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Date : 20011102

Dossier : IMM-6455-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1199

ENTRE :

                                                                     BABAR NASIM

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                 La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'était pas réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Voici en quels termes la Commission a résumé les allégations de fait.

[3]                 Le demandeur est un citoyen du Pakistan âgé de 29 ans. Tous les membres de sa famille, y compris sa femme et sa fille, vivent à Chakwal, au Pendjab. Le demandeur travaille dans l'entreprise familiale, qui vend et distribue des produits pharmaceutiques.


[4]                 Alors qu'il était étudiant, le demandeur est devenu membre de la Fédération des étudiants musulmans, qui est affiliée à la Ligue musulmane du Pakistan (PML). Il a été président de la section locale pendant deux ans. Le demandeur a participé activement aux élections de 1988 et de 1990. Il a quitté l'école en 1990 et a joué un rôle actif au sein de l'aile jeunesse de la PML. Il a été élu président de l'aile jeunesse pour la ville de Chakwal en 1990 et pour le district de Chakwal en 1991.

[5]                 Le demandeur a rejoint les rangs de la PML en mars 1992 et a travaillé pour le candidat du parti lors des élections de 1993. Au cours de cette campagne électorale, le major-général à la retraite Tajamal Hussain Malik, candidat du Front islamique du Pakistan, a exercé des pressions sur le demandeur et sur les membres de sa famille pour qu'ils quittent la PML et qu'ils lui accordent son appui lors de la campagne électorale. Suivant le demandeur, le major-général Malik est un homme puissant qui exerce une grande influence au sein de l'armée. Il a deux fils et d'autres proches parents qui sont des militaires.


[6]                 Le demandeur a été désigné comme responsable régional de la campagne électorale de 1997. Au cours de cette campagne, le major-général Malik appuyait un candidat rival. La PML a remporté les élections. En 1998, des élections municipales ont eu lieu. L'oncle du demandeur, Chaudhary Muhammad Mushtaq, était le candidat qui avait l'appui de la PML, tandis que le major-général Malik soutenait son rival. Le demandeur soutient que le major-général Malik l'a prévenu qu'il s'exposait à de graves conséquences s'il ne mettait pas un terme à sa campagne contre le candidat du major-général Malik. L'oncle du demandeur a remporté les élections dans son district.

[7]                 Il y a eu un coup d'État militaire le 12 octobre 1999 et la loi martiale a été décrétée. Le demandeur affirme qu'à la suite de ce coup d'État, les dirigeants de la PML, dont son oncle, ont été emprisonnés, et que le major-général Malik a recommencé à le harceler.

[8]                 Le demandeur a, avec quelques-uns de ses collègues, organisé une manifestation contre la loi martiale le 13 octobre 2000. Au cours de cette manifestation, le demandeur a prononcé un discours dans lequel il réclamait le rétablissement du gouvernement de la PML. Ce rassemblement a été interrompu par la police et par certains militaires qui ont commencé à arrêter des gens. Le demandeur s'est enfui et est allé se cacher chez un ami. Plus tard ce soir-là, des policiers se sont rendus au domicile du demandeur, où ils ont arrêté son frère, qu'ils ont ensuite relâché.


[9]                 L'avocat du demandeur a informé celui-ci que des accusations avaient été portées contre lui et quatre autres personnes et qu'il valait mieux pour lui de quitter le pays. En conséquence, le demandeur est allé s'installer chez un ami à Peshawar. Après avoir obtenu un faux passeport d'un passeur avec qui son hôte été entré en contact, le demandeur a quitté le pays le 19 octobre 1999. Il est arrivé le lendemain au Canada, où il a revendiqué sur-le-champ le statut de réfugié. Depuis son arrivée au Canada, la police a effectué trois descentes dans la maison familiale et son oncle est toujours incarcéré.

[10]            La Commission a conclu que le demandeur manquait de crédibilité et qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour l'amener à croire que, s'il retournait dans son pays d'origine, le demandeur s'exposerait à une possibilité sérieuse d'être persécuté.

[11]            Après avoir attentivement examiné la transcription des débats, bien que je convienne que la Commission a peut-être commis une erreur en ce qui concerne le moment de l'arrestation, cette erreur n'est pas essentielle à la conclusion qu'elle a tirée au sujet du manque de crédibilité du demandeur et elle n'est suffisamment grave pour justifier l'intervention de la Cour.

