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Date : 19990930


Dossier : IMM-216-99


ENTRE :



XIAOMING ZHANG,


demandeur,

                    

- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.




MOTIFS DE ORDONNANCE


LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire de la décision d"une agente des visas concluant que le demandeur n"a pas satisfait aux exigences de l"immigration au Canada dans l"emploi " d"ingénieur électricien ". La décision de l"agente des visas est datée du 10 décembre 1998.
[2]      Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine. Par l"intermédiaire d"un agent d"immigration, il a déposé une demande d"immigration au Canada à titre de travailleur autonome dans l"emploi de monteur de lignes et de câbles de télécommunications. Le 20 août 1998, après qu"une entrevue concernant sa demande eut été fixée pour le demandeur, son agent d"immigration a adressé au service d"immigration du Consulat général du Canada à Hong Kong, une lettre dont voici un extrait :

        

[TRADUCTION]
Soyez avisé que M. Zhang a eu un résultat acceptable de l"évaluation informelle de ses qualifications d"ingénieur [...] Après un examen approfondi de l"éducation et de l"expérience de M. Zhang, nous concluons que ses qualifications sont plus proches de celles d"un ingénieur électronicien. [...]
[ . . .]
Nous serions reconnaissant si l"agent d"immigration désigné pouvait prendre note de la présente modification lors de l"examen de la demande en question. N"hésitez pas à nous contacter pour toutes questions ou inquiétudes que vous pourriez avoir.

Les éléments dont dispose la Cour ne permettent pas de savoir si l"agente des visas s"est prévalue, avant l"entrevue, de la possibilité de clarifier la demande de "...modification lors de l"examen de la demande en question ".

[3]      À partir de 1985, le demandeur a été employé en Chine à titre de monteur de lignes et de câbles de télécommunications. Ses fonctions comprenaient un grand nombre des fonctions d"un tel employé. Celles-ci sont décrites dans la Classification nationale des professions dans laquelle se trouvent, entre autres, les fonctions suivantes : installer, enlever, entretenir et réparer des lignes et des câbles aériens ou souterrains pour les communications téléphoniques et les autres télécommunications ainsi que le matériel connexe; installer des lignes et des câbles de câblodistribution (sans réparation ni entretien); inspecter et mettre à l"essai des lignes et des câbles de télécommunications en vue d"étudier leurs caractéristiques et de déceler les défaillances.
[4]      De 1982 à 1985, le demandeur a travaillé comme ingénieur pour la China National Offshore Oil Corporation où ses fonctions comprenaient, outre la supervision d"un assistant, la responsabilité générale de l"installation, de la réparation et de l"entretien de lignes de télécommunication sous-marines. Le demandeur a obtenu un baccalauréat en sciences appliquées en 1978.
[5]      Dans son affidavit déposé à l"appui de sa demande, le demandeur déclare :
[...]
[TRADUCTION]
6. Pendant l"entrevue, il m"a été demandé si je voulais que l"emploi que j"avais l"intention d"exercer au Canada soit changé pour ingénieur électronicien. Lorsque l"agente des visas m"a posé cette question, elle ne m"a cependant pas dit que je pouvais être évalué de manière subsidiaire dans plusieurs emplois. De la manière dont la question m"a été posée, j"ai compris que je pouvais être évalué soit comme ingénieur électronicien soit comme monteur de lignes et de câbles de télécommunications, mais pas dans les deux en même temps. Si l"agente des visas m"avait dit que je pouvais être évalué dans les deux emplois, je lui aurais demandé de le faire.
[...]

[6]      Dans la lettre communiquant la décision qui fait l"objet du contrôle, l"agente des visas a attribué 57 points d"appréciation au demandeur alors que 70 sont nécessaires pour que le demandeur soit reçu.
[7]      L"agente des visas a écrit :
[TRADUCTION]
Le paragraphe 11(1) du Règlement prévoit qu"un agent des visas ne peut délivrer un visa à un immigrant si celui-ci ne reçoit pas au moins 1 point d"appréciation pour l"expérience. Malheureusement, vous n"avez pas un an d"expérience à temps complet, ou un équivalent dans cet emploi (ingénieur électricien), et je ne peux donc vous attribuer aucun point d"appréciation pour votre expérience. Je considère que les points d"appréciation que vous avez obtenus sont une évaluation exacte de votre habileté à vous établir avec succès au Canada.
Me fondant l"étendue de votre description des responsabilités que vous avez assumées depuis 1982, je ne suis pas convaincue que vous ayez de l"expérience à titre d"ingénieur électricien et en conséquence, je n"ai pu vous attribuer de point d"appréciation pour l"expérience.

