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Date : 20191120


Dossier : T-1464-18

Référence : 2019 CF 1467

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE
Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DE KEY

demanderesse

et

STEPHANIE C. LAVALLÉE

DONALD WORME

RODNEY BRASS

ANGELA DESJARLAIS

SIDNEY KESHANE et

GLEN O’SOUP

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Première Nation de Key (la bande) a déposé la présente demande de contrôle judiciaire 1) d’une résolution du conseil de bande (RCB) datée du 10 novembre 2016 qui autorise le chef et le conseil de bande à retenir les services du cabinet Semaganis Worme Legal (SWL) à titre de conseiller juridique relativement à un appel concernant des élections et 2) d’une série de mandats de représentation et de versements que la bande a faits à SWL entre 2016 et 2018. La bande allègue que la RCB contrevient aux exigences de l’alinéa 2(3)b) de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5 (la Loi sur les Indiens).

[2]  La demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7 (la Loi).

[3]  Par souci de commodité, j’ai divisé en deux groupes les défendeurs de la demande : 1) Rodney Brass, Angela Desjarlais, Sidney Keshane et Glen O’Soup étaient, au moment pertinent, conseillers de bande et je les désigne dans le présent jugement comme étant les défendeurs du conseil de bande; 2) Stephanie Lavallée et Donald Worme étaient (et sont encore) des avocats chez SWL, et Mme Lavallée était responsable de l’appel concernant les élections. Dans le cadre du présent jugement, je désigne Mme Lavallée et M. Worme comme étant les défendeurs avocats.

[4]  Les défendeurs du conseil de bande n’ont pas comparu et n’ont pas présenté d’observations en réponse à la présente demande. Les défendeurs avocats ont déposé des observations écrites et un dossier du défendeur conformément à l’article 310 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). Le 24 juin 2019, lors de l’instruction de la demande, ils ont également présenté des observations orales par l’entremise de leur avocate.

[5]  Dans leurs observations, les défendeurs avocats soulèvent des questions relatives à la qualité pour agir et aux délais. Bien que les deux questions puissent être qualifiées de préliminaires puisqu’elles doivent être étudiées avant l’examen du fond de la demande, elles constituent ensemble des questions sérieuses et sont déterminantes quant à l’issue de la demande. Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande de contrôle judiciaire n’a pas été présentée en temps utile et qu’elle doit être rejetée.

I.  Contexte

[6]  La bande est une bande au sens de la Loi sur les Indiens.

[7]  Le 1er octobre 2016, M. Brass a été élu chef de la bande et les autres défendeurs du conseil de bande, Mme Desjarlais, M. Keshane et M. O’Soup, ont été élus conseillers de bande. Deux autres membres de la bande, M. Clinton Key et M. Clarence Papequash, ont également été élus conseillers de bande.

[8]  M. Key, M. Papequash et M. Glenn Papequash ont présenté une demande (la demande concernant les élections) à la Cour en vue de faire annuler les élections de 2016. La bande, les défendeurs du conseil de bande ainsi que d’autres personnes étaient nommés comme défendeurs dans la demande concernant les élections.

[9]  Le 10 novembre 2016, le conseil de bande a retenu au nom de la bande les services de SWL pour agir dans le cadre de la demande concernant les élections. Le mandat est décrit dans la RCB et dans deux mandats de représentation signés par M. Brass et Mme Lavallée le 10 novembre 2016 et le 3 février 2017. Un troisième mandat de représentation a été signé le 15 novembre 2017 relativement à un appel prévu à la Cour d’appel fédérale.

[10]  Entre novembre 2016 et mars 2018, la bande a effectué une série de versements à SWL, lesquels totalisent 231 134,20 $.

[11]  Dans son jugement en date du 21 mars 2018 où il annule les élections de 2016 et conclut qu’il y a « preuve évidente d’une vaste activité d’achat de votes » par les défendeurs du conseil de bande, mon collègue, le juge Barnes, a décrit la situation qui lui a été présentée comme un « litige extrêmement acrimonieux » entre les membres de la bande (Papequash c Brass, 2018 CF 325, par. 2 et 39 (Papequash CF), conf. par Brass c Papequash, 2019 CAF 245). Le juge Barnes a également adjugé des dépens de 86 170 $ à MM. Clarence et Glenn Papequash et Clinton Key (Papequash c Brass, 2018 CF 977 (la décision Papequash sur les dépens).

