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                                                                                                                                 Date : 20050817

                                                                                                                    Dossier : IMM-8191-04

                                                                                                                Référence : 2005 CF 1126

ENTRE :

                                                EUN MEE KIM et INN WOO CHO

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a conclu que Mme Eun Mee Kim (la demanderesse) n'était ni une réfugiée, ni une personne à protéger. Elle demande le contrôle judiciaire de cette décision.

LE CONTEXTE

[2]                La demanderesse, citoyenne de la République de Corée, fonde sa demande d'asile sur sa situation de victime de violence conjugale; la demande de sa fille âgée de 9 ans, Inn Woo Cho, est réunie à la sienne. Elle prétend qu'elle ne peut pas obtenir la protection de l'État en Corée.


[3]                La mère de la demanderesse vit au Canada avec son seul autre enfant. La demanderesse prétend que, après leur départ pour le Canada, elle est devenue émotionnellement dépendante de Jong Kook Cho. Ils se sont mariés en 1995.

[4]                Elle prétend avoir subi des sévices verbaux et psychologiques de la part de son mari dès le début de leur mariage. Il l'a physiquement agressée et menacée à plusieurs reprises avec un marteau ou un couteau.

[5]                La demanderesse a dit qu'elle n'avait parlé de ces incidents à personne parce qu'elle en avait honte et parce qu'ils sont considérés comme infamants par la société coréenne. Ce n'est qu'en 2003, lorsque sa mère lui a rendu visite, qu'elle a ouvertement parlé de ces sévices. Sa mère a pris les choses en main, a obtenu un suivi psychologique pour la demanderesse et l'a fait partir, avec sa propre fille, pour le Canada.

[6]                De 1995 à 2003, en dépit de ces sévices physiques et psychologiques, la demanderesse n'a jamais sollicité la protection de l'État.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]                La demanderesse soutient qu'il était raisonnable de sa part, dans son cas précis, de ne pas solliciter la protection de l'État. La demanderesse dit que les valeurs sociales coréennes et la honte éprouvée à l'idée de porter des accusations contre son mari pour les sévices qu'il lui avait infligés et son état de solitude en Corée sont tous des facteurs montrant qu'il était raisonnable de ne pas solliciter la protection de l'État.


[8]                La demanderesse ajoute que la SPR n'a pas examiné la question de savoir si la protection de l'État en Corée était efficace. La demanderesse dit que l'erreur de la SPR a été de se demander si les structures organisationnelles étaient en place sans vérifier si elles fonctionnaient avec efficacité.

DÉCISION

[9]                C'est à la demanderesse qu'il incombe d'établir que la protection de l'État est inexistente ou insufffisante. Il est présumé que l'État assure une protection aux personnes. (Voir Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Ward (1993), 103 D.L.R.(4th))

[10]            La réticence subjective de la demanderesse à solliciter la protection de l'État ne constitue pas un motif suffisant pour conclure que la protection assurée par l'État est inexistente ou inefficace. En l'espèce, la demanderesse n'a jamais sollicité de l'État quelque forme de protection que ce soit, même lorsque sa mère lui est venue en aide, physiquement et émotionnellement.

[11]            En matière de protection de l'État, la norme de contrôle est la décision manifestement déraisonnable. La SPR a pris en compte la structure institutionnelle de protection des femmes victimes de violence; elle a étudié les rapports du Département d'État des États-Unis où étaient mentionnés certains problèmes entachant l'exécution des politiques d'amélioration de la protection destinée aux femmes victimes de violence.


[12]            Prise dans son ensemble, la décision de la SPR est raisonnable et équilibrée. Il serait déraisonnable de soutenir que la SPR doit se livrer à un étude exhaustive de l'efficacité de la protection assurée par l'État en Corée (à supposer que la chose soit possible) en l'absence de preuves tangibles montrant qu'elle est inefficace. Rien n'indique que la protection assurée par l'État en Corée est une illusion ou de la « poudre aux yeux » .

[13]            Par conséquent, même si l'avocat des demanderesses a fait des efforts remarquables pour me persuader du contraire, la Cour n'a aucun motif pour intervenir.

[14]            La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                                                                          « Michael L. Phelan »          

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                         IMM-8191-04

INTITULÉ :                                        EUN MEE KIM et INN WOO CHO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 27 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       LE 17 AOÛT 2005

COMPARUTIONS:

J. Norris Ormston                                              POUR LES DEMANDERESSES

Sally Thomas                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Ormston, Bellissimo, Yousan

Toronto (Ontario)                                              POUR LES DEMANDERESSES

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                               POUR LE DÉFENDEUR

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