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Date : 20191125


Dossier : T-1802-18

Référence : 2019 CF 1503

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

JASON ZAK

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La présente demande concerne une décision qui met fin à l’ambition du demandeur de demeurer membre de la GRC. Pour les motifs exposés ci‑dessous, la décision est jugée raisonnable.

[2]  Le demandeur, un membre stagiaire de la GRC, a obtenu son diplôme de l’École de la GRC le 26 juin 2015. Il était considéré comme un bon cadet, mais était brusque et peu compatissant envers les autres cadets (dossier certifié du tribunal ou DCT, à la p. 198). Sa première affectation était dans le cadre d’une mission très exigeante dans le nord de la Saskatchewan. Dès le début, il a été confronté à un défi de taille. Ses supérieurs se préoccupaient très peu de lui, ce qui a donné lieu à un grave conflit. Il a surmonté cette difficulté, mais, en fin de compte, son rendement au travail n’a pas répondu aux attentes de la Gendarmerie, ce qui a finalement entraîné son rejet à titre de recrue. Le processus décisionnel menant à ce résultat fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]  Voici un résumé du parcours du demandeur.

[4]  Après avoir obtenu son diplôme de l’École de la GRC, le demandeur a été nommé membre de la GRC conformément à l’article 9.3 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R‑10 (la Loi sur la GRC), pour la période de stage de deux ans prévue dans les Consignes du commissaire (exigences d’emploi), DORS/2014-292.

[5]  Le demandeur a d’abord été déployé sur la colline du Parlement pendant deux mois à titre d’agent de sécurité. Il a ensuite été affecté à un petit détachement de Deschambault Lake, dans le nord de la Saskatchewan (détachement de DL), où il a commencé son programme de formation pratique le 31 août 2015. Au cours des deux premiers mois du programme de formation pratique, un conflit est survenu entre le demandeur et son moniteur. Ce dernier a été remplacé par un autre moniteur de formation pratique, qui est demeuré avec le demandeur pendant le reste du programme. Le programme a dû être prolongé de quatre mois, parce que les moniteurs n’avaient pas rempli et livré les documents requis et parce que le demandeur n’avait pas terminé un projet obligatoire, qui consistait à dénombrer les maisons de la collectivité en partenariat avec le chef et le conseil de bande.

[6]  En mai 2016, le détachement de DL a commencé à manquer de ressources : le commandant du détachement a été muté à l’extérieur, un gendarme a pris un congé de maladie de longue durée et un second gendarme a été muté en septembre. Entre mai et octobre 2016, des membres de l’équipe de secours de la Division « F » et des détachements avoisinants ont pourvu des postes d’enquêteur vacants, et d’autres membres ont été appelés en renfort pour exécuter diverses tâches, comme l’examen des dossiers. Le commandant de détachement a été remplacé en octobre 2016, et l’un des postes de gendarme vacants a été comblé en novembre 2016.

[7]  En juin 2016, le demandeur a été informé que sa carrière dans la GRC était menacée en raison des préoccupations que la direction avait à l’égard de divers aspects de son rendement et de son attitude. Cette menace a donné lieu à des mesures concrètes.

I.  Le processus décisionnel de la GRC

A.  La recommandation administrative

[8]  Le 8 février 2017, le demandeur a reçu une recommandation de licenciement. Le 15 février 2017, un avis d’intention de licencier un membre stagiaire a été signifié au demandeur. Le demandeur a présenté des observations écrites le 13 mars 2017. Le 15 mars 2017, un avis de nouveaux renseignements concernant les plaintes reçues du procureur de la Couronne local a été signifié au demandeur. Le demandeur a répondu aux nouveaux renseignements le 22 mars 2017.