[12]  Le 21 mars 2018, à la suite de la décision Papequash CF du juge Barnes, les défendeurs du conseil de bande ont été retirés à titre de conseillers de bande et, le 12 juin 2018, des élections de bande ont eu lieu. M. Clarence Papequash a été élu chef et M. Key, Marcella Pelletier, David Cote, Gilda Dokuchie et Chris Gareau ont été élus conseillers de bande.

[13]  Le 18 juin 2018, le nouveau conseil de bande a adopté une résolution du conseil de bande retirant SWL à titre de conseiller juridique de la bande et autorisant une enquête sur les services juridiques que le cabinet avait précédemment fournis à la bande.

[14]  Le 27 juillet 2018, la bande a déposé un avis de demande de contrôle judiciaire (l’avis de demande), dans lequel elle demandait que la Cour annule 1) la RCB et 2) les décisions de retenir SWL comme conseiller juridique pour la demande concernant les élections et d’effectuer des versements à SWL. La bande allègue que la RCB, les mandats de représentation et les versements subséquents à SWL ont été effectués par le conseil de bande, sans avis à deux de ses conseillers en poste, soit les conseillers Key et Papequash.

[15]  Le 30 juillet 2018, la bande a déposé une déclaration devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan (l’action intentée en Saskatchewan) nommant SWL, les défendeurs avocats et Loretta Lambert, une troisième avocate de SWL, comme défendeurs. Dans l’action intentée en Saskatchewan, la bande, invoquant l’enrichissement sans cause, demande entre autres réparations que les défendeurs lui remboursent 231 134,20 $. Au paragraphe 7 de la déclaration, la bande déclare qu’elle [traduction] « cherche à s’appuyer [dans la présente demande de contrôle judiciaire] sur la réparation sollicitée accordée par la Cour fédérale, le cas échéant ».

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[16]  L’avis de demande de la bande énumère les décisions et les versements suivants comme étant les décisions visées par le contrôle :

Date

Événement (décision/versement)

Le 10 novembre 2016

Résolution du conseil de bande (RCB) visant à retenir les services de SWL

Le 10 novembre 2016

Mandat de représentation et virement de 10 000 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 3 février 2017

Mandat de représentation conclu avec SWL [Nota : Mise à jour des taux horaires de facturation]

Le 27 mars 2017

Virement de 8 130,94 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 26 avril 2017

Virement de 40 000 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 7 juillet 2017

Virement de 10 000 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 17 juillet 2017

Virement de 25 000 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 19 septembre 2017

Virement de 25 000 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 16 novembre 2017

Virement de 24 766,79 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 2 janvier 2018

Virement de 48 236,47 $ à SWL/défendeurs avocats

Le 21 mars 2018

Mandat de représentation de SWL relativement à un appel prévu à la Cour d’appel fédérale [Nota : le mandat de représentation relatif à l’appel est daté du 15 novembre 2017]

Le 21 mars 2018

Virement de 40 000 $ à SWL/défendeurs avocats

[17]   La présente demande se rapporte à la RCB. Les mandats de représentation et les versements subséquents effectués pendant le litige relatif aux élections découlent de la décision initiale de retenir les services de SWL décrite dans la RCB.

[18]  La RCB est brève et est rédigée comme suit :

[traduction]
Résolution du conseil de bande

IL EST DÉCIDÉ PAR LES PRÉSENTES QUE : Le quorum de la Première Nation de Key s’est réuni le 10e jour de NOVEMBRE 2016.

ET ATTENDU QUE : En vertu de la Loi sur les Indiens et de ses pouvoirs inhérents d’autonomie gouvernementale, le conseil est habilité à agir au nom de la Première Nation de KEY.

ET ATTENDU QUE : Par les présentes, le chef et le conseil appuient à l’unanimité le versement de 10 000 $ à titre de premier acompte pour l’appel concernant les élections. The Semaganis Worme Legal est nommé conseiller juridique pour l’appel.

PAR CONSÉQUENT, IL EST RÉSOLU QUE le chef et le conseil affectent 10 000 $ du budget réservé aux frais juridiques pour les travaux prévus.

[Souligné dans la RCB originale.]

[19]  La RCB a été proposée par M. Keshane, appuyée par M. O’Soup, et signée par le chef Brass, M. Keshane, M. O’Soup et Mme Desjarlais. Au bas de la RCB, il est écrit : [traduction« Quorum de 4 ». Sur la RCB, aucune ligne n’a été réservée pour les signatures des conseillers Papequash et Key.

