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     Date : 19971204

     Dossier : T-806-97

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 4 DÉCEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

ENTRE :

     DR WILLIAM YOUNG ET DR. WILLIAM YOUNG M.B. CH. B. INC.,

     requérants,

     -et-

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


     Marc Nadon

    

             Juge

Traduction certifiée conforme

                 C. Bélanger, LL.L.

     Date : 19971204

     Dossier : T-806-97

ENTRE :

     DR WILLIAM YOUNG ET DR. WILLIAM YOUNG M.B. CH. B. INC.,

     requérants,

     -et-

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]      Les requérants sollicitent l"annulation de la décision rendue le 27 mars 1997 en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l"impôt sur le revenu (la Loi) par laquelle la chef des appels du Bureau des services fiscaux de Vancouver de Revenu Canada, Mme Joanne Ralla, a refusé de renoncer aux intérêts prélevés par Revenu Canada relativement à certaines années d"imposition des requérants ou de les annuler.

FAITS

[2]      Les faits pertinents peuvent être résumés comme suit. Les requérants sont le Dr William Young et Dr. William Young M.B. Ch. B. Inc. Jusqu"au 16 mars 1990, le Dr Young, médecin-chirurgien, a exploité un cabinet médical spécialisé en ophtalmologie à titre d"entreprise individuelle. Jusqu"au 28 février 1990, Skerryvore Holdings Ltd. a fourni des services de gestion au cabinet médical du Dr Young. En date du 16 mars 1990, la dénomination de cette société de gestion a été remplacée par Dr. William Young M.B. Ch. B. Inc. (la société), l"autre requérant. Pendant toute la période en cause, le Dr Young était l"unique actionnaire et administrateur de la société de gestion.

[3]      Pendant toute la période en cause, M. Bill Rudd, comptable agréé et associé du cabinet de comptables Deloitte Touche, s"est occupé des problèmes comptables du Dr Young et de la société. Avant le 16 mars 1990, M. Rudd, qui était hémophile, avait besoin de fréquentes transfusions sanguines et, par suite de celles-ci, il a contracté le virus du syndrome d"immunodéficience acquise (le SIDA). Jusqu"à son décès en 1992, M. Rudd a continué, malgré sa maladie, à fournir des services et des conseils en matière de comptabilité au Dr Young et à la société.

[4]      En 1991, Mme Young, qui tenait les livres du Dr Young et de la société, a été victime d"une crise cardiaque. Par suite de cette maladie, elle n"a pas été en mesure de s"acquitter convenablement de ses tâches. Le 2 septembre 1992, le Dr Young a été victime d"une crise cardiaque et il a dû subir une importante opération. Après cette dernière, malgré la crise cardiaque dont il avait été victime, le Dr Young a continué de pratiquer la médecine et a pris en main les tâches de tenue de livres dont son épouse s'occupait auparavant.

[5]      En décembre 1995, un cancer de la prostate a été diagnostiqué chez le Dr Young et celui-ci a subi une radiothérapie. Il est apparemment très malade et il n"est plus en mesure de poursuivre sa pratique médicale.

[6]      Selon les requérants, ces [TRADUCTION] " circonstances médicales malheureuses " ont, relativement à certaines années d"imposition, entraîné des erreurs comptables dans les registres d"entreprise du Dr Young et de la société ou y ont contribué. En conséquence, Revenu Canada a procédé à une vérification fiscale du Dr Young et de la société. Cette vérification a commencé en septembre 1993.

[7]      Le 9 décembre 1994, Revenu Canada a établi une nouvelle cotisation à l"égard des années d"imposition 1990, 1991 et 1992 du Dr Young. Le 1er mai 1995, Revenu Canada a délivré un avis de nouvelle cotisation à l'égard de l"année d"imposition 1993 du Dr Young. Enfin, le 12 décembre 1994, Revenu Canada a délivré des avis de nouvelle cotisation à l'égard des années d"imposition 1991 et 1992 de la société.

[8]      Le Dr Young et la société ont déposé auprès du ministre des avis d"opposition aux nouvelles cotisations. Dans une lettre datée du 26 novembre 1995, les procureurs des requérants ont écrit à Mme Doreen Wong, agent des appels auprès de Revenu Canada, pour demander que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire relativement aux intérêts dus par les requérants. Dans la demande qu'ils ont présentée aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi, les procureurs sollicitent un redressement pour les intérêts dus aux termes des dispositions en matière d'équité.

[9]      Dans une lettre datée du 27 mars 1997, Mme Joanne Ralla a informé les requérants du refus de leur demande d"annulation des intérêts dus ou de renonciation à ceux-ci. Cette lettre de Mme Ralla, adressée aux procureurs des requérants, mentionne ce qui suit :

         [traduction] La présente fait suite à votre demande datée du 26 novembre 1996 en vue de faire annuler les intérêts aux termes des dispositions en matière d'équité, c'est-à-dire le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l"impôt sur le revenu, que vous avez présentée pour le compte du contribuable.                 
         Je comprends qu"en présentant cette demande, vous connaissiez les lignes directrices que renferme la circulaire d"information IC 92-2.                 
         J"ai examiné vos arguments ainsi que tous les autres renseignements que je considérais pertinents quant à votre demande, y compris les lignes directrices de la circulaire d"information IC 92-2.                 
         Je regrette de vous informer que j"ai décidé que, dans les circonstances, il ne convient pas d"annuler les intérêts.                 
         Aux termes de la Loi de l"impôt sur le revenu, il n"existe pas de droit de s"opposer à la présente décision ou d"interjeter appel de celle-ci. Toutefois, si vous avez des questions concernant la présente décision, veuillez communiquer avec l"agent des appels au numéro susmentionné.                 

[10]      Telle est la décision que les requérants veulent faire annuler.

LÉGISLATION PERTINENTE

[11]      Le paragraphe 220(3.1) de la Loi dispose :

         Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l"annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.                 

