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Date : 20010411

Dossier : T-141-99

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 11 AVRIL 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

LE REGISTRAIRE DU REGISTRE DES INDIENS,

AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                            demandeurs

                                                                       et

                                             JOHN JEREMIAH SINCLAIR

                                                                       

                                                                                                                               défendeur

                                                                       

                                                          ORDONNANCE

Pour les motifs énoncés, je réponds « non » à la question 1 du présent renvoi.

« François Lemieux »

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010411

Dossier : T-141-99

Référence neutre : 2001 CFPI 319

ENTRE :

LE REGISTRAIRE DU REGISTRE DES INDIENS,

AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN

ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                            demandeurs

                                                                       et

                                             JOHN JEREMIAH SINCLAIR

                                                                       

                                                                                                                               défendeur

                                                                       

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A.        INTRODUCTION

[1]                Le registraire du registre des Indiens (le registraire) et le procureur général du Canada ont présenté, en vertu de l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale, un renvoi à la Cour comportant deux questions à trancher.


[2]                La première question énoncée par le registraire est rédigée comme suit :

[traduction]

En décidant que le défendeur n'a pas le droit de voir son nom inscrit au registre des Indiens et d'obtenir un numéro de registre des Indiens en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens, commettrais-je une erreur de droit?

[3]                L'audition de la deuxième question a été ajournée, étant donné que le défendeur n'avait pas donné avis d'une question constitutionnelle en vertu de l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale. Toutefois, dans le contexte, la deuxième question a un impact sur la première. Elle est rédigée comme suit :

[traduction]

À supposer que la première question reçoive une réponse négative, le fait de retrancher le nom du défendeur et son numéro de registre du registre des Indiens en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi sur les Indiens avant que le défendeur ait épuisé ses protestations et appels de ma décision en vertu des articles 14.2 et 14.3 de la Loi sur les Indiens, constituerait-il une erreur de droit, étant donné que le fait de retrancher son nom et son numéro de registre aurait comme résultat de faire perdre au défendeur les avantages auxquels il a droit en tant qu'Indien inscrit résidant dans la province de l'Alberta avant qu'on ait tranché ses appels (l'injonction interlocutoire du 16 février 1999 du juge en chef associé de la Cour fédérale du Canada m'interdit de retrancher le nom du défendeur avant qu'on ait tranché la procédure en cours devant la Section de première instance)? [je souligne]

B.        LE CONTEXTE

[4]                John Jeremiah Sinclair (identifié dans ces motifs sous le nom de Sam Sinclair) est un Métis qui descend des résidents du territoire couvert par le Traité no 8, signé le 21 juin 1899. Né au Lac de l'Esclave (Alberta), le 22 novembre 1926, d'Alfred Sinclair et d'Agathe Courteoreille, il réside présentement à Edmonton (Alberta) et est marié à Edna Mary Pierce, une Crie membre de la réserve Driftpile qui descend d'ayants droit du Traité no 8.


[5]                Sam Sinclair a présenté une demande au registraire pour faire inscrire son nom au registre des Indiens. Le registre des Indiens, ainsi que le poste de registraire, ont été créés par la Loi sur les Indiens de 1951. Le 12 octobre 1990, il a été informé par le registraire qu'il avait le droit d'être inscrit en vertu de l'alinéa 6(1)f) de la Loi sur les Indiens de 1985, étant donné que ses parents avaient tous deux le droit d'être inscrits à la date de leur décès en vertu du paragraphe 6(1) de cette Loi.

[6]                Le registraire lui a expliqué que son père, Alfred Sinclair, avait le droit d'être inscrit en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens de 1985, étant donné que sa mère, Madeleine Hamelin (la grand-mère paternelle de Sam Sinclair), avait été réintégrée dans son statut d'Indienne en vertu des amendements à la Loi sur les Indiens de 1985, statut qu'elle avait perdu lors de son mariage à Donald Sinclair (le père d'Alfred Sinclair), un non-Indien. Madeleine Hamelin est présumée inscrite en vertu de l'alinéa 6(1)c) de la Loi.


[7]                Le registraire a expliqué que la mère de Sam Sinclair, Agathe Sinclair (née Courteoreille), avait le droit d'être inscrite en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens de 1985 par sa mère Isabelle Courteoreille (née Cardinal), étant donné que les parents d'Isabelle Courteoreille (John Cardinal et Cécile Labonne) étaient des Indiens qui n'avaient pas demandé de certificats de concession, et que deux des frères et soeurs d'Isabelle étaient devenus membres de la bande Sucker Creek (anciennement la bande de Kinnosayo).

[8]                Il sera souvent question de certificats de concession dans ces motifs. Les certificats de concession constituaient la rémunération qu'on versait aux Métis, c.-à-d. aux personnes dont les ancêtres étaient à la fois des Indiens et des Européens (je ne veux faire aucune distinction ici selon que leurs ancêtres étaient Français ou Anglais), en contrepartie d'une renonciation à leurs revendications territoriales.

[9]                En 1898, le gouvernement fédéral a établi une commission pour négocier les termes d'un traité avec les diverses bandes indiennes habitant le district d'Athabasca. Le traité qui a été conclu est connu sous le nom de Traité no 8.

[10]            En parallèle, le gouvernement a établi une commission chargée d'attribuer des certificats de concession, dont le mandat était d'examiner les réclamations des Métis et de se prononcer sur leur validité. Les certificats de concession pouvaient être obtenus sous forme de terres (240 acres) ou d'une somme d'argent (250 $).

[11]            Avant que ces dispositions soient abrogées par les modifications de 1985, la Loi sur les Indiens portait que toute personne (et ses descendants) à qui on avait attribué des terres ou certificats d'argent de Métis ne pouvait être inscrite comme Indien.


[12]            Il est tout aussi important de noter que les Métis ou leur famille pouvaient aussi choisir de ne pas demander des certificats de concession, mais plutôt d'adhérer au traité qui était négocié. Parmi les questions posées dans ce renvoi, une des plus importantes porte sur l'étendue de ce droit accordé aux Métis, compte tenu des circonstances.

[13]            C'est la situation d'Isabelle Courteoreille, née Cardinal, qui est au coeur des faits en cause dans ce renvoi. Née en 1862, elle a épousé le Métis Michel Courteoreille en 1881 au Petit lac de l'Esclave. Bien qu'on n'ait pu fixer exactement la date de son décès, les parties conviennent qu'il s'est produit avant le 21 juin 1899, date de la signature du Traité no 8 et avant que les demandes de certificats de concession ne soient examinées. Les parties conviennent aussi qu'elle n'a pas obtenu de certificats de concession et que personne ne l'a fait en son nom. Les parties conviennent aussi que Michel Courteoreille a accepté des certificats de concession en juillet 1899, pour lui-même et pour ses enfants mineurs, y compris sa fille Agathe (la mère de Sam Sinclair).

[14]            Dans sa demande de certificats de concession, Michel Courteoreille déclare que ses deux parents étaient Métis et que son statut ainsi que celui de son épouse Isabelle était celui de Métis.


[15]            Les faits démontrent aussi que les parents d'Isabelle Cardinal ont obtenu des certificats de concession. La demande de certificats de concession de John Cardinal porte que ses parents étaient des Métis et qu'ils ne recevaient aucune rente en tant qu'Indiens, non plus qu'ils n'avaient reçu aucune des concessions accordées aux Indiens.

[16]            John Cardinal et Cécile Labonne avaient sept enfants vivants au moment où l'on pouvait présenter les demandes de certificats de concession liées au Traité no 8.

[17]            Tous les enfants ont accepté des certificats de concession, sauf Casimir et Sophie qui sont devenus membres de la bande de Kinnosayo.

[18]            Les cinq frères et soeurs d'Isabelle Courteoreille qui ont accepté des certificats de concession ont déclaré que leurs parents étaient des Métis et qu'ils ne recevaient aucune rente en tant qu'Indiens, non plus qu'ils n'avaient reçu aucune des concessions accordées aux Indiens.

[19]            Gordon Sinclair, fils de Sam Sinclair, a aussi fait une demande d'inscription et son nom a été inscrit au registre des Indiens en 1990.

[20]            Selon le dossier, d'autres personnes qui pouvaient être reliées par des liens de parenté à la famille Sinclair ont aussi demandé à être inscrites. C'est l'enquête du registraire dans le cadre de ces autres demandes qui a amené le nouveau registraire, Terry Harris, à informer Gordon Sinclair (le fils de Sam Sinclair) que c'est par erreur qu'il avait été inscrit au registre des Indiens.


[21]            Gordon Sinclair a pris un avocat. Les lettres de cet avocat étant assimilables à une protestation, le registraire a fait enquête et elle a décidé, le 26 mars 1999, que le nom de Gordon Sinclair devait être retranché du registre étant donné qu'elle était d'avis qu'il n'avait pas le droit d'être inscrit. Gordon Sinclair s'est ensuite prévalu des dispositions de la Loi sur les Indiens pour faire appel de la décision du registraire à la Cour du banc de la Reine de l'Alberta.

[22]            Le 1er juin 1998, Sam Sinclair a été informé par le nouveau registraire par intérim, Miranda McDonald, qu'on ne lui reconnaissait plus le droit d'être inscrit au registre des Indiens. Le registraire a informé Sam Sinclair qu'à défaut de nouveaux renseignements ou de nouvelles preuves venant réfuter ses conclusions, elle retrancherait son nom du registre des Indiens dans les quatre-vingt-dix (90) jours. Sam Sinclair a pris un avocat, qui a correspondu avec le registraire.

[23]            La question n'a pas été réglée. Sam Sinclair a déposé une déclaration en notre Cour, demandant qu'on déclare inconstitutionnelles les parties suivantes de la Loi sur les Indiens : le paragraphe 5(3), l'article 6, ainsi que les paragraphes 14.2(1), (5) et (7). Il se fondait sur divers motifs liés à la Charte (articles 7, 15 et 35).


[24]            Le 4 février 1999, les demandeurs ont consenti à la délivrance par le juge en chef adjoint d'une injonction interlocutoire interdisant que l'on retranche le nom de Sam Sinclair du registre des Indiens jusqu'à ce que les présentes procédures soient tranchées. L'action de Sam Sinclair a alors été convertie en une demande de renvoi en vertu de l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale et, comme je l'ai déjà fait remarquer, deux questions ont été présentées à la Cour pour examen et décision.