III.  Résumé des observations de la bande

[20]  Mon analyse des questions préliminaires et déterminantes dans la demande dont je suis saisie est décrite dans les prochaines sections du présent jugement. Je vais d’abord résumer les observations de fond de la bande afin de fournir le contexte sous‑jacent à cette analyse.

[21]  La bande soutient que, le 10 novembre 2016, la RCB a été adoptée par des personnes qui n’avaient pas compétence, car aucune réunion du conseil de bande n’avait été convoquée pour discuter et approuver la RCB ou mandater SWL conformément à l’alinéa 2(3)b) de la Loi sur les Indiens. Par conséquent, le chef Brass a signé les trois mandats de représentation et la bande a versé à SWL les versements faisant l’objet du différend sans avoir compétence.

[22]  La bande souligne que la RCB ne précise pas si elle a été adoptée au cours d’une réunion ordinaire ou extraordinaire du conseil de bande. De plus, rien dans le compte rendu n’indique qu’un avis de convocation à une réunion a été remis à tous les conseillers. La bande affirme que les principes de la primauté du droit et de l’équité procédurale n’ont pas été respectés au moment de l’adoption de la RCB, car on a manifestement tenté d’exclure les conseillers Key et Papequash d’une discussion sur une question qui a profité personnellement aux défendeurs du conseil de bande.

IV.  Qualité de la bande pour présenter la demande

[23]  Les défendeurs avocats soutiennent que la bande n’est pas une demanderesse au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi et qu’elle n’a pas qualité pour présenter la présente demande. Ils font valoir que la bande se remet en fait en question en affirmant qu’elle n’est plus liée par la RCB et les décisions qui en découlent. Autrement dit, la bande demande à la Cour de remettre ses propres décisions en question. Les défendeurs avocats affirment que la demande aurait dû être présentée par M. Key ou M. Papequash, en leur propre nom.

[24]  Le paragraphe 18.1(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Demande de contrôle judiciaire

Application for judicial review

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

[25]  La bande soutient qu’elle est une demanderesse légitime et que la Cour doit faire la distinction entre la bande et le conseil de bande. À l’appui de sa position, la bande fait valoir la distinction, aux alinéas 2(3)a) et b) de la Loi sur les Indiens, entre l’exercice du pouvoir par une bande et l’exercice du pouvoir par un conseil de bande. La bande affirme qu’elle ne cherche pas à annuler ses propres décisions, mais celles de son conseil de bande.

[26]  Dans leurs observations écrites, les défendeurs avocats ont soulevé la question de la qualité pour agir de la bande. L’avocate de la bande a répondu brièvement dans sa plaidoirie. Aucune des parties n’a examiné en détail la portée du paragraphe 18.1(1) de la Loi, la relation juridique entre une bande des Premières Nations et son conseil de bande, ou la jurisprudence pertinente. En l’absence d’arguments de fond de la part des deux parties, je ne suis pas disposée à rejeter la demande en me fondant uniquement sur la question de la qualité pour agir. Toutefois, la qualité pour agir de la bande et son rôle dans la demande de contrôle judiciaire ont une incidence sur mon analyse de la question des délais et, par conséquent, je répondrai aux arguments des parties.

[27]  La demande de contrôle judiciaire a été présentée par le nouveau conseil de bande au nom de la bande, en juillet 2018, à la suite de la décision Papequash CF et de la décision Papequash sur les dépens. L’objectif de la bande dans le cadre de la présente demande est inextricablement lié à ces décisions et à l’action intentée en Saskatchewan.

[28]  Dans l’action intentée en Saskatchewan, la bande cherche à récupérer les honoraires qu’elle a versés à SWL dans le cadre du conflit acrimonieux et coûteux lié aux élections. Dans la présente demande, la bande cherche à faire annuler la RCB et les décisions qui en découlent pour contribuer au règlement de sa demande de dommages-intérêts contre SWL et les défendeurs avocats. La présente demande ne sert à aucune autre fin pratique, car les mesures envisagées par la RCB ont été entièrement exécutées, les services juridiques contestés ont été rendus et les versements ont été effectués. De plus, les défendeurs du conseil de bande n’en sont plus membres, et aucun recours n’a été exercé contre eux sur le plan personnel.

