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Date : 20191025


Dossier : IMM-1449-19

Référence : 2019 CF 1337

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

IMRE TANARKI (alias IMRE HAUZER)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire présentée par M. Imre Tanarki [auparavant connu sous le nom d’Imre Hauzer, le demandeur] à l’encontre de la décision défavorable rendue par un agent principal d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [l’agent] à la suite d’un examen des risques avant renvoi [ERAR].

II.  Contexte

[2]  Le demandeur est citoyen hongrois d’origine ethnique rom. Il demande l’asile au Canada sur le fondement des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[3]  En tant que Rom, le demandeur a été victime d’agressions physiques et verbales de la part de groupes anti‑Roms en Hongrie. En mai 2012, des hommes en uniforme de la Garde hongroise ont attaqué le demandeur et son épouse à l’extérieur de leur domicile. Les hommes ont agressé physiquement le demandeur en criant des obscénités sur les Roms. Le demandeur a signalé cet incident à la police, mais aucune mesure n’a été prise pour mener une enquête en bonne et due forme.

[4]  Après cet incident, l’épouse du demandeur a fait une dépression nerveuse et s’est suicidée en juin 2012.

[5]  Les membres de la Garde hongroise ont continué de cibler la maison du demandeur, lançant des briques et des pierres et criant des obscénités sur les Roms. Le demandeur a signalé certains de ces incidents à la police, mais les policiers ne sont pas intervenus et n’ont pas enregistré les plaintes.

[6]  Le demandeur est entré pour la première fois au Canada en octobre 2014 sous le nom d’Imre Hauzer et a présenté une demande d’asile. Cette demande a été considérée comme abandonnée le 3 novembre 2014, car le demandeur n’avait pas signé son formulaire Fondement de la demande d’asile.

[7]  Comme le demandeur ne s’est pas présenté pour son renvoi, un mandat de l’immigration a été délivré à son encontre le 28 janvier 2015. Le demandeur a été renvoyé du Canada le 4 mai 2015.

[8]  En avril 2016, alors qu’il était en Hongrie, le demandeur a été attaqué par des [traduction] « skinheads vêtus de noir » lorsqu’il se rendait à l’épicerie et a subi des blessures au front.

[9]  Le demandeur est revenu au Canada le 30 septembre 2016, mais s’est vu refuser l’entrée et a été renvoyé en Hongrie le même jour.

[10]  Le demandeur soutient qu’il s’est vu refuser la location d’un logement en raison de son origine ethnique rom et qu’il n’a pu obtenir un emploi stable en raison de la discrimination raciale. Par conséquent, il a estimé qu’il était nécessaire de changer son nom pour dissimuler son origine rom.

[11]  En février 2018, plusieurs skinheads ont attaqué le demandeur avec une matraque et un bâton de baseball. Le demandeur a subi des ecchymoses et a eu mal pendant plusieurs jours. Bien qu’il ait signalé cette agression à la police, le demandeur n’a reçu aucune aide.

[12]  Le demandeur est revenu au Canada le 20 avril 2018, en utilisant cette fois un passeport différent et le nom d’Imre Tanarki. Le demandeur a obtenu un visa de résident temporaire [VRT] et une autorisation de voyage électronique [AVE] sous le nom d’Imre Tanarki. Dans sa demande de VRT et d’AVE, il a faussement déclaré qu’on ne lui avait jamais refusé un visa, un permis ou l’entrée au Canada, ni ordonné de quitter le Canada ou tout autre pays.

[13]  Le 10 mai 2018, le ministre a établi, conformément au paragraphe 44(1) de la LIPR, un rapport indiquant que le demandeur était interdit de territoire au Canada parce qu’il avait déjà été expulsé du pays sous le nom d’Imre Hauzer. Une mesure d’expulsion a été prise contre le demandeur le 31 mai 2018.

[14]  Avant l’expulsion, le demandeur a présenté une demande d’ERAR.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle

[15]  Dans une décision datée du 19 janvier 2019, l’agent a rejeté la demande d’ERAR du demandeur au motif que ce dernier ne serait pas exposé au risque d’être soumis à la torture ou d’être persécuté ni exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé en Hongrie.

[16]  Le demandeur a fait valoir qu’en raison de son origine rom, il avait été victime de persécution, de mauvais traitements et de harcèlement tout au long de sa vie en Hongrie. L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs de préjudice ou de traitement équivalant à de la persécution, subi personnellement par lui.

[17]  L’agent a expressément souligné l’absence des éléments de preuve objectifs suivants :

  • rapports de police, comptes rendus détaillés de la présence du demandeur aux postes de police, notamment les postes auxquels il s’est rendu et les agents à qui il a parlé 

  • rapports médicaux, dossiers d’hôpital ou notes d’un médecin;

  • photographies montrant les marques laissées par les agressions;

  • lettres d’appui de témoins ou de toute personne ayant connaissance de la situation personnelle du demandeur.

