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                                                                                                                                  Date: 20010614

                                                                                                                            Dossier: T-1065-98

                                                                                                    Référence neutre: 2001 CFPI 637

ENTRE:

                                                            CHIC OPTIC INC. et

                                                         CONTOUR OPTIK INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                          - et -

                                    HAKIM OPTICAL LABORATORY LIMITED et

                                                               KARIM HAKIMI

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD


[1]         Les demanderesses prient la Cour de rendre, sous le régime de la règle 467 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (les Règles), une ordonnance enjoignant à Hakim Optical Laboratory Limited (la défenderesse) ainsi qu'à M. Karim Hakimi personnellement (le défendeur proposé) de justifier pourquoi ils ne devraient pas être condamnés pour outrage au tribunal en vertu de l'alinéa 466b) des Règles. Les demanderesses veulent subsidiairement obtenir une ordonnance les autorisant à modifier leurs actes de procédure pour ajouter M. Hakimi en qualité de codéfendeur.

[2]         Le 12 août 1999, Madame le juge McGillis a rendu, sur consentement des parties aux présentes, l'ordonnance suivante (l'ordonnance) :

[TRADUCTION]

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.              Il est interdit à la défenderesse Hakim Optical Laboratory Limited, à ses dirigeants, préposés et mandataires et à toute personne sur qui elle exerce un contrôle d'importer, de transporter, de fabriquer, d'utiliser, de vendre, d'annoncer ou d'offrir en vente des articles de lunetterie contrefaisant les revendications du brevet canadien no 2,180,714.

2.              La défenderesse Hakim Optical Laboratory Limited doit sans délai détruire tous les articles de lunetterie contrefaisant les revendications du brevet canadien no 2,180,714 qui sont en sa possession ou sous son contrôle.

3.              Le greffier de la Cour doit remettre sans délai à la demanderesse Chic Optic Inc. la somme de 20 000 $ (plus les intérêts courus), payable à McCarthy Tétrault, en fiducie, à titre de cautionnement pour frais déposé par la demanderesse relativement à la présente action.

[3]         Selon les Règles, la première étape d'une instance en outrage au tribunal consiste à demander à la Cour d'ordonner à la personne accusée d'outrage de se justifier conformément à la procédure suivante :



467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu'une personne puisse être reconnue coupable d'outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d'une personne ayant un intérêt dans l'instance ou sur l'initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

b) d'être prête à entendre la preuve de l'acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

c) d'être prête à présenter une défense.

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l'ordonnance visée au paragraphe (1).

(3) La Cour peut rendre l'ordonnance visée au para-graphe (1) si elle est d'avis qu'il existe une preuve prima facie de l'outrage reproché.

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l'ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l'appui sont signifiés à personne.

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.


Les Règles définissent ainsi l' « outrage au tribunal » :


466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d'outrage au tribunal quiconque :

a) étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l'instance;

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

c) agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour;

d) étant un fonctionnaire de la Cour, n'accomplit pas ses fonctions;

e) étant un shérif ou un huissier, n'exécute pas immédiatement un bref ou ne dresse pas le procès-verbal d'exécution, ou enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine.

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

(a) at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding;

(b) disobeys a process or order of the Court;

(c) acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court;

(d) is an officer of the Court and fails to perform his or her duty; or

(e) is a sheriff or bailiff and does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes a rule the contravention of which renders the sheriff or bailiff liable to a penalty.



[4]         C'est un principe de droit élémentaire que la Cour doit, pour décider de l'opportunité de rendre l'ordonnance de justification, déterminer si la requête du demandeur et les affidavits soumis à l'appui de celle-ci indiquent qu'il existe une preuve prima facie de l'outrage au tribunal, comme l'exige la règle 467. En l'espèce, la preuve factuelle doit établir, particulièrement, que l'intimée a désobéi à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour. La Cour prononce en effet l'ordonnance prévue lorsqu'il existe une preuve prima facie du refus intentionnel de se conformer à l'une de ses ordonnances (voir, par exemple, Imperial Chemical Industries PLC c. Apotex Inc. (1989), 26 F.T.R. 47, et Frank c. Bottle (1993) 65 F.T.R. 89).