[29]  Le juge Barnes a réservé sa décision sur les dépens dans la décision Papequash CF et a demandé d’autres observations aux parties. La bande a par la suite mis fin aux services de SWL et a retenu les services d’une nouvelle avocate. La bande a présenté au juge Barnes des demandes de recouvrement des dépens auprès des autres défendeurs « fautifs ». Le juge Barnes a refusé la demande de la bande et a décrit la participation de la bande à la demande concernant les élections comme suit (décision Papequash sur les dépens, par. 3) :

[3]  Je ne suis pas d’accord pour dire qu’en l’espèce la Première Nation de Key devrait recouvrer ses dépens auprès des autres défendeurs. Tous les défendeurs ont agi de concert avec un même avocat, sur approbation de la bande et en suivant vraisemblablement les directives de cette dernière tout au long de la procédure. Ce serait une grave erreur que de reconnaître, à la fin d’une procédure infructueuse dans laquelle les plaideurs étaient conjointement représentés, qu’une des parties devrait être autorisée à se retourner contre ses coplaideurs alors que leurs intérêts coïncidaient parfaitement tout au long de l’instance. Les ordonnances rendues dans Sanderson et Bullock sont appropriées dans les cas où les codéfendeurs ont des intérêts distincts qu’ils défendent séparément et où ces intérêts ne coïncident pas. La Première Nation de Key est responsable de la situation fâcheuse dans laquelle elle se trouve. Elle avait les moyens de comprendre le conflit qui l’opposait aux membres de la bande, et elle a choisi de poursuivre une stratégie juridique conjointe faisant fi de cet intérêt général. Elle doit maintenant accepter les conséquences financières de ses actes. Si la bande est maintenant insatisfaite de la façon dont elle a été représentée ou du montant de ses frais juridiques, elle a la possibilité d’intenter un recours indépendant.

[Non souligné dans l’original.]

[30]  La bande a exercé des recours distincts contre SWL et les défendeurs avocats en Saskatchewan. Elle a de toute évidence qualité pour agir comme demanderesse dans l’action en dommages-intérêts intentée en Saskatchewan fondée sur la présumée inconduite de SWL lors la représentation de la bande. Ce n’est pas le cas en l’espèce car, à mon avis, la bande n’est pas l’initiateur approprié. En l’espèce, la bande remet en question la RCB, qui, elle en convient, a été adoptée en son nom. La bande affirme ce qui suit dans son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

26.  Les décisions n’ont profité qu’aux défendeurs du conseil de bande, car la demande concernant les élections visait à retirer les défendeurs du conseil de bande. Toutefois, lors de l’examen des décisions en cause, il faut se rappeler que les décisions étaient prises non pas par les membres individuels, mais au nom de la Première Nation.

[31]  La bande soutient qu’il faut faire une distinction entre la bande et le conseil de bande, mais la RCB est une résolution de la bande, adoptée par des représentants élus au nom de la bande. La RCB lie la bande elle-même et non seulement le conseil de bande. Toute mesure prise pour mettre en œuvre une résolution de bande est une mesure prise par la bande (y compris, en l’espèce, les mandats de représentation et les versements faits à SWL). Toute responsabilité découlant de ces actions contre des tierces parties incombe à la bande. La distinction faite aux alinéas 2(3)a) et b) de la Loi sur les Indiens quant à la façon dont une bande et un conseil de bande sont tenus d’exercer leurs pouvoirs respectifs ne modifie en rien cette analyse.

[32]  La bande s’appuie sur la décision récente de la Cour Première Nation de Cowessess no 73 c Pelletier, 2017 CF 692 (Cowessess), pour faire valoir qu’il n’est pas interdit à une bande de présenter une demande de contrôle judiciaire. Je suis d’accord. Dans Cowessess, la décision en cause avait été rendue par le tribunal d’appel électoral (le Tribunal) de la Première Nation de Cowessess, et non par la Première Nation de Cowessess. Le juge Diner a conclu que la bande de la Première nation a été directement touchée, au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi, par la décision du Tribunal, car le conseil de bande de Cowessess était tenu de faire mettre à exécution la décision et d’appliquer les conditions qui s’y rattachent (Cowessess, par. 22). Au risque de me répéter, en l’espèce, la bande remet en question ses propres décisions.

[33]  Je termine la présente section en soulignant qu’il y a un autre enjeu concernant les parties nommées en l’espèce. Les défendeurs avocats soutiennent qu’ils n’auraient pas dû être nommés dans la demande. La bande convient que les défendeurs avocats ne sont pas des parties dont la présence est nécessaire, mais soutient qu’ils ne sont pas nommés de façon inappropriée. La bande affirme qu’elle savait que les défendeurs du conseil de bande ne répondraient pas à la demande et, en nommant les défendeurs avocats, elle a veillé à ce que des arguments juridiques à l’encontre de la demande soient présentés à la Cour.