[18]  Selon l’agent, les conclusions formulées par le conseil sur la discrimination, le harcèlement et le racisme auxquels le demandeur était exposé n’étaient pas étayées par des éléments de preuve propres à la situation personnelle de ce dernier.

[19]  Après avoir conclu que le demandeur n’avait pas prouvé l’existence des risques auxquels il était exposé en Hongrie, l’agent a examiné la question de la protection de l’État. L’agent était d’avis que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État et a souligné que plusieurs organisations en Hongrie aident les citoyens d’origine rom à obtenir cette protection. Plutôt que de chercher à obtenir la protection de l’État en Hongrie, le demandeur est venu au Canada.

[20]  L’agent a également souligné que les policiers reçoivent une formation sur la gestion des conflits en ce qui concerne les membres des minorités sociales, et que les directives données au personnel policier mettent l’accent sur le fait que la discrimination est interdite. La force policière dispose également d’un groupe de travail chargé du maintien des relations entre la police et la communauté rom. De plus, il existe en Hongrie des procédures à suivre pour déposer une plainte officielle contre un policier.

[21]  L’agent a reconnu que certains éléments de preuve documentaire étaient contradictoires, mais il a noté que la Hongrie prenait des mesures sérieuses pour [traduction] « régler le problème concernant la population rom ». L’agent a admis que la Hongrie continue de faire face à des difficultés en ce qui concerne la situation des Roms, mais a conclu, en se fondant sur la preuve documentaire, qu’il existe une protection adéquate de l’État en Hongrie pour les Roms qui sont victimes de criminalité, de violence policière, de discrimination ou de persécution.

[22]  Compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’agent a conclu que le demandeur pourrait vivre en Hongrie et y demander protection en cas de problème avec des racistes ou des skinheads. Après examen de la situation personnelle du demandeur, l’agent a conclu que l’intéressé n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve objectifs qui confirment les risques qu’il affirmait courir.

[23]  L’agent a conclu qu’il n’existait qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté en Hongrie et qu’il n’était guère probable qu’il soit exposé à un risque de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

IV.  Les questions en litige

  • (1) L’agent a‑t‑il énoncé correctement les critères relatifs à la persécution et à la protection de l’État?

  • (2) L’agent a‑t‑il raisonnablement conclu que le demandeur n’était exposé qu’à une simple possibilité de persécution en Hongrie et qu’il n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État?

V.  Norme de contrôle

[24]  La formulation par l’agent des critères relatifs à la protection de l’État et à la persécution pose des questions de droit susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004, par. 16 à 22 [Ruszo I]).

[25]  Les questions de savoir si le demandeur a établi qu’il craignait avec raison d’être persécuté ou si le demandeur a réfuté la présomption de la protection de l’État constituent des questions mixtes de fait et de droit, susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (décision Ruszo I, précitée, par. 22).

VI.  Analyse

[26]  À titre préliminaire, le ministre soutient que les éléments de preuve dont fait état l’affidavit du demandeur souscrit le 3 avril 2019 et qui n’ont pas été présentés à l’agent ne devraient pas être pris en considération. Je suis d’accord.

[27]  Dans la mesure où elle diffère des éléments présentés dans l’affidavit du 24 août 2018 dont disposait l’agent, la preuve contenue aux paragraphes 10 et 12 de l’affidavit de demandeur du 3 avril 2019 ne sera pas prise en considération.

A.  La persécution

[28]  Le demandeur n’allègue pas expressément que l’agent a mal énoncé le critère relatif à la persécution, mais il fait valoir que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve du préjudice particulier subi par le demandeur décrit dans son affidavit, ni du risque généralisé qui ressort de la preuve documentaire, et que [traduction] « la mauvaise interprétation de la preuve du demandeur constituait une erreur de droit ».

[29]  L’agent n’a pas mal énoncé le critère relatif à la persécution ni confondu les critères relatifs aux articles 96 et 97. Bien que l’agent ait fait référence à de nombreuses reprises à un préjudice [traduction] « personnalisé » et à la preuve de la situation personnelle du demandeur, cela n’indique pas qu’il a confondu les deux critères. Les demandeurs qui demandent l’asile en vertu de l’article 96 doivent établir l’existence d’une crainte de persécution à la fois subjective et objective (Sallai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 446, par. 68 à 71).

[30]  Le demandeur soutient que le préjudice auquel il est exposé personnellement ainsi que le risque généralisé auquel sont exposés les Roms en Hongrie constituent conjointement de la persécution. Le demandeur réitère ses allégations de racisme et de discrimination systémiques en Hongrie en raison de son origine ethnique rom, en faisant état d’emplois instables et d’agressions physiques et verbales. Il rappelle en outre qu’en raison de la discrimination il s’est retrouvé dans une situation précaire en matière de logement en Hongrie.