B.  La décision de la direction prise au premier niveau

[9]  Conformément à l’article 13 des Consignes du commissaire (exigences d’emploi), un officier de la Division « F » a été chargé de prendre une décision au sujet de la recommandation de licencier le demandeur. Dans la décision de l’agent datée du 13 avril 2017, le demandeur a été licencié de la GRC dans un avis de licenciement en application du paragraphe 9.4 (1) de la Loi sur la GRC pour les motifs suivants :

[traduction]

 

En ce qui concerne l’exercice de vos fonctions dans son ensemble, bien que des problèmes aient été relevés et reconnus par votre premier moniteur, de nombreux efforts ont été déployés pour vous aider à vous améliorer et à réussir. Comme je l’ai dit, on vous a notamment offert une séance de mentorat et de l’aide de différents employés qui étaient des membres chevronnés et compétents. Ces employés vous ont notamment offert de la rétroaction verbale et écrite, une séance de mentorat, des rencontres, l’élaboration de plans de perfectionnement et un suivi constant et régulier. Il serait difficile d’affirmer que vos objectifs de rendement n’étaient pas clairs ou que vous n’en avez pas été informé. Malgré cette aide, vous n’avez pas réussi à démontrer que vous pouviez remplir les fonctions d’un enquêteur de première ligne d’une manière constante. Bien qu’à certains moments, votre travail était rigoureux et conforme à ce qui était attendu, vous n’avez pas répondu aux attentes à de nombreuses occasions. Au final, ce défaut a eu une incidence négative sur votre aptitude à être un membre de première ligne de la GRC, car il vous incombe à vous de démontrer en tout temps que vous êtes apte.

En ce qui concerne votre capacité de satisfaire aux exigences de l’emploi, y compris celles liées à la charge de travail, malgré le fait que vous travailliez dans un détachement occupé, vous n’avez pas démontré de façon constante que vous étiez capable de gérer votre travail. À cet égard, vous avez reçu des directives et du soutien sur les progrès que vous deviez faire pour perfectionner vos habiletés de mener des enquêtes, que tout membre des services généraux doit avoir. Dans bien des cas, vous avez choisi de ne pas suivre ces directives ou de faire fi du soutien que vous était fourni. Dans certains cas, vous avez choisi d’exécuter des tâches et des activités que vous estimiez plus importantes, malgré les directives contraires de votre commandant de détachement. Vous avez indiqué que vous n’aviez pas reçu de formation en gestion du temps, mais vous n’avez pas expliqué en quoi cela vous aurait aidé davantage que les conseils précis et les directives qui vous avaient été donnés pour vous aider à gérer votre charge de travail. Vous avez l’obligation de préciser dans quels aspects de votre travail vous avez besoin d’aide, ce que vous n’avez pas fait. Dans l’ensemble, vous n’avez pas démontré de façon constante que vous étiez en mesure d’accomplir les tâches requises et de gérer la charge de travail d’une manière à laquelle on s’attendait de vous.

En ce qui concerne votre capacité de vous conformer aux politiques, procédures et pratiques établies ainsi qu’au code de déontologie, vous n’avez pas démontré de façon constante un niveau de connaissance acceptable des obligations d’un membre de la GRC. Le membre de la GRC a notamment les pouvoirs d’un agent de la paix prévus dans le Code criminel, y compris des pouvoirs d’arrestation, de détention et de saisie. Le membre de la GRC a également les connaissances requises concernant les mesures d’enquête de base et la documentation des dossiers. Vous avez été impliqué dans un certain nombre d’incidents qui étaient préoccupants et qui pouvaient être considérés comme des violations du code de déontologie de la GRC.

En ce qui concerne votre adhésion aux valeurs de la Gendarmerie, vous n’avez pas toujours exprimé ces valeurs dans vos paroles ou vos actions, ni dans le cadre de vos interactions avec le public, avec des collègues ou avec d’autres intervenants.

En ce qui concerne votre attitude envers les tâches à accomplir, vous avez parfois dépeint une attitude négative à l’égard de vos fonctions. Vous avez fait l’objet d’une surveillance et d’une supervision importantes, par divers employés dans le cadre de différents forums. Cette surveillance visait à vous aider à développer vos compétences et vos capacités en tant que membre de services généraux. Vous n’étiez parfois pas réceptif à cette aide et réagissiez négativement, en utilisant un langage offensant et en faisant fi des directives qui vous étaient données. Il était raisonnable pour vos divers superviseurs de commencer par vous donner des conseils verbaux, puis de passer aux documents écrits, pour vous permettre de comprendre comment corriger vos lacunes, mais celles‑ci demeuraient un sujet de préoccupation.

