Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011005

Dossier : IMM-5693-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1093

ENTRE :

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                                    ANBESSIE DEBELE TIKY

                                                                                                                                         défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une requête que le défendeur a présentée en vue d'obtenir :

1.        une ordonnance interdisant la communication des dossiers de la Cour dans la présente espèce sans autorisation de cette dernière;

2.        une ordonnance modifiant l'intitulé dans la présente espèce de façon que le nom du défendeur y figurant soit « A.A. » .

[2]                 La requête ici en cause a été soumise le 15 août 2001.

[3]                 La demande de contrôle judiciaire a été entendue le 16 août 2001.

[4]                 Le 17 août 2001, le défendeur a également présenté et signifié une autre requête :

1.        en vue d'obtenir une ordonnance lui permettant de signifier et de déposer l'affidavit d'ANBESSIE DEBELE TIKY en date du 17 août 2001 dans le cadre de la requête visant à assurer la confidentialité (avis de requête en date du 13 août 2001); et

2.        en vue d'accorder au ministre (le défendeur dans la requête) un délai de 30 jours à compter de la date de la signification de l'affidavit d'ANBESSIE DEBELE TIKY en date du 17 août 2001 aux fins du dépôt, en réponse, d'un dossier supplémentaire de la requête.

[5]                 Il importe avant tout de signaler que ces deux requêtes ont été soumises à la dernière minute. Plus précisément, la requête visant à assurer la confidentialité a été présentée la veille de l'audience.

[6]                 Les audiences tenues par la Section du statut de réfugié sont confidentielles. Néanmoins, lorsque le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration demandeur a décidé de présenter et de signifier une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire le 2 novembre 2000, l'affaire faisait désormais partie du domaine public.

[7]                 Tous les motifs et arguments invoqués par le défendeur à l'appui de la requête visant à assurer la confidentialité auraient pu être soumis après le 2 novembre 2000. Je ne sais pas pourquoi l'ordonnance de confidentialité est si importante maintenant alors qu'elle ne l'était pas au mois de novembre 2000.

[8]                 J'examinerai d'abord la requête que le défendeur a présentée en vue du dépôt et de la signification d'un affidavit supplémentaire de sa part.

[9]                 Le défendeur a décidé de présenter et de signifier la requête visant à assurer la confidentialité la veille de l'audition de la demande de contrôle judiciaire.

[10]            Le défendeur connaissait déjà les renseignements figurant dans le dossier du demandeur et la réponse à l'avis de requête du défendeur qui a été déposée le 16 août 2001.

[11]            Le défendeur et son avocat étaient déjà également au courant de la conversation téléphonique que le défendeur avait eue avec un reporter du Globe and Mail.

[12]            Le défendeur n'a pas présenté d'éléments de preuve pertinents indiquant pourquoi la Cour devrait lui permettre de déposer et de signifier un affidavit supplémentaire dans le cadre de la requête visant à assurer la confidentialité.


[13]            J'ai minutieusement examiné les dossiers de la requête et les affidavits des deux parties et j'ai décidé de rejeter la requête par laquelle le défendeur cherche à déposer et à signifier un affidavit supplémentaire dans le cadre de la requête visant à assurer la confidentialité.

[14]            Afin d'avoir gain de cause dans une requête visant à assurer la confidentialité, le défendeur doit démontrer pourquoi la Cour devrait déroger au principe voulant que les procédures judiciaires aient lieu en public et que les dossiers de la Cour soient accessibles.

[15]            En l'espèce, l'arbitre a rendu une ordonnance interdisant aux médias de publier la photographie du défendeur et de parler de son apparence ou de l'état de l'instance.


[16]            Néanmoins, le défendeur a décidé d'avoir une entrevue avec Andrew Mitrovica, reporter au Globe and Mail. À la suite de l'entrevue, un article a été publié dans l'édition du samedi, 26 mai 2001, du Globe and Mail. Le défendeur est économiste; il est titulaire d'un baccalauréat ès arts en économie (avec distinction) de l'université d'Adis Abeba et d'une maîtrise ès arts, Politiques publiques, de l'université Duke. Il s'agit d'un homme érudit; étant donné qu'il était au courant de l'interdiction imposée par l'arbitre au sujet de la publication des renseignements le concernant et se rapportant à l'état de la présente instance, il est fort surprenant que le défendeur ait décidé de son propre gré de fournir des renseignements au sujet de la situation existant en Éthiopie et au sujet de son cas.

[17]            Dans l'arrêt Dagenais c. Société Radio-Canada [1994] 3 R.C.S. 835, la Cour suprême du Canada a statué ce qui suit (paragraphe 73) :

[par. 73] Notre Cour peut « développer des principes de common law d'une façon compatible avec les valeurs fondamentales enchâssées dans la Constitution » :: Dolphin Delivery, précité, à la p. 603 (le juge McIntyre). Je suis par conséquent d'avis qu'il est nécessaire de reformuler la règle de common law en matière d'ordonnance de non-publication de manière à la rendre compatible avec les principes de la Charte. Puisque, par définition même, les ordonnances de non-publication restreignent la liberté d'expression de tiers, j'estime que la règle de common law doit être adaptée de façon à exiger l'examen, d'une part, des objectifs de l'ordonnance de non-publication et, d'autre part, de la proportionnalité de l'ordonnance quant à ses effets sur les droits garantis par la Charte. La règle modifiée pourrait être la suivante:

Une ordonnance de non-publication ne doit être rendue que si:

a)            elle est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit inéquitable, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;

b)            ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur la libre expression de ceux qui sont touchés par l'ordonnance.

Si l'ordonnance ne satisfait pas à cette norme (qui reflète nettement l'essence du critère énoncé dans l'arrêt Oakes, et utilisé pour juger une disposition législative en vertu de l'article premier de la Charte), alors, en rendant l'ordonnance, le juge a commis une erreur de droit et la contestation de l'ordonnance sur ce fondement doit être accueillie.

[18]                         Je n'hésite pas à conclure que le défendeur n'a pas réussi à convaincre la Cour qu'il satisfait aux exigences énoncées par la Cour suprême du Canada.

[19]                         À mon avis, le défendeur n'a pas réussi à convaincre la Cour de l'existence de motifs valables permettant à celle-ci d'accueillir la requête visant à assurer la confidentialité.

[20]                         Pour ces motifs, la requête visant à assurer la confidentialité est rejetée.

« Pierre Blais »

Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 5 octobre 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-5693-00

INTITULÉ :                                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

ANBESSIE DEBELE TIKY

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES AVOCATS

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                                  le 5 octobre 2001

ARGUMENTATION ÉCRITE :

M. DONALD A. MACINTOSH                                    POUR LE DEMANDEUR

M. MICHAEL CRANE                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA       POUR LE DEMANDEUR

M. MICHAEL CRANE                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.