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Date : 20020508

Dossier : IMM-1111-01

Référence neutre : 2002 CFPI 520

OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 8 mai 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

OWURA FOKUO FORDJOUR ET GERTRUDE QUANSAH, ET MAHONEY OBUOBISA

demandeurs

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 La présente demande de contrôle judiciaire ne soulève qu'une seule question : la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) a-t-elle commis une erreur de droit en rejetant la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention présentée par les demandeurs en se fondant sur des conclusions en matière de crédibilité et de vraisemblance auxquelles elle est arrivée de façon abusive, arbitraire ou déraisonnable?

CONTEXTE

[2]                 Les demandeurs sont des citoyens du Ghana. Gertrude Quansah est la mère de Mahoney Obuobisa, un enfant de 11 ans, et Owura Fokuo Fordjour est le mari de Mme Quansah. Leur revendication se fonde sur la crainte d'être persécutés qu'a exprimée Mme Quansah et sur le fait qu'ils sont membres d'un groupe social particulier.

[3]                 Voici l'histoire qu'a relatée Mme Quansah à la SSR.

[4]                 En 1991, la famille de Mme Quansah l'a en fait « vendue » à M. Brobbey, un homme d'affaires fortuné et influent d'Accra âgé de 60 ans, en échange d'une somme qui a été versée à la famille et de travail fourni à ses proches. Mme Quansah et son fils ont emménagé avec M. Brobbey et ont vécu avec lui comme des esclaves pendant deux ans, au cours desquels M. Brobbey a fait usage de violence contre Mme Quansah et son fils. La violence exercée était de nature sexuelle et il est arrivé à une reprise, en juin 1994, que M. Brobbey a infligé à Mme Quansah des brûlures de cigarette aux deux jambes.


[5]                 Mme Quansah a tenté à plusieurs reprises de le quitter et de retourner dans sa famille, mais chaque fois, sa famille l'a obligée à retourner chez M. Brobbey, parce que, affirme-t-elle, les membres de sa famille dépendaient de lui pour obtenir de l'argent et du travail.

[6]                 Au mois de mars 1995, M. Brobbey a surpris Mme Quansah et son fils en train de s'échapper. Il a menacé de tuer son fils si Mme Quansah essayait à nouveau de s'échapper et il [TRADUCTION] « a pratiquement étranglé » Mme Quansah. Elle affirme que des voisins sont intervenus et qu'à la faveur de l'attroupement, son fils et elle ont réussi à s'échapper et à prendre un autocar pour se rendre dans une autre ville, Kumasi.


[7]                 Pendant les deux années qui ont suivi le mois de mai 1995, Mme Quansah a vécu paisiblement avec son fils et son futur mari, M. Fordjour, à Kumasi. Tout cela a pris fin en décembre 1998, au moment où M. Brobbey s'est présenté au magasin de son mari et l'a menacé de sévices si Mme Quansah ne revenait pas vivre avec lui. Les plaintes déposées à la police n'ont rien donné. En février et en janvier 1999, M. Fordjour a été attaqué par des [TRADUCTION] « hommes de main à la solde de M. Brobbey » et a dû être hospitalisé pendant trois jours à la suite d'une autre agression. En novembre 1999, le magasin de M. Fordjour a été incendié et M. Brobbey l'a menacé de lui mener la vie dure s'il ne se montrait pas coopératif. Malgré les plaintes déposées auprès de la police, M. Fordjour n'a pu obtenir la protection ou les mesures de réparation demandées parce que M. Brobbey disposait de ressources financières considérables et avait de bons contacts.

