Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Date: 20000407


Dossier: IMM-6501-98



ENTRE :

     CHANDRAKUMARI ARUMUGAM

     demanderesse

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX


INTRODUCTION


[1]      Chandrakumari Arumugam (la demanderesse) sollicite, en vertu de l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. (1985), ch. F-7, le contrôle d"une décision en date du 4 novembre 1998 signée par B. Marshen, conseiller en immigration au Haut-commissariat du Canada, à New Delhi (le HCC), laquelle a été confirmée le 11 novembre 1998 par William Marshall, second secrétaire au HCC (l"agent des visas); cette décision rejetait la demande que la demanderesse avait présentée en vue d"être admise au Canada en qualité d"aide familial résidant pour le motif que la demanderesse ne répondait pas aux conditions nécessaires en vertu du Programme concernant les aides familiaux résidants, telles qu"elles sont énoncées au paragraphe 20(1.1) du Règlement sur l"immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

[2]      Plus précisément, le refus était fondé sur deux motifs. En premier lieu, la demanderesse ne répondait pas aux conditions énoncées à l"alinéa 20(1.1)b ). Le paragraphe 20(1.1) se lit comme suit :

(1.1) An immigration officer shall not issue an employment authorization to any person who seeks admission to Canada as a live-in caregiver unless the person

     (a) has successfully completed a course of study that is equivalent to successful completion of Canadian secondary school;
     (b) has the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the employment authorization is sought, namely,
         (i) successful completion of six months of full-time training in a classroom setting, as part of the course of study referred to in paragraph (a) or otherwise, or
         (ii) completion of one year of full-time paid employment, including at least six months of continuous employment with one employer, in that field or occupation within the three years immediately prior to the day on which the person submits an application for an employment authorization to a visa office;
     (c) has the ability to speak, read and understand English or French at a level sufficient to communicate effectively in an unsupervised setting.

     [emphasis mine]

1.1) L'agent d'immigration ne peut délivrer une autorisation d'emploi à une personne qui veut être admise au Canada en qualité d'aide familial résidant, à moins qu'elle ne réponde aux conditions suivantes :

     a) avoir terminé avec succès des études d'un niveau équivalent à des études secondaires terminées avec succès au Canada;
     b) avoir la formation ou l'expérience suivantes dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié à l'emploi pour lequel une autorisation d'emploi est demandée :
         (i) une formation à plein temps de six mois, terminée avec succès, qui a été dispensée dans une salle de classe, que ce soit dans le cadre des études visées à l'alinéa a) ou autrement,
         (ii) une année d'emploi rémunéré à temps plein"dont au moins six mois d'emploi continu auprès d'un seul employeur"dans ce domaine ou cette catégorie d'emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de sa demande d'autorisation d'emploi à un bureau des visas;
     c) pouvoir parler, lire et comprendre l'anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée.

     [Je souligne.]

[3]      En particulier, l"agent des visas affirme que la demanderesse n"avait pas une formation à plein temps de six mois ou qu"elle n"avait pas l"expérience requise, à savoir une année d"emploi rémunéré à temps plein, dont au moins six mois d"emploi continu dans le domaine ou la catégorie d"emploi au cours des trois années précédentes.

[4]      Le second motif de refus était fondé sur le fait que la demanderesse n"avait pas réussi à convaincre l"agent des visas qu"elle était un " visiteur " au sens de l"article 2 de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2. Pour les motifs énoncés ci-dessous, je n"ai pas à examiner cette question.

LES FAITS

[5]      Le 1er septembre 1998, la demanderesse a présenté une demande en vue d"obtenir un visa l"autorisant à entrer temporairement au Canada (le visa de visiteur) afin d"exercer un [TRADUCTION] " emploi de bonne d"enfants résidante ". Avant que la demanderesse eut présenté sa demande, Ressources humaines Canada avait, par une lettre en date du 27 juillet 1998, validé une offre temporaire d"emploi qui avait été faite par M. et Mme Pereira.

[6]      Le 10 août 1998, les Pereira ont écrit au HCC pour faire savoir qu"ils avaient choisi la demanderesse en vue d"un emploi d"aide familial [TRADUCTION] " pour [leurs] parents et pour [leurs] enfants, âgés de 4 et de 2 ans ", comme le confirme l"offre d"emploi qui a été faite à la demanderesse le 31 juillet 1998, dont une copie a été transmise au HCC, à New Delhi.

