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Date : 20021126

Dossier : IMM-4733-01

Référence neutre : 2002 CFPI 2006

Ottawa, Ontario, le 26e jour de novembre 2002

En présence de :         L'HONORABLE JUGE MICHEL BEAUDRY

ENTRE :

                                                   MOHAMMAD NAWAZ CHEEMA

                                                                                                                                  Partie demanderesse

                                                                                   et

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

                                                                                                                                     Partie défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Mohammad Nawaz Cheema conteste la décision rendue à son égard par la Section du statut de réfugié (SSR) déterminant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

QUESTION EN LITIGE

[2]                 Est-ce que la SSR a erré dans son appréciation de la preuve permettant ainsi à cette cour d'intervenir?


[3]                 Pour les raisons qui suivent, je réponds "non" à cette question.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                 Le demandeur est un citoyen du Pakistan. Il affirme être membre actif du Pakistan People's Party (PPP) depuis juillet 1993. Il prétend avoir été actif dans sa circonscription en tant que membre de ce parti. En 1996, le gouvernement de Benazir Bhutto, chef du PPP est déposé, et un parti adverse, le Pakistan Muslim League (PML) prend le pouvoir. Depuis ce temps, le demandeur est harcelé par les membres du PML.

[5]                 En 1999, le PPP organise une démonstration pour dénoncer la déclaration "d'inhabileté" émise par le gouvernement du PML. Les hommes de mains ("goons") du PML l'arrêtent et l'agressent avec d'autres membres du parti lors de la manifestation du 20 avril 1999. La police le prévient de quitter le pays, sinon il fera face à un danger.

[6]                 Le demandeur est arrêté de nouveau le 22 septembre 1999. Par la suite, il se cache chez des membres de sa famille. En mars 2000, il est agressé à deux reprises dans son atelier.


[7]                 En avril 2000, son frère lui dit de se cacher car la police le recherche. Il va chez un membre de sa famille où il demeure jusqu'au 6 juin 2000. Il quitte le Pakistan le 6 juin 2000. Après avoir passé par l'Angleterre et les États-Unis, il entre au Canada le 8 juin 2000 et fait sa demande de statut de réfugié à Montréal le 9 juin 2000.

DÉCISION CONTESTÉE

[8]                 Dans sa décision, la SSR détermine que le demandeur est non crédible. De plus, relevant plusieurs invraisemblances et contradictions, elle écarte certains documents déposés par ce dernier à l'appui de sa réclamation.

[9]                 Enfin, la SSR détermine que le demandeur n'a pas rencontré le fardeau de preuve quant à la crainte subjective et ajoute que dans ce dossier, il n'y a qu'une simple possibilité de persécution, ce qui, à son avis, n'est pas suffisant pour accueillir une demande de statut de réfugié.

PRÉTENTIONS

Demandeur

[10]            Le demandeur fait grief à la SSR car cette dernière a rejeté la totalité de la preuve documentaire soumise par ce dernier qui selon lui corroborait son récit.

[11]            Le demandeur prétend que la SSR s'est trompée gravement permettant à cette cour d'intervenir car la détermination au sujet de la persécution subjective est mal fondée, eu égard à son témoignage et à sa preuve documentaire.

Défendeur

[12]            Comme il s'agit d'une question de crédibilité, la SSR a bien évalué la preuve et sa décision est raisonnable. La SSR n'a pas à reprendre toute la preuve en vertu de la jurisprudence actuelle.

[13]            Le témoignage du demandeur contredit sa preuve documentaire et c'est pourquoi la SSR possède toute la latitude voulue pour écarter cette preuve.

ANALYSE

[14]            Mon analyse comporte deux volets: l'appréciation globale de la preuve par la SSR et son appréciation de la crainte subjective du demandeur.