LA DÉCISION DE LA SSR

[8]                 La SSR a estimé que les demandeurs n'étaient pas crédibles en se fondant sur de nombreuses incohérences et invraisemblances dans leurs témoignages, dont voici des exemples :

i)           La SSR a jugé invraisemblable que Mme Quansah n'ait découvert qu'elle était fiancée à M. Brobbey qu'une fois arrivée à l'âge de 19 ou 20 ans et au moment où elle se trouvait enceinte d'un autre homme, alors qu'elle a déclaré que les fiançailles avaient eu lieu quand elle était une petite fille et que M. Brobbey payait ses études depuis qu'elle avait 5 ans.

ii)          Il était invraisemblable que M. Brobbey ait attendu que Mme Quansah ait 20 ans, soit enceinte, ait un petit ami et travaille dans un emploi sans rapport avec lui pendant quatre ans et demi pour finaliser les arrangements relatifs aux fiançailles.


iii)          D'après la preuve documentaire, les mariages arrangés sont traditionnellement célébrés en plus grand nombre en milieu rural que dans les zones urbaines. La famille de Mme Quansah vivait dans la capitale du Ghana. En outre, la preuve documentaire indique que le prix fixé pour la future mariée est habituellement versé dès que celle-ci atteint l'âge de 12 ans de façon à concrétiser l'arrangement et que les fiancées peuvent quitter leur famille et leur communauté d'origine et emménager ailleurs. Enfin, les mariages arrangés au sein de la communauté akan sont de plus en plus rares.

iv)         Aucun des faits mentionnés dans le rapport hospitalier qui a été fourni pour corroborer les allégations de Mme Quansah selon lesquelles elle a fait l'objet de violence de la part de son conjoint ne figuraient dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP). Elle a expliqué qu'elle ne savait pas qu'il lui fallait absolument tout mentionner dans son FRP et qu'elle ne voulait pas se remémorer ces événements. La SSR n'a pas accepté ces explications, compte tenu des instructions précises qui figurent sur le FRP et qui traitent de la façon de remplir ce formulaire.


v)          Le FRP est très détaillé, mais il ne contenait pas des événements importants mentionnés dans la preuve médicale, notamment les brûlures infligées à Mme Quansah et l'agression de novembre 1995 à l'origine de lacérations vaginales qui ont exigé des points de suture. En outre, à l'époque de l'agression de novembre 1995, Mme Quansah vivait avec M. Fordjour. La SSR n'a pas accepté son explication selon laquelle la date figurant dans le rapport médical portant sur l'agression de novembre 1995 était une erreur (et selon laquelle elle n'a pu communiquer avec l'hôpital pour faire modifier le rapport).

vi)         Mme Quansah a déclaré avoir versé 500 $ pour obtenir les trois rapports médicaux remis à la SSR, en déclarant au départ que cet argent avait été versé à son amie pour la rembourser de ses frais de transport et par la suite qu'elle voulait aider ainsi financièrement son amie.


ANALYSE

[9]                 Je suis convaincue que les motifs sur lesquels sont fondées les conclusions de la SSR au sujet de la crédibilité et de l'invraisemblance des déclarations sont clairement exprimés et s'appuient sur le témoignage des demandeurs.

[10]            Les demandeurs ont soutenu en particulier que la référence qu'a faite la SSR à la preuve documentaire concernant les mariages arrangés était abusive parce que ce mariage avait été arrangé pour des motifs économiques et non pas pour des raisons traditionnelles. La preuve documentaire concernait cependant à la fois les mariages traditionnels et les mariages arrangés, et mentionnait qu'un [TRADUCTION] « mariage arrangé peut également être motivé par des raisons économiques » .

[11]            La SSR a pris note des explications fournies par Mme Quansah pour expliquer le caractère incomplet de son FRP mais avait le droit de ne pas retenir ces explications.

[12]            Les conclusions en matière de crédibilité et d'invraisemblance ne peuvent être annulées que si elles ne s'appuient pas sur les éléments de preuve et si l'on peut, par conséquent, affirmer qu'elles ne tiennent pas compte des éléments de preuve apportés.

[13]            Ce n'est pas le cas ici.


[14]            Les avocats n'ont pas demandé qu'une question soit certifiée et aucune question n'est donc certifiée.

ORDONNANCE

[15]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                   « Eleanor R. Dawson »           

                                                                                                                                                    Juge                         

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-1111-01

INTITULÉ :                                                        Owura Fokuo Fordjour et autres c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 10 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                    Le 8 mai 2002

COMPARUTIONS :

M. Jack DavisPOUR LES DEMANDEURS

Mme PatriciaPOUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Davis & GricePOUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

M. Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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