[7]      Le 22 octobre 1998, le HCC a envoyé à la demanderesse une lettre pour l"informer qu"une entrevue était nécessaire et qu"elle devait apporter [TRADUCTION] " une preuve de l"emploi exercé à l"heure actuelle, ses certificats d"études et les documents, lettres ou certificats faisant état de son expérience passée et actuelle ".

[8]      Le dossier certifié du tribunal renferme les documents suivants, que la demanderesse a fournis à la suite de la demande que le HCC lui avait faite :

     a)      Une lettre en date du 3 juillet 1997, de Mutual Holiday Travel, à Colombo, Sri Lanka, qui se lit comme suit :
[TRADUCTION]
La présente vise à attester que Mademoiselle Chandrakumari Arumugam a travaillé pour l"agence comme commis comptable du 1er janvier au 30 avril 1996. [...]
     b)      Une lettre en date du 25 juillet 1997 du secrétaire du Centre pour personnes âgées, à Batticaloa, qui était ainsi libellée :
[TRADUCTION]
C"est avec plaisir que nous remettons ce certificat à Mademoiselle Chandrakumari Arumugam, qui a terminé le cours d"apprentissage et a travaillé au Centre pour personnes âgées comme aide familiale bénévole du mois de janvier 1900 au mois de novembre 1995.

[9]      Des représentants du HCC ont eu une entrevue avec la demanderesse le 4 novembre 1998. Les notes figurant dans le CAIPS font état des questions et réponses suivantes :

[TRADUCTION]
Que faites-vous? Ne travaille pas.
À quel moment avez-vous exercé votre dernier emploi et que faisiez-vous? À Sri Lanka, j"ai travaillé pendant quatre mois comme aide de bureau dans une agence de voyage, à Colombo, en 1996.
Et auparavant? J"ai travaillé dans un orphelinat comme aide familial du mois de décembre 1990 jusqu"en 1995.
Quel genre de cours d"apprentissage avez-vous suivi? Aucune réponse (il faut en outre noter que selon la lettre de l"ancien employeur, la demanderesse a fait une demande en vue de suivre le cours, mais la demanderesse n"a rien pu dire au sujet du cours [...] Il faut également noter que les questions ont été posées à plusieurs reprises à la demanderesse).
Avez-vous reçu une formation ou obtenu un diplôme à titre d"aide familial? Non... Je suis seule, Douglas Pereira et sa famille sont tout pour moi... mes parents sont morts... j"étais leur seule enfant.
Quelles sont vos compétences? J"ai effectué ma dixième année, relevé de notes joint.
Quelles étaient vos tâches à titre d"aide familial? Je faisais le lavage, je préparais les repas et je donnais à manger aux orphelins, aux gens âgés, pas les enfants.
Quelles seraient vos tâches au Canada à titre d"aide familial? Les parents de mes parrains sont âgés, ils ont deux enfants... Une fillette de 4 ans et un fils de 2 ans.
Quel mets savez-vous préparer? Des nouilles, des sandwichs, des potages.
Que feriez-vous en cas d"urgence au Canada? J"appellerais Douglas Pereira (il importe de noter que les questions ont été répétées trois fois).

[10]      Le préposé à l"entrevue a ensuite inscrit ce qui suit :

[TRADUCTION]
La demanderesse n"a pas l"expérience voulue à titre d"aide familial; elle affirme avoir travaillé comme aide familial auprès de personnes âgées, plutôt que de jeunes enfants, comment s"occupera-t-elle des deux jeunes enfants des parrains au Canada, la lettre de son ancien employeur (le centre pour personnes âgées) semble douteuse puisqu"elle date du mois de juillet 1997 alors que la demanderesse a quitté son emploi en 1995. Par la suite, la demanderesse a exercé un emploi d"aide de bureau plutôt que d"aide familial. De plus, il semble qu"elle ne pourrait pas répondre à une urgence au Canada (voir ci-dessus). C"est une jeune célibataire qui n"a pas de famille, qui vit seule ici ... à l"heure actuelle, elle est en chômage... Cela semble douteux. Il semble qu"elle ne satisfasse pas aux exigences de l"emploi... il semble s"agir d"une offre de convenance. Refus recommandé.