[12]      La circulaire d"information 92-2 de Revenu Canada datée du 18 mars 1992 est aussi pertinente. Les paragraphes 5, 8, 9 et 10 de celle-ci disposent :

         5.      Il sera convenable d"annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l"employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent d"un contribuable, l"exécuteur d"une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d"autres exigences de la Loi de l"impôt sur le revenu :                 
             a)      une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l"homme comme une inondation ou un incendie;                 
             b)      des troubles civils ou l"interruption de services comme une grève des postes;                 
             c)      une maladie grave ou un accident grave;                 
             d)      des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.                 
         8.      Les contribuables et les employeurs, ou leurs représentants autorisés, peuvent faire la demande en écrivant au centre fiscal où ils soumettent leurs déclarations ou au bureau de district qui dessert leur région.                 
         9.      Les contribuables doivent soumettre, selon le cas, les renseignements suivants à l"appui de leur demande :                 
             a)      les nom, adresse et numéro d"assurance sociale ou numéro de compte du contribuable ou de l"employeur;                 
             b)      les années d"imposition visées;                 
             c)      les faits et les raisons qui tendent à montrer que les intérêts ou les pénalités établis ou à établir découlent principalement de facteurs indépendants de la volonté du contribuable;                 
             d)      toute correspondance pertinente et toute documentation connexe, y compris les reçus de paiement.                 
         10.      Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l"étude des demandes d"annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux-ci :                 
             a)      si le contribuable ou l"employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;                 
             b)      si le contribuable ou l"employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;                 
             c)      si le contribuable ou l"employeur a fait des efforts raisonnables et s"il n"a pas fait preuve de négligence ni d"imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d"autocotisation;                 
             d)      si le contribuable ou l"employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.                 

ARGUMENTS DES REQUÉRANTS

[13]      En sollicitant l"annulation de la décision de Mme Ralla, les requérants font valoir que dans sa décision, celle-ci s'est fondée sur deux présomptions que la preuve ne lui permettait pas d'établir. Premièrement, elle a présumé qu"étant donné que le Dr Young avait poursuivi sa pratique médicale pendant les années en cause, il [traduction] " devait être apte " à s"occuper de son entreprise et de ses affaires fiscales. La deuxième présomption erronée sur laquelle Mme Ralla s'est fondée est que Deloitte Touche, le cabinet pour lequel travaillait M. Rudd, a continué à s"occuper des affaires comptables des requérants même si M. Rudd était malade.

[14]      Les requérants prétendent que Mme Ralla aurait dû les informer des présomptions sur lesquelles elle s'est fondée pour leur donner [traduction] " la possibilité de corriger ou de contredire ses présomptions ou de lui fournir d"autres renseignements à cet égard ".

[15]      Les requérants font en outre valoir que Mme Ralla a rendu sa décision sans tenir compte de l"ensemble de la preuve. Plus particulièrement, ils prétendent qu'elle a examiné la demande de renonciation aux intérêts des requérants en fonction du revenu imposable et des intérêts dus aux termes des nouvelles cotisations qui faisaient l"objet d"une opposition, et ce, malgré le fait qu"au moment où elle a rendu sa décision, des ententes avaient été conclues entre Mme Doreen Wong et les procureurs des requérants, lesquelles ententes avaient donné lieu à la délivrance d"avis de nouvelle cotisation fondés sur ces ententes. Selon les requérants, les nouvelles cotisations étaient très pertinentes, étant donné que le montant total du revenu imposable et des pénalités imposées devait être réduit, avec réduction générale correspondante des intérêts dus sur ces montants.

[16]      Au paragraphe 46 de leur observations écrites, les procureurs des requérants déclarent ceci en guise de conclusion :

         [traduction] 46. Mme Ralla n"a pas agi conformément au but et à l"esprit de la loi, ni dans les paramètres et l"esprit de la propre politique du ministère du Revenu national décrite dans la circulaire d"information IC 92-2, qui consiste à renoncer à la totalité ou à une partie des intérêts si ceux-ci découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable. Les situations décrites par le ministre aux alinéas 5c) et d) de la circulaire d"information IC 92-2 sont une maladie grave ou un accident grave, ou des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate. Ces critères n"excluent pas les autres critères à considérer, tels que la maladie et le décès de M. Rudd ou même l"effet de la maladie de M. Rudd sur ses collègues et associés, qui peut avoir eu une incidence sur la façon dont les services comptables ont été fournis aux requérants en l"espèce. Il ressort clairement de la preuve que les comptables ont commis des erreurs comptables et de tenue de livres qui ont fait en sorte que de nouvelles cotisations ont été délivrées aux requérants. Mme Ralla s'est fondée sur ses propres présomptions et tiré ses propres conclusions selon lesquelles Touche Ross & Co. aurait dû s"assurer que la tenue de livres et la comptabilité se continuaient pendant que M. Rudd était malade, mais elle n"a pas tenu compte du fait que des erreurs comptables s'étaient produites ni du fait que ces erreurs étaient indépendantes de la volonté des requérants.                 

ANALYSE

[17]      Je commence mon analyse par l'exposé de la demande de renonciation aux intérêts soumise par les procureurs des requérants à Revenu Canada. Aux pages 2, 3 et 4 de la lettre datée du 26 novembre 1996 qu"ils ont adressée à Mme Doreen Wong, les procureurs disent :