[34]  La demande de contrôle judiciaire porte sur les décisions de la bande et sur la question de savoir si elles devraient être annulées. La bande ne présente aucun argument dans ses observations mettant en cause les défendeurs avocats dans quelque acte répréhensible que ce soit lié à l’adoption de la RCB. Les arguments de la bande portent sur la conduite des défendeurs du conseil de bande. Il n’y a aucune question dans la demande à laquelle les défendeurs avocats peuvent répondre en se fondant sur leurs propres connaissances ou les renseignements qu’ils détiennent.

[35]  Bien que je conclue que la raison invoquée par la bande pour nommer les défendeurs avocats dans la présente demande n’est pas convaincante, je suis d’accord avec son argument selon lequel les défendeurs avocats auraient dû présenter une requête au début de la procédure pour être retirés à titre de parties nommées. Par conséquent, je n’ordonnerai pas qu’ils soient retirés à titre de défendeurs, mais je mettrais en garde contre une telle façon de faire à l’avenir, tout en reconnaissant qu’il puisse y avoir des situations où un tiers a un intérêt indirect dans une demande et est dûment nommé comme défendeur. 

V.  Délais de présentation de la demande

[36]  Les défendeurs avocats soutiennent que la demande n’est pas recevable et qu’elle doit être rejetée. L’avis de demande de la bande a été déposé auprès de la Cour le 27 juillet 2018 et les décisions contestées sont les suivantes : la RCB, point central de la demande, datée du 10 novembre 2016; trois mandats de représentation datés du 10 novembre 2016, du 3 février 2017 et du 15 novembre 2017; une série de versements de la bande à SWL, effectués entre novembre 2016 et mars 2018.

[37]  La demande semble à première vue avoir été déposée dans le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi.

Délai de présentation

Time limitation

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

[38]  Toutefois, la bande soutient que les conseillers Key et Papequash n’étaient pas au courant des décisions jusqu’à ce que Mme Lavallée, qui fait partie des défendeurs avocats, envoie la documentation à leur avocate les 28 et 29 juin 2018. Dans sa plaidoirie, la bande a également fait valoir que, même si sa demande avait été déposée après le délai prévu de 30 jours, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour prolonger le délai prévu au paragraphe 18.1(2).

[39]  Pour les motifs qui suivent, je ne conclus pas que les arguments de la bande sont convaincants, et j’estime que la demande n’a pas été présentée en temps utile.

[40]  Comme il a été mentionné précédemment et comme l’a souligné son avocate, la bande est la demanderesse dans le cadre de la présente demande. Les conseillers Key et Papequash ne le sont pas. La bande ne peut affirmer de façon crédible qu’elle n’était pas au courant de l’existence de la RCB, des mandats de représentation ou des versements faits à SWL, aux dates où ils ont été effectués. En fait, nulle part dans ses observations, la bande n’a soutenu qu’elle n’était pas au courant de l’existence des décisions contestées avant juin 2018.

[41]  La bande a été nommée à titre de défenderesse dans la demande concernant les élections présentée par les conseillers Key et Papequash. La demande concernant les élections a été déposée le 31 octobre 2016. Bien que l’avis de demande indique que la bande a été nommée aux fins limitées de l’adjudication des dépens, il est manifeste que la bande a participé activement à la demande concernant les élections, menant une stratégie juridique commune avec les autres défendeurs. Le conseil de bande a, au nom de la bande, adopté la RCB le 10 novembre 2016. Peu importe si la RCB a été adoptée en bonne et due forme, il s’agissait d’une résolution présentée [traduction« non pas par les membres individuels, mais au nom de la Première nation », comme l’a décrit la bande dans ses observations. 