En ce qui concerne votre compatibilité avec vos collègues ou vos clients, malgré les commentaires des personnes que vous avez fournies en référence, qui indiquaient qu’elles avaient aimé travailler avec vous, certains éléments de preuve donnent à penser que ce n’était pas le cas pour les autres employés du détachement de Deschambault Lake. Vous avez eu de la difficulté à travailler en équipe et à vous entendre avec les autres employés. Vos comportements ont été qualifiés de condescendants, et vous n’avez pas fait preuve du degré de professionnalisme et de respect auquel on s’attend d’un membre de la GRC. Je suis au courant des plaintes de harcèlement que vous avez déposées. Je ne me suis pas fondé sur cette connaissance, et je n’ai pas non plus utilisé de renseignements s’y rapportant, pour parvenir à ma décision. Je me suis fondé uniquement sur les documents pertinents qui m’ont été fournis et sur toutes les observations que vous m’avez présentées au cours de la période visée par l’avis.

Vous n’avez parfois pas fait preuve du niveau de professionnalisme attendu dans vos rapports avec le public et avec d’autres intervenants. De nouveaux renseignements concernant vos rapports avec le bureau du procureur de la Couronne ont été portés à mon attention dans le délai imparti par [l’article 16 des Consignes du commissaire (exigences d’emploi)] avant qu’une décision ne soit prise. J’ai estimé que ces renseignements étaient pertinents dans le cadre de l’évaluation globale de votre aptitude à demeurer membre. Ils devaient donc vous être remis pour examen et commentaires afin que vous puissiez connaître la preuve à réfuter et avoir la possibilité d’y répondre, ce que vous avez fait. Il n’aurait pas été équitable sur le plan procédural de ne pas vous fournir ces renseignements après qu’ils aient été portés à mon attention. Par conséquent, vous n’avez pas toujours démontré votre compatibilité avec vos collègues et vos clients.

En ce qui concerne votre fiabilité, vous avez systématiquement démontré que vous êtes disposé à assumer des responsabilités supplémentaires et à accepter des quarts de travail supplémentaires. Cela a grandement aidé le détachement à gérer ses activités au cours d’une période de pénurie de ressources ces derniers mois d’été et d’automne. Il s’agit d’une exigence importante de l’emploi et vous avez toujours satisfait à cette exigence dès votre arrivée à Deschambault Lake.

Lorsque j’examine ces renseignements dans leur ensemble, je ne peux que conclure, selon la prépondérance des probabilités, en me fondant sur les documents fournis, que vous n’avez pas démontré de façon constante que vous étiez apte à demeurer membre de la GRC malgré le fait qu’on vous a donné la possibilité raisonnable de le faire, de même que le soutien, la supervision et des directives raisonnables pour y parvenir.

Décision finale : Le membre stagiaire est licencié, date d’entrée en vigueur : 2017-04-13.

[Non souligné dans l’original.]

(DCT, aux p. 013 à 016)

[10]  Par conséquent, le 20 avril 2017, le demandeur a interjeté appel de la décision auprès du bureau de la coordination des griefs et des appels, sollicitant sa réintégration dans un autre détachement de la GRC. Le pouvoir du commissaire de trancher l’appel a été délégué à un arbitre.

C.  La décision de l’arbitre prise au deuxième niveau

[11]  L’appel du demandeur devait être instruit conformément aux Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 (les Consignes du commissaire). Voici les dispositions essentielles :

Étude diligente

Conduct of Appeal

44 (1) L’arbitre rend une décision sur l’appel ou sur toute question s’y rattachant avec célérité et sans formalisme en tenant compte des principes d’équité procédurale.

44 (1) An adjudicator must render their decision in respect of an appeal or any matter arising in the context of the appeal as informally and expeditiously as the principles of procedural fairness permit.

[...]

[. . .]

