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Date : 20040521

Dossier : IMM-2517-03

Référence : 2004 CF 719

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

                                                                PAL SZABADOS

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendue le 17 février 2003. Dans sa décision, la Commission a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]                Le demandeur soulève deux questions :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en ne prenant pas en considération l'effet cumulatif de la discrimination que subissait le demandeur?

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur aurait pu se prévaloir de la protection de l'État contre d'autres attaques?

[3]                Pour les motifs que j'expose ci-dessous, je réponds à la première question par la négative et, comme je n'ai pas besoin de répondre à la seconde, je rejetterai la demande.

LES FAITS


[4]                Le demandeur, qui est citoyen hongrois, affirme craindre avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social, soit les homosexuels. La Commission a résumé les faits de la façon suivante. Le demandeur vivait à Györ, une ville d'environ 130 000 personnes près de la frontière slovaque. L'horloger chez qui il était apprenti l'a congédié au motif qu'il était gay. Lorsque ses parents ont appris qu'il était gay, ils l'ont expulsé de leur maison. Le demandeur a ultérieurement trouvé du travail comme horloger, mais son employeur l'a congédié quand il a appris qu'il était gay. Le demandeur s'est vu en quelque sorte placer sur une liste noire dans son métier et il n'a pu que trouver des emplois occasionnels et temporaires. Le demandeur et son partenaire vivaient ensemble, mais étaient discrets sur leur relation. Les voisins les ont harcelés et persécutés, proférant même des menaces de mort s'ils ne quittaient pas le quartier.

[5]                En 1996, des gens homophobes ont battu le demandeur. Il a eu le nez brisé et des ecchymoses partout sur le corps. Le demandeur a ensuite vécu plusieurs mois à Komarno, une petite ville slovaque près de la frontière. À la suite d'une descente policière antigay dans cette ville, les policers l'ont détenu, battu et menacé de mort s'ils l'y trouvaient encore. Par la suite, le demandeur et son partenaire ont vécu chez la grand-mère du demandeur, dans la banlieue de Györ. La police locale a exercé des pressions sur sa grand-mère pour qu'elle renvoie le demandeur de chez elle. Selon le demandeur, les gens en Hongrie ne veulent pas de lui parce qu'il a l'air gay, et s'il retournait là-bas, les gens qui l'ont déjà battu le tueraient ou l'estropieraient.

LA DÉCISION CONTESTÉE


[6]                La Commission a accepté que le demandeur est gay et a reconnu que la discrimination contre les gays constitue un problème en Hongrie. Cependant, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas de probabilité de persécution. Elle a aussi conclu qu'il n'y avait pas de menace à sa vie ni de risque de traitements cruels et inusités. La Commission a examiné en profondeur la preuve documentaire quant à la fréquence et à la probabilité de la persécution des gays en Hongrie. Se faisant, elle a analysé la crainte objective de persécution. Elle a conclu qu'il y avait une législation et des organismes qui avaient pour but de protéger les homosexuels et que la discrimination fondée sur l'âge, en matière d'emploi ou quant à l'adoption ne constituait pas une violation suffisamment grave des droits de la personne pour être qualifiée de persécution.

ANALYSE

[7]                Sur le plan procédural, le demandeur demande à la Cour d'entendre sa demande en dépit du fait qu'il l'a déposée en retard. Le défendeur ne s'oppose pas à cette demande et je suis disposé à accorder cette prorogation de délai.

[8]                La question de l'effet cumulatif de la discrimination est clairement une question de fait. Cela signifie que la Cour n'interviendra relativement à la décision de la Commission que si elle est manifestement déraisonnable.

[9]                Le demandeur affirme que la Commission n'a pas pris en considération l'effet cumulatif de la discrimination exercée contre lui. Il a cependant omis d'appuyer son argument sur des éléments de la décision de la Commission ou de préciser quels faits avaient un tel effet cumulatif. Je dois aussi souligner que la Commission n'avait pas à préciser qu'elle avait pris en compte la question de l'effet cumulatif. C'est ce que le juge McKeown a affirmé dans la décision Lo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 905, au paragraphe 5 (1re inst.) (QL) :


À mon avis, bien que la Commission n'ait pas dit qu'elle tenait compte de l'effet cumulatif des éléments de preuve, elle l'a fait implicitement. Il ne fait pas de doute que la requérante à l'instance a souffert de discrimination et de harcèlement dans la RPC par suite de ses [TRADUCTION] « mauvais antécédents de famille » , selon le point de vue des autorités de la RPC. Toutefois, la preuve documentaire relative à l'absence de crainte éventuelle objective de persécution est très forte. Compte tenu de l'ensemble des éléments de preuve, la conclusion que la requérante n'avait pas de crainte objectivement fondée de persécution n'est pas manifestement déraisonnable.

[10]       Comme dans l'affaire Lo, la preuve documentaire dans la présente affaire donne clairement à penser qu'il n'y a aucune crainte objective de persécution contre les homosexuels en Hongrie. La preuve documentaire établit que les gays font l'objet de discrimination, mais non de persécution. L'absence d'une crainte objective de persécution est fatale à une demande d'asile. Sans cette crainte, une personne ne peut pas obtenir le statut de réfugié. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que je me penche sur l'autre question soulevée par le demandeur, soit la protection de l'État.

[11]       Je ne peux arriver à la conclusion que la Commission a commis une erreur manifeste en concluant qu'aucune crainte objective de persécution ne trouvait fondement dans la preuve documentaire.

[12]       La demande sera rejetée.

[13]       Les avocats n'ont pas demandé la certification d'une question de portée générale. Je ne certifierai aucune question.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : La demande est rejetée. Aucune question de portée générale n'est certifiée.

          « Michel Beaudry »               

        Juge

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2517-03

INTITULÉ :                                                    PAL SZABADOS

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 28 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Shane Watson                                                   POUR LE DEMANDEUR

Tamrat Gebeyehu                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shane Watson

Burlington (Ontario)                                           POUR LE DEMANDEUR

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DÉFENDEUR

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