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                                                                                                                                            Date : 20010712

                                                                                                                                Dossier : IMM-4379-00

                                                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 754

Entre :

                                             Mohammed Buhari TAHIRU

                                                                                                                     demandeur

                                                               - et -

                             Le ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration

                                                                                                                     défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 3 août 2000 (les motifs ayant été signés le 12 août 2000) par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), par laquelle cette dernière a statué que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention suivant la définition prévue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.


[2]         La Commission a statué que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'elle n'était pas convaincue de son identité. La seule pièce d'identité qu'il a produite est un certificat de naissance délivré le 16 mars 1981. Les conclusions pertinentes de la Commission sont les suivantes :

[¼] Le tribunal et le conseil ont posé plusieurs questions au revendicateur à propos de ses connaissances sur son pays. Bien qu'il semblait savoir où étaient situés l'aéroport et certains endroits aux alentours, le revendicateur a été néanmoins incapable de fournir assez de renseignements pour démontrer qu'il était réellement de ce pays comme il le prétendait. On lui a demandé de nommer les villes importantes du pays et d'en donner le nombre d'habitants, mais il a été incapable de répondre.

Le tribunal a également examiné le certificat de naissance et a demandé au revendicateur s'il connaissait la procédure habituelle pour obtenir un tel certificat dans son pays. Le revendicateur ignorait cette procédure. Le tribunal a fait référence au document A-17 et à la réponse à la demande d'information Ghana 29736 qui traitent des copies certifiées des enregistrements dans le registre des naissances et des décès. À la lumière de ses connaissances spécialisées en ce qui concerne les documents de cette nature qui sont fréquemment produits aux audiences, le tribunal a également constaté que le document présenté par le revendicateur, à savoir la seule pièce d'identité qu'il a produite, n'est pas conforme aux exigences énoncées dans la réponse GHA29736.E.

Le tribunal a également posé au revendicateur des questions de nature générale qui portaient sur la politique dans son pays. Ses réponses n'ont pas été satisfaisantes. Pourtant, les questions étaient de nature très générale; le tribunal tient à le répéter.


[3]         L'importance que présente l'établissement de l'identité d'un revendicateur est énoncée dans l'arrêt Husein c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 726 (C.F. 1re inst.) (QL). Dans cette affaire, la Commission n'avait pas jugé la demanderesse crédible sur la question de l'identité, car le seul document produit était le certificat de naissance dont la Commission n'était pas convaincue de l'authenticité. Puisque la question de l'identité revêtait alors une importance cruciale, le juge Joyal a dit qu'il n'était pas nécessaire que la Commission poursuive son analyse de la preuve dès lors qu'elle avait conclu que l'identité n'avait pas été établie. La décision de la Commission sur la question de l'identité doit être raisonnable et ne doit pas être prise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[4]         En l'espèce, la décision de la Commission paraît à première vue bien fondée. Cependant, à la lecture de la transcription, la Commission semble avoir mal interprété et même écarté une grande partie du témoignage du demandeur en parvenant à sa conclusion.

[5]         À mon avis, le demandeur a effectivement donné des réponses détaillées à la plupart des questions que lui ont posées la Commission et son conseil. Outre la description du trajet entre Mamoubi et l'aéroport, il a fourni des descriptions détaillées de deux différents trajets de son prétendu domicile à Mamoubi jusqu'au centre-ville d'Accra, décrivant les arrêts, la durée et le mode de transport pour chaque trajet (pages 319 et 320 du dossier original de la Commission) ainsi que l'itinéraire de Mamoubi au Togo. Il a également nommé deux des fêtes du Ghana (page 326) et deux de ses journaux (page 328) en réponse aux questions de la Commission.

[6]         Par ailleurs, contrairement aux allégations de la Commission, le demandeur a pu nommer trois des grandes villes du Ghana, ce qui a semblé la convaincre à l'audience (pages 323 à 325), et a indiqué la population d'Accra et les tailles comparatives de ces villes en réponse aux questions de la Commission (pages 325, 326 et 328).


[7]         La Commission a signalé que le demandeur ne connaît pas la procédure d'obtention d'un certificat de naissance au Ghana; cependant, elle ne commente pas l'explication qu'il donne et selon laquelle c'est son père qui l'avait obtenu pour lui (page 330). À mon avis, cette explication était très plausible et, si la Commission l'a rejetée la jugeant insatisfaisante (ce qui ne semble pas clair à la lecture de la décision), une telle façon de faire aurait été déraisonnable.

[8]         Pour ce qui est des renseignements de nature politique concernant le pays, le demandeur a été en mesure d'indiquer le nom du président et son parti, même s'il était incapable d'indiquer l'âge auquel on peut voter au Ghana (page 301) et la date des dernières élections tenues dans ce pays (page 302). Il a expliqué son peu de connaissances dans ce domaine en disant qu'il avait vécu de façon isolée dans une mosquée, qu'il ne s'était aucunement intéressé à la politique ou à la lecture des journaux et que son père ne l'avait pas instruit sur ces questions.

[9]         À la lumière des précisions données par le demandeur sur le Ghana, je conclus que la Commission a agi arbitrairement en évaluant son témoignage et qu'elle a écarté des éléments de preuve pertinents en parvenant à sa conclusion. À mon avis donc, il était déraisonnable que la Commission ne pousse pas davantage l'analyse des éléments de preuve concernant le fond de la revendication du demandeur.


[10]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.

                 « Yvon Pinard »                 

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 juillet 2001

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                                                                                                            Date : 20010712

                                                                                                                                Dossier : IMM-4379-00

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

Entre :

                                             Mohammed Buhari TAHIRU

                                                                                                                     demandeur

                                                               - et -

                             Le ministre de la Citoyennetéet de l'immigration

                                                                                                                     défendeur

                                                       ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue le 3 août 2000 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, par laquelle cette dernière a statué que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audience.

                    « Yvon Pinard »                          

    JUGE

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                   COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   IMM-4379-00

INTITULÉ :                                  MOHAMMED BUHARI TAHIRU c. MCI

                                                                

LIEU DE L'AUDIENCE :             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :            Le 21 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                   Le 12 juillet 2001

COMPARUTIONS :

Eleanor K. Comeau                                               POUR LE DEMANDEUR

Jocelyne Murphy                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eleanor K. Comeau                                                POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général

du Canada

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