La décision ne fait absolument aucune mention de l"évaluation du demandeur dans l"emploi de monteur de lignes et de câbles de télécommunications, alors que l"agente des visas, dans son affidavit déposé relativement à la présente demande, atteste :

[...]
[TRADUCTION]
6. J"ai fait mention du résumé du dossier CAIPS tout au long de l"entrevue avec le demandeur. Comme j"ai évalué les connaissances en anglais du demandeur comme étant " avec difficultés " et lui ai attribué zéro point d"appréciation pour le facteur 8 connaissance du français et de l"anglais et comme j"ai conclu que le nombre approprié de point d"appréciation pour le facteur 9 personnalité était de 2, je savais que le demandeur n"obtiendrait pas assez de points pour entrer dans l"emploi de monteur de lignes et de câbles de télécommunications qu"il avait l"intention d"occuper...
[...]

[8]      L"avocat du demandeur a décrit les questions relatives à la demande de contrôle judiciaire de la manière suivante :
[TRADUCTION]
L"agente des visas a-t-elle commis une erreur en concluant que les responsabilités du demandeur de 1982 à 1985 n"étaient pas inhérentes aux fonctions d"un ingénieur électronicien ?
L"agente des visas a-t-elle commis une erreur de droit en n"évaluant pas le demandeur dans un emploi subsidiaire qui a été mentionné dans la demande de résidence permanente ?

[9]      Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision qui fait l"objet du contrôle et obligeant le défendeur à traiter favorablement la demande de résidence permanente du demandeur ou, de manière subsidiaire, renvoyant l"affaire à un
     autre agent d"immigration pour qu"il rende une nouvelle décision d"une façon qui tienne compte des motifs du jugement rendu ce jour.
[10]      Je suis convaincu que l"agente des visas n"a pas commis d"erreur susceptible de contrôle judiciaire dans son évaluation du demandeur dans l"emploi d"ingénieur électricien. Même si une valeur plus importante a pu être accordée à certaines des fonctions de cet emploi décrit dans la Classification nationales des professions, je ne suis pas convaincu que la manière dont l"agente des visas a traité l"expérience du demandeur entre 1982 et 1985 a donné naissance à une erreur susceptible de contrôle judiciaire. J"arrive à cette conclusion, compte tenu particulièrement du fait que son expérience était dans un environnement limité et de nombreuses années avant l"entrevue.
[11]      J"arrive à une conclusion différente quant au défaut de l"agente des visas d"évaluer formellement le demandeur dans l"emploi qu"il avait identifié à l"origine dans sa demande d"immigration au Canada, soit monteur de lignes et de câbles de télécommunications. Cet emploi, qui représente semble-t-il un équivalent assez proche de l"emploi qu"il avait eu en République populaire de Chine pendant environ 13 ans au moment de son entrevue, n"avait pas été clairement et sans équivoque abandonné par le demandeur.
[12]      Dans l"arrêt Gaffney c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration)1, le juge Mahoney, a écrit à la page 187 :
Il ressort [...] de cette lettre que l"agent des visas estimait que son obligation d"évaluer d"autres professions se limitait à l"étude d"une seule catégorie et ne s"étendait pas aux autres professions comprises dans d"autres catégories de professions pour lesquelles l"immigrant possède les qualités requises et qu"il est prêt à exercer.

Le juge Mahoney a conclu à la page 189 :

Par ailleurs, dans l"un des appels qui ont été entendus [...], notre Cour a statué que l"agent des visas à l"obligation d"apprécier le requérant en fonction de la profession pour laquelle il [...] prétend posséder les qualités requises et qu"il est prêt à exercer au Canada. Cette obligation s"étend selon moi à chacune des professions en question. [citation omise]
[13]      Dans l"arrêt Olajuwon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)2, le juge MacKay a écrit :
En l'espèce, le demandeur avait expressément demandé à être évalué au regard de deux professions. Dans la lettre portant rejet de sa demande, l'agente des visas ne faisait état que de l'une d'entre elles, et rien ne prouve, à part son affidavit subséquent, que le demandeur ait été évalué au regard de la profession de commissionnaire en voyages organisés, ainsi qu'il l'avait expressément demandé. L'agente des visas est tenue à l'obligation d'évaluer la demande de résidence permanente au regard des professions envisagées, et les résultats de l'appréciation doivent être communiqués, en cas de lettre de rejet, à l'égard de la ou des professions envisagées par le demandeur.