C. LE CADRE LÉGISLATIF

1)         La Loi sur les Indiens de 1985

[25]            Avec l'entrée en vigueur de l'article 15 de la Charte de droits et libertés, la Loi sur les Indiens a été considérablement modifiée en 1985. On a notamment revu les articles qui portaient sur le droit au statut d'Indien, un exemple étant le fait que l'on réintégrait dans leur statut d'Indienne les Indiennes qui avaient perdu ce statut en épousant des non-Indiens. Les articles portant sur la perte du statut d'Indien, qui ne sont pas pertinents en l'instance, ont vu leur portée restreinte sans être complètement éliminés.

[26]            Certaines définitions sont importantes dans le cadre de ce renvoi. La définition actuelle du terme « Indien » , qui trouve sa source dans la Loi sur les Indiens de 1951 alors qu'on a créé le registre, est rédigée comme suit :

« Indien » personne qui, conformément à la présente Loi, est inscrite à titre d'Indien ou a droit de l'être.


[27]            L'article 5 maintient le registre. Il indique que les noms figurant au registre des Indiens juste avant le 17 avril 1985 constituent le registre des Indiens et il accorde compétence au registraire pour ajouter des noms au registre ou pour en retrancher. L'article 5 consolide ce qui était jusqu'alors le contenu des articles 5 à 8 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1970, ch. I-6, qui contenait les dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens de 1951. L'article 5 de la Loi sur les Indiens de 1985, L.C. 1985, ch. I-5, tel que modifié, est rédigé comme suit :


5. (1) Est tenu au ministère un registre des Indiens où est consigné le nom de chaque personne ayant le droit d'être inscrite comme Indien en vertu de la présente loi.

5(2) Registre existant

(2) Les noms figurant au registre des Indiens le 16 avril 1985 constituent le registre des Indiens au 17 avril 1985.

5(3) Additions et retranchements

(3) Le registraire peut ajouter au registre des Indiens, ou en retrancher, le nom de la personne qui, aux termes de la présente loi, a ou n'a pas droit, selon le cas, à l'inclusion de son nom dans ce registre.

5(4) Date du changement

(4) Le registre des Indiens indique la date où chaque nom y a été ajouté ou en a été retranché.

5(5) Demande

(5) Il n'est pas requis que le nom d'une personne qui a le droit d'être inscrite soit consigné dans le registre des Indiens, à moins qu'une demande à cet effet soit présentée au registraire.

L.R. (1985), ch. I-5, art. 5; L.R. (1985), ch. 32 (1er suppl.), art. 4. [je souligne]

5. (1) There shall be maintained in the Department an Indian Register in which shall be recorded the name of every person who is entitled to be registered as an Indian under this Act.

5(2) Existing Indian Register

(2) The names in the Indian Register immediately prior to April 17, 1985 shall constitute the Indian Register on April 17, 1985.

5(3) Deletions and additions

(3) The Registrar may at any time add to or delete from the Indian Register the name of any person who, in accordance with this Act, is entitled or not entitled, as the case may be, to have his name included in the Indian Register.

5(4) Date of change

(4) The Indian Register shall indicate the date on which each name was added thereto or deleted therefrom.

5(5) Application for registration

(5) The name of a person who is entitled to be registered is not required to be recorded in the Indian Register unless an application for registration is made to the Registrar.

R.S., 1985, c. I-5, s. 5; R.S., 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4.


[28]            Les articles 6 et 7 traitent des personnes qui ont le droit d'être inscrites, ou qui n'ont pas ce droit. Ces deux articles sont rédigés comme suit :



6. (1) Sous réserve de l'article 7, une personne a le droit d'être inscrite si elle remplit une des conditions suivantes :

a) elle était inscrite ou avait le droit de l'être le 16 avril 1985;

b) elle est membre d'un groupe de personnes déclaré par le gouverneur en conseil après le 16 avril 1985 être une bande pour l'application de la présente loi;

c) son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d'une liste de bande, en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iv), de l'alinéa 12(1)b) ou du paragraphe 12(2) ou en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iii) conformément à une ordonnance prise en vertu du paragraphe 109(2), dans leur version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui d'une de ces dispositions;

d) son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d'une liste de bande, en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iii) conformément à une ordonnance prise en vertu du paragraphe 109(1), dans leur version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui d'une de ces dispositions;

e) son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d'une liste de bande :

(i) soit en vertu de l'article 13, dans sa version antérieure au 4 septembre 1951, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet article,

(ii) soit en vertu de l'article 111, dans sa version antérieure au 1er juillet 1920, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet article;

f) ses parents ont tous deux le droit d'être inscrits en vertu du présent article ou, s'ils sont décédés, avaient ce droit à la date de leur décès.

6(2) Idem

(2) Sous réserve de l'article 7, une personne a le droit d'être inscrite si l'un de ses parents a le droit d'être inscrit en vertu du paragraphe (1) ou, s'il est décédé, avait ce droit à la date de son décès.

6(3) Présomption

(3) Pour l'application de l'alinéa (1)f) et du paragraphe (2) :

a) la personne qui est décédée avant le 17 avril 1985 mais qui avait le droit d'être inscrite à la date de son décès est réputée avoir le droit d'être inscrite en vertu de l'alinéa (1)a);

b) la personne visée aux alinéas (1)c), d), e) ou f) ou au paragraphe (2) et qui est décédée avant le 17 avril 1985 est réputée avoir le droit d'être inscrite en vertu de ces dispositions.

L.R. (1985), ch. I-5, art. 6; L.R. (1985), ch. 32 (1er suppl.), art. 4, ch. 43 (4e suppl.), art. 1.

7(1) Personnes n'ayant pas droit à l'inscription

7. (1) Les personnes suivantes n'ont pas le droit d'être inscrites :

a) celles qui étaient inscrites en vertu de l'alinéa 11(1)f), dans sa version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet alinéa, et dont le nom a ultérieurement été omis ou retranché du registre des Indiens en vertu de la présente loi;

b) celles qui sont les enfants d'une personne qui était inscrite ou avait le droit de l'être en vertu de l'alinéa 11(1)f), dans sa version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet alinéa, et qui sont également les enfants d'une personne qui n'a pas le droit d'être inscrite.

7(2) Exception

(2) L'alinéa (1)a) ne s'applique pas à une personne de sexe féminin qui, avant qu'elle ne soit inscrite en vertu de l'alinéa 11(1)f), avait le droit d'être inscrite en vertu de toute autre disposition de la présente loi.

7(3) Idem

(3) L'alinéa (1)b) ne s'applique pas à l'enfant d'une personne de sexe féminin qui, avant qu'elle ne soit inscrite en vertu de l'alinéa 11(1)f), avait le droit d'être inscrite en vertu de toute autre disposition de la présente loi. [je souligne] L.R. (1985), ch. I-5, art. 7; L.R. (1985), ch. 32 (1er suppl.), art. 4.

6. (1) Subject to section 7, a person is entitled to be registered if

(a) that person was registered or entitled to be registered immediately prior to April 17, 1985;

(b) that person is a member of a body of persons that has been declared by the Governor in Council on or after April 17, 1985 to be a band for the purposes of this Act;

(c) the name of that person was omitted or deleted from the Indian Register, or from a band list prior to September 4, 1951, under subparagraph 12(1)(a)(iv), paragraph 12(1)(b) or subsection 12(2) or under subparagraph 12(1)(a)(iii) pursuant to an order made under subsection 109(2), as each provision read immediately prior to April 17, 1985, or under any former provision of this Act relating to the same subject-matter as any of those provisions;

(d) the name of that person was omitted or deleted from the Indian Register, or from a band list prior to September 4, 1951, under subparagraph 12(1)(a)(iii) pursuant to an order made under subsection 109(1), as each provision read immediately prior to April 17, 1985, or under any former provision of this Act relating to the same subject-matter as any of those provisions;

(e) the name of that person was omitted or deleted from the Indian Register, or from a band list prior to September 4, 1951,

(i) under section 13, as it read immediately prior to September 4, 1951, or under any former provision of this Act relating to the same subject-matter as that section, or

(ii) under section 111, as it read immediately prior to July 1, 1920, or under any former provision of this Act relating to the same subject-matter as that section; or

(f) that person is a person both of whose parents are or, if no longer living, were at the time of death entitled to be registered under this section.

6(2) Idem

(2) Subject to section 7, a person is entitled to be registered if that person is a person one of whose parents is or, if no longer living, was at the time of death entitled to be registered under subsection (1).

6(3) Deeming provision

(3) For the purposes of paragraph (1)(f) and subsection (2),

(a) a person who was no longer living immediately prior to April 17, 1985 but who was at the time of death entitled to be registered shall be deemed to be entitled to be registered under paragraph (1)(a); and

(b) a person described in paragraph (1)(c), (d), (e) or (f) or subsection (2) and who was no longer living on April 17, 1985 shall be deemed to be entitled to be registered under that provision.

R.S., 1985, c. I-5, s. 6; R.S., 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4, c. 43 (4th Supp.), s. 1.

7. (1) The following persons are not entitled to be registered:

(a) a person who was registered under paragraph 11(1)(f), as it read immediately prior to April 17, 1985, or under any former provision of this Act relating to the same subject-matter as that paragraph, and whose name was subsequently omitted or deleted from the Indian Register under this Act; or

(b) a person who is the child of a person who was registered or entitled to be registered under paragraph 11(1)(f), as it read immediately prior to April 17, 1985, or under any former provision of this Act relating to the same subject-matter as that paragraph, and is also the child of a person who is not entitled to be registered.

7(2) Exception

(2) Paragraph (1)(a) does not apply in respect of a female person who was, at any time prior to being registered under paragraph 11(1)(f), entitled to be registered under any other provision of this Act.

7(3) Idem

(3) Paragraph (1)(b) does not apply in respect of the child of a female person who was, at any time prior to being registered under paragraph 11(1)(f), entitled to be registered under any other provision of this Act. R.S., 1985, c. I-5, s. 7; R.S., 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4.



