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Date : 20050524

Dossier : IMM-2472-04

Référence : 2005 CF 736

Ottawa, Ontario, ce 24ièmejour de mai 2005

Présent :        Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                                                                SAMUTH SIEV

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                            et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section d'appel de l'immigration, rendue le 3 mars 2004. Cette décision rejette l'appel de Samuth Siev de la décision refusant la demande de résidence permanente de son épouse qu'il désirait parrainer.

[2]                Le demandeur est un citoyen canadien de 36 ans, né au Cambodge. Il travaille à temps partiel dans un restaurant japonais depuis juin 2003. Auparavant, en raison de problèmes de santé, il recevait des prestations du gouvernement ontarien.

[3]                Le 12 février 2002, le demandeur se rend en Asie afin de trouver une épouse. Son cousin lui aurait présenté Khe Somalen, une femme de 21 ans le 27 février. Ils se seraient rencontrés à quelques reprises avant que le demandeur lui demande de l'épouser le 6 mars 2002. Le mariage a eu lieu le 17 mars et le demandeur est retourné au Canada le 20 mars.

[4]                Il est retourné au Cambodge visiter son épouse du 16 janvier 2003 au 24 mai 2003. Lors de cette période, l'épouse est devenue enceinte et donna naissance à un garçon le 1er février 2004.


[5]                Le 2 mai 2003, un officier du Haut Commissariat du Canada à Singapour, a refusé la demande de résidence permanente de l'épouse. Ses motifs étaient les suivants: l'épouse n'avait pas démontré que la relation entre les époux était véritable et de l'information contradictoire sur les débuts de la relation et sur leurs activités du jour précédent l'entrevue a été fournie par le demandeur et son épouse. Les notes de l'officier expliquent également qu'il s'est questionné sur la différence d'âge, si le mariage avait été "arrangé" et qu'il n'y ne semblait pas y avoir eu beaucoup de contact entre les époux.

[6]                Lors de l'audience, le tribunal a entendu le demandeur et son épouse (pour cette dernière, l'entrevue a été effectuée par téléphone). Le tribunal conclut que les époux n'ont pas été en mesure de démontrer que leur relation était authentique. Selon le tribunal, l'épouse n'a pas donné une explication crédible pour expliquer ses contradictions à l'égard des dates de leur première rencontre lors de son entrevue avec l'officier, il est difficile de croire qu'elle ne se souvenait pas de la chronologie des événements ni de les circonstances entourant la demande en mariage.

[7]                Également, le tribunal note des contradictions dans les témoignages des époux sur les problèmes médicaux du demandeur. De plus, l'épouse n'a pas une connaissance suffisante des détails de la vie du demandeur, et ce malgré deux ans de mariage. Par exemple, elle ne sait pas où il vit, ce qui en est de sa famille, ses activités en dehors du travail ni de son historique médical.


[8]                Par ailleurs, la preuve expose plusieurs contacts et communications entre les époux, mais cette preuve est insuffisante de l'avis du tribunal. Ce dernier mentionne également l'enfant du couple, mais cet élément n'est pas suffisant en soi en raison des contradictions relevées.

[9]                D'emblée, le demandeur précise que le tribunal a erré en ne tenant pas compte du fait qu'un enfant est issu de cette union, ce qui, de l'avis du demandeur valide, l'authenticité du mariage entre les époux.

[10]            Ensuite, le demandeur prétend que le tribunal s'est basé sur un examen microscopique d'éléments non pertinents.

[11]            Finalement, il explique que le tribunal n'a pas remis en doute les nombreux documents déposés en preuve et qu'il se devait de leur accorder plus de poids puisqu'ils étaient directement reliés à l'élément central en litige, soit la nature de la relation entre les époux.

[12]            Le défendeur prétend essentiellement que les conclusions de la Section d'appel ne sont pas manifestement déraisonnable et qu'il revenait au demandeur de démontrer l'authenticité de son mariage. Le demandeur se devait de contester les contradictions et incohérences relevées par la Section d'appel, ce qu'il n'a pas fait, ne remplissant pas son fardeau pour justifier l'intervention de cette Cour.

[13]            La seule question qui se pose en l'espèce est de déterminer si la Section d'appel a erré en concluant que la relation entre les époux n'était pas authentique.