Je suis convaincu que la même chose peut être dite en l"espèce, quoiqu"il y a eu au moins quelques doutes quant à la question de savoir si le demandeur a cherché à se faire évaluer dans des emplois subsidiaires ou s"il a retiré le premier emploi dans lequel il cherchait à se faire évaluer, pour en substituer un autre. Compte tenu de l"ambiguité et de l"échange quelque peu ambigu cité plus haut dans l"affidavit du demandeur relativement à sa demande, échange qui a eu lieu au cours de l"entrevue pendant laquelle le demandeur a fait appel à un interprète, je suis convaincu que la charge de procéder à une évaluation complète du demandeur dans les deux emplois et d"indiquer les résultats de ces évaluations dans toute lettre de rejet de la demande du demandeur, pesait sur l"agente des visas3.
[14]      Dans l"arrêt Goussev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)4, madame le juge Reed a écrit au paragraphe 14 :
L'avocate du défendeur m'a référée à des arrêts dans lesquels il a été statué qu'une appréciation officieuse ou préliminaire par un agent des visas ne constitue pas une appréciation et que l'agent des visas est tenu d'apprécier le demandeur à l'égard de la profession envisagée;[...] Selon moi, ces arrêts n'exigent pas que l'agent des visas poursuive son appréciation à l'égard d'une profession donnée une fois qu'il est clair que le demandeur ne peut pas obtenir le nombre nécessaire de points pour se voir accorder le droit d'établissement. Ainsi, s'il existe une exigence selon laquelle au moins un point doit être attribué à l'égard d'un facteur donné, et si l'agent des visas conclut que l'intéressé n'obtiendra pas de points à l'égard de ce facteur, l'agent des visas n'est pas tenu de continuer à effectuer une démarche inutile en appréciant les autres facteurs. Une appréciation a été effectuée.[citations omises]

Je ne suis pas convaincu que la déclaration ci-dessus de madame le juge Reed est en contradiction avec des décisions précédentes auxquelles j"ai fait référence. Certes, si ses mots sont réservés à l"exemple qu"elle donne, ils peuvent être distingués des faits en l"espèce. Si sa déclaration a une portée plus grande, je ne suis pas convaincu " qu'une appréciation officieuse ou préliminaire " attestée par l"agente des visas relativement aux faits en l"espèce est suffisante pour entrer dans le cadre des mots du juge Reed.

[15]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l"agente des visas qui fait l"objet du contrôle est annulée et la demande de résidence permanente au Canada du demandeur est renvoyée au défendeur pour qu"un autre agent des visas procède à un nouvel examen et rende une nouvelle décision.
[16]      L"avocat du demandeur n"a pas recommandé la certification d"une question. L"avocat du défendeur a demandé, se fondant sur l"ébauche des motifs, d"avoir la possibilité de présenter des observations relativement à la certification. Je ne suis pas convaincu que cette affaire soulève une question d"importance générale qui n"a pas déjà été réglée par la Cour d"appel ou la présente Cour. Aucune question n"est certifiée.

(Signé) Frederick E. Gibson

Juge

Le 30 septembre 1999

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme

Philippe Méla






SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  IMM-216-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          XIAOMING ZHANG

                         c.

                         M.C.I.

LIEU DE L"AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
DATE DE L"AUDIENCE :              LE 27 SEPTEMBRE 1999
MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR :      MONSIEUR LE JUGE GIBSON
EN DATE DU :                  MERCREDI 30 SEPTEMBRE 1999

ONT COMPARU :                     

M. DENNIS TANACK              POUR LE DEMANDEUR

M. MARK SHERDOWN              POUR LE DÉFENDEUR

            

            

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     
DENNIS TANACK                  POUR LE DEMANDEUR

AVOCATS                             

VANCOUVER (C.-B.)

                            

M. MORRIS ROSENBERG         
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL          POUR LE DÉFENDEUR

DU CANADA                             

                            

                            

__________________

1      (1991), 12 Imm. L.R. (2d) 185 (C.A.F.).

2      (1998), 150 F.T.R. 158.

3      Voir les commentaires du juge Evans, que j"interprète comme ayant la même portée, dans l"arrêt Adami c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), [1999] A.C.F. no 669 (Q.L.), (C.F. 1re inst.).

4      [1999] A.C.F. no 1402 (Q.L.), (C.F. 1re inst.).

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