[29]            L'article 14.1 traite des demandes portant sur le registre des Indiens ou sur les listes de bande. L'article 14.2 porte que des protestations peuvent être formulées quant à l'inclusion ou l'addition d'un nom ou contre l'omission ou le retranchement d'un nom au registre des Indiens. L'article 14.3 prévoit qu'on peut en appeler de la décision du registraire, suite à une protestation, à une cour supérieure d'une province. Les articles 14.1 à 14.3 sont rédigés comme suit :



14.1 Le registraire, à la demande de toute personne qui croit qu'elle-même ou que la personne qu'elle représente a droit à l'inclusion de son nom dans le registre des Indiens ou une liste de bande tenue au ministère, indique sans délai à l'auteur de la demande si ce nom y est inclus ou non.

L.R. (1985), ch. 32 (1er suppl.), art. 4.

Protestations

14.2(1) Protestations

14.2 (1) Une protestation peut être formulée, par avis écrit au registraire renfermant un bref exposé des motifs invoqués, contre l'inclusion ou l'addition du nom d'une personne dans le registre des Indiens ou une liste de bande tenue au ministère ou contre l'omission ou le retranchement de son nom de ce registre ou d'une telle liste dans les trois ans suivant soit l'inclusion ou l'addition, soit l'omission ou le retranchement.

14.2(2) Protestation relative à la liste de bande

(2) Une protestation peut être formulée en vertu du présent article à l'égard d'une liste de bande par le conseil de cette bande, un membre de celle-ci ou la personne dont le nom fait l'objet de la protestation ou son représentant.

14.2(3) Protestation relative au registre des Indiens

(3) Une protestation peut être formulée en vertu du présent article à l'égard du registre des Indiens par la personne dont le nom fait l'objet de la protestation ou son représentant.

14.2(4) Charge de la preuve

(4) La personne qui formule la protestation prévue au présent article a la charge d'en prouver le bien-fondé.

14.2(5) Le registraire fait tenir une enquête

(5) Lorsqu'une protestation lui est adressée en vertu du présent article, le registraire fait tenir une enquête sur la question et rend une décision.

14.2(6) Preuve

(6) Pour l'application du présent article, le registraire peut recevoir toute preuve présentée sous serment, par affidavit ou autrement, si celui-ci, à son appréciation, l'estime indiquée ou équitable, que cette preuve soit ou non admissible devant les tribunaux.

14.2(7) Décision finale

(7) Sous réserve de l'article 14.3, la décision du registraire visée au paragraphe (5) est définitive et sans appel.

L.R. (1985), ch. 32 (1er suppl.), art. 4.

14.3(1) Appel

14.3 (1) Dans les six mois suivant la date de la décision du registraire sur une protestation prévue à l'article 14.2, peuvent, par avis écrit, en interjeter appel devant le tribunal visé au paragraphe (5) :

a) s'il s'agit d'une protestation formulée à l'égard d'une liste de bande, le conseil de la bande, la personne qui a formulé la protestation ou la personne dont le nom fait l'objet de la protestation ou son représentant;

b) s'il s'agit d'une protestation formulée à l'égard du registre des Indiens, la personne dont le nom a fait l'objet de la protestation ou son représentant.

14.3(2) Copie de l'avis d'appel au registraire

(2) Lorsqu'il est interjeté appel en vertu du présent article, l'appelant transmet sans délai au registraire une copie de l'avis d'appel.

14.3(3) Documents à déposer par le registraire

(3) Sur réception de la copie de l'avis d'appel prévu au paragraphe (2), le registraire dépose sans délai au tribunal une copie de la décision en appel, toute la preuve documentaire prise en compte pour la décision, ainsi que l'enregistrement ou la transcription des débats devant le registraire.

14.3(4) Décision

(4) Le tribunal peut, à l'issue de l'audition de l'appel prévu au présent article_:

a) soit confirmer, modifier ou renverser la décision du registraire;

b) soit renvoyer la question en appel au registraire pour réexamen ou nouvelle enquête. [je souligne]

14.3(5) Tribunal

(5) L'appel prévu au présent article peut être entendu :

a) dans la province de Québec, par la Cour supérieure du district où la bande est située ou dans lequel réside la personne qui a formulé la protestation, ou de tel autre district désigné par le ministre;

a.1) dans la province d'Ontario, par la Cour supérieure de justice;

b) dans la province du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan ou d'Alberta, par la Cour du Banc de la Reine;

c) dans les provinces de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, par la Section de première instance de la Cour suprême;

c.1) [Abrogé, 1992, ch. 51, art. 54]

d) dans les provinces de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique, le territoire du Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, par la Cour suprême;

e) au Nunavut, par la Cour de justice.

L.R. (1985), ch. 32 (1er suppl.), art. 4, ch. 27 (2e suppl.), art. 10; 1990, ch. 16, art. 14, ch. 17, art. 25; 1992, ch. 51, art. 54; 1998, ch. 30, art. 14; 1999, ch. 3, art. 69.

14.1 The Registrar shall, on inquiry from any person who believes that he or any person he represents is entitled to have his name included in the Indian Register or a Band List maintained in the Department, indicate to the person making the inquiry whether or not that name is included therein.

R.S., 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4.

Protests

14.2(1) Protests

14.2 (1) A protest may be made in respect of the inclusion or addition of the name of a person in, or the omission or deletion of the name of a person from, the Indian Register, or a Band List maintained in the Department, within three years after the inclusion or addition, or omission or deletion, as the case may be, by notice in writing to the Registrar, containing a brief statement of the grounds therefor.

14.2(2) Protest in respect of Band List

(2) A protest may be made under this section in respect of the Band List of a band by the council of the band, any member of the band or the person in respect of whose name the protest is made or that person's representative.

14.2(3) Protest in respect of Indian Register

(3) A protest may be made under this section in respect of the Indian Register by the person in respect of whose name the protest is made or that person's representative.

14.2(4) Onus of proof

(4) The onus of establishing the grounds of a protest under this section lies on the person making the protest.

14.2(5) Registrar to cause investigation

(5) Where a protest is made to the Registrar under this section, the Registrar shall cause an investigation to be made into the matter and render a decision.

14.2(6) Evidence

(6) For the purposes of this section, the Registrar may receive such evidence on oath, on affidavit or in any other manner, whether or not admissible in a court of law, as the Registrar, in his discretion, sees fit or deems just.

14.2(7) Decision final

(7) Subject to section 14.3, the decision of the Registrar under subsection (5) is final and conclusive.

R.S., 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4.

14.3(1) Appeal

14.3 (1) Within six months after the Registrar renders a decision on a protest under section 14.2,

(a) in the case of a protest in respect of the Band List of a band, the council of the band, the person by whom the protest was made, or the person in respect of whose name the protest was made or that person's representative, or

(b) in the case of a protest in respect of the Indian Register, the person in respect of whose name the protest was made or that person's representative,

may, by notice in writing, appeal the decision to a court referred to in subsection (5).

14.3(2) Copy of notice of appeal to the Registrar

(2) Where an appeal is taken under this section, the person who takes the appeal shall forthwith provide the Registrar with a copy of the notice of appeal.

14.3(3) Material to be filed with the court by Registrar

(3) On receipt of a copy of a notice of appeal under subsection (2), the Registrar shall forthwith file with the court a copy of the decision being appealed together with all documentary evidence considered in arriving at that decision and any recording or transcript of any oral proceedings related thereto that were held before the Registrar.

14.3(4) Decision

(4) The court may, after hearing an appeal under this section,

(a) affirm, vary or reverse the decision of the Registrar; or

(b) refer the subject-matter of the appeal back to the Registrar for reconsideration or further investigation.

14.3(5) Court

(5) An appeal may be heard under this section (a) in the Province of Quebec, before the Superior Court for the district in which the band is situated or in which the person who made the protest resides, or for such other district as the Minister may designate;

(a.1) in the Province of Ontario, before the Superior Court of Justice;

(b) in the Province of New Brunswick, Manitoba, Saskatchewan or Alberta, before the Court of Queen's Bench;

(c) in the Province of Prince Edward Island or Newfoundland, before the Trial Division of the Supreme Court;

(c.1) [Repealed, 1992, c. 51, s. 54]

(d) in the Provinces of Nova Scotia and British Columbia, the Yukon Territory or the Northwest Territories, before the Supreme Court; or

(e) in Nunavut, before the Nunavut Court of Justice.

R.S., 1985, c. 32 (1st Supp.), s. 4, c. 27 (2nd Supp.), s. 10; 1990, c. 16, s. 14, c. 17, s. 25; 1992, c. 51, s. 54; 1998, c. 30, s. 14; 1999, c. 3, s. 69.


[30]            Je mentionne brièvement les articles 8 à 13 de la Loi qui portent sur les listes de bande. L'article 8 porte qu'est tenue, conformément à la présente Loi, la liste de chaque bande où est consigné le nom de chaque personne qui en est membre, et l'article 9 porte que jusqu'à ce que la bande assume la responsabilité de sa liste, celle-ci est tenue au ministère par le registraire. Le registraire peut ajouter ou retrancher des noms à une liste de bande tenue au ministère. L'article 11 établit les règles d'appartenance pour une liste tenue au ministère.