         [traduction][...] Le Dr et Mme Young ont éprouvé une série de problèmes de santé et de troubles émotifs qui étaient " indépendants de leur volonté ". Par exemple, leur comptable de longue date, M. Bill Rudd, du cabinet Touche Ross, a conseillé le Dr Young pendant de nombreuses années sur des questions d"ordre fiscal et comptable. Plus précisément, M. Rudd a aidé le Dr Young à créer Dr. William Young M.B. ChB. Inc. (la société) et l'a conseillé sur la façon dont les affaires pouvaient être organisées entre son cabinet médical et la société. Toutefois, M. Rudd était hémophile et il recevait régulièrement des transfusions sanguines. Malheureusement, il a contracté le SIDA par suite de ces transfusions et est décédé. La maladie et le décès subséquent de M. Rudd ont entraîné de graves complications commerciales pour le Dr et Mme Young , et ont fait en sorte qu"il a été très difficile pour eux de démêler l"ensemble des opérations comptables effectuées entre le cabinet médical du Dr Young et la société. De plus, Mme Young a été victime d"une crise cardiaque. Mme Young a travaillé étroitement auprès du Dr Young et l"a aidé à exploiter son cabinet médical. L"invalidité de Mme Young causée par sa crise cardiaque a créé d"importants problèmes commerciaux et comptables au bureau. En outre, le Dr Young a été victime d"une crise cardiaque, ce qui fait qu"il a été très difficile pour lui de tenir à jour ses affaires commerciales et comptables. De plus, le Dr Young a eu un cancer de la prostate et il a subi deux opérations et une radiothérapie. En raison de son affection à la prostate, le Dr Young n"est pas en mesure de travailler depuis plusieurs mois. Les problèmes de santé de M. Rudd et les troubles médicaux graves du Dr et de Mme Young ont créé de nombreuses complications comptables, qui ont entraîné certaines des conséquences fiscales auxquelles sont maintenant confrontés le Dr Young et sa société.                 
         Je résume les dates pertinentes :                 
         1.      De 1968 jusqu"à son décès prématuré en août 1991, M. Bill Rudd, comptable agréé et associé du cabinet Touche Ross, a été le comptable du Dr Young.                 
         2.      Dr. William Young M.B. ChB Inc. a été constituée en 1990. M. Rudd a aidé le Dr Young à mettre sur pied cette société. M. Rudd a été très malade pendant cette période.                 
         3.      En 1991, Mme Young a été victime d"une crise cardiaque et a été très malade au cours de cette période et pendant un certain temps par la suite. Mme Young travaillait au bureau de son mari au cours de cette période. Récemment, Mme Young s"est fait poser un stimulateur cardiaque.                 
         4.      Le Dr Young a été victime d"une crise cardiaque le 2 septembre 1992. Il a subi une angioplastie et a été très malade au cours de la période en cause.                 
         5.      En 1991 et 1992, le Dr Young a poursuivi sa pratique médicale chargée et il a tenté de suivre les questions d"ordre comptable concernant la société. Le Dr Young a aussi été chef du département de chirurgie du Surrey Memorial Hospital de 1988 à 1993.                 
         6.      Il est à souligner qu"un cancer de la prostate a été diagnostiqué chez le Dr Young. Il a subi une radiothérapie et deux opérations.                 
         En résumé, en raison de la maladie et du décès subséquent de leur comptable de longue date, M. Bill Rudd, et en raison de la maladie grave de Mme Young et de la maladie grave du Dr Young, il a été très difficile pour ces derniers de suivre l"ensemble des activités comptables entre eux-mêmes et la société. Le Dr et Mme Young croyaient qu"ils avaient acquitté le prêt consenti à titre d'actionnaire que le Dr Young devait à la société lorsque Mme Young a transféré à son mari les crédits que la société lui devait.                 
         Je demande respectueusement que Revenu Canada applique les dispositions en matière d'équité pour renoncer aux intérêts à l'égard des nouvelles cotisations qui seront délivrées au Dr Young et à Dr. William Young M.B. Ch.B. Inc.                 

[18]      Mme Ralla était au courant de cette demande lorsqu"elle a rendu sa décision. L"alinéa 9c) de la circulaire d"information 92-2 dit clairement que lorsqu"il demande l"annulation des intérêts ou une renonciation à ceux-ci, le requérant doit fournir à Revenu Canada un énoncé des faits et des raisons qui tendent à montrer que les intérêts dus " découlent principalement de facteurs indépendants de la volonté du contribuable ".

[19]      En conséquence, il incombait aux requérants aux présentes de convaincre le ministre que la maladie ou l"état de santé du Dr Young, de son épouse et de M. Rudd constituaient des facteurs indépendants de leur volonté et que les intérêts dus " découlaient principalement " de ces facteurs.

[20]      Au paragraphe 9 de son affidavit daté du 23 mai 1997, Mme Ralla énumère les facteurs qu"elle a pris en considération pour rendre sa décision. Les voici :

         [traduction]                 
         a)      les demandes présentées par les requérants et les motifs de ces demandes;                 
         b)      les lignes directrices de la circulaire d"information 92-2 et les lignes directrices internes. Une copie conforme de la circulaire d"information 92-2 est jointe aux présentes sous la cote D;                 
         c)      le Dr Young a continué sa pratique médicale après sa crise cardiaque et il a été chef du département de chirurgie du Surrey Memorial Hospital de 1988 à 1993; par conséquent, il semblerait avoir été tout à fait capable de s'occuper de ses affaires commerciales et fiscales au cours des années en cause;                 
         d)      M. Rudd était associé d"un important cabinet de comptables; il est par conséquent raisonnable de présumer que ce cabinet, Deloitte Touche, aurait veillé à ce que la tenue de livres et la comptabilité se poursuivent tant pour le particulier que pour la société pendant que M. Rudd était malade.                 

[21]      Il est manifeste que Mme Ralla s"est fondée en grande partie sur une note de service datée du 11 mars 1997 que lui a envoyée Mme Doreen Wong. Étant donné que la contestation, par les requérants, de la décision de Mme Ralla est aussi, en réalité, une contestation de la note de service de Mme Wong, je reproduis les pages 3 et 4 de cette dernière. Après avoir énoncé les motifs pour lesquels les requérants demandaient la renonciation aux intérêts et indiqué qu"elle avait examiné les lignes directrices pertinentes, Mme Wong explique pourquoi elle est d"avis qu"aucune renonciation aux intérêts ne devrait être accordée. Voici son raisonnement :