Décision de l’arbitre

Adjudicator’s decision

47 (1) L’arbitre qui dispose d’un appel peut rendre une décision :

47 (1) An adjudicator may dispose of an appeal by rendering a decision

a) le rejetant et confirmant la décision portée en appel;

 

(a) dismissing the appeal and confirming the decision being appealed; or

b) l’accueillant et :

(b) allowing the appeal and

(i) renvoyant l’affaire au décideur qui a rendu la décision ou à un autre décideur, avec des directives en vue d’une nouvelle décision,

(i) remitting the matter, with directions for rendering a new decision to the decision maker who rendered the decision being appealed or to another decision maker, or

(ii) ordonnant la réparation qui s’impose.

(ii) directing any appropriate redress.

[...]

[. . .]

Considérations

 

Considerations

(3) Lorsqu’il rend la décision, l’arbitre évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

(3) An adjudicator, when rendering the decision, must consider whether the decision that is the subject of the appeal contravenes the principles of procedural fairness, is based on an error of law or is clearly unreasonable.

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added]

[12]  L’arbitre a rendu une décision de 84 pages dans laquelle il expose les motifs suivants pour rejeter l’appel du demandeur. Dans les motifs, l’officier de niveau I est appelé « l’intimé » :

[traduction]

 

Comme la Cour suprême m’a ordonné de le faire, je dois déterminer, dans cette partie de mon analyse, si les motifs fournis par l’intimé pour justifier le licenciement de l’appelant expliquent adéquatement le fondement de sa décision, à la lumière de la preuve. Comme on peut le voir dans l’analyse que j’ai faite dans les sections précédentes, j’ai examiné en profondeur le dossier, qui comporte près de 1 000 pages, y compris les quatre observations de l’appelant. Je conclus que les motifs fournis par l’intimé dans le compte rendu de décision satisfont à ce critère.

Selon le paragraphe 17(1) des Consignes du commissaire (exigences d’emploi), l’intimé aurait pu prendre deux décisions (issues) en l’espèce. Il aurait pu confirmer l’emploi de l’appelant, sous réserve de certaines conditions, ou le licencier. Ainsi, l’issue acceptable se situerait entre la confirmation de l’emploi sans condition et le licenciement. La preuve doit étayer l’issue de l’affaire.

De façon générale, j’estime que la façon dont l’intimé a traité les documents était bien équilibrée. Le compte rendu de décision est cohérent du début à la fin en ce sens que, sous chaque rubrique, l’intimé a analysé tant les documents figurant dans la recommandation de licenciement que les observations et les documents présentés par l’appelant. Sous la rubrique « fiabilité », l’intimé a fait remarquer qu’il n’y avait aucun problème à cet égard. Il a également souligné des aspects positifs du rendement de l’appelant, ce qu’il a fait tout au long du document.

Tout au long de la décision, au lieu d’énoncer des exemples précis dans le corps de sa décision, l’intimé a répété à maintes reprises que la documentation comportait des exemples pour étayer ses déclarations. Il n’était pas tenu de reprendre chacun des exemples à l’appui dans le compte rendu de décision. Le simple fait d’indiquer qu’il existe des éléments de preuve à l’appui de ses déclarations dans les documents dont il disposait constituait un moyen efficace d’exposer les motifs de sa décision. L’appelant a reçu les documents sur lesquels la décision de l’intimé était fondée et il aurait raisonnablement dû être en mesure de relever les exemples auxquels l’intimé faisait référence, qu’il souscrive ou non aux faits de la situation présentée. Je n’ai certainement eu aucune difficulté à établir un lien entre des éléments précis des documents ou des comptes rendus de divers incidents et les catégories utilisées par l’intimé pour évaluer l’aptitude de l’appelant. Les documents regorgent d’exemples des lacunes relevées, dont bon nombre s’inscriraient dans plusieurs catégories.

Dans les circonstances, l’intimé a droit à un degré élevé de déférence. Le licenciement de l’appelant appartenait aux issues acceptables. Les motifs de l’intimé sont intelligibles et transparents et sont largement étayés par la preuve. Pour arriver à sa décision, l’intimé était tenu de prendre en considération les observations de l’appelant. Le compte rendu de décision indique clairement que c’est exactement ce qu’il a fait. Il n’était pas tenu d’y souscrire. Compte tenu de ce qui précède, je ne peux pas conclure que la décision de l’intimé de licencier l’appelant était manifestement déraisonnable.