2)         Autres dispositions législatives

[31]            Afin de mieux comprendre les arguments ou les points de vue des parties dans ce renvoi ainsi que la législation appropriée, il y a lieu de mentionner les dispositions suivantes de la Loi sur les Indiens antérieures à 1951, ainsi que certaines dispositions législatives connexes.

a)         L'Acte des Sauvages de 1886

[32]            Dans l'Acte des Sauvages de 1886, S.C. 1866, ch. 43, le terme « Sauvage » est défini comme suit :

(h) L'expression « sauvage » signifie,

Premièrement. Tout individu du sexe masculin et de sang sauvage, réputé appartenir à une bande particulière;

      Secondement. Tout enfant de tel individu:

      Troisièmement. Toute femme qui est ou a été légalement mariée à un tel individu;

[33]            Dans le même Acte, l'expression « sauvage non compris dans les traités » est définie comme suit :

(i) L'expression « sauvage non compris dans les traités » signifie tout individu de sang sauvage, qui est réputé appartenir à une bande irrégulière, ou qui vit à la façon des sauvages, même s'il ne séjourne que temporairement en Canada. [je souligne]


[34]            L'article 13 du même Acte, modifié par le chapitre 22, 51 Victoria (qui a reçu la proclamation royale le 22 mai 1888), avec une note en marge portant ceci : « Quant aux métis dans le Manitoba et ailleurs » , est rédigé comme suit :

   13. Nul métis, dans le Manitoba, qui aura eu part à la distribution des terres des métis, ne sera compté comme sauvage; et nul métis chef de famille, sauf la veuve d'un sauvage ou d'un métis qui aura déjà été admis dans un traité, ne pourra, sauf dans des circonstances très exceptionnelles, qui seront déterminées par le surintendant général ou son agent, être compté comme sauvage, ni avoir droit d'être admis dans un traité avec les sauvages; et tout métis qui aura été admis dans un traité pourra, en obtenant le consentement par écrit du commissaire des sauvages, ou, en son absence, du sous-commissaire des sauvages, s'en retirer en signifiant par écrit son désir de le faire, laquelle signification sera signée par lui en présence de deux témoins, qui attesteront cette signature sous serment devant quelque personne autorisée par la loi à le faire prêter; et cette retraite entraînera celle des enfants mineurs non mariés de ce métis. [je souligne]

D. L'AVIS DU REGISTRAIRE DE SON INTENTION DE RETRANCHER

1)         L'avis du 1er juin 1998

[35]            Le 1er juin 1998, le registraire a informé Sam Sinclair qu'elle ne pouvait plus le considérer comme ayant le droit d'être inscrit au registre des Indiens et donc qu'elle avait l'intention de retrancher son nom du registre des Indiens, sous réserve de toute nouvelle preuve démontrant qu'il avait le droit d'être inscrit. Le registraire a informé Sam Sinclair qu'elle avait découvert un problème du côté de sa mère, visant notamment sa grand-mère Isabelle Courteoreille. Elle écrit ceci :

[traduction]


Lorsque vous avez été inscrit, nous croyions que votre mère, Agathe Sinclair née Courteoreille, pouvait être présumée avoir le droit d'être inscrite en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, par l'entremise de sa mère, Isabelle Courteoreille née Cardinal. À ce moment-là, nous croyions que les parents d'Isabelle Courteoreille née Cardinal [John Cardinal et Cécile Labonne] n'avaient pas accepté de certificats de concession et donc qu'Isabelle pouvait être présumée avoir le droit d'être inscrite du fait que son frère, Casimir Cardinal, était devenu membre de la bande Sucker Creek.

[36]            Le registraire déclarait toutefois qu'elle avait obtenu de nouveaux renseignements quant à l'histoire de la famille. Le registraire a déclaré que le grand-père maternel de Sam Sinclair, Michel Courteoreille, avait reçu des certificats de concession et qu'on lui en avait accordé au nom de ses enfants mineurs, y compris de sa fille Agathe (la mère de Sam Sinclair). Ces certificats de concession avaient été obtenus en juillet 1899, après la signature du Traité no 8. Le registraire a déclaré que Michel Courteoreille et ses parents n'étaient pas membres d'une bande indienne, non plus qu'ils étaient affiliés à une bande indienne, et qu'en conséquence, Michel Courteoreille n'avait pas le droit d'être inscrit comme Indien.

[37]            Le registraire a souligné que les personnes qui avaient obtenu des certificats de concession, ainsi que leurs descendants, n'avaient pas droit d'être inscrits comme Indiens en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens telles qu'elles existaient avant la modification de 1985. Elle a déclaré que la Loi sur les Indiens présentement en vigueur ne traite pas spécifiquement de la réintégration du statut de ces personnes, mais [traduction] « qu'il était possible d'envisager l'inscription de personnes qui avaient obtenu des certificats de concession ou l'inscription de leurs descendants si l'on pouvait démontrer que le demandeur était un descendant direct d'Indiens qui n'avaient pas obtenu des certificats de concession » . [je souligne]


[38]            Dans sa lettre d'avis, le registraire déclare que ce n'est pas le cas de la famille maternelle de Sam Sinclair. Voici ce qu'elle lui écrit :

[traduction]

J'ai maintenant déterminé que les parents d'Isabelle ont reçu des certificats de concession et, en conséquence, je ne peux considérer qu'Isabelle ait jamais eu le droit d'être inscrite au registre des Indiens, nonobstant le fait que son frère, Casimir Cardinal,soit devenu un membre de la bande Sucker Creek (anciennement partie de la bande de Kinnosayo) et qu'il était sur la liste de cette bande jusqu'à sa mort. Au moment où vous avez été inscrit, nous présumions que Casimir était membre de la bande du fait que son père était membre ou qu'il aurait eu droit d'être membre d'une bande, et que Casimir avait droit au statut d'Indien en vertu du paragraphe 2(h) de l'Acte des sauvages de 1886, qui définissait un « Sauvage » comme tout individu de sexe masculin et de sang sauvage, réputé appartenir à une bande particulière; tout enfant de tel individu, toute femme qui est ou a été légalement mariée à un tel individu. Toutefois, nous avons maintenant établi que les parents d'Isabelle et Casimir (ainsi que le mari d'Isabelle) ont tous reçu des certificats de concession et qu'ils ont tous déclaré dans leur demande de certificats qu'ils ne recevaient aucune rente en tant qu'Indiens non plus qu'ils n'avaient reçu aucune des concessions accordées aux Indiens. Ils n'ont aucunement indiqué qu'ils aient été associés à une bande indienne. Par conséquent, il n'y a pas de preuve que le père d'Isabelle ait jamais été associé à une bande particulière et donc aucune indication que Casimir tenait son droit au statut d'Indien, ou son statut de membre de la bande, de son père.

Il semble maintenant qu'il est probable que Casimir soit devenu membre de la bande de Kinnosayo (et par la suite de la bande Sucker Creek) en vertu d'une exception à l'article 13 de la l'Acte des Sauvages de 1886 qui porte que « nul métis chef de famille, sauf la veuve d'un sauvage ou d'un métis qui aura déjà été admis dans un traité, ne pourra, sauf dans des circonstances très exceptionnelles... être compté comme sauvage, ni avoir le droit d'être admis dans un traité avec les sauvages... » . Rien dans nos dossiers n'indique qu'il y ait eu des circonstances particulières dans le cas de Casimir et aucune forme de preuve portant que ces mêmes circonstances auraient pu s'appliquer au cas de sa soeur Isabelle.

Puisque j'ai maintenant établi que vos deux grands-parents maternels n'ont pas le droit d'être inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens, il s'ensuit que votre mère, Agathe Sinclair née Courteoreille, n'a pas le droit d'être inscrite en tant qu'Indienne. Rien dans la Loi sur les Indiens ne permet d'inscrire une personne dont l'un des parents a le droit d'être inscrit en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi alors que l'autre n'a pas ce droit. En conséquence, en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens vous n'avez pas le droit d'être inscrit au registre des Indiens. [je souligne]


2)         L'explication additionnelle du registraire

[39]            Le 29 janvier 1999, le registraire a écrit à l'avocat de Sam Sinclair pour clarifier [traduction] « un malentendu quant aux motifs qui m'ont amenée à déterminer que la grand-mère maternelle de votre client, Isabelle Courteoreille, ne peut être présumée avoir eu le droit d'être inscrite en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens de 1985 » . Le registraire déclare qu'on a pu suggérer que [traduction] « ma décision serait fondée sur une présomption qu'Isabelle Courteoreille aurait accepté des certificats de concession avec son mari et ses enfants si elle avait toujours été vivante lors de la signature du Traité no 8 en 1899, et que me fondant sur cette présomption j'aurais conclu qu'Isabelle Courteoreille n'avait pas droit au statut d'Indien. Ce n'est pas le cas. »

[40]            Le registraire a ensuite expliqué le fondement de sa lettre du 1er juin 1998 à M. Sinclair. Elle écrit ceci :

[traduction]

... J'ai expliqué pourquoi Isabelle Cardinal [son nom d'alors] était présumée avoir le droit d'être inscrite en vertu du paragraphe 6(1) de la Loi sur les Indiens.... Le fondement de cette décision était la croyance que ses parents n'avaient pas sollicité ou obtenu des certificats de concession pour les Métis, ce qui donnait naissance à une présomption qu'ils avaient adhéré au traité pour être ensuite considérés membres de la bande de Kinnosayo (Sucker Creek), comme leur fils Casimir Cardinal. Cette présomption permettait de présumer que les frères et soeurs de Casimir qui n'avaient pas sollicité ou obtenu de certificats de concession pour Métis auraient satisfait à la définition du terme « Sauvage » que l'on trouve au paragraphe 2(h) de l'Acte des Sauvages de 1886..., à condition qu'ils n'aient pas perdu leur droit au statut de membre de la bande en vertu d'une autre disposition de l'Acte des Sauvages de 1886. Pour ceux qui avaient perdu leur droit, notamment en épousant un non-Indien, ce droit pouvait être réexaminé en vertu des dispositions qui réintégraient dans leur statut d'Indien ceux qui l'avaient perdu par suite de certaines circonstances précisées dans la Loi sur les Indiens de 1985. [je souligne]


[41]            Elle a ensuite fait état du fait que la mère et le père d'Isabelle Courteoreille avaient sollicité et reçu des certificats de concession, ainsi qu'un nouveau fait, savoir qu'elle était clairement identifiée comme Métis sur la demande de certificat de concession que son mari avait soumis en son propre nom et au nom de ses enfants mineurs.

[42]            Le registraire a aussi réitéré que lorsqu'on a porté à son attention le fait que le père et la mère d'Isabelle avaient sollicité et obtenu des certificats de concession pour Métis, elle avait conclu qu'on ne pouvait les qualifier de « Sauvages » au sens du paragraphe 2(h) de l'Acte des Sauvages de 1886, puisqu'ils [traduction] « étaient métis chefs de famille [ne pouvant] être admis dans un traité » au sens de l'article 13 de l'Acte des Sauvages de 1886. Le registraire ajoutait donc [traduction] « qu'il n'y avait plus aucun fondement permettant de conclure que les parents d'Isabelle auraient pu adhérer au traité et devenir membres de la bande de Kinnosayo, ou qu'Isabelle (ou son frère Casimir) Cardinal avaient un droit d'adhérer au traité en se fondant sur le droit qu'auraient eu leurs parents d'adhérer au traité » .

[43]            Elle a expliqué de plus que [traduction] « étant donné qu'Isabelle Courteoreille était identifiée comme Métis, elle ne pouvait, en tant que Métis chef de famille, comme son mari, être admise à adhérer à un traité, sauf en présence de ‘circonstances exceptionnelles' qui permettraient de l'admettre dans un traité ou de lui accorder le statut de membre d'une bande indienne. Dans mon enquête à ce sujet, je n'ai trouvé aucune preuve de l'existence de telles ‘circonstances exceptionnelles' » .


