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Date : 20020130

Dossier : IMM-1088-01

Référence neutre : 2002 CFPI 116

Ottawa (Ontario), le mercredi 30 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                              STANLEY OLUFEMI EGBON

                                                                                                  demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]    Il s'agit en l'espèce de la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Egbon relativement à la décision par laquelle une agente d'immigration a décidé, le 9 février 2001, qu'il ne pouvait pas être dispensé, en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi pour des raisons d'ordre humanitaire. Aux termes de cette disposition, les immigrants doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.

LES FAITS

[2]    Selon les documents qu'il a produits au soutien de sa demande, M. Egbon est un citoyen du Nigéria qui est entré au Canada le 10 octobre 1998 à titre de revendicateur du statut de réfugié. Il aurait fait la connaissance de Dina Di Grigorio, une citoyenne canadienne, le 14 février 1999 et l'aurait épousée le 21 août suivant. M. Egbon a renoncé à sa revendication du statut de réfugié à la suite de ce mariage.

[3]    Le 15 octobre 1999, le défendeur a reçu une demande de Mme Di Grigorio, qui souhaitait parrainer M. Egbon à titre de parent. Il a aussi reçu une demande de résidence permanente de M. Egbon, dans laquelle ce dernier demandait d'être dispensé de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi en raison de son mariage avec une citoyenne canadienne.

[4]    M. Egbon et Mme Di Grigorio ont rencontré séparément l'agente d'immigration le 30 janvier 2001. Cette dernière a décidé, le 9 février suivant, de ne pas accorder une dispense d'application du paragraphe 9(1) de la Loi.


[5]                 Il ressort des notes de l'agente d'immigration que celle-ci a reconnu que M. Egbon et Mme Di Grigorio étaient mariés et vivaient ensemble. Elle a cependant conclu que leur relation en était une d'amitié et que leur mariage n'était pas authentique parce qu'il avait été contracté principalement dans le but d'obtenir l'admission du demandeur au Canada à titre de parent.

[6]                 La conclusion de l'agente d'immigration concernant l'absence d'authenticité du mariage était fondée sur les contradictions suivantes relevées dans les réponses données par M. Egbon et Mme Di Grigorio lors de leur entrevue :

[traduction] La répondante a déclaré qu'ils avaient passé le jour de Noël ensemble chez ses grands-parents. L'intéressé a indiqué de son côté qu'il avait amené son épouse chez sa famille ce jour-là. Il n'est pas restée avec elle.

La répondante a déclaré que l'intéressé avait récemment acheté une voiture d'occasion. Elle savait que la voiture avait coûté 7 000 $ et a indiqué que cet argent provenait d'un compte spécial. Elle a ajouté qu'il avait tiré environ 3 000 $ de son ancienne voiture, mais elle ne pouvait pas dire avec certitude à qui celle-ci avait été vendue.

L'intéressé a déclaré qu'il avait acheté une voiture d'occasion à un commerçant. Il l'avait payée avec des économies, un prêt et une avance de fonds sur sa carte de crédit. Selon ses dires, il aurait reçu 50 $ pour son ancienne voiture.

La répondante a déclaré que son mari utilise des condoms comme méthode de contraception. L'intéressé a déclaré que sa femme prenait des contraceptifs oraux.


[7]                 Pour démontrer que l'agente d'immigration a commis une erreur susceptible de contrôle en considérant que le mariage n'était pas authentique, on a fait valoir pour le compte de M. Egbon que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte des lignes directrices sur les demandes fondées sur des raisons d'ordre humanitaire, lesquelles exigent des agents d'immigration qu'ils prennent en compte les normes sociales et culturelles et les normes de la communauté. M. Egbon a indiqué que, dans son pays, les hommes essaient de ne pas parler de questions financières avec leur épouse pour ne pas affaiblir leur position dans le couple. Cette déclaration devait expliquer la deuxième contradiction.

[8]                 On a aussi fait valoir pour le compte de M. Egbon, au regard de la troisième contradiction, qu'il n'est pas impossible que lui et son épouse utilisent des méthodes de contraception différentes puisqu'ils ne sont pas prêts à avoir des enfants pour l'instant.

[9]                 M. Egbon n'a donné aucune explication relativement à la première contradiction relevée par l'agente d'immigration.

QUESTION EN LITIGE

[10]            Le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration, DORS/78-172, prévoit ce qui suit :


4(3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

4(3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.


[11]            Il faut donc en l'espèce déterminer si l'agente d'immigration a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que le mariage n'était pas authentique, mais qu'il avait en fait été contracté afin d'obtenir l'admission du demandeur au Canada.


ANALYSE

[12]            Depuis que la Cour suprême du Canada a rendu l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, il est bien établi que la norme de contrôle judiciaire applicable à l'exercice, par un agent d'immigration, du pouvoir conféré au paragraphe 114(2) de la Loi est celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette norme exige que la décision soit étayée par des motifs qui résistent à un examen assez poussé.

[13]            À mon avis, les motifs de l'agente d'immigration résistent à un tel examen.

[14]            En ce qui concerne la prétention de M. Egbon selon laquelle l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de facteurs culturels, les notes de l'agente montrent qu'en réponse aux questions concernant l'achat de la voiture Mme Di Grigorio a déclaré qu'elle connaissait les détails de la vente, et qu'elle a donné ces détails à l'agente. Si elle n'avait pas été mise au courant des détails financiers par son mari, elle aurait pu le dire lors de l'entrevue, au lieu de quoi elle a donné des détails qui ne correspondaient pas à ceux fournis par son mari.


[15]            Pour ce qui est de la troisième contradiction - celle concernant les méthodes de contraception utilisées par le couple -, la prétention de M. Egbon selon laquelle il n'est pas impossible que lui et son épouse utilisent des méthodes différentes n'est pas convaincante. Il n'était pas déraisonnable, à mon avis, que l'agente d'immigration se soit attendue à ce que M. Egbon et son épouse sachent tous les deux s'ils utilisaient des condoms comme méthode de contraception, indépendamment du fait que l'épouse pouvait utiliser aussi une autre méthode de contraception.

[16]            En outre, l'agente d'immigration a indiqué qu'après avoir rencontré séparément M. Egbon et Mme Di Grigorio elle les avait rencontrés ensemble et avait parlé avec eux de ses préoccupations. Ni M. Egbon et Mme Di Grigorio n'ont alors été en mesure de répondre à celles-ci. M. Egbon aurait dû alors donner à l'agente d'immigration les explications qu'il avance maintenant.

[17]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n'ont proposé aucune question à des fins de certification et aucune question n'est certifiée.


ORDONNANCE

[18]            LA COUR ORDONNE QUE :

La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

  

« Eleanor R. Dawson »

ligne

                                                                                                                                Juge                         

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

   

DOSSIER :                                                         IMM-1088-01

INTITULÉ :                                                     Egbon c. MCI

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 10 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE :                                             MADAME LE JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                     Le 30 janvier 2002

  

COMPARUTIONS :

Leon Damonze                                                     POUR LE DEMANDEUR

Carol Chandran                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laurence Cohen                                                                POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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