         [traduction] À l"heure actuelle, un avis d'opposition concernant le prêt consenti à titre d'actionnaire au contribuable par sa société, Dr. William Young MB CHB Inc., est en instance. Les derniers détails de cette affaire sont en train d'être réglés mais ils n'ont pas voulu nous donner leur accord ou leur désaccord final. Nous avons été informés que la cotisation fiscale déterminera s'ils déposent auprès de la Cour de l"impôt. Dans l"avis d"opposition, nous confirmons un rajustement du prêt consenti à titre d'actionnaire en vertu du paragraphe 15(2) de 242 997 $ pour 1990 et de 40 354 $ pour 1991. Un remboursement a été effectué en 1993 et en 1994 et les déductions du sous-alinéa 20(1)j ) appropriées ont été accordées. En raison de l"autre revenu du contribuable, la déduction en vertu de l"alinéa 20(1)j ) n"entraînera qu"une perte autre qu"en capital pour l"année d"imposition 1994. Il veut que cette perte soit reportée rétrospectivement en 1991. Nous l"avons informé que cela pouvait être fait mais qu"il serait encore facturé en fonction de sa demande. Il est à souligner que l"épouse du contribuable dispose d"un solde de crédit dans son compte de prêt à titre d"actionnaire et nous ne permettons pas que ce crédit soit porté en réduction du compte de son mari jusqu"en 1994, où ils déclarent par écrit qu"elle veut que ses soldes soient portés au crédit du compte de son mari. Ils ne sont pas d"accord avec cela et veulent que le solde soit porté en réduction du compte du mari sur une base annuelle.                 
         Le contribuable n"a pas agi rapidement pour régler le solde du prêt à titre d"actionnaire. Ce prêt a été consenti en 1990-1991 et ce n"est pas avant le début de la vérification qu"ils ont tenté de corriger la situation. La vérification a commencé en octobre 1993 et ce n"est pas avant le 11 octobre 1994 qu"une lettre indiquant qu"elle voulait que ses soldes soient appliqués au compte de son mari a été préparée et signée par Mme Young.                 
         Il semble inhabituel qu"un important cabinet comptable laisse un associé très malade s"occuper d"un dossier à 100 %. Il avait peut-être le dernier mot, mais il est probable que des employés du cabinet auraient fait le travail proprement dit qui consistait à transformer la société de gestion du Dr Young en société de pratique constituée par actions.                 
         Ainsi qu"il est mentionné, la société a été modifiée en mars 1990. Cette modification a eu lieu bien avant que les Young ne soient malades. Mme Young a été victime d"une crise cardiaque en 1991 et elle a été très malade, mais elle a été assez bien pour accompagner son mari à un congrès en Espagne en septembre 1991. Mme Young a aidé son mari au bureau, mais c"est le cabinet Touche Ross & Co. qui s"est occupé des états financiers et de la préparation. Le compte débiteur-créditeur des actionnaires indiquait un solde débiteur aux états financiers en date des 31 décembre 1990 et 1992. Ce n"est pas avant 1993 qu"un dividende a été déclaré pour acquitter ce débit. Le cabinet comptable était bien au courant du fait que le compte de prêt à titre d"actionnaire indiquait un débit, mais il n"a pas mentionné ce revenu dans les déclarations du Dr Young pour ces années.                 
         8.      Après avoir examiné les arguments relatifs à cette demande, je suis d"avis :                 

De rejeter la demande " je suis consciente que les Young ont vécu une période difficile dans leur vie, qu"ils ont été malades et que leur comptable de longue date est décédé, mais je ne crois pas que les frais d"intérêts facturés au compte du Dr Young devraient être annulés. Il semble que le cabinet Touche Ross a commis l"erreur et que Revenu Canada ne devrait pas être tenu d"annuler des intérêts appliqués à juste titre lorsque un cabinet de comptables est en tort.

[22]      Je veux aussi reproduire les notes qu'a prises Mme Ralla au moment de rendre sa décision. Ces notes sont datées du 25 mars 1997 et mentionnent ce qui suit :

         [traduction] [...] rejeter. Le docteur a continué sa pratique, il était chef du département de chirurgie au Surrey de 1988 à 1993; pas de perte de capacité, Touche Ross aurait continué la comptabilité même si Rudd était malade.                 

[23]      Ces notes démontrent, hors de tout doute, que Mme Ralla a suivi les conseils que Mme Doreen Wong lui a donnés.

[24]      À mon avis, la question que Mme Ralla devait se poser était de savoir si la maladie du Dr Young, celle de Mme Young et celle de Bill Rudd constituaient des circonstances indépendantes de la volonté des requérants et, dans l"affirmative, si ces circonstances ont pu empêcher les requérants, ou leurs agents, de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu.

[25]      Il est indubitable que la maladie du Dr Young, celle de Mme Young et celle de M. Bill Rudd constituent des circonstances indépendantes de la volonté des requérants. Il s"agit alors de savoir si ces maladies ont empêché les requérants de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu. C"est là la question que Mme Ralla devait se poser et à laquelle elle devait répondre. Cela m'amène à examiner la prétention des requérants selon laquelle Mme Ralla s'est fondée sur des présomptions qu"elle ne pouvait établir. Ces présomptions étaient les suivantes :

         [traduction]                 
         1.      Malgré sa maladie, le Dr Young a poursuivi sa pratique médicale et, par conséquent, il devait être capable de s"occuper de ses affaires commerciales et fiscales;                 
         2.      Malgré la maladie de M. Rudd, le cabinet Touche Ross a continué à s"occuper des affaires comptables des requérants.                 

[26]      Ces présomptions censément erronées figurent à titre de facteurs c) et d) au paragraphe 9 de l"affidavit de Mme Ralla en date du 23 mai 1997. Les requérants font valoir que Mme Ralla ne pouvait tirer ces présomptions et qu"elle avait par conséquent le devoir de les informer de celles-ci pour leur permettre d"y répondre. Je ne suis pas d"accord avec les requérants pour dire que Mme Ralla ne pouvait établir ces présomptions. Mme Ralla devait décider si la maladie du Dr Young ou celle de Mme Young ont empêché les requérants ou leurs agents de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu. À mon avis, il ne suffisait pas que les requérants prétendent que le Dr Young et que Mme Young ont été malades. Il leur incombait de fournir à Revenu Canada les renseignements prouvant que les maladies en cause avaient empêché le Dr Young et son agent de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu. Aucun élément de preuve semblable n"a été soumis à Mme Ralla. Comme elle devait trancher la question en fonction de la preuve qui lui était présentée, la présomption selon laquelle le Dr Young, malgré sa maladie, était capable de s"occuper de ses affaires commerciales et comptables n"est pas déraisonnable.