[44]            Le registraire a ensuite ajouté ceci :

[traduction]

Il faudrait supposer que son frère, Casimir Cardinal, a adhéré au traité et est devenu membre de la bande de Kinnosayo (Sucker Creek) par suite de « circonstances exceptionnelles » . Il n'est toutefois pas clair de quelles circonstances il aurait pu s'agir. Il est possible que le fait d'être identifié comme membre de la bande par mariage à un de ses membres, ou comme une personne vivant avec un groupe qui adhérait au traité, constituait les « circonstances exceptionnelles » qui auraient justifié le fait que Casimir soit admis au traité.

[45]            En conséquence, le registraire conclut comme suit :

[traduction]

Au vu des motifs précités, j'ai conclu qu'Isabelle Cardinal 1) n'avait pas le droit d'être reconnue comme Indienne en vertu de l'Acte des Sauvages de 1886 et donc 2) qu'elle n'a pas perdu ce droit en se mariant à un non-Indien, comme le prévoyait l'article 11 de l'Acte des Sauvages de 1886, modifié par l'article 1, chapitre 29 des Lois du Canada de 1890. Par conséquent, Isabelle Cardinal ne peut être présumée avoir le droit d'être inscrite en vertu de l'alinéa 6(1)c) de la Loi sur les Indiens de 1985, non plus que ses enfants, y compris Agathe Courteoreille, ne peuvent être présumés avoir le droit d'être inscrits en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi.

E. ANALYSE

1)         Observations préliminaires

[46]            L'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que les offices fédéraux (le registraire) ou le procureur général peuvent initier un renvoi à la Cour fédérale. Cet article est rédigé comme suit :



   18.3 (1) Les offices fédéraux peuvent, à tout stade de leurs procédures, renvoyer devant la Section de première instance pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure.

   (2) Le procureur général du Canada peut, à tout stade des procédures d'un office fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, renvoyer devant la Section de première instance pour audition et jugement, toute question portant sur la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, d'une loi fédérale ou de ses textes d'application. [je souligne]

   18.3 (1) A federal board, commission or other tribunal may at any stage of its proceedings refer any question or issue of law, of jurisdiction or of practice and procedure to the Trial Division for hearing and determination.

   (2) The Attorney General of Canada may, at any stage of the proceedings of a federal aboard, commission or other tribunal, other than a service tribunal within the meaning of the National Defence Act, refer any question or issue of the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of regulations thereunder, to the Trial Division for hearing and determination.


[47]            Selon moi, en vertu de la Loi sur les Indiens de 1985 (comme en vertu de la Loi sur les Indiens de 1951), le registraire a les pouvoirs suivants :

a)         en vertu du paragraphe 5(3), anciennement le paragraphe 7(1), il peut ajouter au registre des Indiens, ou en retrancher, le nom de la personne qui, aux termes de la présente Loi, a ou n'a pas le droit, selon le cas, à l'inclusion de son nom dans ce registre;

b)         après qu'une protestation a été logée en vertu du paragraphe 14.2(1), le registraire, en vertu du paragraphe 14.2(7), « fait tenir une enquête sur la question et rend une décision » qui, sous réserve de l'article 14.3 est « définitive et sans appel » . (L'article 14.3 prévoit un appel de la décision du registraire prise en vertu du paragraphe 14.2(5) à une cour supérieure dans une province, mais non à notre Cour.)

[48]            J'ai demandé aux parties où elles situaient le registraire dans les procédures au moment où ce renvoi a été introduit (comparer avec In re Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, [1973] C.F. 604 (C.A.F.).


[49]            Les avocats des demandeurs m'ont informé que la procédure devant le registraire visait à faire déterminer si le nom de Sam Sinclair pouvait ou non être retranché du registre en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi. L'avocat de M. Sinclair partage ce point de vue.

[50]            Le paragraphe 5(3) de la Loi sur les Indiens de 1985 est semblable au paragraphe 7(1) de la Loi précédente. De même, l'article 9 de la Loi précédente est semblable à ce qui est maintenant le paragraphe 14.2(5).

[51]            L'économie de l'ancienne Loi, telle que publiée dans les statuts révisés de 1970, a été examinée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt John Bay c. La Reine, [1974] 1 C.F. 523. Dans cette affaire, le registraire avait refusé d'ajouter le nom de M. Bay à une liste de bande et, en conséquence, au registre, au motif qu'à son avis M. Bay n'avait pas le droit d'être inscrit.

[52]            Le juge en chef Jackett renvoie à l'article 7 (le pouvoir d'ajouter ou de retrancher) et à l'article 9 (le pouvoir, suite à une protestation, de rendre une décision définitive et sans appel), dans les termes suivants, à la page 524 :

   En ce qui concerne le registre des Indiens,

a) l'article 7 confère au registraire le pouvoir d'ajouter à une liste de bande ou à une liste générale le nom d'une personne qui a droit à l'inclusion de son nom dans cette liste et de retrancher de la liste le nom de toute personne qui n'a pas droit à l'inclusion de son nom, et lorsqu'il y a lieu d'exercer ce pouvoir, celui-ci devient une obligation d'ajouter ou de retrancher le nom, selon le cas,


b) en vertu de l'article 9, après avoir fait tenir une enquête relative à la protestation contre l'addition ou le retranchement d'un nom résultant de l'exercice du pouvoir conféré par l'article 7, le registraire a le pouvoir de rendre une décision concernant une telle protestation et cette décision est définitive et péremptoire. [je souligne]

[53]            Il conclut que lorsque le registraire se fait une opinion sur la question de savoir s'il « a l'obligation en vertu de l'article 7 d'ajouter ou de retrancher un nom, cette ‘décision' n'a aucun effet juridique » . Il explique son point de vue de la façon suivante, sur la même page :

Lorsqu'on demande au registraire d'exercer le pouvoir conféré par l'article 7 d'ajouter ou retrancher un nom, il doit bien sûr se faire une opinion sur la question de savoir si la personne en cause a ou n'a pas droit à l'inclusion de son nom dans cette liste ce qui donne naissance à l'obligation d'ajouter ou de retrancher ce nom. Il y a cependant une différence nette entre l'opinion que se fait le registraire lorsqu'on lui demande d'exercer le pouvoir conféré par l'article 7 et une décision rendue par le registraire dans l'exercice de son pouvoir de rendre une décision en vertu de l'article 9. Une fois que le registraire a exercé son pouvoir de rendre une décision en vertu de l'article 9, cette décision a un effet juridique et son pouvoir à cet égard est épuisé. Cependant, lorsque le registraire se fait une opinion sur la question de savoir s'il a l'obligation en vertu de l'article 7 d'ajouter ou de retrancher un nom, cette « décision » n'a aucun effet juridique. Dans un tel cas, rien n'a été décidé en droit. Après s'être fait une opinion dans un cas donné, le registraire lui-même, ou son successeur, peut, à tout moment dans ce même cas, adopter une opinion différente, et il peut, par suite, exercer son pouvoir en vertu de l'article 7 d'ajouter ou retrancher le nom, en conformité de cette nouvelle opinion. [je souligne]

[54]            Les juges Thurlow et Pratte ont rédigé des motifs concurrents.

[55]            Le juge Thurlow (tel était alors son titre) a fait remarquer ceci :

a)         les dispositions prévoyant une enquête à la suite de laquelle est rendue une décision quant au droit d'une personne à être inscrite (l'article 14.2 de la Loi sur les Indiens de 1985) ne s'appliquaient pas à la situation qui lui était soumise étant donné que le requérant n'était pas une personne dont le nom avait été omis d'une liste de bande et qui aurait protesté;


b)         le paragraphe 7(1), maintenant le paragraphe 5(3), ne conférait aucunement au registraire le pouvoir de décider qui a ou n'a pas droit d'être inscrit; il l' « autorise simplement à ajouter le nom d'une personne qui a droit d'être inscrite ou à retrancher le nom d'une personne qui n'y a pas droit » . Si le registraire retranche un nom conformément à l'article 7, le juge Thurlow était d'avis que l'on pouvait invoquer les procédures prévues au paragraphe 9(1) dans le but de déterminer les droits en cause. Il ajoute ceci, aux pages 527 et 528 :

À mon sens, lorsqu'il traite d'une question relevant de l'article 7, le registraire n'est pas obligé de faire tenir une enquête ou d'accorder à quiconque une audition sur la question de savoir si la personne a droit à l'enregistrement et une fois qu'il s'est fait une opinion sur cette question, elle ne lie personne, car il peut à tout moment en changer et agir en conséquence.

   On a aussi soutenu que le refus constituait du point de vue pratique une décision. Sans être insensible à la situation d'une personne dont la demande d'inscription a été refusée, je ne pense pas que des considérations relatives à l'effet pratique de la décision peuvent servir à conférer au registraire un pouvoir de décision que la Loi ne lui donne pas expressément.

[56]            Les deux parties à ce renvoi se sont rapportées à la procédure devant le registraire quant à l'effet pratique de la réponse à la question 1. C'est la nature de cette procédure qui donne le contexte dans lequel il faut situer la réponse. Selon moi, la réponse à la question 1 établira le fondement sur lequel le registraire pourra ensuite agir en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi, savoir de retrancher ou nom le nom de M. Sinclair du registre.

[57]            Si je donne une réponse affirmative à la première question, le registraire ne serait pas autorisé à retrancher le nom de M. Sinclair du registre et l'affaire serait réglée.


[58]            Si la réponse doit être négative, comme l'avancent les demandeurs, le registraire pourrait alors retrancher le nom de M. Sinclair du registre, ce qui, sous réserve de la question 2 posée dans ce renvoi, pourrait mener à une protestation, à une enquête par le registraire et à une décision pouvant faire l'objet d'un appel devant la Cour du banc de la Reine de l'Alberta. C'est la démarche qu'a suivie le fils de Sam Sinclair.