[11]      Comme il en a été fait mention, on a refusé de délivrer un visa à la demanderesse ce jour-là (le 4 novembre 1998). Le 10 novembre 1998, la demanderesse s"est présentée à la réception du HCC pour demander une autre entrevue. Elle était en possession d"une lettre d"un avocat, au Canada. L"agent des visas lui a fait subir une deuxième entrevue. Après cette entrevue, l"agent des visas a notamment inscrit les notes suivantes dans le CAIPS :

[TRADUCTION]
Travaillez-vous? Pas de réponse.
Que faites-vous? Pas de réponse.
Avez-vous suivi des cours d"aide familial? Pas de réponse.
Vous avez travaillé comme bénévole dans un foyer de soins infirmiers? Oui.
Quelles étaient vos tâches? Je changeais les pansements, je lavais les patients, je les nourrissais, je faisais de la cuisine.
Avez-vous reçu une formation à cet endroit? Je préparais les aliments, j"arrangeais la salle à manger.
Savez-vous cuisiner? Je sais préparer des sandwichs et des nouilles.
Et les viandes? Oui, du poulet.
Quand avez-vous terminé vos études? La question a été répétée à maintes reprises. En 1972.
Qu"avez-vous fait entre 1972 et 1990, lorsque vous travailliez au foyer de soins infirmiers? Je restais à la maison.
Avez-vous déjà utilisé une cuisinière électrique, une cuisinière à gaz, un foyer micro-ondes? Une cuisinière à gaz.

[12]      Dans les notes qu"il a consignées dans le CAIPS, l"agent des visas a fait les observations suivantes :

[TRADUCTION]
La demanderesse n"a pas fait d"études régulières à titre d"aide familial. Elle a de l"expérience comme bénévole, mais ses tâches étaient fort limitées. Ses compétences, sur le plan des études ou de l"expérience, ont été acquises au foyer de soins infirmiers seulement. Sa connaissance de l"anglais est fort restreinte. La plupart des questions doivent être répétées trois ou quatre fois, et dans bien des cas, ses réponses ne sont absolument pas pertinentes ou elle ne répond pas. Je lui ai demandé si elle s"opposait à ce que je lui présente une mise en situation. Elle a répondu par la négative.

[13]      La " situation " et la réponse sont ci-après énoncées :

[TRADUCTION]
Si vous étiez le seul adulte à la maison avec les enfants (âgés de 4 et de 2 ans) et que l"un d"eux tombait dans l"escalier et était étendu par terre, blessé, au bas de l"escalier, que feriez-vous?
- Aucune réponse; la question a donc été répétée trois fois " les enfants vont rester dans leur chambre.
- Mais ils ont quitté leur chambre, et l"un d"eux est tombé.
- Longue hésitation (30 secondes)
- Que feriez-vous? " J"informerais le parrain.

[14]      L"agent des visas a inscrit les remarques additionnelles suivantes dans ses notes :

[TRADUCTION]
Il semble que la demanderesse n"ait personne en Inde ou à Sri Lanka. Les seuls membres de sa famille (quoique des parents éloignés) sont au Canada. Pendant l"entrevue, la demanderesse a même parfois désigné son parrain, au Canada, comme étant son tuteur. Il s"agit d"une situation malheureuse, mais l"appelante n"a pas les compétences voulues pour travailler comme aide familial résidant. La demanderesse ne satisfait pas aux critères du PAF et sa demande est donc encore une fois refusée. La lettre et le passeport ont été remis à l"entrevue.

[15]      Le parrain de la demanderesse et leur avocat ont de nouveau communiqué avec le HCC par télécopieur le 12 novembre 1998.

[16]      Les dernières notes consignées par l"agent des visas sont datées du 13 novembre 1998; elles sont ainsi libellées :

[TRADUCTION]
J"ai examiné l"affaire et j"en ai parlé avec le préposé qui a effectué la dernière entrevue. Je crois que nous avons donné toutes les chances possibles à la demanderesse et, même si je sympathise avec sa situation, elle ne satisfait pas aux critères du PAF; nous nous voyons donc obligés de refuser sa demande.