[5]         En l'espèce, la preuve par affidavit présentée par les demanderesses renferme des allégations graves et détaillées selon lesquelles la défenderesse aurait, sur les conseils de son président (le défendeur proposé), délibérément élaboré un plan pour importer, transporter, vendre et offrir en vente les articles de lunetterie contrefaits et aurait en outre omis de détruire quelque mille articles de lunetterie contrefaits stockés dans ses entrepôts. Selon le déposant, Hussein Sumaida, ancien consultant de la défenderesse, le défendeur proposé avait convoqué une réunion vers la fin du mois de juillet ou le début du mois d'août 2000, à laquelle assistaient, en plus de MM. Hakimi et Sumaida, M. Tony Boni, directeur d'entrepôt de la défenderesse, M. Ricco Haras et divers gestionnaires de secteur de la défenderesse pour la région de Toronto, dont MM. Jeff Cockburn et Scott Rose, ainsi qu'une certaine Sarah. C'est au cours de cette réunion que M. Hakimi aurait expliqué aux participants le plan susmentionné. La défenderesse a répondu à ces graves allégations en tentant simplement d'attaquer la crédibilité de M. Sumaida, et le défendeur proposé s'est contenté de nier le témoignage de ce dernier après avoir expliqué ce qu'il avait fait pour éviter qu'il y ait contravention à l'ordonnance du juge McGillis. Personne d'autre, toutefois, ne nie avoir assisté à la réunion où le défendeur proposé aurait expliqué le plan élaboré pour enfreindre cette ordonnance. Au présent stade de l'instance, je ne puis, compte tenu de la gravité des allégations de M. Sumaida, que tirer une conclusion très défavorable du fait qu'aucun affidavit du directeur d'entrepôt ou des gestionnaires de secteur censés avoir assisté à la réunion n'a été déposé.

[6]         Dans ce contexte, la preuve des demanderesses relative à l'utilisation par la défenderesse de quelque sept articles de lunetterie contrefaits, en contravention avec l'ordonnance du juge McGillis, prend beaucoup plus de relief et d'importance.

[7]         Par conséquent, j'estime qu'il existe, à ce stade, une preuve prima facie selon laquelle la défenderesse et le défendeur proposé auraient tous deux commis un outrage au tribunal.

[8]         Comme je suis d'avis que la présente affaire ne pourrait connaître de règlement complet et efficace sans que M. Hakimi ne soit partie personnellement à l'action, je conclus qu'il convient de l'ajouter comme défendeur sous le régime de la règle 104(1)b). Compte tenu de la preuve prima facie établissant qu'il a participé personnellement à la contravention de l'ordonnance, il n'est certainement pas manifeste et évident que les demanderesses n'auraient pas gain de cause contre lui (voir Norac Systems International Inc. c. Prairie Systems and Equip. Ltd. (1997), 72 C.P.R. (3d) 303 (C.F. 1re inst.). Il est dans l'intérêt de la justice que M. Hakimi soit lié par la décision rendue (voir Stevens c. Parker, J. (1998), 228 N.R. 133 (C.A.F.).


[9]         Pour les motifs exposés ci-dessus, je suis d'avis d'accueillir la requête des demanderesses visant la tenue d'une audience de justification, de constituer le président de la défenderesse, M. Karim Hakimi, partie défenderesse en sa qualité personnelle et d'ordonner que les défendeurs Hakim Optical Laboratory Limited et Karim Hakimi comparaissent devant la Cour fédérale du Canada à la séance d'audition des requêtes à Montréal (Québec), le lundi 30 juillet 2001 à 9 h 30 pour y entendre la preuve des actes suivants, que la défenderesse Karim Optical Laboratory Limited aurait commis par suite des directives ou des ordres du défendeur Karim Hakimi et dont ils sont accusés, et pour y faire valoir les moyens de défense qu'ils peuvent invoquer pour éviter d'être reconnus coupables d'outrage au tribunal et punis en vertu de la règle 472 :

(a)         avoir sciemment et intentionnellement importé, transporté, utilisé, annoncé, offert en vente et vendu des articles de lunetterie contrefaisant le brevet canadien des demanderesses no 2,180,714 (le brevet);

(b)         avoir sciemment et intentionnellement omis de détruire les articles de lunetterie contrefaisant le brevet;

(c)         avoir sciemment, intentionnellement et avec négligence omis de mettre en place les mesures nécessaires pour veiller à ce que ses dirigeants, préposés et mandataires ainsi que les personnes sur lesquelles elle exerce un contrôle ou une autorité respectent l'ordonnance;

(d)         avoir à dessein, sciemment et intentionnellement élaboré et exécuté un plan afin de désobéir à l'ordonnance;


(e)         avoir sciemment et intentionnellement distribué de façon clandestine à la totalité ou à une partie de ses magasins de la région métropolitaine de Toronto des articles de lunetterie contrefaisant le brevet - nouvelles commandes ou articles non détruits, en contravention de l'ordonnance -, en tentant délibérément de ne pas être découverte;

(f)          avoir sciemment et intentionnellement ordonné à la totalité ou à une partie de ses magasins de la région métropolitaine de Toronto de prendre des mesures particulières pour exposer clandestinement et pour offrir discrètement en vente des articles de lunetterie contrefaisant le brevet.