[42]  En tant que participant à la demande concernant les élections, la bande savait que des services juridiques étaient fournis par SWL en son nom et qu’elle versait des honoraires importants. Chaque facture de SWL a été envoyée à la bande et celle-ci a effectué les versements dus à SWL. La bande est libre de remettre en question le bien-fondé des versements effectués dans l’action intentée en Saskatchewan, mais elle ne peut pas remettre en question sa connaissance de ces versements aux fins de la présente demande. Comme l’a déclaré le juge Barnes (décision Papequash sur les dépens, par. 3)

[3]  […] La Première Nation de Key est responsable de la situation fâcheuse dans laquelle elle se trouve. Elle avait les moyens de comprendre le conflit qui l’opposait aux membres de la bande, et elle a choisi de poursuivre une stratégie juridique conjointe faisant fi de cet intérêt général. Elle doit maintenant accepter les conséquences financières de ses actes. Si la bande est maintenant insatisfaite de la façon dont elle a été représentée ou du montant de ses frais juridiques, elle a la possibilité d’intenter un recours indépendant.

[43]  J’estime que la bande avait connaissance de la RCB le 10 novembre 2016, jour où elle a été adoptée, et qu’elle était pleinement au courant de chaque décision subséquente au moment où elle a été prise.

[44]  Je ne suis pas d’accord avec l’argument de la bande selon lequel la question des délais de la demande dépend des connaissances à cet égard des conseillers Key et Papequash. La bande a un raisonnement juridique incohérent lorsqu’elle affirme qu’elle est en l’espèce la demanderesse appropriée visée au paragraphe 18.1 (1) de la Loi, mais que ce sont les conseillers Key et Papequash qui ont la « connaissance » pertinente des décisions aux fins du paragraphe 18.1 (2).

[45]  Quoi qu’il en soit, j’estime que les conseillers Key et Papequash avaient une connaissance suffisante des décisions en août 2017, au plus tard, lorsqu’ils ont retenu les services d’un avocat qui a soulevé la question de la légalité du mandat de SWL par la bande. Dans une lettre datée du 23 août 2017 adressée à Mme Lavallée, leur avocat a écrit :

[traduction]
Je représente le conseiller Clinton Key, l’ancien conseiller Clarence Papequash et des membres de la Première Nation de Key. Depuis leur entrée en fonction en octobre 2016, vos clients Rodney Brass, Angela Desjarlais, Sidney Keshane et Glen O’Soup ont illégalement mené les affaires de la Première Nation de Key. Malgré les demandes répétées pour qu’ils cessent de le faire, Rodney Brass, Angela Desjarlais, Sidney Keshane et Glen O’Soup ont affirmé qu’ils peuvent gérer les affaires de la Première nation de Key s’ils ont le « quorum ». Ils n’ont pas invité les conseillers Clinton Key et Clarence Papequash à de soi-disant réunions du conseil de bande.

L’exécution de votre « mandat » et la réception d’« instructions » provenant de Rodney Brass, Angela Desjarlais, Sidney Keshane et Glen O’Soup au nom de la Première Nation de Key, à l’exclusion des conseillers Clinton Key et Clarence Papequash, sont illégales et inapplicables. Les fonds que votre cabinet a reçus de la Première Nation de Key doivent faire l’objet d’une reddition de compte.

[46]  M. Phillips a demandé à SWL de rendre compte de toutes les factures remises à la bande et des fonds reçus de la part de la bande à compter du 1er octobre 2016.

[47]  Dans sa lettre, M. Phillips qualifie le mandat de SWL d’illégal, mais les conseillers Key et Papequash n’ont pris aucune mesure contre la bande à ce moment‑là. Ils ont surtout visé SWL et Mme Lavallée. Je reconnais que les deux conseillers ne connaissaient pas les montants exacts versés par la bande à SWL pendant cette période. Toutefois, ils savaient que la bande avait retenu les services de SWL et que Mme Lavallée fournissait d’importants services juridiques à la bande et aux autres défendeurs dans le cadre de la contestation de la demande concernant les élections. Les conseillers Key et Papequash savaient aussi qu’ils n’avaient pas signé de résolution du conseil de bande autorisant la bande à mandater SWL ou à effectuer les versements contestés.

[48]  L’avocate de la bande soutient que les conseillers Key et Papequash savaient que SWL avait été retenue pour la demande concernant les élections, mais affirme qu’ils ne savaient pas que SWL avait été retenue par la bande et était payée par elle. Pour pouvoir avancer cet argument, elle fait abstraction de la lettre du 23 août 2017 adressée à Mme Lavallée ainsi que de l’allégation selon laquelle le mandat confié à son cabinet par les défendeurs du conseil de bande, au nom de la bande, était illégal. Si les conseillers Key et Papequash ne savaient pas que SWL agissait au nom de la bande, ils n’auraient eu aucune raison de soutenir qu’ils ont été exclus des affaires du conseil de bande, de déclarer que le mandat était illégal et d’exiger une reddition de compte pour tous les fonds reçus de la bande depuis octobre 2016.