[27]      Pour ce qui est de la deuxième présomption sur laquelle s'est fondée Mme Ralla, il incombait aussi aux requérants de prouver que la maladie de M. Rudd les avait empêchés, eux et leur agent, de se conformer aux dispositions de la Loi de l"impôt sur le revenu. Dans la preuve soumise à Mme Ralla, je ne voit aucun élément qui prouve ou démontre que la maladie de M. Rudd a empêché son cabinet, et donc les requérants, de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu. Aucun élément de preuve provenant du cabinet Deloitte Touche n'a été soumis à Mme Ralla pour expliquer les conséquences, s"il en est, de la maladie de M. Rudd sur la façon dont les dossiers des requérants ont été traités. Ainsi, au vu de la preuve qui lui a été présentée, j'estime que l"hypothèse de Mme Ralla selon laquelle le cabinet Deloitte Touche a continué à s"occuper de la tenue de livres et de la comptabilité des requérants malgré la maladie de M. Rudd, n"est pas déraisonnable.

[28]      Au paragraphe 46 de leurs observations écrites, après avoir cité les alinéas 5c) et d) de la circulaire d"information 92-2, les procureurs des requérants disent ce qui suit :

         [traduction] [...] Ces critères [des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate] n"excluent pas les autres critères à considérer, tels que la maladie et le décès de M. Rudd ou même l"effet de la maladie de M. Rudd sur ses collègues et associés, qui peut avoir eu une incidence sur la façon dont les services comptables ont été fournis aux requérants en l"espèce.                 

[29]      Je suis d"accord avec les requérants pour dire que, si une preuve sur ce point avait été fournie à Revenu Canada, Mme Ralla aurait été tenue de l"examiner. Toutefois, il n"y a aucune preuve concernant l"effet de la maladie de M. Rudd sur ses collègues et associés [traduction] " qui pourrait avoir eu une incidence sur la façon dont les services comptables ont été fournis aux requérants ".

[30]      À mon avis, c"est en raison de cette preuve insuffisante que Mme Ralla a dû établir une présomption concernant les services rendus par le cabinet Deloitte Touche. Il ne m'appartient pas de décider si la présomption sur laquelle s'est fondée Mme Ralla est juste ou non. Toutefois, cette présomption n"est pas déraisonnable.

[31]      Malgré ma conclusion que Mme Ralla n"a pas commis d"erreur en se fondant sur les présomptions qu'elle a établies, je dois maintenant me demander si Mme Ralla s"est posée la bonne question et si elle y a répondu. À mon avis, c'est ce qu'elle a fait.

[32]      Mme Ralla paraît en être venue à la conclusion que ce n"est pas la maladie du Dr Young ni celle de Mme Young non plus que celle de M. Rudd qui ont empêché les requérants, ou leurs agents, de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu. Certes, d"après le dossier qui lui a été soumis, il lui était loisible de tirer cette conclusion. Je suis d"accord avec les requérants pour dire qu"il n"est pas contesté que les erreurs commises par le cabinet Deloitte Touche ont mené à la délivrance de nouvelles cotisations à l"égard des requérants. [Voir le paragraphe 46 des observations écrites des requérants]. Il s"agissait de savoir si ces erreurs résultaient de la maladie de M. Rudd. Au paragraphe 9 de son affidavit, Mme Ralla a traité de cette question comme suit :

         [traduction] [...] M. Rudd était associé d"un important cabinet comptable; il est par conséquent raisonnable de présumer que ce cabinet, Deloitte Touche, aurait veillé à ce que la tenue de livres et la comptabilité se poursuivent tant pour le particulier que pour la société pendant que M. Rudd était malade.                 

[33]      Ce que je ne sais pas, pas plus que Mme Ralla, c"est si, en fait, le cabinet Deloitte Touche s"est assuré que quelqu'un s'occupait de la tenue de livres et la comptabilité des requérants pendant que M. Rudd était malade. Sur ce point, les requérants ont prétendu que, vu l'insuffisance de la preuve, Mme Ralla aurait dû communiquer avec eux pour leur demander des précisions. À mon avis, Mme Ralla n'était pas tenue de le faire.

[34]      Le paragraphe 9 de la circulaire d"information 92-2 impose clairement aux requérants le fardeau de fournir à Revenu Canada tous les renseignements pertinents. Par exemple, bien que ce soit en rétrospective, il me semble que les requérants auraient dû obtenir des éléments de preuve de la part du cabinet Deloitte Touche au sujet du traitement de leur dossier pendant la maladie de M. Rudd. Si ces renseignements avaient été obtenus et fournis à Revenu Canada, ils auraient peut-être convaincu Mme Ralla que les erreurs ayant donné lieu aux nouvelles cotisations étaient imputables à la maladie de M. Rudd. Toutefois, aucun renseignement semblable n"a été soumis à Mme Ralla. Ainsi que je l"ai déjà indiqué, d"après les éléments de preuve dont elle était saisie, il n"était pas déraisonnable que Mme Ralla conclue que ce n'est la maladie de M. Rudd qui a été la cause des erreurs. Là encore, je souligne que je n"ai pas à décider si Mme Ralla a eu tort ou raison, mais si elle a examiné convenablement la preuve qui lui était soumise pour déterminer si l"omission des requérants de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu était imputable à des facteurs indépendants de leur volonté.

[35]      Le dernier argument des requérants est que Mme Ralla a rendu sa décision sans tenir compte de l"ensemble de la preuve. Ils prétendent que Mme Ralla a examiné leur demande d"annulation des intérêts avant la délivrance des avis de nouvelle cotisation du 2 juin 1996. Les requérants font valoir que, par suite de ces nouvelles cotisations, le montant total du revenu imposable et des pénalités imposées a été réduit, avec réduction correspondante des intérêts dus sur ces montants.