[10]       Si une partie intéressée est d'avis que l'audition susmentionnée excédera vraisemblablement deux heures, elle peut, dans les vingt jours suivant la date de la présente ordonnance, présenter une requête fondée sur la règle 35 pour que soit fixés la date, l'heure et le lieu de la séance où un juge de la Section de première instance entendra l'affaire.

[11]       Dépens à suivre.

             Yvon Pinard                   

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 14 juin 2001

Traduction certifiée conforme

                                    

Ghislaine Poitras, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                           T-1065-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         CHIC OPTIC INC. et CONTOUR OPTIK INC. c.

HAKIM OPTICAL LABORATORY LIMITED et                                                                  KARIM HAKIMI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 31 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU juge Pinard en date du 14 juin 2001

ONT COMPARU:

M. Daniel Artola

M. Laurent Debrun                                            POUR LES DEMANDERESSES

M. Mark K. Evans                                            POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

McCarthy Tétrault                                             POUR LES DEMANDERESSES

Montréal (Québec)

Smart & Biggar                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Toronto (Ontario)


                                                                                                                                  Date: 20010614

                                                                                                                            Dossier: T-1065-98

Ottawa (Ontario) le 14 juin 2001

En présence de Monsieur le juge Pinard

ENTRE:

                                                            CHIC OPTIC INC. et

                                                         CONTOUR OPTIK INC.

                                                                                                                                  demanderesses

                                                                          - et -

                                    HAKIM OPTICAL LABORATORY LIMITED et

                                                               KARIM HAKIMI

                                                                                                                                          défendeurs

                                                                ORDONNANCE


La requête des demanderesses visant la tenue d'une audience de justification est accueillie. Le président de la défenderesse Hakim Optical Laboratory Limited, M. Karim Hakimi, est constitué partie défenderesse en l'instance, en sa qualité personnelle. La Cour ordonne que les défendeurs comparaissent devant la Cour fédérale du Canada à la séance d'audition des requêtes à Montréal (Québec), le lundi 30 juillet 2001 à 9 h 30 pour y entendre la preuve des actes suivants, que la défenderesse Karim Optical Laboratory Limited aurait commis par suite des directives ou des ordres du défendeur Karim Hakimi et dont ils sont accusés, et pour y faire valoir les moyens de défense qu'ils peuvent invoquer pour éviter d'être reconnus coupables d'outrage au tribunal et punis en vertu de la règle 472 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 :

(a)         avoir sciemment et intentionnellement importé, transporté, utilisé, annoncé, offert en vente et vendu des articles de lunetterie contrefaisant le brevet canadien des demanderesses no 2,180,714 (le brevet);

(b)         avoir sciemment et intentionnellement omis de détruire les articles de lunetterie contrefaisant le brevet;

(c)         avoir sciemment, intentionnellement et avec négligence omis de mettre en place les mesures nécessaires pour veiller à ce que ses dirigeants, préposés et mandataires ainsi que les personnes sur lesquelles elle exerce un contrôle ou une autorité respectent les prescriptions de l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 12 août 1999;

(d)         avoir à dessein, sciemment et intentionnellement élaboré et exécuté un plan afin de désobéir à l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 12 août 1999;

(e)         avoir sciemment et intentionnellement distribué de façon clandestine à la totalité ou à une partie de ses magasins de la région métropolitaine de Toronto des articles de lunetterie contrefaisant le brevet - nouvelles commandes ou articles non détruits, en contravention de l'ordonnance rendue par Madame le juge McGillis le 12 août 1999 -, en tentant délibérément de ne pas être découverte;


(f)          avoir sciemment et intentionnellement ordonné à la totalité ou à une partie de ses magasins de la région métropolitaine de Toronto de prendre des mesures particulières pour exposer clandestinement et pour offrir discrètement en vente des articles de lunetterie contrefaisant le brevet.

Si une partie intéressée est d'avis que l'audition susmentionnée excédera vraisemblablement deux heures, elle peut, dans les vingt jours suivant la présente ordonnance, présenter une requête fondée sur la règle 35 pour que soit fixés la date, l'heure et le lieu de la séance où un juge de la Section de première instance entendra l'affaire.

Dépens à suivre.

            Yvon Pinard                   

Juge

Traduction certifiée conforme

                                    

Ghislaine Poitras, LL.L.

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