[14]            L'article pertinent qui trouve application en l'espèce est l'article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés:

4. Pour l'application du présent règlement, l'étranger n'est pas considéré comme étant l'époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l'enfant adoptif d'une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l'adoption n'est pas authentique et vise principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la Loi. (DORS/2004-167)

[15]            Le guide OP 2 - Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial, reprend les critères énoncés par la Cour suprême dans M. c. H. ([1999] 2 R.C.S. 3 ) pour déterminer si deux personnes vivent réellement une relation conjugale:

-logement commun (p. ex., ententes relatives au couchage);

-comportement sexuel et personnel (p. ex., fidélité, engagement, sentiments l'un envers l'autre);

-services (p. ex., comportement et habitudes concernant la répartition des tâches ménagères);


-activités sociales (p. ex., attitude et comportement en tant que couple au sein de la collectivité et avec leurs familles);

-soutien économique (p. ex., ententes financières, propriété de biens);

-enfants (p. ex., attitude et comportement vis-à-vis les enfants);

- perception sociale des partenaires en tant que couple

Si l'on considère les termes employés par la Cour suprême au cours de l'affaire M. c. H., il est clair qu'une relation conjugale suppose une certaine permanence, une interdépendance financière, sociale, émotive et physique, un partage des responsabilités ménagères et connexes, ainsi qu'un engagement mutuel sérieux.

En se fondant sur ces facteurs, les caractéristiques suivantes devraient être présentes, à un

certain degré, dans toutes les relations conjugales, que les conjoints soient mariés ou non :

• engagement mutuel à une vie commune;

• exclusivité - on ne peut vivre plus d'une relation conjugale en même temps;

• intimité - engagement envers une exclusivité sexuelle;

• interdépendance - physique, émotive, financière et sociale`;

• permanence - relations authentiques constantes à long terme;

• les conjoints se présentent comme un couple ( « ma tendre moitié » );

(Point 5.25 du guide)


[16]            Également, la jurisprudence nous enseigne que la preuve ne doit pas être examinée à la loupe et que l'on doit s'abstenir d'appliquer des raisonnements nord-américains à la conduite d'un demandeur (voir R.K.L v Canada (MCI), [2003] F.C.J. 162 qui fait un résumé des principes concernant la crédibilité)

[17]            En l'espèce, la Section d'appel se base sur les commentaires de l'officier. Ce dernier retient des facteurs non pertinents, notamment la différence d'âge entre les époux. Ses conclusions sur les contradictions est nettement exagérée, il tient compte de faits survenus avant le mariage et fait peu état de ce qui s'est produit par après. Après le mariage, les époux se sont revus, ils ont eu un enfant, et les communications, autant par lettres que par des appels téléphoniques sont fréquentes.

[18]            Également, lors de l'audience devant la Section d'appel, il convient de noter que l'avocat du défendeur a fait des commentaires dans lesquels transparaissait des normes nord-américaines ou qui n'étaient pas pertinents, par exemple, la différence âge, les époux n'étaient pas compatibles selon l'avocat, leurs styles de vie différents et que l'épouse était supposée poser des questions à son époux pour avoir le détail de sa vie et de son pays. (Pages 405 à 408 du dossier du tribunal).

[19]            Je suis d'avis que dans les circonstances, les époux ont démontrés que leur relation était authentique. La preuve fait état de factures d'hôtels, de photos et même d'une vidéocassette de la célébration du mariage, qui dénotait selon le demandeur, quelques 150 invités; s'est étalé sur deux jours et a été fait selon les coutumes locales. Les époux ont exposé leur désir de vivre ensemble et ont fait des plans pour le futur, ils ont même un enfant ensemble.

[20]            Le demandeur est retourné au Cambodge pour une période de 5 mois, il lui fait parvenir de l'argent régulièrement, la preuve établit les communications relativement fréquentes entre eux. Il est difficile de demander d'autre preuve que ce qui a été soumis notamment parce que le demandeur ne dispose pas de revenus suffisants pour faire de nombreux allers-retours.

[21]            Donc, à mon avis, trop d'emphase a été mise sur des circonstances entourant leur rencontre et sur certains éléments, comme le fait que l'épouse ne connaît pas suffisamment la vie de son époux. Depuis que les époux se sont mariés, ils ont démontré qu'ils avaient un vrai mariage. La preuve, prise dans son ensemble le démontre; il faut éviter d'en faire un examen microscopique . La decision de la Section d'appel est donc manifestement déraisonnable.


                                                               ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et le dossier doit être renvoyé à un autre agent des visas pour nouvelle détermination.

"Paul Rouleau"

      JUGE


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                       IMM-2472-04              

INTITULÉ:                                       SAMUTH SIEV c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :               Montréal, Qc

DATE DE L'AUDIENCE :             4 mai 2005

MOTIFS :                                          L'honorable juge Rouleau

DATE DES MOTIFS :                     24 mai 2005

COMPARUTIONS:                       

Me Kathleen Gaudreau                    POUR LE DEMANDEUR

Me Thi My Dung Tran                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

POUR LE DEMANDEUR

Justice Canada                                POUR LE DÉFENDEUR

Complexe Guy-Favreau

200 ouest, boul. René-Lévesque

Tour Est, 5e étage

Montréal, Qc

H2Z 1X4


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