CONCLUSION

L’appelant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de l’intimé de le licencier à titre de membre stagiaire contrevenait aux principes d’équité procédurale, était entachée d’une erreur de droit ou était manifestement déraisonnable. La décision de l’intimé de licencier l’appelant est confirmée. L’appel est rejeté.

[Non souligné dans l’original.]

(DCT, aux p. 274-275 et aux par. 265-270)

II.  La présente demande de contrôle judiciaire

[13]  Suivant l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, l’objectif du présent contrôle judiciaire est de déterminer si la décision de deuxième niveau est raisonnable selon la norme établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[Non souligné dans l’original.]

III.  Les objections du demandeur à la décision de l’arbitre

[14]  À l’appui de l’argument selon lequel la décision de l’arbitre est déraisonnable, cinq arguments ont été avancés au nom du demandeur. Je ne souscris à aucun de ces arguments.

A.  Crainte raisonnable de partialité

[15]  Selon le demandeur, le fait que l’arbitre était anciennement surintendant à la GRC soulève des questions au sujet de son impartialité, mais il admet également que ce fait à lui seul est insuffisant pour établir l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. Néanmoins, selon le demandeur, il faudrait conclure à l’existence d’une telle crainte compte tenu de l’[traduction« analyse pointilleuse de 84 pages » par laquelle l’arbitre a [traduction] « cherché toutes les justifications possibles à la décision de licenciement » et a tenté de [traduction] « compléter » les motifs du décideur de premier niveau. Je rejette cet argument parce qu’aucune analyse fondée sur la preuve n’a été présentée à l’appui des allégations.

B.  Approche erronée

[16]  Dans l’avis de demande modifié, le demandeur sollicite le jugement déclaratoire suivant :

[traduction]

[L]e décideur en matière de déontologie, à titre de délégué du commissaire de la GRC, a refusé à tort d’exercer sa compétence en appel en limitant l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la décision de premier niveau à la norme de la « décision manifestement déraisonnable ».

[17]  Il semble que le demandeur soit d’avis que l’appel était censé être instruit de novo, ce qui aurait permis à l’arbitre de rendre une « nouvelle » décision fondée sur la preuve au dossier d’appel. Le demandeur est d’avis que l’arbitre a traité l’appel à tort comme un contrôle judiciaire dans le cadre duquel il a appliqué la norme de la « décision manifestement déraisonnable ».

[18]  Je refuse de rendre le jugement déclaratoire demandé, mais j’aimerais d’abord formuler une première observation. Les Consignes du commissaire ne contiennent aucune disposition pour étayer l’opinion du demandeur selon laquelle une audience de novo doit avoir lieu. L’arbitre n’a pas refusé d’exercer sa compétence pour trancher l’appel. Au contraire, il a exercé la compétence qui lui était conférée.

[19]  Comme il est décrit au paragraphe 11 des présents motifs, le paragraphe 47(3) est clair quant à l’approche à adopter et à la tâche à accomplir. La disposition n’autorise pas un appel de novo; il s’agit d’une directive : l’appel doit être instruit comme s’il s’agissait d’un contrôle judiciaire en vue de déterminer si la décision de premier niveau est entachée d’une erreur de droit, si elle contrevient aux principes d’équité ou si elle est manifestement déraisonnable. L’arbitre a suivi cette directive et, par conséquent, il a conclu qu’aucune de ces conditions n’était présente.

[20]  Comme deuxième observation, je fais remarquer qu’aucun élément de preuve n’étaye l’argument selon lequel l’arbitre a appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable. Comme l’arbitre l’a indiqué à la fin de sa décision, citée au paragraphe 12 des présents motifs, la seule norme qui a été appliquée est celle qui a été énoncée :

[traduction]

Compte tenu de ce qui précède, je ne peux pas conclure que la décision de l’intimé de licencier l’appelant était manifestement déraisonnable.