[49]  La bande fait également valoir que, si la demande a été déposée après le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour prolonger le délai dans l’intérêt de la justice, puisque la bande a présenté la demande dès qu’il était raisonnablement possible de le faire et que la demande était fondée. La bande s’appuie sur l’analyse du juge Pentney, au paragraphe 19 de Crowchild c Nation Tsuu T’ina, 2017 CF 861, quant aux circonstances dans lesquelles une prolongation de délai est justifiée :

[19] Il est toutefois possible de prolonger [le délai prévu au paragraphe 18.1(2)]; pour ce faire, il importe principalement de déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice de le faire. La Cour a statué que la partie demanderesse doit prouver : (i) une intention constante de poursuivre sa demande; (ii) que la demande est bien fondée; (iii) que le défendeur ne subit pas de préjudice en raison du délai; (iv) qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai. Virdi c Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 529, au paragraphe 7; James Richardon International Ltd c Canada, 2004 CF 1577, au paragraphe 29; Tsetta c Conseil de bande de la Première Nation des Dénés Couteaux-Jaunes, 2014 CF 396, au paragraphe 21. Bon nombre des précédents pertinents font référence à l’intention continue de présenter une demande de contrôle judiciaire, mais, à mon avis, il suffit que la demanderesse ait démontré une intention continue de poursuivre ses recours judiciaires relativement à la décision : Apv Canada Inc c Canada (Ministre du Revenu national), 2001 CAF 737, au paragraphe 13.

[50]  J’ai examiné attentivement les arguments de la bande en faveur d’une prolongation du délai prévu au paragraphe 18.1(2), mais je refuse de le prolonger pour les motifs suivants.

[51]  Premièrement, le délai prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sert un intérêt public important. Il offre certitude et caractère définitif aux décisions, au bénéfice des décideurs administratifs et de ceux qui sont liés par leurs décisions, et permet l’exécution des décisions sans délai (Canada c Berhad, 2005 CAF 267, paragraphe 60). L’ampleur du retard de la bande mine sérieusement l’intérêt public. Le retard a permis à un nouveau conseil de bande, agissant au nom de la bande, de contester une résolution existante de la bande. Bien que la bande fasse valoir que les circonstances, qui comportent des allégations de graves méfaits, sont uniques, une prolongation du délai pour permettre à une bande de contester ses décisions antérieures est inquiétante.

[52]  Il ne fait aucun doute que la bande et ses membres ont été mêlés à une série de contestations judiciaires et de bouleversements de leadership de la fin de 2016 jusqu’au milieu de 2018, mais il était également évident pendant cette période que la bande dépensait des fonds considérables pour s’opposer à la demande concernant les élections. Le conseil de bande a continué de fonctionner et de se réunir tout au long de cette période (de 2016 à 2018), comme en témoignent un certain nombre de résolutions consignées et signées par tous les conseillers, y compris les conseillers Key et Papequash. 

[53]  Deuxièmement, je ne suis pas d’accord pour dire que les conseillers Key et Papequash ont agi dès que possible. Me fondant sur la preuve qu’ils ont eux‑mêmes présentée, j’estime qu’ils avaient des raisons de croire en août 2017 qu’ils étaient exclus des affaires du conseil de bande. Ils savaient également que le cabinet SWL avait été retenu par la bande pour la demande concernant les élections. Les conseillers Key et Papequash n’ont pris aucune mesure contre la bande en leur nom personnel ou à titre de représentants de la bande, mesures qu’il leur était loisible de prendre. Leur décision d’attendre l’issue de la demande concernant les élections et de déposer la présente demande au nom de la bande ne justifie pas une prolongation de délai.

[54]  Troisièmement, la raison pour laquelle la bande a présenté la présente demande et conteste ses décisions antérieures est accessoire à l’action intentée en Saskatchewan et au désir de la bande de recouvrer les coûts engagés relativement à la demande concernant les élections. Il n’est pas dans l’intérêt public de permettre qu’une demande de contrôle judiciaire soit présentée en retard pour étayer les arguments présentés dans une action distincte. La bande soutient qu’il est tout à fait approprié de scinder les deux procédures judiciaires et de faire valoir la validité de la RCB devant la Cour. Le problème concernant cet argument, c’est que la bande s’en remet aux défendeurs avocats pour formuler des arguments à l’égard d’une série d’allégations d’inconduite du conseil de bande dont elle n’a pas une connaissance personnelle. Il n’est dans l’intérêt d’aucune des parties que je rende une ordonnance fondée sur des éléments de preuve et des arguments incomplets, car cette ordonnance sera ensuite utilisée comme preuve d’une évaluation définitive par la Cour de certaines des questions en litige dans le cadre de l’action intentée en Saskatchewan.