LES AFFIDAVITS QUI ONT ÉTÉ DÉPOSÉS DANS L"INSTANCE

     (1)      L"affidavit de Douglas Pereira

[17]      La demanderesse n"a pas déposé d"affidavit à l"appui de sa demande de contrôle judiciaire. Toutefois, l"affidavit de Douglas Pereira, le parrain, a été déposé; je le résume :

     (1)      La demanderesse avait soumis une preuve de formation et une preuve d"expérience à l"agent des visas, qui a eu tort de conclure qu"elle n"avait pas une formation à plein temps de six mois liée à l"emploi et qu"elle n"avait pas effectué une année d"emploi rémunéré à plein temps. L"agent des visas s"est fondé sur la lettre du Centre pour personnes âgées et sur la lettre non datée attestant que la demanderesse s"occupait d"enfants depuis 1996;
     (2)      À l"entrevue, l"agent des visas n"a pas posé de questions au sujet du statut de visiteur de la demanderesse;
     (3)      L"agent des visas avait une attitude hostile; la demanderesse a été bombardée de questions et n"a pas eu la possibilité de répondre.

     (2)      L"affidavit du défendeur

[18]      À la fin de son affidavit, le parrain déclare que l"agent des visas était de mauvaise foi en ne laissant pas la demanderesse le convaincre et en se fondant sur des faits qui n"existaient tout simplement pas afin de prendre une décision défavorable.

[19]      Dans ces procédures de contrôle judiciaire, le défendeur a déposé l"affidavit de l"agent des visas, William Marshall, qui a déclaré qu"une entrevue personnelle avait été organisée pour examiner la situation particulière de la demanderesse, y compris ses compétences et ses intentions en ce qui concerne son séjour au Canada. Il ajoute que la demanderesse a été interrogée le 4 novembre 1998 par Mme Madhu Philips, adjointe aux programmes à la Section du traitement des visiteurs, et que son dossier a ensuite été transmis à un agent du programme d"immigration, qui l"a examiné et qui a conclu que la demanderesse ne répondait pas aux conditions du Programme concernant les aides familiaux résidants et qu"elle n"était pas un " visiteur ".

[20]      Dans son affidavit, l"agent des visas déclare que le 10 novembre 1998, la demanderesse s"est présentée au HCC avec la lettre d"un avocat qui demandait un réexamen de la demande; il déclarait fondamentalement que l"entrevue avait été rouverte dans un esprit de justice parce qu"il n"avait pas effectué l"entrevue initiale. Il a ajouté que l"on avait informé la demanderesse de la façon appropriée du moment où les entrevues devaient avoir lieu et qu"on lui avait dit d"aller manger.

[21]      Après avoir interrogé la demanderesse, l"agent a conclu qu"elle ne répondait pas aux conditions applicables au programme.

ANALYSE

     Les dispositions législatives

[22]      Toute contestation de la décision de l"agent des visas doit tenir compte des dispositions législatives applicables figurant dans la Loi ainsi que de la disposition réglementaire précise applicable.

[23]      Eu égard à sa situation, la demanderesse est un visiteur au sens de la Loi. L"article 2 de la Loi définit ce terme comme suit :

"visitor" means a person who is lawfully in Canada, or seeks to come into Canada, for a temporary purpose, other than a person who is

(a) a Canadian citizen,

(b) a permanent resident,

(c) a person in possession of a permit, or

(d) an immigrant authorized to come into Canada pursuant to paragraph 14(2)(b), 23(1)(b).

"visiteur" Personne qui, à titre temporaire, se trouve légalement au Canada ou cherche à y entrer, à l'exclusion_:

a) des citoyens canadiens;

b) des résidents permanents;

c) des titulaires de permis;

d) des immigrants visés aux alinéas 14(2)b), 23(1)b) ou 32(3)b).



    

[24]      Le paragraphe 9(1) de la Loi prévoit d"une façon générale que les visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d"entrée canadien. Le paragraphe 9(1.2) prévoit que la personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l"agent des visas qu"elle n"est pas un immigrant. Le paragraphe 9(2.1) de la Loi prévoit que le cas du demandeur de visa de visiteur est apprécié par l"agent des visas.