[36]      Au soutien de cet argument, les requérants citent la propre politique de Revenu Canada, ainsi que l"explique Mme Ralla aux paragraphes 4 et 5 de son affidavit :

         [traduction]                 
         4.      En novembre 1996, la direction de la Division des appels du Bureau de district de Vancouver a décidé de mettre en oeuvre une politique, en conformité avec les autres divisions du Bureau, consistant à ne pas examiner les demandes de redressement aux termes des dispositions en matière d'équité, si les années en cause pour lesquelles le redressement est sollicité font l"objet d"une opposition ou d"un appel.                 
         5.      Cette politique permet de s"assurer que la dette fiscale sur laquelle les intérêts sont calculés a été correctement déterminée et donne une indication plus précise du montant des intérêts, s"il en est, qui peuvent être imposés, et, par conséquent, qui peuvent faire l"objet d"une annulation ou d"une renonciation au gré du ministre.                 

[37]      Les requérants font valoir que Mme Ralla n"a pas tenu compte des propres politiques et lignes directrices du ministre, en ce qu"elle a examiné la demande d"annulation des intérêts des requérants avant que soient délivrés les avis de nouvelle cotisation du ministre datés du 2 juin 1997. À cet égard, les requérants ont déposé l"affidavit du procureur agissant pour leur compte, Me Les M. Little, c.r. Ce dernier a préparé un document intitulé [traduction] " Résumé des nouvelles cotisations du Dr William Young par voie d"avis de nouvelle cotisation datés du 2 juin 1997 pour les années d"imposition 1991 à 1994 ". Ce document est annexé à l"affidavit de Me Little sous la cote G. Pour l"année d"imposition 1991, Me Little souligne que le revenu net du Dr Young a été porté de 207 864,65 $ à 216 279,73 $. Toutefois, il signale qu"une erreur a été commise au moment de la délivrance de l"avis de nouvelle cotisation. Me Little explique que l"entente qu"il a conclue avec Mme Wong et qui a mené à l"avis de nouvelle cotisation de juin prévoyait que la réduction du prêt consenti à titre d'actionnaire serait de 33 864,67 $. Toutefois, l"agent qui a délivré l"avis de nouvelle cotisation a utilisé le chiffre de 3 864,67 $ plutôt que 33 864,67 $. Au soutien de cette prétention, Me Little renvoie à la dernière offre de règlement datée du 26 septembre 1996 qu'a faite Mme Wong. À la page 2 de cette offre, Mme Wong dit ce qui suit :

         [traduction] L"avantage de l"actionnaire pour 1991 sera de 1 015 $. Le montant original de 34 880 $ a été réduit par le placement dans une oeuvre d"art de 30 000 $ et le rajustement de la dépense relative au congrès.                 

[38]      Ainsi, Me Little souligne que les intérêts sur les 30 000 $ de plus faisant l"objet d"une nouvelle cotisation pour l"année d"imposition 1991 devraient être réduits en conséquence, et qu'ils le seront.

[39]      Pour ce qui est de l"année d"imposition 1992, Me Little souligne que le ministre a réduit le revenu imposable du Dr Young de 137 598,28 $ à 133 843,57 $. Pour ce qui est de l"année d"imposition 1993, le ministre a réduit le revenu imposable du Dr Young de 106 024,00 $ et a supprimé les pénalités de 3 798,16 $ déjà imposées. Enfin, pour ce qui est de l"année d"imposition 1994, le ministre a réduit le revenu du Dr Young de 109 839,34 $ et établi une perte autre qu"en capital de 64 871,62 $, laquelle a été déduite du revenu du Dr Young pour l"année d"imposition 1991.

[40]      Selon les requérants, ces renseignements auraient dû être soumis à Mme Ralla avant qu"elle prenne sa décision. En conséquence, font-ils valoir, elle a rendu sa décision sans tenir compte de tous les faits pertinents.

[41]      La réponse de l"intimée à cet argument figure à la page 43 de son exposé des points d"argument :

         [traduction] L"intimée fait valoir que le montant des intérêts dus par les requérants est un facteur non pertinent dans les circonstances de l"espèce, et qu"il ne constitue pas l"un des principaux facteurs dont le chef des appels a tenu compte pour décider de refuser la demande des requérants. Par conséquent, le fait que le chef des appels a exercé le pouvoir discrétionnaire ministériel aux termes du paragraphe 220(3.1) avant que les nouvelles cotisations ne soient délivrées est sans conséquence. La demande des requérants a été présentée pour être examinée par l"agent des appels après que celle-ci a été informée par le procureur des requérants qu"aucune autre observation ne serait présentée, et elle a reçu instruction de procéder aux nouvelles cotisations sur la foi des ententes conclues entre les parties. Ainsi, à l"exception des détails de la délivrance des nouvelles cotisations, le processus de cotisation visant à déterminer la dette fiscale était terminé. Il était clair que des intérêts seraient dus parce que la dette fiscale avait été majorée.                 

Ainsi, selon l"intimée, le montant des intérêts dus par les requérants n"était pas pertinent quant à la décision prise par Mme Ralla et, en conséquence, celle-ci ne l"a pas pris en considération pour tirer sa conclusion. Ainsi que Mme Ralla le dit dans son affidavit, il est de règle qu"aucune demande de renonciation aux intérêts n'est examinée si des oppositions ou des appels sont en cours. Mme Ralla explique ensuite que le but de la règle est de donner au décideur [traduction] " une indication plus précise du montant des intérêts " qu"il lui est demandé d"annuler ou auxquels il lui est demandé de renoncer.

[42]      En l"espèce, Mme Ralla ignorait les montants que devaient les requérants et elle n'était pas au courant des détails des ententes conclues entre Mme Wong et les procureurs des requérants, non plus que de l"incidence de ces ententes sur les nouvelles cotisations. D"après l"affidavit de Me Little, il appert que le montant des intérêts dus par les requérants a été réduit par suite des nouvelles cotisations du 2 juin 1996.