[59]            Je veux ajouter un autre commentaire. La documentation relative à la question à trancher dans ce renvoi comprend le dossier du registraire, portant sur la période qui va de la date de la première demande d'inscription de Sam Sinclair jusqu'au début de la présente procédure en Cour fédérale, auquel s'ajoutent des recherches ultérieures qu'elle a réalisées. Les parties ont convenu qu'elles ne s'appuieraient que sur ces documents pour établir leur preuve. Le registraire a aussi préparé un dossier additionnel qui contient des documents que l'avocat de Sam Sinclair à l'époque désirait présenter à la Cour. L'avocat des demandeurs a posé des objections quant à savoir si je peux me saisir de ces documents.

[60]            L'un de ces documents est l'affidavit que Sam Sinclair a déposé à l'appui de sa demande d'injonction. Dans cet affidavit, il déclare ceci :

a)         sa langue maternelle est le cri, langue dans laquelle il a été élevé et qu'il parlait avec ses parents, ainsi qu'avec ses frères et soeurs;

b)         il a été élevé comme un Indien par ses parents et [traduction] « c'est le seul mode de vie que nous ayons connu » ;


c)         il a rejoint les rangs de l'armée canadienne en 1943 et a combattu pendant la Seconde Guerre mondiale;

d)         à son retour au Canada, il s'est impliqué de façon active dans les questions liées aux droits des Autochtones et il est le président sortant de la Native Veteran's Association of Canada;

e)         comme il est mentionné, il est marié à Edna Pierce, une Crie qui est membre de la réserve Driftpile;

f)          il a ensuite décrit les avantages qu'il perdrait s'il était retranché de la liste.

[61]            Il importe d'ajouter un dernier point préliminaire. Les avocats des demandeurs ont déclaré que mon mandat en vertu du renvoi consistait à examiner la preuve au dossier sans tenir compte du traitement qui lui avait été accordé par le registraire, pour ensuite répondre aux questions posées en me fondant sur cette preuve et sur le droit applicable. Ils ont déclaré que la procédure en l'instance n'est pas un contrôle judiciaire et que, par conséquent, les motifs présentés à M. Sinclair par le registraire ne sont pas pertinents.

[62]            Les avocats du procureur général et du registraire ont franchement admis que celle-ci avait commis une erreur dans ses motifs qui ont mené à l'inscription initiale de Sam Sinclair, mais ils considèrent que ce fait n'a pas d'impact sur la décision que je dois prendre, et que le fait qu'elle n'a pas tenu compte d'une preuve ne m'empêche pas de l'examiner.


[63]            Il n'y a pas eu d'entente formelle sur les faits, mais je considère que les parties sont d'accord au fond quant aux faits essentiels.

2)         Les principes d'interprétation en l'instance

a)         Les principes d'interprétation des lois

[64]            Dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, à la page 41, le juge Iacobucci, parlant au nom de la Cour suprême du Canada, s'appuie sur le passage suivant de l'ouvrage d'Elmer Driedger intitulé Construction of Statutes, (2e éd. 1983) pour établir le principe qu'on ne peut fonder l'interprétation législative sur le seul libellé du texte de loi :

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[65]            Sur la même page, le juge Iacobucci ajoute ceci :

Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables » .

Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions.


b)         L'interprétation des traités et des lois relatives aux Indiens

[66]            L'avocat de Sam Sinclair s'est appuyé sur l'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, pour établir la proposition que toute ambiguïté dans les lois les visant doit profiter aux Indiens. Il cite le juge Dickson (alors juge puîné), à la page 36 :

Les Indiens possèdent la citoyenneté canadienne et, dans les affaires qui ne sont régies ni par des traités ni par la Loi sur les Indiens, ils ont les mêmes responsabilités, dont le paiement d'impôts, que les autres citoyens canadiens.

       Selon un principe bien établi, pour être valide, toute exemption d'impôts doit être clairement exprimée. Il me semble toutefois que les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui, suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une exemption d'impôts, il faut, selon moi, préférer cette interprétation à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée pour refuser l'exemption.

[67]            Les avocats des demandeurs ont nié qu'il y avait une ambiguïté et cité l'arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, pour établir la proposition que cet arrêt vient modifier l'arrêt Nowegijick, précité.

[68]            Dans l'arrêt Mitchell, précité, la question consistait à savoir si l'expression « Sa Majesté » , que l'on trouve à l'alinéa 90(1)b) de la Loi sur les Indiens, s'étendait à la Couronne du chef de la province. À l'unanimité, les membres de la Cour ont jugé que cette expression ne se rapportait qu'à la Couronne fédérale.

[69]            Les avocats des demandeurs se sont appuyés sur cette citation tirée des motifs du juge La Forest dans l'arrêt Mitchell, précité, à la page 143 :

En même temps, je n'accepte pas que cette règle salutaire portant que les ambiguïtés législatives doivent profiter aux Indiens revienne à accepter automatiquement une interprétation donnée pour la simple raison qu'il peut être vraisemblable que les Indiens la préféreraient à toute autre interprétation différente. Il est également nécessaire de concilier toute interprétation donnée avec les politiques que la Loi tente de promouvoir. [je souligne]

[70]            Selon moi, l'arrêt Mitchell ne modifie en rien l'arrêt Nowegijick. Dans l'arrêt Mitchell, le juge La Forest a déclaré expressément qu'il ne contestait pas le principe que les traités et les lois visant les Indiens devraient recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté devrait profiter aux Indiens.

[71]            Ce que l'arrêt Mitchell, précité, nous enseigne, c'est que l'interprétation des lois visant les Indiens devrait recevoir une interprétation différente de celle des traités, du fait que la Couronne jouissait alors d'un pouvoir de négociation supérieur. Dans le cas de l'interprétation des lois, la méthode d'interprétation dite libérale, celle qui consiste à interpréter de façon large les dispositions qui visent à maintenir les droits des Indiens, doit se faire au moyen d'une approche contextuelle qui tente de déterminer ce que le Parlement voulait réaliser (savoir l'objectif visé), compte tenu des politiques que la Loi tente de promouvoir.


F. CONCLUSIONS                   

1)         Les conclusions de fond

[72]            Le procureur général et le registraire déclarent qu'une conclusion qu'Isabelle Courteoreille avait le droit d'être inscrite doit satisfaire aux deux critères suivants :

1)         elle devait être encore vivante lorsque les demandes de certificats de concession ont été examinées après l'entrée en vigueur du Traité no 8;

2)         il doit y avoir une preuve selon la prépondérance des probabilités qui démontre qu'elle avait adopté le mode de vie des Indiens.

[73]            Pour répondre à ces deux questions, je dois d'abord tirer certaines conclusions quant à l'interprétation des diverses dispositions de la Loi sur les Indiens qui définissent les pouvoirs et les responsabilités du registraire.

[74]            Premièrement, je me range à l'avis des avocats des demandeurs et conclus que les articles 6 et 7 de la Loi sur les Indiens de 1985 constituent un code complet qui définit le droit d'être inscrit au registre. La Loi sur les Indiens définit qui est un Indien au vu de la loi et, dans ce contexte, les liens qu'une personne considère avoir avec les Indiens sur le plan culturel ou ethnique ne sont pas pertinents.


[75]            Deuxièmement, l'effet cumulatif de l'alinéa 6(1)f), du paragraphe 6(2) et des dispositions du paragraphe 6(3), qui porte que la personne qui est décédée avant le 17 avril 1985 mais qui avait le droit d'être inscrite à la date de son décès, fait que le registraire doit examiner les questions pertinentes comme si la personne en cause était toujours vivante au moment où la Loi sur les Indiens de 1985 est entrée en vigueur, et examiner le mode de vie d'Isabelle Courteoreille avant sa mort. En d'autres mots, les dispositions de la Loi de 1985 sont transplantées dans le contexte de cette époque-là.

[76]            Troisièmement, je partage l'avis des avocats des demandeurs qui veut qu'en se déchargeant de ses responsabilités et fonctions en vertu de la Loi, le registraire n'a pas de pouvoir discrétionnaire au sens où il se trouverait devant un choix d'options à l'intérieur de limites imposées par la loi (voir l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la page 852). La tâche principale du registraire est de déterminer, au vu du dossier, les faits qui sont pertinents dans le cadre de l'inscription au registre et ensuite d'appliquer ces faits au vu du droit existant. Les avocats des demandeurs ont correctement décrit le registraire comme un historien, dont le rôle est de déterminer s'il existe une preuve de l'existence d'un droit à l'inscription au registre.


[77]            Quatrièmement, le registraire a fait remarquer que le père de Sam Sinclair, Alfred, avait le droit d'être inscrit en vertu du paragraphe 6(2) du fait que sa mère, Madeleine Hamelin, avait été réintégrée dans son statut et qu'elle était présumée avoir le droit d'être inscrite en vertu de l'alinéa 6(1)c). Au départ, je croyais que le fait que son père avait le droit d'être inscrit pouvait accorder le droit d'être inscrit à Sam Sinclair, en vertu du paragraphe 6(2), en tant que personne dont l'un des parents (père ou mère) avait le droit d'être inscrit. Je partage l'avis exprimé par les avocats des demandeurs qu'afin qu'une personne puisse se qualifier en vertu du paragraphe 6(2), il est nécessaire qu'un de ses parents ait le droit d'être inscrit en vertu du paragraphe (1). Le droit à l'inscription d'Alfred Sinclair est en vertu du paragraphe 6(2). Il n'est pas une personne visée par le paragraphe 6(1), ce qui est une condition nécessaire à l'application du paragraphe 6(2).

[78]            Cinquièmement, je partage le point de vue exprimé par les avocats des deux parties qu'en bonne procédure, Sam Sinclair ne peut obtenir le droit de protester qu'au moment où son nom est retranché du registre. Ceci est clair au vu de l'article 14.2, qui utilise les mots « dans les trois ans suivant ... l'omission » .

