Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011124

Dossier : T-1020-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1431

ENTRE :

                                  CONTOUR OPTIK INC. et CHIC OPTIC INC.

                                                                                                                               demanderesses

                                                                            et

                                                          E'LITE OPTIK, INC.

                                                                                                                                  défenderesse

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                 (rendus oralement à l'audience,

                                                    le mardi 18 décembre 2001)

LE JUGE LEMIEUX

[1]         La défenderesse a demandé, conformément à l'article 399(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), (les Règles), l'annulation du jugement par défaut ex parte que Monsieur le juge Blais avait rendu en faveur des demanderesses le 29 novembre 2001. J'ai accueilli la requête à l'audience pour les motifs qui sont ici énoncés par écrit.


[2]         Les demanderesses ont intenté une action en contrefaçon de brevet contre la défenderesse, une société américaine établie au Texas, au moyen d'une déclaration qui a été déposée devant la Cour le 11 juin 2001, laquelle a été signifiée à la défenderesse le 14 juin 2001. L'action se rapporte à des clips solaires magnétiques qui transforment les verres correcteurs en lunettes de soleil et qui sont visés par le brevet canadien 2233295 (le brevet 295).

[3]         L'article 399(1) est ainsi libellé :


399. (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l'une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue :

a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;

b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui n'a pas comparu par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis insuffisant de l'instance.

399. (1) On motion, the Court may set aside or vary an order that was made

(a) ex parte; or

(b) in the absence of a party who failed to appear by accident or mistake or by reason of insufficient notice of the proceeding,

if the party against whom the order is made discloses a prima facie case why the order should not have been made.


[4]         Le critère applicable à l'annulation d'un jugement par défaut ex parte a été énoncé par Monsieur le juge Lutfy (tel était alors son titre) dans la décision Tailor Made Golf Co. et al. c. 1110314 Ontario Inc., (s/n Selection Sales) (1998), 81 C.P.R. (3d) 237. Il s'agit d'un critère à trois volets, selon lequel la défenderesse doit convaincre la Cour que les trois parties du critère ont été satisfaites :

(1)        Premièrement, la défenderesse doit établir l'existence de « motifs impérieux » , d'une « excuse satisfaisante » ou d'une « explication raisonnable » en ce qui concerne l'omission de déposer sa défense;


(2)        Deuxièmement, la défenderesse doit demander sans tarder à la Cour d'annuler le jugement par défaut; et

(3)        Troisièmement, la défenderesse doit établir une défense prima facie.

[5]         Je conclus que la défenderesse a satisfait au critère requis.

(1)         Explication raisonnable

[6]         Premièrement, la défenderesse a réussi à me convaincre qu'elle a une explication raisonnable à offrir pour ne pas avoir déposé une défense dans les quarante jours de la signification. À mon avis, eu égard aux circonstances de l'affaire, il était raisonnable pour James Hamaker, chef de l'exploitation, de supposer que ses avocats canadiens auraient eu connaissance de la nouvelle action qui avait été intentée et qu'ils s'occuperaient de l'affaire pour lui. Or, comme nous le verrons, les avocats canadiens de M. Hamaker n'avaient pas connaissance de la présente action.

[7]         Les demanderesses, ou certaines d'entre elles, et la défenderesse se connaissent : elles ont engagé un certain nombre de poursuites judiciaires les unes contre les autres tant au Canada qu'aux États-Unis, et ce, qu'il s'agisse d'actions en contrefaçon d'une marque ou d'un brevet ou encore d'actions fondées sur une publicité mensongère.


[8]         Au Canada, David Chao, inventeur et titulaire du brevet canadien 2235917, a intenté contre la défenderesse devant la Cour, le 14 juin 2000, une action dans laquelle il alléguait que son brevet avait été contrefait. Il s'agit du dossier T-1045-00. La défenderesse a déposé une défense et une demande reconventionnelle; les mêmes avocats agissent dans cette action et dans la présente action.

[9]         Les mêmes parties et les mêmes avocats étaient en cause dans une action en contrefaçon de marque de commerce que Chic Optic Inc. avait intentée devant la Cour (dossier T-1064-00, déposé le 16 juin 2000). Cette instance a été rejetée par la Cour pour retard le 5 décembre 2001.

[10]       Le 12 juin 2001, dans le dossier T-1029-01, la défenderesse et sa société soeur E'lite Optik Canada Inc. ont intenté une action en matière de marques de commerce, dans laquelle il était allégué que les demanderesses dans la présente action avaient fait de la publicité mensongère. Les avocats des demanderesses et de la défenderesse étaient les mêmes que ceux qui agissent dans la présente action.


