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Date : 20050830

Dossier : IMM-9299-04

Référence : 2005 CF 1187

Toronto (Ontario), le 30 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                     ABDUL SAEED KHAN, RUBINA SAEED KHAN,

ADNAN SAEED KHAN et ADEEL SAEED KHAN

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             

et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           demandeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur principal, (ci-après appelé le demandeur), Abdul Saeed Khan, est un citoyen du Pakistan âgé de 59 ans. Il prétend être persécuté par les membres du groupe extrémiste religieux sunnite, Sipah-e-Sihaba (SSP), du fait de son adhésion à la confession chiite. Le demandeur et sa famille ont vécu en Arabie saoudite de septembre 1976 à novembre 1995 et sont ensuite retournés au Pakistan.

[2]         Le demandeur prétend qu'en 1995, il a versé un don de 50 000 roupies pour contribuer à la construction de son Imam Bargah. Le demandeur prétend qu'au Pakistan, les noms des donateurs ainsi que le montant de leur donation sont claironnés du haut-parleur de n'importe quel Imam Bargah ou mosquée. Le don du demandeur était relativement élevé, comparativement à la moyenne des dons offerts par les autres membres de la communauté.

[3]         Des personnes de confession sunnite lui ont demandé de faire un don à la mosquée sunnite de la région. Il a refusé pendant une année et demie. Il a constamment fait l'objet de menaces, de harcèlement et on a endommagé sa maison et sa voiture. En juillet 1996, il s'est enfui dans la maison de son frère et il s'y est caché jusqu'à ce que des dispositions soient prises pour qu'il puisse se rendre aux États-Unis.

[4]         La famille a quitté le Pakistan et est arrivée aux États-Unis le 22 août 1996. Le demandeur principal n'a jamais demandé l'asile dans ce pays. Il aurait reçu des conseils erronés de deux avocats différents, il est entré au Canada le 10 mars 2003 et il a demandé l'asile.

[5]         La Commission a rejeté sa demande en concluant que :

-            Le témoignage du demandeur n'était pas crédible parce qu'évasif, le demandeur n'a pas répondu directement à plusieurs questions et il a été très difficile de lui arracher des explications;

-                      Il était peu probable que le don ait été versé;

-                      Il était peu plausible que les extrémistes sunnites le recherchent près de dix ans plus tard;

-            Il était peu plausible que deux avocats différents lui aient donné des conseils erronés concernant les conditions d'asile aux États-Unis;

-            La protection de l'État contre les extrémistes, quoiqu'imparfaite, était néanmoins disponible au Pakistan.

[6]         La norme de contrôle qui s'applique, lorsqu'il s'agit de crédibilité, est la décision manifestement déraisonnable (Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 17) tandis que la norme en matière de protection de l'État est la décision raisonnable simpliciter (Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 193).

[7]         Le demandeur prétend que la Cour doit annuler la décision au motif que la Commission :

-                      tiré des conclusions de fait erronées;

-                      n'a pas tenu compte d'éléments de preuve probants;

-                      a tiré des conclusions déraisonnables en matière de crédibilité;

-                      a appliqué un raisonnement passe-partout relativement à la protection de l'État et n'a pas analysé la situation du demandeur.

[8]         C'est un principe élémentaire de droit que les conclusions en matière de crédibilité sont au coeur de la compétence de la Commission. La Cour n'interviendra que si ces conclusions sont manifestement déraisonnables (voir Sommariva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 410, au paragraphe 6).

[9]         En l'espèce, la Commission a, par erreur, qualifié les demandeurs de « couple sunnite-chiite » . Il est clair qu'il s'agit de chiites et d'une erreur de rédaction. L'erreur n'a aucune conséquence puisque les conclusions en matière de crédibilité étaient étayées par plusieurs exemples et que la qualification de sunnite-chiite n'était que descriptive et n'a jamais été mentionnée de nouveau.

[10]       Le demandeur a présenté plusieurs autres explications concernant les conclusions tirées par la Commission; toutefois, pour avoir gain de cause, le demandeur doit non seulement présenter une autre explication, mais il doit également établir que la conclusion de la Commission n'est pas étayée par la preuve (voir Sian c. Canada (M.C.I.) 2004 CF 87, au paragraphe 11).

[11]       Le raisonnement s'applique également pour ce qui concerne les conclusions quant à la vraisemblance. La Commission a jugé qu'il était peu plausible que deux avocats différents aient donné des conseils erronés au sujet du droit américain et que le demandeur, qui avait plus d'un mois pour se préparer à quitter le Pakistan, n'ait pas emporté avec lui une preuve du don qui aurait précipité son départ. Le demandeur n'a pas démontré que ces conclusions n'étaient pas défendables. Les explications alternatives qu'il a données ne minent pas les conclusions de la Commission.

[12]       En ce qui concerne les éléments de preuve probants, le demandeur allègue que la Commission n'a pas tenu compte d'une lettre provenant du gardien de l'Imam Bargah du Pakistan. Le dossier du tribunal établit que la Commission a bien examiné la lettre même si elle ne l'a pas mentionnée dans ses motifs. La Commission n'est pas tenue de mentionner tous les éléments de preuve dans ses motifs.

[13]       En ce qui concerne la protection de l'État, la Commission a analysé cette question en profondeur et elle a donné beaucoup de détails dans son examen de la situation des sunnites et des chiites. Son évaluation globale selon laquelle la protection de l'État, quoiqu'imparfaite, était néanmoins disponible au Pakistan est amplement étayée par la preuve. Cette démarche est conforme à la norme établie dans Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 et, par voie de conséquence, je conclus que la Commission s'est montrée raisonnable dans son appréciation de la protection de l'État.

[14]       Après avoir évalué tous les motifs de la Commission, je ne trouve rien qui soit manifestement déraisonnable pour ce qui concerne ses conclusions en matière de protection de l'État. Par conséquent, la présente demande ne saurait être accueillie.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée.

« K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-9299-04

INTITULÉ :                                           ABDUL SAEED KHAN, RUBINA SAEED KHAN,

                                                               ADNAN SAEED KHAN et ADEEL SAEED KHAN

                                                               c.

                                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 29 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :                 LE 30 AOÛT 2005

COMPARUTIONS :

Anita Balakrishna                                                                       POUR LES DEMANDEURS

Amy Lambiris                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anita Balakrishna                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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