[12]            Le demandeur soutient en premier lieu que la Commission a commis une erreur parce qu'elle a mal formulé la réponse qu'il a donnée à la question qui lui avait été posée au sujet de la population de Chakwal. Le demandeur affirme qu'il a répondu que la région, et non la ville de Chakwal comptait entre 300 000 et 400 000 habitants. Je ne suis pas de cet avis. Voici le passage pertinent de la transcription des débats :

[TRADUCTION]

LE PRÉSIDENT (s'adressant au revendicateur) :

Q.            Vous vivez en ville?

R.            Oui.

Q.            Quelle ville?


R.            Chakwa (phonétique).

Q.             Bon. Vous dites que vous y vivez, pas seulement que vous y travaillez?

R.            Oui.

COMMISSAIRE (s'adressant au revendicateur) :

Q.             Quelle est la population de Chakwa?

R.            Trois ou quatre cent mille, je ne puis l'affirmer avec certitude.

                 Q.             O.K.

[13]            Le demandeur soutient en outre que la Commission a commis une erreur en déclarant qu'il était peu plausible que le bureau du parti ne garde aucun lien avec les membres du parti de Chakwal après le coup d'État. Lorsqu'on lui a demandé si les membres du parti avaient informé le bureau du parti de leur projet de manifestation, le demandeur a d'abord répondu qu'ils n'avaient pas été avertis. Il a ensuite modifier son témoignage pour dire qu'ils avaient communiqué avec le secrétaire général du district de Chakwal, qui avait approuvé leur projet. Le demandeur a donné une troisième version, dans laquelle il a affirmé que les membres avaient approuvé le projet de manifestation et qu'ils avaient reproché au secrétaire général de ne pas avoir participé à la réunion. Compte tenu des contradictions que comportait son témoignage, la Commission était en droit de conclure que le demandeur n'était pas digne de foi.


[14]            Le demandeur affirme que la conclusion de la Commission suivant laquelle il est peu plausible que le major-général à la retraite Malik cherche à se venger du demandeur est sans fondement. Là encore, bien que la Commission eusse pu en arriver à une conclusion différente, il m'est impossible de conclure que cette conclusion était déraisonnable.

[15]            La Commission a également déclaré qu'elle avait du mal à croire qu'en une telle période de crise, un procès-verbal de première dénonciation (PVPD) soit délivré aussi rapidement contre un membre du parti dont les activités politiques se bornaient à un petit village. La Commission a jugé incompréhensible que des PVPD puissent être délivrés contre les trois autres personnes qui avaient pris la parole lors de la manifestation mais qu'il n'en soit délivré aucun contre les personnes qui ont été arrêtées. Là encore, ces inférences ne sont pas déraisonnables au point de justifier l'intervention de la Cour.

[16]            Le demandeur fait également valoir que la Commission a commis une erreur parce qu'elle a tenu compte des agissements du demandeur au point d'entrée. Dans les notes qu'il a prises au point d'entrée, le demandeur a déclaré qu'il n'était pas recherché par l'armée ou par la police. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer cette contradiction, le demandeur a répondu que le passeur qui lui avait permis de venir au Canada lui avait conseillé de ne pas en parler lorsqu'il revendiquerait le statut de réfugié. La Commission a estimé qu'une pareille naïveté n'était pas crédible. Il est de jurisprudence constante que la Commission peut tenir compte des agissements du revendicateur au point d'entrée.

[17]            Finalement, le demandeur affirme que les doutes formulés par la Commission au sujet de la preuve documentaire sont sans fondement. Je ne suis pas de cet avis. En ce qui concerne l'adresse du demandeur, la Commission a fait remarquer que le PVPD était le seul document qui indiquait que le demandeur était domicilié à Chakwal. La Commission a estimé que les explications du demandeur étaient confuses et contradictoires à ce sujet. La Commission a également déclaré qu'elle n'arrivait pas à comprendre la pertinence de la carte d'identité des Forces de Nawaz Sharif que le demandeur avait produite. La Commission s'est dite d'avis que le demandeur avait produit cette carte à défaut de carte du PML. Finalement, le manque de crédibilité du demandeur, ajouté au fait qu'il est notoire qu'il est facile de produire de faux documents pakistanais, ont amené la Commission à n'accorder aucune valeur probante aux éléments de preuve documentaire soumis par le demandeur à l'appui de ses allégations. Ces conclusions reposaient sur la preuve et il était loisible à la Commission de les tirer.

[18]            Pour tous ces motifs, je conclus que le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la Commission a commis une erreur qui justifierait la Cour de modifier sa décision. L'erreur mineure qu'elle a commise n'est pas suffisamment grave pour justifier l'intervention de la Cour. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    « Danièle Tremblay-Lamer »

JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 novembre 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a.,LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                   IMM-6455-00

  

INTITULÉ :                              BABAR NASIM c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

  

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :    31 octobre 2001

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :           2 novembre 2001

   

COMPARUTIONS :

Me Eleanor K. Comeau                                                    POUR LE DEMANDEUR

  

Me Jocelyne Murphy                                                          POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Eleanor K. Comeau                                                    POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Me Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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