[25]      Le paragraphe 9(3) de la Loi traite de l"obligation qui incombe au demandeur de répondre aux questions qui lui sont posées et de produire des pièces; il se lit comme suit :

9. (3) Every person shall answer truthfully all questions put to that person by a visa officer and shall produce such documentation as may be required by the visa officer for the purpose of establishing that his admission would not be contrary to this Act or the regulations.

9. (3) Toute personne doit répondre franchement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

[26]      Enfin, le paragraphe 9(4) prévoit que " l"agent des visas qui est convaincu que [...] le séjour au Canada du demandeur [...] ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier [...] un visa précisant [sa] qualité [...] de visiteur et attestant qu"à son avis, il satisf[ait] aux exigences de la présente loi et de ses règlements ".

[27]      En l"espèce, la demanderesse a présenté une demande en vue d"entrer au Canada afin de travailler comme aide familiale résidant. L"aide familiale résidant est défini au paragraphe 2(1) du Règlement :

"live-in caregiver" means a person who provides, without supervision, in a private household in Canada in which the person resides, child care, senior home support care or care of the disabled;

"aide familial résidant" Personne qui fournit sans supervision, dans une résidence privée située au Canada dans laquelle elle vit, des soins à domicile à un enfant, à une personne âgée ou à une personne handicapée.

[28]      Les articles 18 à 20 du Règlement renferment des règles précises aux fins de la délivrance d"autorisations d"emploi. Le paragraphe 20(1.1), tel qu"il a été noté et reproduit, se rapporte aux exigences auxquelles le demandeur doit satisfaire pour être admissible au Programme concernant les aides familiaux résidants.

[29]      Ces dispositions législatives et réglementaires, auxquelles viennent s"ajouter les principes de common law en matière d"équité, définissent les obligations mutuelles du demandeur et de l"agent des visas. Le demandeur est tenu de fournir tous les renseignements pertinents qui peuvent être utiles à sa demande; le demandeur doit se faire valoir du mieux qu"il le peut (voir Hajariwala c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) [1989] 2 C.F. 79, juge en chef adjoint Jérome). L"agent des visas doit mener l"entrevue d"une façon équitable et exercer son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur les principes pertinents.

[30]      L"exigence du Programme concernant les aides familiaux résidants énoncée au paragraphe 20(1.1) du Règlement a été examinée dans la décision Khusardeo c. Canada (Solliciteur général) (1995), Imm.L.R. (2d) 70, où mon collègue le juge Gibson a fait les remarques suivantes au sujet de l"obligation de l"agent des visas (paragraphe 4) :

[4]      D"après moi, rien ne permet de mettre en doute le fait que l'emploi offert à la requérante, c'est-à-dire un emploi de "garde d'enfant/bonne d'enfants logée", et que la requérante voulait venir occuper au Canada, était un emploi d'"aide familial résidant", bien que j'éprouve quelques difficultés devant le concept de "sans supervision" qui figure dans la définition de cette catégorie d'emploi. Cela dit, l'agent des visas a dû s'en tenir aux dispositions du paragraphe 20(1.1) du Règlement sur l'immigration. Elle ne pouvait que refuser le permis de travail si la requérante ne répondait pas aux conditions prévues à ce paragraphe. Or la requérante ne répondait effectivement pas aux conditions prévues.
     [Je souligne.]

    

[31]      Selon l"interprétation que je donne au paragraphe 20(1.1) du Règlement, la demanderesse devait satisfaire à chacune des exigences ci-après énoncées afin d"être admissible :

     (1)      avoir terminé des études d"un niveau équivalent à des études secondaires;
     (2)      avoir une formation en qualité d"aide familial à plein temps de six mois qui a été dispensée dans une salle de classe, que ce soit dans le cadre d"études secondaires ou autrement;
     (3)      au lieu d"avoir reçu une formation conforme aux exigences, la demanderesse pouvait être admise si elle avait une expérience suffisante, c"est-à-dire une année d"emploi rémunéré à plein temps, dont au moins six mois d"emploi continu auprès d"un seul employeur, dans le domaine au cours des trois années précédant la date de présentation de sa demande.