[31]  Le demandeur cite des extraits des réponses aux demandes d’information [RDI] HUN105586.EF et HUN105587.EF, un rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et un rapport du Centre européen pour les droits des Roms. Ces documents décrivent en détail les attaques violentes visant les Roms et leurs biens ainsi que la discrimination systémique dont font l’objet les Roms en matière d’emploi, d’éducation, de logement, de soins de santé et de participation politique.

[32]  Enfin, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en se fondant sur l’absence d’éléments de preuve objectifs à l’égard de son récit, y compris des rapports de police, des rapports médicaux, des dossiers d’hôpital, des photographies et des notes de médecin. Le demandeur s’appuie sur le principe selon lequel son témoignage est réputé être vrai à moins qu’il n’y ait une raison valable de douter de sa véracité (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CAF). Il allègue qu’en l’absence d’une conclusion de l’agent portant que la preuve était contradictoire, incohérente ou invraisemblable, le fait d’insister pour que le demandeur produise une preuve documentaire à l’appui de son témoignage sous serment contrevient à ce principe (Durrani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 167, par. 6).

[33]  Bien que la documentation sur la situation dans le pays révèle nettement l’existence d’actes de violence et de discrimination commis contre des personnes d’origine rom, la preuve n’appuie pas la position selon laquelle tous les Roms en Hongrie sont victimes de discrimination assimilable à de la persécution.

[34]  La Cour a déjà jugé que la simple appartenance au groupe ethnique des Roms en Hongrie ne suffit pas à elle seule à établir qu’un demandeur est exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution à son retour (Balogh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 426, par. 19; Varga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 510, par. 1‑2).

[35]  À mon avis, l’analyse du risque personnalisé effectuée par l’agent afin de déterminer s’il existe davantage qu’une simple possibilité de persécution est raisonnable.

B.  La protection de l’État

[36]  Le critère relatif à la protection de l’État est celui du caractère adéquat et vise à déterminer si « la protection est effectivement assurée » dans le pays en question (Harinarain c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1519, par. 27). La Cour a répété à maintes reprises que les « efforts sérieux » déployés pour assurer la protection de l’État ne sauraient être assimilés à une protection de l’État réelle et adéquate (Burai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 565, par. 28).

[37]  L’agent a conclu que le demandeur et son conseil [traduction] « n’ont pas présenté d’éléments de preuve clairs et convaincants démontrant, selon la prépondérance des probabilités, que la protection de l’État en Hongrie est inadéquate ». L’agent a correctement énoncé le critère relatif à la protection de l’État.

[38]  En ce qui concerne la protection de l’État, l’agent a conclu ce qui suit :

  • Le demandeur n’a pas fait preuve de diligence dans ses efforts pour se prévaloir de la protection de l’État en Hongrie;

  • Le demandeur n’a pas demandé l’aide d’organismes non gouvernementaux ;

  • La Hongrie prend des mesures sérieuses pour remédier à la situation en ce qui concerne la population rom.

[39]  Le demandeur conteste chacune de ces conclusions. Il cite des extraits de son affidavit qui a été présenté à l’agent où il rapporte en détail les cas où il a demandé l’aide de la police en Hongrie, notamment à la suite des agressions de mai 2012 et de février 2018. Dans les deux cas, le demandeur affirme qu’il a communiqué avec la police pour signaler les agressions, mais qu’aucune aide ne lui a été fournie et que la police n’a pris aucune mesure pour faire enquête.

[40]  Le demandeur soutient que la preuve n’appuie pas la conclusion de l’agent selon laquelle la police et les représentants du gouvernement sont à la fois disposés et aptes à protéger les Roms victimes de criminalité, d’abus de pouvoir de la part de la police, de discrimination ou de persécution. Le demandeur cite des extraits des RDI HUN105197.EF et HUN105587.EF. Selon ces documents, la police hongroise n’a pas les ressources et la sensibilisation nécessaires pour réagir aux crimes haineux, et les Roms en Hongrie continuent d’être mal protégés contre de tels crimes.

[41]  La RDI HUN105197.EF indique en outre que la police hongroise s’est vu conférer de nouveaux pouvoirs pour contrer les activités des groupes paramilitaires qui se livrent à des actes de violence raciste, mais les autorités sont souvent critiquées pour ne pas avoir répertorié les crimes haineux et n’avoir pas réagi efficacement à ces crimes.