2)         Le fait qu'Isabelle Cardinal soit décédée avant le 21 juin 1899 a-t-il comme résultat de lui enlever le droit d'être inscrite

[79]            On a fait état devant moi de plusieurs documents historiques qui traitent du mode de vie dans la région d'Athabasca au cours de la période de négociation et de signature du Traité no 8, ainsi que sur les relations entre les Métis et les Indiens à ce moment-là.


a)         Le mémoire au cabinet de Sir Clifford Sifton

[80]            Sir Clifford Sifton était ministre de l'Intérieur dans le cabinet de Sir Wilfrid Laurier. Il était aussi surintendant général des affaires des Sauvages en vertu de l'article 4 de l'Acte des Sauvages de 1886. En juin 1898, il a demandé l'autorisation du Cabinet pour établir une commission chargée de négocier les termes du Traité no 8. Dans son rapport de recherche (le rapport Madill), sur lequel les deux parties se sont appuyées, Denis Madill écrit ceci :

En juin 1898, Sifton recommanda au Cabinet d'accorder à la Commission les pouvoirs nécessaires pour traiter avec les Métis comme avec les Indiens dans la révocation de leurs titres. Il révéla également qu'il était impossible de demander aux commissaires de faire une distinction nette entre les Métis et les Indiens, parce que certains Métis avaient des manières et des coutumes fort semblables à celles des Indiens. Il fallait donc permettre aux Métis qui le voudraient d'être traités comme des Indiens et de signer le traité, ce qui paraissait mieux pour leur bien-être comme pour l'intérêt du public que de leur accorder des certificats. [je souligne]

[81]            Ce point de vue quant au fait que les Métis pouvaient adhérer au Traité no 8 a été confirmé par le juge W.A. Mcdonald, qui a présidé une commission d'enquête en 1943 dont le mandat était d'examiner la radiation d'un certain nombre de personnes des listes de bande du Traité no 8. Il a déclaré que les Métis qui avaient adopté le mode de vie des Indiens étaient encouragés à adhérer au traité. Il a aussi confirmé que bon nombre de ceux qui avaient été admis à l'époque étaient de sang-mêlé.


[82]            Le rapport Madill (cité à la page 246 du volume 2 du dossier) fait ressortir en parlant du Traité no 1, signé en 1871 (relativement à certaines parties du Manitoba) que : « le commissaire... Simpson se rendit compte que plusieurs Métis vivaient dans les communautés indiennes et décida de leur offrir le choix entre un traité ou un certificat de concession... » .

[83]            À la même page, M. Madill déclare que les Métis de la rivière à la Pluie signèrent une adhésion séparée au Traité no 3 en 1875.

b)         Le rapport des commissaires sur le Traité no 8 (22 septembre 1899)

[84]            Dans le rapport au ministre de l'Intérieur, les commissaires sur le Traité no 8 ont décrit l'organisation sociale des Indiens et des Métis dans le district d'Athabasca. Cette organisation sociale était fort différente de celle qui existait dans les Prairies. Voici comment on la décrit :

Il n'y a aucune nécessité immédiate de faire un tracé général des réserves ou de faire une répartition des terres. Il sera bien assez tôt de le faire lorsque l'avancement de la colonisation rendra nécessaire l'arpentage des terres. De fait les sauvages s'opposaient en général à être placés sur les réserves.

                                                    . . .

Les sauvages avec lesquels nous avons fait un traité diffèrent sous bien des rapports des sauvages des territoires organisés... En été ils vivent sous des tentes, et un bon nombre avaient des maisons en troncs d'arbres dans lesquels ils passent l'hiver. La langue des Cris est le langage principal du commerce... Aucune des tribus ne paraît avoir une organisation bien définie. Ils se tiennent réunis surtout par les liens du langage... Les tribus n'ont aucun trait caractéristique très distinct, et autant que nous avons pu l'apprendre aucune tradition importante.

                                                                      . . .

Il faut dire aussi que la chasse dans le nord diffère de la chasse telle qu'elle se faisait dans les plaines, en ce que les sauvages chassent dans un pays boisé, et au lieu de se déplacer en bandes, ils chassent individuellement ou par groupes de famille.

[85]            Le rapport Madill (dossier, volume 2, page 256) cite le commissaire McKenna, qui transmet sont point de vue à Sir Clifford Sifton le 17 avril 1899 au sujet de l'établissement de réserves sur le territoire couvert par le Traité no 8 proposé.

... il faudrait peut-être donner aux commissaires plus de pouvoirs. Nous ne pouvons guère nous fonder sur l'expérience passée pour négocier avec les Indiens auxquels nous avons maintenant affaire. Quand le gouvernement négociait l'abandon du titre des Indiens sur les terres des territoires organisés, il s'adressait à des nations indiennes qui possédaient des organisations tribales distinctes. L'idée de collectivité était forte chez eux et rendait nécessaire la création de réserves pour que les Indiens y poursuivent leur vie communautaire jusqu'à ce qu'ils puissent en être détournés progressivement.

                                                    . . .

D'après ce que j'ai pu apprendre au sujet du Nord, il semble que les Indiens qui y vivent agissent davantage à titre individuel qu'en tant que nation et qu'ils possèdent très peu d'organisation tribale. Ils vivent de chasse et d'efforts individuels, à peu près comme les Métis. Ils sont contre l'idée de vivre dans des réserves; et comme il est impossible que ce pays devienne jamais fortement colonisé, on peut se demander s'il serait de bonne politique de suggérer même de les grouper dans l'avenir. L'idée de réserve est incompatible avec la vie de chasseur et ne peut s'appliquer que dans un pays agricole. [je souligne]

c)         Le rapport Macrae

[86]            J.A. Macrae, un inspecteur du département des Affaires des Sauvages, a été nommé par Sir Clifford Sifton comme responsable du versement des rentes aux Indiens dans la région visée par le Traité no 8. Il était aussi chargé d'obtenir l'adhésion des bandes de Fort Saint-Jean et de Fort Résolution. Le rapport Madill indique qu'il devait également faire rapport des revendications des Métis et cite son point de vue quant à la politique existante :

Dans le traitement de ces réclamations, j'ai suivi le principe qui me paraît avoir été énoncé en 1899 ou plus tôt et selon lequel les requérants eux-mêmes sont autorisés à décider s'ils veulent recevoir un certificat à titre de Métis ou adhérer au traité à titre d'Indien, même si je n'étais pas vraiment sûr du bien-fondé du principe. J'ai agi de la sorte parce qu'il me semblait que je ne faisais que continuer le travail commencé par d'autres et déjà en bonne voie, et qu'il me fallait donc suivre leurs traces plutôt qu'essayer d'instituer de nouvelles méthodes. [je souligne]

[87]            Madill conclut ainsi sur cette question :


En fin de compte, au moment de la signature du Traité Huit en 1899 et 1900, le gouvernement fédéral prit une attitude ouverte et libérale à l'égard des classes de personnes admissibles au Traité. Le département des Affaires des Sauvages avait pour politique à l'époque de conclure des traités plutôt que d'accorder des certificats aux Métis qui avaient adopté le mode de vie de Indiens. Durant la négociation des traités nos 1 à 6, certains Métis avaient été autorisés à adhérer aux traités; le fait de permettre l'adhésion des Métis au Traité Huit ne modifiait donc pas la politique du Département. [je souligne]

d)         Le point de vue de Neil Reddekopp

[88]            Neil Reddekopp est le gestionnaire supérieur, Politiques, Revendications territoriales des Indiens, au ministère des Affaires intergouvernementales et des Affaires autochtones de l'Alberta. Dans le cadre de sa protestation, Gordon Sinclair lui a demandé d'écrire au registraire pour décrire certaines pratiques liées au Traité no 8. Il écrit ceci :

[traduction]

Dans la région visée par le Traité no 8, il n'était pas rare de voir des parents proches arriver à une conclusion différente quant à savoir s'ils devaient adhérer au traité ou obtenir des certificats de concession. Tous les adultes pouvaient choisir librement de s'identifier comme Indiens ou comme Métis. Par conséquent, il n'était pas rare de voir les membres d'une génération choisir les certificats de concession alors que leurs enfants adultes adhéraient au traité. En plus de l'exemple de Casimir Cardinal, on a aussi celui de Joseph Laboucan, qui était à l'origine le numéro 24 sur la liste de la bande du lac au Poisson-Blanc (et par la suite le premier chef de la bande du lac Lubicon), dont les parents Peter Laboucan et Caroline Taswaw ont reçu des certificats de concession. De la même façon, Joseph Bigstone est devenu le premier chef de la bande Bigstone alors que sa mère, Catherine Gladu avait reçu des certificats de concession. Par conséquent, dans la mesure où une personne était arrivée à l'âge adulte, elle avait le droit d'adhérer au traité même si ses parents avaient reçu des certificats de concession.

Isabelle Cardinal est décédée en 1899, avant d'avoir eu l'occasion accordée à tous les adultes d'exercer un choix entre l'adhésion au traité ou l'obtention de certificats de concession. Elle est décédée avant d'avoir renoncé à son droit d'adhérer au traité et donc, alors qu'elle était toujours en droit d'y adhérer. Par conséquent, la décision d'origine qui présumait qu'elle avait le droit d'être inscrite en vertu de l'alinéa 6(1)a) semble avoir été correcte. Il faut insister sur le fait que pour arriver à cette conclusion il n'est pas nécessaire de conclure qu'Isabelle aurait vraisemblablement convaincu son mari d'adhérer au traité plutôt que de solliciter des certificats de concession, ou même de conclure qu'elle aurait essayé de le faire. Il est simplement nécessaire d'établir que si elle avait vécu, elle aurait eu le droit d'adhérer au traité. Il semble y avoir peu de doute qu'elle aurait eu ce droit. [je souligne]


[89]            Les avocats des demandeurs veulent, par leur point de vue, établir qu'Isabelle Courteoreille devait être vivante au moment où le droit de solliciter des certificats de concession a été accordé, afin de déterminer si elle était admissible au statut d'Indien dans un contexte où il fallait impérativement devenir membre d'une bande donnée.

[90]            Je ne suis pas d'accord pour dire que le droit qu'Isabelle Cardinal avait d'obtenir le statut d'Indien est nécessairement lié au fait qu'elle aurait dû devenir membre d'une bande et, par conséquent, que son statut d'Indien serait disparu à sa mort. Je préfère les arguments présentés à ce sujet par l'avocat de Sam Sinclair.

[91]            Toutefois, j'accepte en partie l'argument des avocats des demandeurs qui porte que le fondement législatif de la présomption d'un droit d'Isabelle Courteoreille à l'inscription au registre se trouve dans l'article 13 de l'Acte des Sauvages de 1886, qui parle de circonstances très exceptionnelles, qui seront déterminées par le surintendant général ou son agent, pour qu'un Métis puisse « être compté comme sauvage, [ou] avoir droit d'être admis dans un traité avec les sauvages » . Ce que je n'accepte pas, c'est que l'article 13 soit la seule disposition de l'Acte de 1886 sur laquelle Sam Sinclair peut s'appuyer dans le présent renvoi.