[43]      Pour compléter les renseignements généraux sur cette question, je renvoie à une note au dossier datée du 10 décembre 1996 et écrite par Me Little à la suite d"une conversation avec Mme Doreen Wong au sujet de la demande de renonciation aux intérêts aux termes des dispositions en matière d'équité présentée pour le compte des requérants. La note mentionne ce qui suit :

         [traduction] J"ai parlé à Mme Doreen Wong de Revenu Canada au sujet de l"avis d"opposition déposé par le Dr Young.                 
         Mme Wong a fait référence à ma lettre concernant les dispositions en matière d'équité. Elle a dit qu"elle avait transmis ma lettre au comité d'application des dispositions en matière d"équité. Toutefois, ce comité lui a dit qu"il ne répondrait pas à ma demande tant que les derniers détails de tous les points mentionnés dans les avis d"opposition n"auraient pas été réglés.                 
         Mme Wong a dit que le comité d'application des dispositions en matière d"équité ne voulait pas qu"il y ait un lien entre sa décision et le règlement de l"avis d"opposition.                 
         J"ai dit à Mme Wong que je trouvais cela injuste parce que cela signifiait en réalité que nous devions retirer nos arguments au sujet de l"avis d"opposition et attendre de voir si le comité d'application des dispositions en matière d"équité donnerait une réponse favorable. J"ai souligné que si nous retirons effectivement notre avis d"opposition et si le comité d'application des disposition en matière d"équité refuse notre demande, nous aurons tout perdu, c"est-à-dire que nous aurons perdu tous les points en litige dans les avis d"opposition et nous n"aurons pas obtenu la renonciation aux intérêts que j"ai demandée.                 
         Mme Wong a dit qu"elle comprenait mon inquiétude mais qu"elle ne pouvait rien faire. Elle a dit qu"il s"agissait d"une politique ministérielle.                 

[44]      Je désire aussi faire référence à une note inscrite au dossier par Mme Wong le 13 janvier 1993 :

         [traduction] Communiqué avec Les Little pour connaître la décision finale relativement à l"avis d"opposition du Dr Young. Il a dit qu"il allait réévaluer en fonction de nos derniers renseignements. J"ai demandé s"il était d"accord avec la décision mais il a dit qu"il ne ferait pas de commentaires. Il a dit qu"ils allaient attendre d"avoir reçu les avis de nouvelle cotisation pour voir quel était le montant de l"impôt. En réponse à une question au sujet de la demande en matière d"équité, il a dit " faites ce que vous avez à faire ".                 

[45]      La note inscrite au dossier par Mme Wong est conforme au paragraphe 10 de l"affidavit de Me Little daté du 25 avril 1997 où, il dit :

         [traduction] Vers le milieu de janvier 1997, j"ai parlé à Mme Wong au téléphone et je lui ai donné instruction de traiter les avis de nouvelle cotisation à délivrer aux demandeurs conformément aux différentes ententes qui avaient été conclues. Mme Wong m"a avisé qu"elle traiterait les avis de nouvelle cotisation (les " nouvelles cotisations "). Elle ne m"a pas dit à ce moment que le ministre allait étudier la demande avant que les avis de nouvelle cotisation soient émis.                 

[46]      Le paragraphe 11 du même affidavit est pertinent aussi :

         [traduction] À la suite de mes conversations avec Mme Wong le 10 décembre 1996 et au milieu de janvier 1997, j"ai cru que le ministre n"étudierait pas la demande avant que les avis de nouvelle cotisation ne soient délivrés étant donné que le montant des intérêts imposés aux termes de ces avis serait inférieur à ce qui avait été imposé au moment de la présentation de la demande.                 

[47]      Pour compléter le tableau, je reproduis les paragraphes 24 à 27 de l"affidavit de Mme Doreen Wong daté du 26 mai 1997 :

         [traduction]                 
         24.      J"ai reçu une lettre du procureur des requérants datée du 26 novembre 1996 dans laquelle les requérants sollicitent une mesure de redressement relative aux intérêts aux termes des dispositions en matière d'équité. Une copie conforme de la lettre datée du 26 novembre 1996 est jointe aux présentes sous la cote M.                 
         25.      J"ai rédigé une note de service adressée au chef des appels au sujet des demandes de redressement aux termes des dispositions en matière d'équité du Dr Young et de la société, et je l"ai soumise accompagnée de leur demande au " comité d'application des dispositions en matière d"équité ". Une copie conforme de mes rapports datés des 3 et 5 décembre 1996 est jointe aux présentes sous la cote O.                 
         26.      R. V. Smith, chef des appels par intérim, m"a informée que les demandes de redressement des requérants aux termes des dispositions en matière d'équité ne seraient pas étudiées étant donné que les dossiers faisaient l"objet d"une opposition. J"ai subséquemment informé par téléphone le procureur des requérants que leur demande ne serait pas étudiée avant que les détails des questions faisant l"objet d"une opposition aient été réglés.                 
         27.      Le 13 janvier 1997, j"ai communiqué avec le procureur des requérants pour savoir quelle était leur décision finale relativement aux oppositions des requérants. Me Little m"a demandé d"établir une nouvelle cotisation sur la base de nos derniers renseignements. J"ai compris que ses instructions concernant la demande de redressement aux termes des dispositions en matière d'équité étaient de procéder à l'étude de la demande. Une copie conforme des notes que j"ai prises au sujet de notre conversation téléphonique du 13 janvier 1997 et jointe aux présentes sous la cote P.                 

[48]      À la page 3 de la note de service datée du 11 mars 1997 qu"elle adresse à Mme Ralla, Mme Wong dit :

         [traduction] À l"heure actuelle, un avis d"opposition concernant le prêt consenti à titre d"actionnaire au contribuable par sa société, Dr. William Young MB CHB Inc., est en instance. Les derniers détails de cette affaire sont en train d"être réglés mais ils n'ont pas voulu nous donner leur accord ou leur désaccord final. Nous avons été informés que la cotisation fiscale déterminera s'ils déposent auprès de la Cour canadienne de l'impôt.                 

[49]      Ainsi, lorsque Mme Ralla a rendu sa décision et comme elle s'en explique au paragraphe 4 de son affidavit, la politique de Revenu Canada n"a pas été suivie étant donné qu"un différend opposait encore les parties au sujet d"une question à tout le moins. La dette fiscale et, partant, l"intérêt calculé sur celle-ci, n"avaient donc pas encore été [TRADUCTION] " déterminés exactement ".