[42]  Le demandeur reconnaît qu’il lui incombe de présenter une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État de le protéger (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689). Cependant, le demandeur soutient que ce fardeau ne saurait être inatteignable et qu’il n’est pas tenu de démontrer qu’il a épuisé tous les recours disponibles pour obtenir une protection. Il lui suffit plutôt de démontrer qu’il a pris toutes les mesures raisonnables dans les circonstances.

[43]  Le dépôt d’un rapport de police n’est pas une exigence de la loi pour obtenir la protection des réfugiés. Le décideur ne doit pas perdre de vue l’analyse visant à déterminer si la protection de l’État est adéquate en Hongrie (Allen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 994, par. 21). Le demandeur soutient que la conclusion de l’agent selon laquelle il n’a pas fait preuve de diligence en s’adressant aux autorités pour obtenir de l’aide est déraisonnable compte tenu de la preuve contenue dans son affidavit. Le demandeur ajoute que l’agent a commis une erreur en mentionnant un manque d’éléments de preuve objectifs à l’appui de sa demande. En l’espèce, le demandeur a fourni la preuve de ses tentatives répétées d’obtenir la protection de la police et de l’inaction de la police.

[44]  Le demandeur conteste également la conclusion de l’agent selon laquelle il n’a pas demandé l’aide de diverses organisations et agences qui aident les Hongrois d’origine rom à obtenir des services et des protections, notamment :

  • le GMR;

  • la Fondation pour les des droits civils roms ;

  • le Bureau de défense juridique des minorités nationales et ethniques ;

  • le Bureau de consultation juridique du parlement rom ;

  • le Commissaire parlementaire aux droits des minorités nationales et ethniques ;

  • le Commissaire (ou ombudsman) des minorités;

  • l’Autorité pour l’égalité de traitement;

  • la HCLU;

  • le Centre européen des droits des Roms.

[45]  La Cour a jugé à maintes reprises que l’évaluation de la disponibilité de la protection de l’État devrait être axée sur l’efficacité opérationnelle des forces de l’ordre ou de l’application de la loi dans le pays en question. L’existence d’autres institutions – même celles chargées d’enquêter sur les plaintes de discrimination – ne constitue pas une protection de l’État (Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 943, par. 27 [Ruszo II]).

[46]  L’examen détaillé par l’agent des organisations non gouvernementales auxquelles le demandeur aurait pu s’adresser pour obtenir de l’aide ne devrait pas être le point central de l’examen du caractère adéquat de la protection de l’État en Hongrie. Cette analyse équivaut à assimiler la disponibilité de l’aide d’organismes non gouvernementaux à la disponibilité d’une protection adéquate de l’État. À mon avis, l’agent a déraisonnablement reproché au demandeur de ne pas avoir sollicité l’aide d’intervenants autres que la police et les organismes gouvernementaux avant de demander l’asile à l’extérieur de la Hongrie.

[47]  De plus, pour reprendre les mots maintes fois cités du juge Zinn, « [c]e sont les actes, et non les bonnes intentions, qui démontrent l’existence réelle d’une protection contre la persécution » (Orgona c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1438, par. 11). La conclusion de l’agent selon laquelle la Hongrie prend des mesures sérieuses pour remédier à la situation ne témoigne pas d’un examen raisonnable de l’existence réelle d’une protection de l’État efficace.

[48]  La Cour a déclaré à plusieurs reprises que la situation en Hongrie est difficile à évaluer et que l’appréciation du caractère adéquat de la protection de l’État dépendra de la preuve dans chaque cas particulier (décision Ruszo II, précitée, par. 28). La question de savoir si la Hongrie peut et veut protéger correctement ses citoyens roms suscite la controverse et pose de graves problèmes. La décision dépendra de la preuve et des observations présentées au décideur administratif, ainsi que des questions soulevées dans le cadre du contrôle devant la Cour (Tar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 767, par. 75 et 76).

[49]  L’agent mentionne les « efforts sérieux » déployés et les « mesures sérieuses»  prises pour régler les problèmes de discrimination et de violence, mais il passe immédiatement à la conclusion que la police et les représentants du gouvernement sont disposés et aptes à protéger les victimes. L’agent renvoie aux [traduction] « changements apportés sur le plan opérationnel », mais il se contente par la suite de souligner l’existence de programmes et d’initiatives du gouvernement, plutôt que de parler des protections offertes en cas de violence ou de discrimination. Une analyse sélective de la preuve documentaire au dossier sans tenir compte de l’ensemble du contexte ne constitue pas une approche raisonnable pour déterminer le caractère adéquat de la protection de l’État dans la présente affaire.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1449-19

LA COUR STATUE comme suit :

  1. La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de novembre 2019

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-1449-19

 

INTITULÉ :

IMRE TANARKI (alias IMRE HAUZER) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 OCTOBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 25 OCTOBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Djawed Taheri

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Idorenyin Udoh-Orok

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Taheri Law Office

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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