[92]            Au vu des documents historiques au dossier, je suis d'avis que ces circonstances exceptionnelles sont définies dans les documents du gouvernement canadien dont il est fait état. La question n'est pas de savoir si au moment de son décès Isabelle Courteoreille aurait choisi d'adhérer au traité plutôt que de solliciter des certificats de concession, mais bien plutôt de savoir si au moment de son décès elle avait adopté le mode de vie indien ou vivait comme une Indienne.

[93]            L'histoire nous prévient contre l'adoption du stéréotype du mode de vie indien qui veut qu'il s'agisse de « vivre comme un Indien » . Au vu de la preuve au dossier, je constate que les Premières nations étaient organisées différemment sur le plan social et avaient des modes de vie différents. Les Indiens vivant dans la zone du Traité no 8 avaient un mode de vie différent de ceux qui vivaient dans les Prairies. Il en allait de même des Métis, dont plusieurs vivaient dans des agglomérations comme celle de Batoche. Ces divergences et ces convergences sont importantes.

[94]            Le point de vue voulant que le registraire devait examiner la question de savoir si Isabelle Courteoreille vivait comme une Indienne au moment de son décès, le fait qu'elle soit décédée avant qu'on offre des certificats de concession en vertu du Traité no 8 n'étant pas pertinent, est fondé de plusieurs façons en fait et en droit, comme l'a démontré l'avocat de Sam Sinclair. J'accepte son point de vue.


[95]            Premièrement, l'article 13 de l'Acte de Sauvages de 1886 énonce deux objectifs pour l'application des circonstances très exceptionnelles que devait identifier le surintendant général ou son agent. Le premier objectif est qu'on puisse le compter comme sauvage, le second objectif est de lui accorder le droit d'être admis au traité. Un décès n'est pertinent en aucun de ces deux cas.

[96]            Deuxièmement, comme je l'ai fait remarquer, ce point de vue est aligné sur la réalité de l'existence quotidienne dans la région d'Athabasca qui est couverte par le Traité huit. On peut constater ceci dans les documents historiques, où l'on découvre que, au vu des circonstances applicables à chaque personne, le mode de vie des Métis était semblable à celui des Indiens qui vivaient dans cette région, ces derniers ayant une organisation sociale moins structurée que les Premières nations ou les Métis qui vivaient dans les Prairies.

[97]            Troisièmement, comme l'avocat de M. Sinclair l'a souligné, l'Acte des Sauvages de 1886 contient une définition de « sauvage non compris dans les traités » qui porte qu'il s'agit d'une personne de sang sauvage réputée appartenir à une bande irrégulière ou qui vit à la façon des sauvages. Ceci permet de constater que l'adhésion au traité n'était pas essentielle pour avoir le statut d'Indien, comme il ressort de la reconnaissance du statut d'Indien en Colombie-Britannique et dans d'autres parties du Canada où il n'y a pas eu de traités.


[98]            Quatrièmement, les modifications de la Loi sur les Indiens de 1985 avaient pour objectif d'élargir le droit au statut et de réduire les exclusions, rectifiant ainsi des erreurs passées et fournissant un meilleur accès aux avantages offerts par le gouvernement fédéral. Le point de vue qui veut qu'un décès ne change en rien le mode de vie d'une personne aux fins de l'inscription de ses descendants est celui qui s'accorde le mieux avec l'intention du Parlement en l'instance.

[99]            Les avocats des demandeurs croyaient que l'avocat de Sam Sinclair voulait faire admettre que la catégorie des Métis vivant dans la région de l'Athabasca avait, dans son ensemble, un droit d'inscription sans qu'il soit nécessaire de prouver que chacun avait adopté le mode de vie des Indiens. Selon ce que j'ai compris durant les plaidoiries, l'avocat de Sam Sinclair a renoncé à cet argument et il a admis que l'article 13 de l'Acte des Sauvages de 1886 s'appliquait sur une base individuelle, dans le contexte des politiques gouvernementales alors en vigueur qui sont reflétées dans les rapports gouvernementaux précités.

3)         La preuve qu'Isabelle Courteoreille vivait comme une Indienne

a)         La norme de preuve

[100]        Les deux parties ont convenu qu'en préparant un dossier menant à la décision de retrancher un nom en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi sur les Indiens de 1985, la norme de preuve applicable consiste à savoir, selon la prépondérance des probabilités, si la preuve disponible permet de répondre oui ou non dans ce renvoi. Les parties se sont appuyées sur Wilson v. Canada (Indian Registry, [1999] B.C.J. no 2510), une décision du juge Sigurdson de la Cour suprême de la Colombie-Britannique.


[101]        Les deux parties ont raison de dire que le juge Sigurdson a conclu, en appel de la décision finale du registraire de retrancher un nom après une protestation, que dans l'exercice de ses fonctions en vertu de l'article 14.2 de la Loi le registraire devait examiner la preuve au vu de la norme civile de la prépondérance des probabilités. La difficulté dans le présent renvoi est liée à l'étape à laquelle le registraire est arrivé dans le cadre de son processus de décision. Comme je l'ai fait remarquer, cette étape est celle où elle doit former son avis quant à savoir s'il y a lieu de retrancher le nom de Sam Sinclair en vertu du paragraphe 5(3) de la Loi. Si son nom est retranché, il peut, sous réserve de la question 2 du présent renvoi, présenter une protestation. Si c'est le cas, le registraire doit faire enquête, examiner la preuve et ensuite prendre une décision définitive qui est susceptible d'appel.

[102]        Selon moi, la norme de la prépondérance des probabilités qui régit le processus de formulation d'un avis menant à retrancher un nom en vertu du paragraphe 5(3), qui est avancée par les parties, est trop élevée. Ma conclusion est inévitable au vu de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale (Bay, précité), ainsi que de l'économie de la Loi.

[103]        Selon moi, afin de justifier une décision de retrancher un nom en vertu du paragraphe 5(3), la preuve présentée au registraire doit être suffisamment convaincante pour amener ce dernier à conclure de façon raisonnable que Sam Sinclair n'avait pas le droit d'être inscrit. (Comparer États-Unis d'Amérique (Re) c. Sheppard, [1997] 2 R.C.S. 1067 etCanada c. Kindler, [1987] 3 C.F. 34.


b)         Le fardeau de la preuve

[104]        En l'instance, c'est le registraire qui a présenté ce renvoi. Le contexte se trouve dans sa lettre du 1er juin 1998 à Sam Sinclair, l'informant de son intention de retrancher son nom du registre et lui donnant ses raisons. Le registraire est arrivée à cette conclusion après avoir examiné l'histoire familiale des Sinclair dans le contexte d'une demande d'inscription et dans des circonstances que Sam Sinclair ne connaissait pas.

[105]        Le procureur général est d'avis que la réponse en l'instance devrait être « non » . Dans les circonstances, je suis d'avis que le procureur général a le fardeau de démontrer dans ce renvoi que la documentation présentée est suffisamment convaincante pour qu'elle puisse amener le registraire à conclure de façon raisonnable que Sam Sinclair n'a pas le droit d'être inscrit.

c)         Évaluation


[106]        Selon moi, le procureur général a satisfait le fardeau de la preuve selon la norme que j'ai adoptée dans ce renvoi. Bien qu'on n'ait présenté aucune preuve directe quant au mode de vie d'Isabelle Courteoreille au moment de son décès, on peut raisonnablement déduire des demandes pour obtenir les certificats de concession présentées par ses parents et par son mari, ainsi que des recherches additionnelles qui ont été faites, qu'elle n'était pas intégrée à la communauté indienne. Il est vrai qu'il y a une certaine preuve à l'effet contraire, mais étant donné le seuil peu élevé que j'ai fixé pour la preuve, je suis convaincu qu'elle permet au registraire de conclure raisonnablement que Sam Sinclair n'a pas le droit d'être inscrit.

[107]        Il ne serait pas approprié que je fasse des commentaires plus détaillés sur la preuve étant donné que, sous réserve de la question 2, si Sam Sinclair présente une protestation, le registraire devra examiner et évaluer la preuve au dossier, ainsi que toute autre preuve additionnelle qui peut être présentée.

[108]        Toutefois, ayant examiné la preuve et eu le bénéfice des plaidoiries, je veux faire les observations suivantes :

1)         Je ne partage pas l'avis de l'avocat du procureur général qui porte que la façon de vivre de Sam Sinclair et de sa famille ne soit pas une indication du mode de vie de sa grand-mère maternelle. Le mode de vie actuel de Sam Sinclair et de sa famille est une considération pertinente que le registraire devra prendre en compte et évaluer.


2)         Je partage l'avis de l'avocat de Sam Sinclair portant que les preuves historiques semblent indiquer qu'il y avait des différences considérables dans les modes de vie des Premières nations et des autres communautés selon le lieu où ils s'étaient fixés, et qu'on peut dire la même chose des Métis. Le registraire doit tenir compte de ces divergences, étant donné qu'elles ont servi de fondement aux décisions de politique susmentionnées qui, dans certaines circonstances, visaient à encourager les Métis à adhérer aux traités. Il y a lieu de tenir compte de tous ces faits et de les évaluer lorsque le registraire devra déterminer quel était le mode de vie d'Isabelle Courteoreille lors de son décès.

3)         On ne peut rien déduire des demandes de certificats de concession quant aux liens qui existaient entre les personnes qui ont accepté les certificats de concession et les Indiens. C'est là une question qui n'était pas posée. On peut dire la même chose du fait qu'ils ont répondu « non » lorsqu'on leur a demandé s'ils recevaient des rentes en tant qu'Indiens. Le Traité no 8 venait tout juste d'être négocié.

G. DISPOSITIF

[109]        Pour ces motifs, je réponds « non » à la question 1 de ce renvoi.

« François Lemieux »

J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 AVRIL 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                                       T-141-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                     Le registraire du registre des Indiens et autres

et

John Jeremiah Sinclair

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 2 août 2000

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                             Monsieur le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                                               le 11 avril 2001

ONT COMPARU

John B. Edmond et Patricia Johnston                              POUR LES DEMANDEURS

Marc LeClair et Neil Perrier                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Morris Rosenberg                                                          POUR LES DEMANDEURS

Sous-procureur général du Canada

Marc LeClair                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Ottawa (Ontario)

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