[55]  En refusant de prolonger le délai prévu au paragraphe 18.1(2), je ne fais aucune évaluation du bien-fondé de la demande. Les arguments de la bande concernant l’adoption de la RCB et la conduite des défendeurs du conseil de bande et des défendeurs avocats font partie de son action intentée en Saskatchewan. Il est préférable de les évaluer dans leur intégralité dans le cadre de l’action intentée en Saskatchewan, car ils sont interreliés et se rapportent directement aux demandes de dommages-intérêts de la bande contre SWL et les défendeurs avocats.

VI.  Conclusion

[56]  La structure et le moment du dépôt de la présente demande sont tous deux incorrects. La bande me demande d’annuler une décision prise en son nom et au nom de tous les membres de la bande parce qu’un conseil de bande nouvellement élu est d’avis qu’il y a eu de graves irrégularités dans la façon dont la RCB initiale a été adoptée. À mon avis, la bande ne peut pas elle-même attaquer sa RCB du 10 novembre 2016 au moyen de la demande de contrôle judiciaire déposée le 27 juillet 2018 dans le but d’appuyer ses arguments dans une affaire civile. La RCB est entièrement exécutée. Il en va de même pour les autres décisions. La tentative « d’annuler » maintenant ces décisions est faite hors délai. La demande est rejetée, car la bande a omis de la déposer dans le délai prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi.

VII.  Dépens

[57]  Les défendeurs avocats demandent, dans leur mémoire des faits et du droit, que les dépens leur soient adjugés, car ils ont été incorrectement associés à la présente demande. Ils soutiennent également que la demande constitue un abus de procédure puisque la bande demande la même réparation dans l’action intentée en Saskatchewan. À l’audience, l’avocate des défendeurs avocats a réclamé des dépens de 15 000 $.

[58]  J’ai examiné la demande des défendeurs avocats visant à obtenir un montant forfaitaire pour les dépens en fonction des facteurs énoncés au paragraphe 400(3) des Règles. Tout d’abord, je ne considère pas que le dépôt de la demande par la bande constitue un abus de procédure. La bande a poursuivi une stratégie de contentieux qui ne s’est pas avérée fructueuse pour les motifs que j’ai donnés, mais cela ne signifie pas que la stratégie constituait un abus. Je ne dispose d’aucun élément de preuve montrant que la bande s’est jointe aux défendeurs avocats pour une raison autre que le fait qu’elle souhaitait s’assurer que des arguments juridiques opposés soient présentés à la Cour. Je remarque également que, malgré les antécédents difficiles des personnes touchées par la demande, il n’y a aucune preuve que la bande, les défendeurs avocats ou leur avocate ont agi de façon inappropriée ou pris des mesures inutiles pour compliquer les présentes procédures. 

[59]  Compte tenu de l’issue de la demande et de la complexité des questions soulevées, j’accorderai un montant forfaitaire de 7 000 $ aux défendeurs avocats. 

[60]  Je n’adjugerai aucuns dépens en faveur des défendeurs du conseil de bande.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1464-18

LA COUR statue que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. La bande est condamnée à payer aux défendeurs avocats des dépens de 7 000 $, somme qui comprend les débours et les taxes.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour de décembre 2019

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1464-18

 

INTITULÉ :

LA PREMIÈRE NATION KEY c STEPHANIE LAVALLÉE ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

REGINA (SASKATCHEWAN)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 JUIN 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 novembre 2019

 

COMPARUTIONS :

Lynda K. Troup

Pour la demanderesse

 

Karen Prisciak

Pour les défendeurs

STEPHANIE LAVALLÉE ET DONALD WORME

 

Aucune comparution

POUR LES DÉFENDEURS

RODNEY BRASS, ANGELA DESJARLAIS,

SIDNEY KESHANE ET GLEN O’SOUP

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour la DEMANDERESSE

A.S.K. Law

Saskatoon (Saskatchewan)

Pour les DÉFENDEURS

STEPHANIE LAVALLÉE ET DONALD WORME

 

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