[32]      Le paragraphe 20(1.1) n"est pas en cause.


APPLICATION À LA PRÉSENTE ESPÈCE

     (1)      La question de l"équité

[33]      La demanderesse a soulevé plusieurs questions relatives à l"équité en ce qui concerne la façon dont l"entrevue a été menée et l"omission de l"agent des visas de faire connaître ses préoccupations ou de poser des questions en vue d"obtenir des précisions de façon qu"elle puisse apaiser pareilles préoccupations.

[34]      Comme il en a été fait mention, la demanderesse n"a pas présenté d"affidavit à l"appui des présentes procédures de contrôle judiciaire; c"est le parrain qui en a présenté un. Par contre, l"agent des visas, William Marshall, a présenté un affidavit sous serment et n"a pas été contre-interrogé à ce sujet. Invoquant la règle 81 des Règles de la Cour fédérale (1998) , le défendeur a affirmé qu"il ne fallait pas tenir compte de l"affidavit du parrain. Cette règle se lit comme suit :

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the personal knowledge of the deponent, except on motions in which statements as to the deponent's belief, with the grounds therefor, may be included.

(2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s'ils sont présentés à l'appui d'une requête, auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l'appui.

(2) Lorsqu'un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

[35]      L"argument du défendeur est retenu; la décision que la Cour d"appel fédérale a rendue dans l"affaire Moldevenau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1999), 235 N.R. 192 est déterminante. Cette affaire se rapportait au refus de l"agent des visas de faire droit à la demande que l"appelant avait présentée en vue de résider en permanence au Canada. La demande de contrôle judiciaire était uniquement étayée par un affidavit d"une personne qui travaillait comme technicien juridique dans le cabinet d"avocats représentant l"appelant. Le juge des requêtes avait radié l"affidavit; le juge d"appel Décary a confirmé sa décision en énonçant la question suivante (paragraphe [1]) :

[1]      Il s"agit de déterminer si, à l"occasion d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision d"un agent des visas, des faits qui ne ressortent pas du dossier et dont le demandeur a une connaissance personnelle peuvent être mis en preuve non pas par le demandeur mais au moyen d"un affidavit émanant d"une tierce personne qui n"a aucune connaissance personnelle de ces faits.

[36]      La règle 81 et l"exigence selon laquelle les affidavits doivent être fondés sur la connaissance personnelle découlent du fait que l"on cherche à connaître la vérité au sujet des faits substantiels. Pareils faits peuvent être établis au moyen du contre-interrogatoire d"un déclarant qui en a personnellement connaissance. Il ne s"agit pas du cas où la personne qui est contre-interrogée a fait état de faits dont elle n"a pas personnellement connaissance.

[37]      En l"espèce, la demanderesse n"a pas avancé de faits à l"appui des arguments qu"elle avait invoqués au sujet de la question de l"équité. Toutefois, l"agent des visas a présenté un affidavit en réponse, lequel était fondé sur les notes consignées dans le CAIPS et étayait la position du défendeur, à savoir que l"agent des visas avait agi de la façon appropriée. Pour ces motifs, l"argument fondé sur l"équité avancé par la demanderesse doit être rejeté.

     (2)      Les exigences du paragraphe 20(1.1) ont-elles été satisfaites?

[38]      La demanderesse était tenue d"établir qu"elle satisfait aux exigences énoncées au paragraphe 20(1.1), soit sur le plan de la formation, soit sur le plan de l"expérience.

[39]      Les exigences en matière de formation prévoient une formation à plein temps de six mois qui a été dispensée dans une salle de classe d"un niveau équivalent à des études secondaires au Canada ou autrement.

[40]      L"avocate de la demanderesse affirme que lorsque sa cliente fréquentait l"école, elle avait terminé avec succès un cours de sciences ménagères et un cours de sciences de la santé. Elle a soutenu que la Cour pouvait (ou devait) inférer que sa cliente avait effectué une formation de six mois dispensée dans une salle de classe. Je ne puis retenir cet argument. Le respect des exigences en matière de formation n"est pas une question d"inférence, mais un fait que la demanderesse devait établir devant l"agent des visas. Or, la demanderesse ne l"a pas fait. L"agent des visas lui a directement demandé si elle avait reçu une formation ou un diplôme d"aide familial, et la demanderesse a répondu par la négative.

