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Date : 20040420

Dossier : IMM-1963-04

Référence : 2004 CF 583

Toronto (Ontario), le 20 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY                            

ENTRE :

                                          PAKEERATHAN THAMOTHARAMPILLAI

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Prononcés à l'audience, révisés et étoffés aux fins de clarification)

[1]                Le demandeur a présenté une requête en sursis à l'exécution de la mesure de renvoi qui doit être mise en oeuvre le 27 avril 2004 pour le motif que sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire d'une décision défavorable rendue suite à un examen des risques avant renvoi (ERAR) soulevait une question sérieuse, qu'il subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé dans son pays natal, le Sri Lanka, et que la prépondérance des inconvénients militait en sa faveur. La requête en sursis a été rejetée à l'audience.


[2]                Le demandeur est arrivé au Canada en tant qu'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement en 1991. Il était parrainé par son frère, qui avait obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. En 1996, le demandeur a plaidé coupable à une accusation de possession d'héroïne en vue d'en faire le trafic, et il a été condamné à une peine d'emprisonnement de huit ans. En août 1997, le ministre a déclaré que le demandeur constituait un danger pour le public, et son expulsion, qui devait avoir lieu en octobre 1997, a été ordonnée par la suite. En 1999, le demandeur a institué une action dans laquelle il demandait à la Cour de déclarer que son renvoi au Sri Lanka violait les droits que lui conféraient les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. En attendant l'issue de cette action, le demandeur a obtenu un sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion : Thamotharampillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 246 (C.F. 1re inst.)(QL). Le demandeur s'est désisté de cette action le 1er juin 2001.


[3]                En 2000, le demandeur a fait l'objet de poursuites pour complot en vue de commettre un meurtre, et il a été acquitté. En juin 2001, un agent chargé des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC) a conclu que le demandeur courrait un risque personnel s'il était renvoyé au Sri Lanka à ce moment-là. Cependant, sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d'ordre humanitaire a été rejetée un an plus tard. Cette décision a été annulée en juillet 2003, et la Cour a ordonné qu'un nouvel examen des risques soit mené et qu'une nouvelle décision soit rendue dans l'affaire : Thamotharampillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1058 (C.F. 1re inst.)(QL).

[4]                Le 1er août 2003, la libération conditionnelle du demandeur a été suspendue et un mandat d'arrêt a été émis contre lui parce qu'il avait violé les conditions de sa libération conditionnelle. Lors de l'audience, les avocats ont mentionné qu'ils croyaient que le demandeur était resté sous garde depuis mais que son mandat était sur le point d'expirer et qu'il allait bientôt être mis en liberté.

[5]                Le 3 septembre 2003, on a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque s'il retournait au Sri Lanka. Le 24 novembre 2003, sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d'ordre humanitaire a été rejetée.

[6]                Le demandeur a invoqué deux arguments pour satisfaire au volet de la question sérieuse du critère énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.). Premièrement, il a affirmé que l'agent d'ERAR avait commis une erreur en appliquant la norme de prépondérance de la preuve à l'interprétation des alinéas 97(1)a) et 97(1)b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Deuxièmement, il a fait valoir que l'agent avait omis de tenir compte l'examen des risques avant renvoi qui avait été effectué en juin 2001 et qui lui avait été favorable.