[11]       L'action, dans le dossier T-1029-01, a été intentée par l'avocat de la défenderesse après que l'avocat des demanderesses eut directement envoyé à la défenderesse au Texas, par télécopieur, une lettre datée du 4 juin 2001 dans laquelle il demandait des explications au sujet d'une annonce pleine page qui avait été publiée dans VM Vision le 7 mai 2001, laquelle renfermait, selon les demanderesses, de faux renseignements.

[12]       L'avocat de la défenderesse a répondu à l'avocat des demanderesses le 6 juin 2001; il demandait au bureau des demanderesses de ne pas communiquer directement avec sa cliente dans l'avenir.

[13]       L'avocat des demanderesses a répondu à la lettre de l'avocat de la défenderesse le 7 juin 2001. Il expliquait que la lettre du 4 juin 2001 étaient une lettre demandant des explications qui devait être adressée directement à sa cliente et qu'il s'agissait d'une affaire différente de l'affaire de contrefaçon de brevet dont le cabinet de la défenderesse s'occupait. L'avocat des demanderesses a ajouté que s'il y avait eu oubli de sa part, cela se rapportait au fait qu'il n'avait pas transmis au cabinet de l'avocat de la défenderesse au Canada, par courtoisie, une copie de la lettre.

[14]       Dans un affidavit déposé à l'appui de la requête que la défenderesse avait présentée en vue de faire annuler le jugement par défaut ex parte, James Hamaker a fourni l'excuse suivante :


[TRADUCTION] Si j'ai reçu la déclaration dans la présente instance, je crois comprendre que mon avocat canadien aurait également reçu une copie de la déclaration comme cela avait antérieurement été le cas aux États-Unis. Je savais également que mon avocat canadien avait demandé que l'avocat des demanderesses traite directement avec notre avocat canadien. [...] L'omission de fournir à mon avocat canadien la déclaration dans la présente instance serait attribuable à une inadvertance de ma part et de la part d'E'lite Optik Inc.

E'lite Optik s'est toujours vigoureusement défendue contre les poursuites engagées par Chic Optic Inc. et par Contour Optic Inc. au Canada et aux États-Unis et souhaite également se défendre dans la présente instance.

[15]       À mon avis, la défenderesse a expliqué d'une façon satisfaisante la raison pour laquelle elle n'avait pas déposé sa défense à temps. En égard aux circonstances, M. Hamaker pouvait avec raison croire que son avocat canadien était au courant de la nouvelle action, ce qui en fin de compte n'était pas le cas.

[16]       Les actions de la défenderesse dans d'autres litiges opposant les parties ici en cause étayent la chose. On ne saurait penser que la défenderesse n'aurait rien fait au sujet de la nouvelle action, si elle n'avait pas cru que ses avocats canadiens s'occupaient de l'affaire, comme il était raisonnable qu'elle le croie.

(2)        Mesures prises sans tarder

[17]       En ce qui concerne le deuxième volet du critère, je conclus que la défenderesse a pris des mesures sans tarder après avoir reçu signification, au début du mois de décembre, d'une copie du jugement par défaut. L'avocat des demanderesses n'a pas contesté la chose.


(3)        Défense prima facie

[18]       La défenderesse a établi l'existence d'une défense prima facie.

[19]       La défenderesse affirme que ses clips solaires ne constituent pas une contrefaçon du brevet 295, qui comporte quatre revendications.

[20]       Selon la défenderesse, la première revendication, une revendication indépendante, n'est pas contrefaite parce que son produit n'a pas d'élément magnétique sur la monture primaire.

[21]       En ce qui concerne la deuxième revendication, une autre revendication indépendante, la défenderesse affirme que son produit ne comporte pas une première attache fixée sur le pont de la monture primaire.

[22]       À mon avis, ces assertions, à ce stage peu avancé de l'affaire, sont suffisantes pour satisfaire au troisième volet du critère énoncé dans la décision Tailor Made.

[23]       Pour ces motifs, j'annule l'ordonnance du lundi 29 novembre 2001 par laquelle le juge Blais a rendu un jugement par défaut, les dépens de la requête devant suivre l'issue


de la cause. La défenderesse signifiera et déposera sa défense au plus tard le 7 janvier 2002.

                      « François Lemieux »           

            Juge

Ottawa (Ontario)

Le 24 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-1020-01

INTITULÉ :                                                        CONTOUR OPTIK INC. ET AL.

c. E'LITE OPTIK, INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                               OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 18 DÉCEMBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                    LE 24 DÉCEMBRE 2001

COMPARUTIONS:

JEAN CARRIÈRE                                                            POUR LES DEMANDERESSES

SCOTT MILLER                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

SHARON GRIFFIN

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

MENDELSOHN ROSENTZVEIG SHACTER            POUR LES DEMANDERESSES

MONTRÉAL

MARUSYK MILLER & SWAIN, LLP                         POUR LA DÉFENDERESSE

OTTAWA

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.