[21]  Par conséquent, je ne relève aucune erreur dans la décision de l’arbitre sur la question de la norme de contrôle. À mon avis, l’arbitre a adopté la bonne approche.

C.  Soutien, supervision et directives

[22]  Le demandeur soutient que l’arbitre n’a pas abordé adéquatement le défaut de la GRC de lui donner une possibilité équitable de démontrer son aptitude conformément à l’article 3.1.1 du Manuel d’administration, chapitre 27A (Employés stagiaires) (le Manuel d’administration), qui traite du soutien et de la supervision des membres stagiaires, ainsi que des directives qui leur sont données.

[23]  L’arbitre a bel et bien tenu compte de l’article 3.1.1 du Manuel d’administration; cependant, au final, il est bien évident que les nombreux éléments de preuve figurant au dossier concernant le comportement du demandeur ayant mené à son licenciement constituaient un facteur prépondérant dans la décision de l’arbitre de rejeter son appel au motif que la décision de premier niveau n’était pas manifestement déraisonnable. Je ne vois aucune preuve de manquement de la part de l’arbitre.

D.  Défaut de tenir compte des motifs insuffisants sur le transfert dans la décision de premier niveau

[24]  Le demandeur soutient également devant la Cour que l’arbitre n’a pas tenu compte de l’insuffisance des motifs du décideur de premier niveau concernant la demande de transfert présentée à l’étape du premier niveau.

[25]  Toutefois, le demandeur n’a pas clairement soulevé cet argument devant l’arbitre.

[26]  Dans son avis d’appel devant l’arbitre, le demandeur a formulé la question du transfert comme étant une question préalable au licenciement : [traduction« Aucun motif n’a été donné pour expliquer [...] pourquoi il n’a pas été muté à un autre détachement pendant son évaluation de stage » [non souligné dans l’original] (DCT, à la p. 018). Dans les observations écrites qu’il a présentées à l’arbitre, le demandeur a formulé la question du transfert comme une forme de réparation : [traduction« Le gendarme Zak demande au tribunal d’accorder une réparation sous la forme d’une réintégration auprès de la GRC, à la condition que la réintégration ne soit pas effectuée au détachement de Deschambault Lake, en Saskatchewan, ou dans les environs » (DCT, à la p. 068).

[27]  Par conséquent, je conclus qu’aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise relativement à cette question.

E.  Défaut d’examiner la question de la réparation

[28]  Comme je viens de le dire, l’argument selon lequel le demandeur devrait être autorisé à poursuivre son stage à la GRC, mais en étant transféré à un autre détachement, a été soulevé devant l’arbitre. Dans le cadre du présent contrôle, il a été soutenu que le défaut de l’arbitre d’examiner sérieusement cet argument constitue une erreur susceptible de contrôle.

[29]  Comme il est cité au paragraphe 11 des présents motifs, l’arbitre avait le pouvoir d’ordonner la « réparation qui s’impose », mais seulement si l’appel du demandeur était accueilli. Étant donné que l’appel a été rejeté, l’arbitre n’avait pas compétence pour examiner l’argument relatif à la réparation.

IV.  Conclusion dans le cadre du contrôle judiciaire

[30]  En rendant sa décision au premier niveau, l’officier a conclu que le demandeur n’avait pas démontré de façon constante qu’il était apte à demeurer membre de la GRC et, par conséquent, il a pris la décision de le licencier. En appel, l’arbitre a conclu que la décision de l’officier n’était pas manifestement déraisonnable. En contrôle judiciaire, je conclus que cette décision appartient aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, je conclus que la décision de l’arbitre est raisonnable.


JUGEMENT dans le dossier T‑1802‑18

LA COUR STATUE QUE, pour les motifs susmentionnés, la présente demande est rejetée.

Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13jour de décembre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‑1802‑18

 

INTITULÉ :

JASON ZAK c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 octobre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Campbell

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 25 novembre 2019

COMPARUTIONS :

John K. Phillips

John-Otto Phillips

 

Pour le demandeur

 

Barry Benkendorf

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waddell Phillips PC

Avocats

Calgary (Alberta)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

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