[7]                Concernant le premier argument, dans la décision Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1934 (C.F. 1re inst.)(QL), le juge Gauthier a conclu que la norme qu'il convenait d'appliquer à l'article 97 de la LIPR était la norme de prépondérance de la preuve. Le juge Gauthier a certifié trois questions de portée générale ayant trait à ce sujet à l'intention de la Cour d'appel. Dans la décision non publiée qu'elle a rendue dans l'affaire Kantheepan Thangasivam c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (25 novembre 2003), IMM-8986-03, la juge Snider a elle aussi conclu que la norme applicable aux deux alinéas du paragraphe 97(1) était la norme de prépondérance de la preuve prévue par la common law. Cependant, je suis arrivé à une conclusion différente dans l'affaire Kanagasabapathy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 544 (C.F. 1re inst.)(QL), dans laquelle j'ai conclu que le droit dans ce domaine n'était pas encore clair et qu'il y avait donc une question sérieuse à trancher. Je ne vois aucune raison de m'écarter de cette conclusion en l'espèce, et je conclus donc que le demandeur a satisfait au premier volet du critère de l'arrêt Toth, précité. Il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire que je me prononce sur le deuxième argument ayant trait à l'existence d'une question sérieuse pour d'autres raisons. Toutefois, cela ne clôt pas l'affaire.

[8]                L'avocat du défendeur a fait valoir, et je suis d'accord avec lui, que dans la présente affaire il n'était pas approprié de considérer que les conclusions concernant le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients devaient aller dans le même sens qu'une conclusion favorable au demandeur quant à l'existence d'une question sérieuse.


[9]                Après avoir soigneusement examiné les éléments de preuve présentés par le demandeur et la décision de l'agent d'ERAR, je suis d'avis que le demandeur n'a pas démontré qu'il allait subir un préjudice irréparable s'il était expulsé au Sri Lanka dans les circonstances actuelles. La preuve objective que l'agent d'ERAR a prise en considération révélait que la situation au pays avait beaucoup changé après que l'examen des risques de 2001, qui était basé sur des rapports touchant les années 1999 et 2000, a été effectué. L'agent a conclu que le demandeur pouvait vivre en sécurité à Colombo, au sein de la grande communauté tamoule qui habite dans cette ville. Le demandeur n'a avancé aucun argument pour contester cette conclusion, à part de vagues hypothèses quant à la possibilité qu'il fût qualifié de gangster tamoul par les autorités en raison de sa condamnation au criminel et de ses présumés liens avec les TLET. Le demandeur est au Canada depuis 1991. Aucun élément de preuve permettant de conclure que les autorités sri-lankaises s'intéressent à lui n'a été présenté. Une conclusion concernant le préjudice irréparable ne peut pas être fondée sur un hypothèse ou sur une série de possibilités : Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182 (C.F. 1re inst.)(QL).


[10]            Pour ce qui est de la question de la prépondérance des inconvénients, le demandeur s'est appuyé sur deux arrêts de la Cour d'appel fédérale pour affirmer que la prépondérance des inconvénients devait militer en sa faveur parce qu'il ne constituait pas un danger pour le public dans les circonstances actuelles : Fabian c. Canada, [2000] A.C.F. no 75 (C.A.)(QL) et Said c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 663 (C.A.)(QL). Toutefois, dans ces deux affaires, le demandeur était incarcéré et allait probablement être maintenu sous garde jusqu'à l'issue de l'instance. En l'espèce, j'ai été avisé que le demandeur allait être mis en liberté sous peu. Ses antécédents dans ce pays font en sorte que l'intérêt public paraît exiger que la mesure d'expulsion soit exécutée. À mon avis, le préjudice que le demandeur pourrait subir de ce fait ne l'emporte pas sur l'intérêt public.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l'exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

                                                                                                                         _ Richard G. Mosley _                

Juge                              

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1963-04

INTITULÉ :                                        PAKEERATHAN THAMOTHARAMPILLAI

c.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA                       

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 19 AVRIL 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                       LE 20 AVRIL 2004

COMPARUTIONS:                   

Brena Parnes                                         POUR LE DEMANDEUR

Lorne Mc Clenaghan                             POUR LE DÉFENDEUR

SOLICITORS OF RECORD:

Brena Parnes                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                         COUR FÉDÉRALE

                                                         Date : 20040420

                                            Dossier : IMM-1963-04

ENTRE :

PAKEERATHAN THAMOTHARAMPILLAI

                                                                  demandeur

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                   défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

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