sous-jacente d'autorisation et de contrôle judiciaire en vertu de laquelle la requête a été déposée conteste le refus de l'agent de renvoi Steve Amadio de différer le renvoi ainsi que la décision défavorable rendue le 17 février 2005 par l'agent d'ERAR.


[3]                Suivant l'article 302 des Règles de la Cour fédérale (1998), la demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. L'avocat du requérant a reconnu qu'une demande distincte de contrôle judiciaire devrait être présentée en ce qui a trait à la décision de l'agent d'ERAR et il a donc fondé son argumentation principalement sur la décision de l'agent de renvoi de ne pas différer le renvoi du requérant.

[4]                Après avoir examiné les dossiers de requête des parties et après avoir entendu les avocats au cours d'une téléconférence tenue le 16 mars 2005, je suis arrivé à la conclusion que la requête devrait être rejetée pour les motifs suivants. Je dois me conformer au critère à trois volets applicable en matière de sursis qui a été formulé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 R.C.S. 311, et par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Toth c. M.E.I., (1988) 86 N.R. 302. Par conséquent, il faut répondre à trois questions : 1) Y a-t-il une question sérieuse à juger? 2) Le requérant qui demande le sursis a-t-il démontré qu'il subira un préjudice irréparable en cas de refus du sursis? et 3) Laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le sursis en attendant une décision sur le bien-fondé de la demande sous-jacente?

[5]                Pour ce qui est de la question sérieuse, le requérant prétend qu'il y a eu une violation grave de la justice naturelle du fait qu'à son insu, son ancien avocat n'a présenté aucune observation en son nom relativement à sa demande d'ERAR. L'avocat du requérant soutient en outre que l'agent de renvoi aurait dû différer le renvoi du requérant jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur sa demande fondée sur des considérations humanitaires, déposée il y a neuf mois, et aurait dû effectuer l'examen des risques en tenant compte de cette demande.


[6]                Il est bien établi en droit que l'agent de renvoi dispose d'un pouvoir discrétionnaire très limité qui lui permet de différer l'exécution d'une mesure de renvoi et qu'il ne peut pas, à la dernière minute, se transformer en tribunal d'examen d'une demande fondée sur des considérations humanitaires. Même si on pourrait éventuellement considérer que la conduite de son ancien avocat constituait un abus de confiance grave et un manquement à la déontologie, il n'en demeure pas moins que le requérant n'a pas soumis à l'agent de renvoi d'éléments qui étayeraient son allégation qu'il s'exposera à un risque ou qu'il y avait relativement à sa situation des renseignements précis que l'agent d'ERAR aurait dû examiner. En fait, sa demande CH ne contient aucune allégation selon laquelle il s'exposerait à un risque sur le plan personnel s'il était renvoyé au Tchad et elle traite uniquement de la situation des droits de la personne dans ce pays, des extraits tirés du Country Report on Human Rights Practices du Département d'État américain y étant cités. Enfin, il convient de répéter qu'une demande fondée sur des considérations humanitaires qui est encore en instance ne constitue pas un obstacle au renvoi car elle peut être examinée en l'absence du requérant. Pour tous ces motifs et malgré le fait que le critère applicable n'est pas exigeant, j'estime que le requérant n'a pas démontré l'existence d'une question sérieuse découlant du refus de l'agent de renvoi de différer le renvoi.

[7]                Cette conclusion suffirait en soi pour rejeter la requête en sursis. Toutefois, après avoir examiné attentivement la preuve ainsi que les observations des avocats, j'estime également que le requérant n'a pas démontré qu'il subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé aux États-Unis dans les circonstances actuelles. L'avocat du requérant a soutenu que son client sera vraisemblablement détenu et éventuellement renvoyé au Tchad parce qu'il ne sera pas autorisé à présenter une demande d'asile puisqu'il n'a pu obtenir le statut de réfugié au Canada. Cette détention serait dommageable au requérant étant donné qu'il souffre apparemment du syndrome de stress post-traumatique.


[8]                Le requérant n'a pas convaincu l'agent de renvoi ni l'agent d'ERAR qu'il s'exposera à un risque s'il est renvoyé au Tchad. Toutefois, ce qui est plus pertinent, le requérant n'est pas renvoyé au Tchad mais aux États-Unis. On peut difficilement conclure que cela constitue un préjudice irréparable, notre Cour ayant conclu dans le passé qu'on doit présumer que les autorités américaines traiteront le requérant équitablement et lui prodigueront les soins médicaux nécessaires.

[9]                Dans les circonstances, la prépondérance des inconvénients joue manifestement en faveur de l'intimé puisqu'il est dans l'intérêt public que les mesures d'expulsion soient appliquées dès que les circonstances le permettent.

[10]            La Cour ordonne le rejet de la présente requête en sursis.

                                                                                                                (signé) « Yves de Montigny »          

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                IMM-1621-05

INTITULÉ :                                                               AL CHIMI MAHAMOUD HISSEINE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         Ottawa et Toronto

par téléconférence

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 16 mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE de MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :                                               Le 18 mars 2005

COMPARUTIONS :

Omar Shabbir Khan                                                      POUR LE REQUÉRANT

Janet Chisholm                                                  POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Omar Shabbir Khan

Hamilton (Ontario)                                                         POUR LE REQUÉRANT

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                           POUR L'INTIMÉ


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