[50]      Je passe maintenant à l"argument des requérants selon lequel Mme Ralla n"aurait pas dû traiter leur demande de renonciation aux intérêts avant que les avis de nouvelle cotisation du 2 juin 1996 n'aient été délivrés. Au paragraphe 43 de son exposé des points d"argument, le procureur des requérants dit ce qui suit :

         [traduction] [...] Même si la lettre datée du 26 novembre 1996 et adressée à Revenu Canada par Me Little demande expressément un examen aux termes des dispositions en matière d'équité en vue d"une renonciation aux intérêts qui devaient faire l"objet d"une nouvelle cotisation, Mme Ralla a procédé à l"examen du revenu imposable et des intérêts dus aux termes des nouvelles cotisations qui faisaient à l"époque l"objet d"une opposition. À la suite de la délivrance des avis de nouvelle cotisation et après que Mme Ralla eut rendu sa décision, les montants totaux de revenu imposable et de pénalités imposés relativement aux années en cause ont été réduits et accompagnés d"une réduction générale des intérêts imposés en fin de compte.                 

[51]      Dans l"argument qui précède, le procureur des requérants renvoie au dernier paragraphe de la lettre du 26 novembre 1996 de Me Little, où celui-ci dit :

         [traduction] Je demande respectueusement que Revenu Canada applique les dispositions en matière d'équité pour renoncer aux intérêts à l'égard des nouvelles cotisations qui seront délivrées au Dr Young et à Dr. William Young M.B. Ch.B. Inc.                 

[52]      Si je ne m'abuse, Me Little, dans sa lettre, demandait au ministre de renoncer aux intérêts dus par ses clients [traduction] " à l"égard des nouvelles cotisations qui seront délivrées ". À mon avis, Me Little ne demandait pas au ministre de retarder l"étude de sa demande de renonciation aux intérêts avant que les avis de nouvelle cotisation soient délivrés. Il demandait simplement au ministre de renoncer aux intérêts dus à l"égard des nouvelles cotisations qui seraient délivrées.

[53]      Les requérants prétendent que le montant précis des intérêts est pertinent parce qu'en l"espèce, le montant dû par suite des nouvelles cotisations du 2 juin 1997 est inférieur au montant qui était dû aux termes des nouvelles cotisations antérieures. En conséquence, étant donné que Mme Ralla n'était pas saisie des nouvelles cotisations du 2 juin 1997, elle ne savait pas que les intérêts dus par les requérants avaient été réduits.

[54]      Je ne suis pas convaincu que le montant précis des intérêts dûs par un contribuable soit un facteur pertinent pour ce qui est de décider s"il faudrait renoncer à des intérêts ou les annuler. La circulaire d"information 92-2 ne mentionne pas qu'il s'agit d'un facteur pertinent. De plus, la politique, ainsi que l"a expliqué Mme Ralla à la page 4 de son affidavit, ne concerne pas les montants d"intérêts dus. Elle paraît plutôt viser à faire une distinction entre la question relative aux dispositions en matière d'équité et celle qui concerne la dette fiscale du contribuable. Par dette fiscale, j'entends évidemment le montant de l'impôt, des intérêts et des pénalités qui sont dus. C"est pourquoi, à mon avis, Mme Ralla dit que la politique est de ne pas étudier les demandes de renonciation aux intérêts tant que des oppositions ou des appels concernant les années d"imposition en cause sont en cours.

[55]      Si je comprends bien, cette politique signifie que Mme Ralla n'aurait pas dû étudier la demande de renonciation aux intérêts des requérants avant que toutes les questions en litige aient été réglées. Ainsi que je l"ai déjà indiqué, il y a au moins une question en litige en l'espèce. La raison d"être de cette politique paraît être que le ministre estime qu"il n"est pas opportun d"étudier et de trancher une demande de renonciation aux intérêts lorsqu"une décision finale n"a pas encore été rendue au sujet de la dette fiscale.

[56]      Mme Ralla aurait peut-être dû simplement refuser d"étudier la demande de renonciation aux intérêts des requérants. Toutefois, elle a accepté de le faire et elle a rendu une décision. À mon avis, le dernier argument des requérants doit être rejeté. Je ne puis conclure que Mme Ralla n"a pas tenu compte des faits pertinents pour rendre sa décision étant donné qu'à mon avis, le montant précis des intérêts n"était pas un facteur pertinent.

[57]      De plus, même si je concluais que le montant précis des intérêts constituait un facteur pertinent, je n"aurais pas, en tout état de cause, conclu qu"une erreur susceptible de révision a été commise, vu la conclusion de Mme Ralla selon laquelle les maladies du Dr et de Mme Young ainsi que M. Rudd n'étaient pas des facteurs ayant empêché les requérants de se conformer à la Loi de l"impôt sur le revenu.

[58]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


     Marc Nadon

    

             Juge

Montréal (Québec)

4 décembre 1997

Traduction certifiée conforme

                 C. Bélanger, LL.L.

     Cour fédérale du Canada

     T-806-97

ENTRE

Dr WILLIAM YOUNG ET

DR. WILLIAM YOUNG M.B. CH. B. INC.,

     requérants,

     -et-

SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :

T-806-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :

DR WILLIAM YOUNG ET

DR. WILLIAM YOUNG M.B. CH. B. INC.,

     requérants,

-ET-

SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

LIEU DE L"AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L"AUDIENCE :

17 octobre 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE

PRONONCÉS PAR :

Monsieur le juge Nadon

EN DATE DU :

4 décembre 1997

ONT COMPARU :

Me Joanne K. Glover      pour les requérants

Me Linda Bell      pour l"intimée

PROCUREURS INSCRITS AU

DOSSIER :

THORSTEINSSONS      pour les requérants

C.P. 49123

Three Bentall Centre, 27e étage

595, Burrard Street

Vancouver (Colombie-Britannique) V7X 1J2

Ministère de la Justice      pour l"intimée

Bureau régional de Vancouver

Bureau 900 - 840, Howe Street

Vancouver (Colombie-Britannique) V6Z 2S9

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