Appréciation globale de la preuve par la SSR

[15]            Le principal reproche du demandeur à l'endroit de la SSR est d'avoir rejeté plusieurs éléments de preuve documentaire soumis, soit des certificats médicaux, une lettre d'un avocat, le bref d'arrestation et le rapport "FIR".


[16]            L'appréciation de la force probante de tout élément de preuve relève du tribunal administratif compétent. C'est l'enseignement que le juge MacKay dans l'affaire Tawfik c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 137 F.T.R. 43, paragraphe 10,

(1re instance) nous soumet:

[TRADUCTION]

[...] En règle générale, la valeur probante à accorder aux éléments de preuve relève de l'appréciation discrétionnaire légitime du tribunal administratif compétent. À moins que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne soit jugé déraisonnable, cette Cour n'interviendra pas. (je souligne)

[17]            Cet énoncé de la règle générale de déférence envers les appréciations de preuve que fait la SSR est précisé dans Hussain c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l'immigration), [2000] A.C.F. no 254 (1re instance) (QL).

[18]            Au sujet du rejet des rapports médicaux soumis par le demandeur à la page 4 de la décision de la SSR, je remarque que cette dernière fait référence à de la preuve documentaire indiquant que seul les hôpitaux d'État émettent des "medico legal report". La SSR a choisi d'écarter les certificats médicaux du demandeur car ils provenaient d'une clinique privée n'ayant pas suivi la réglementation gouvernementale et de ce fait, ne pouvait constituer un "medico legal report".

[19]            Étant donné les connaissances spéciales de la SSR au sujet des pays d'origine des revendicateurs du statut de réfugié, notre Cour n'est pas dans la position de substituer son avis au jugement de cette dernière. Il m'est donc impossible de conclure que la SSR a fait une erreur déterminante justifiant notre intervention.

[20]            Quant à la lettre de l'avocat, du bref et rapport FIR, les contradictions relevées par la SSR dans le témoignage du demandeur la justifiait d'écarter ces documents. (voir Singh c. Canada (Minister of Citizenshhip and Immigration), 2002 FCT 1013; Zvonov c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 83 F.T.R. 138, paragraphe 15, (1re instance), (1995) 28 Imm. L.R. (2d) 23, paragraphe 15, (1re instance) et Kalia c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1682 (1re instance) (QL).

Appréciation de la crainte subjective du demandeur


[21]            La SSR a déterminé que dans cette cause, le demandeur ne s'était pas déchargé de son fardeau de prouver une crainte subjective de persécution mais avait prouvé tout au plus une possibilité. Cette détermination par la SSR n'est pas déraisonnable à mon avis car le demandeur a attendu jusqu'en juin 2000 avant de quitter son pays bien qu'il ait été menacé de mort en mars 2000. Cette absence de crainte subjective de persécution constitue une lacune fatale à la revendication du demandeur. Voir Anandasivam c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1106, paragraphe 23 où l'on fait référence à la cause Tabet-Zatla c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (dossier IMM-6291-98, 2 novembre 1999):

[...] selon lesquels l'absence d'une crainte subjective constitue une lacune fatale qui justifie, à elle seule, le rejet de la revendication. [je souligne]

[22]            Je considère donc que les conclusions de la décision de la SSR sont justifiées par la preuve au dossier.

[23]            Pour toutes ces raisons, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les procureurs ont déclaré de pas vouloir soumettre une question grave de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.

  

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que:

1.                    Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                    Aucune question ne sera certifiée.

________________________

Juge


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 IMM-4733-01

INTITULÉ :             

MOHAMMAD NAWAZ CHEEMA

                                                                              Partie demanderesse

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

                                                                                 Partie défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                              9 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

EN DATE DU :         26 novembre 2002

  

COMPARUTIONS :

Me Eveline Fiset                                                   POUR LE DEMANDEUR

Me Thi My Dung Tran                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Eveline Fiset                                                   POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                                 POUR LE DÉFENDEUR


Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Montréal (Québec)                                              

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