[41]      Subsidiairement, la demanderesse soutient qu"elle a reçu une formation à plein temps autrement que dans une salle de classe, principalement au Centre pour personnes âgées. Son avocate signale la lettre du Centre du 25 juillet 1997, selon laquelle la demanderesse avait [TRADUCTION] " terminé le cours d"apprentissage et travaillé au Centre pour personnes âgées comme aide familial bénévole du mois de janvier 1990 au mois de novembre 1995 ".

[42]      Au cours de l"entrevue du 4 novembre 1998, le préposé a directement demandé à la demanderesse quel genre de cours d"apprentissage elle avait suivi. Les notes que le préposé a consignées dans le CAIPS disent ceci : [TRADUCTION] " Aucune réponse (il faut en outre noter que selon la lettre de l"ancien employeur la demanderesse a fait une demande en vue de suivre le cours, mais la demanderesse n"a rien pu dire au sujet du cours [...] Il faut également noter que les questions ont été posées à plusieurs reprises à la demanderesse) ". Au cours de l"entrevue du 11 novembre 1998, l"agent des visas a également abordé la question. Compte tenu des réponses données par la demanderesse, l"agent n"était pas convaincu que celle-ci avait reçu une formation régulière à plein temps de six mois. À mon avis, le dossier montre que l"agent des visas était fondé à tirer cette conclusion.

[43]      La demanderesse a soutenu qu"elle satisfaisait aux exigences relatives à l"expérience, soit, comme je l"ai déjà dit, un autre moyen d"être admissible. Elle a présenté sa demande le 1er septembre 1998. Selon le Règlement, elle devait établir qu"entre le 1er septembre 1995 et le 1er septembre 1998, elle avait exercé un emploi rémunéré d"aide familial à plein temps pendant un an. Elle ne pouvait pas établir qu"elle satisfaisait à cette exigence au moyen de la lettre du Centre pour personnes âgées parce que le Centre avait fait savoir qu"après le mois de novembre 1995, elle ne travaillait pas à cet endroit. Selon son relevé d"emploi, la demanderesse n"a pas acquis d"expérience en qualité d"aide familial par la suite. Cela étant, je n"ai pas à faire de remarques au sujet de la question de savoir si la demanderesse a démontré qu"elle avait exercé un emploi rémunéré à plein temps puisque, selon la lettre du Centre pour personnes âgées, elle travaillait à cet endroit comme bénévole.

[44]      La demanderesse a essayé d"établir qu"elle satisfaisait aux exigences, en ce qui concerne l"expérience, au moyen de la lettre non datée mentionnée dans l"affidavit de Douglas Pereira. Même si elle avait été produite au moyen d"un affidavit de la demanderesse, cette lettre ne pourrait pas être utilisée dans la présente instance parce que l"agent des visas n"était pas au courant de ce fait. (Voir Lemiecha et al. c. MEI (1993), 72 F.T.R. 49).

[45]      La décision de l"agent des visas a été contestée pour d"autres motifs, comme l"allégation selon laquelle l"agent avait interprété la preuve d"une façon erronée en omettant de tenir compte des parents âgés du parrain. Tous ces arguments ne changent rien aux conclusions cruciales que l"agent des visas a tirées.

[46]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n"est proposée aux fins de la certification et aucune question n"est certifiée.

     " François Lemieux "

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

LE 7 AVRIL 2000

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




Date: 20000407

Dossier: IMM-6501-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 7 AVRIL 2000

DEVANT :      MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

     CHANDRAKUMARI ARUMUGAM

     demanderesse

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur

     ORDONNANCE

     Pour les motifs qui sont ici énoncés, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n"est proposée aux fins de la certification et aucune question n"est certifiée.

     " François Lemieux "

    

                                         J U G E

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-6501-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Chandrakumari Arumugam
     et
     Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 1er décembre 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE du juge Lemieux en date du 7 avril 2000


ONT COMPARU :

Helen P. Luzius          POUR LA DEMANDERESSE

Ann Margaret Oberst          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Helen P. Luzius

Toronto (Ontario)          POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada      POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.