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Date : 20191115


Dossier : T-1169-19

Référence : 2019 CF 1432

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

BELL MÉDIA INC. GROUPE TVA INC. ROGERS MEDIA INC.

demanderesses/

requérantes

et

UNTEL 1 faisant affaire sous le nom de GOLDTV.BIZ

UNTEL 2 faisant affaire sous le nom de GOLDTV.CA

défendeurs

et

BELL CANADA

BRAGG COMMUNICATIONS INC. faisant affaire sous le nom d’EASTLINK

COGECO CONNEXION INC.

DISTRIBUTEL COMMUNICATIONS LIMITED

FIDO SOLUTIONS INC.

ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC. SASKATCHEWAN TELECOMMUNICATIONS SHAW COMMUNICATIONS INC.

TEKSAVVY SOLUTIONS INC.

TELUS COMMUNICATIONS INC.

VIDEOTRON LTD.

tierces parties intimées

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demanderesses déposent la présente requête en vue d’obtenir une injonction interlocutoire à l’encontre des tierces parties intimées, les fournisseurs d’accès Internet (FAI). La mesure de redressement demandée obligerait les tierces parties intimées innocentes à prendre des mesures pour empêcher leurs clients d’accéder aux sites Web et aux services Internet exploités par les défendeurs anonymes.

[2]  Les demanderesses Bell Média Inc., Rogers Media Inc. et le Groupe TVA Inc. (les demanderesses) sont des sociétés canadiennes de radiodiffusion. Elles diffusent une panoplie d’émissions de télévision par l’entremise de services de radiodiffusion et de diffusion en ligne ou en continu. Les demanderesses sont soit propriétaires des droits de diffusion canadiens de ces émissions, soit titulaires exclusives de ces droits. Les demanderesses soutiennent que les deux défendeurs, Untel 1, faisant affaire sous le nom de goldtv.biz, et Untel 2, faisant affaire sous le nom de goldtv.ca (les services GoldTV), exploitent des services d’abonnement non autorisés qui fournissent l’accès à leurs émissions sur Internet, en contravention de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42.

[3]  Les tierces parties intimées Bell Canada, Fido Solutions Inc., Rogers Communications Inc. et Videotron Ltd. consentent à la requête. Les tierces parties intimées Bragg Communications Inc. faisant affaire sous le nom Eastlink, Saskatchewan Telecommunications, Shaw Communications Inc. et Telus Communications Inc. (Telus) ne prennent pas position. Les tierces parties intimées Distributel Communications Limited (Distributel) et Cogeco Connexion Inc. (Cogeco) ne prennent pas position quant au fondement de la requête, mais s’opposent aux modalités du projet d’ordonnance. La tierce partie intimée TekSavvy Solutions Inc. (TekSavvy) s’oppose à la requête pour plusieurs motifs.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’ordonnance, dans une version modifiée, devrait être délivrée.

II.  L’historique des procédures

[5]  Les demanderesses ont déposé une déclaration auprès de notre Cour le 17 juillet 2019 en vue de lutter contre les activités de contrefaçon alléguées des défendeurs. Les demanderesses souhaitaient obtenir, entre autres, des injonctions provisoire, interlocutoire et permanente à l’égard des défendeurs.

[6]  Le 25 juillet 2019, la juge Renée Leblanc a délivré une injonction interlocutoire de quatorze jours ordonnant aux défendeurs de cesser l’exploitation des services GoldTV. Le 8 août 2019, la juge Catherine Kane a délivré une ordonnance interlocutoire semblable.

[7]  Les juges Leblanc et Kaine, en délivrant les ordonnances du 25 juillet et du 8 août, ont remarqué que les défendeurs s’étaient [traduction] « manifestement efforcés de demeurer anonymes et d’éviter toute action en justice de la part de titulaires des droits tels que les demanderesses ». Les juges Leblanc et Kane ont également mentionné que les défendeurs étaient demeurés anonymes, malgré l’enquête diligente menée par les demanderesses. La signification indirecte a été autorisée et continue d’être invoquée par les demanderesses puisque l’identité des défendeurs demeure inconnue. Les défendeurs n’ont pas produit de réponse à la déclaration.

[8]  Or, malgré la délivrance d’injonctions provisoires et interlocutoires à l’égard des défendeurs, certains des services de GoldTV demeurent fonctionnels et la contrefaçon alléguée se poursuit. Les demanderesses sollicitent maintenant une ordonnance afin d’obliger les tierces parties intimées à bloquer l’accès aux sites Web et aux services Internet exploités par les défendeurs. Les tribunaux canadiens n’ont encore jamais rendu d’ordonnance de cette nature, mais les tribunaux d’autres pays l’ont fait, notamment au Royaume-Uni où les cours ont prononcé des [traduction] « ordonnances de blocage de sites Web » (Cartier International AG v. British Sky Broadcasting Ltd., [2016] EWCA Civ 658 [Cartier CA], au paragraphe 5, et Cartier International AG v. British Telecommunications plc, [2018] UKSC 28 [Cartier SC], au paragraphe 5). L’ordonnance demandée en l’espèce est appelée [traduction] « ordonnance de blocage de sites » par les parties.

III.  Les tierces parties intimées

[9]  Comme je l’ai mentionné précédemment, les tierces parties intimées sont toutes des FAI. Les FAI contrôlent l’infrastructure permettant l’accès à l’Internet.

[10]  Les tierces parties intimées desservent la majorité, mais pas la totalité des utilisateurs d’Internet canadiens. Parmi les onze tierces parties intimées, seules TekSavvy et Distributel ont déposé des documents devant notre Cour. Telus a formulé de courtes observations à l’audience.

[11]  TekSavvy s’oppose à la requête en soutenant que 1) la requête porte strictement sur la question du blocage de sites; 2) l’objet du litige relève de l’expertise et du mandat spécialisé du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) aux termes de la Loi sur les télécommunications, LC 1993, c 38 (Loi sur les télécommunications); 3) dans les circonstances, bien que la Cour puisse avoir compétence, au sens restreint de la chose, la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence. TekSavvy prétend de plus que si la Cour conclut le contraire, alors, subsidiairement, les demanderesses n’ont pas respecté les critères d’obtention d’une injonction interlocutoire.

[12]  Distributel ne prend pas position relativement au fondement de la requête en injonction, mais elle soutient que l’ordonnance proposée constituera une trop grande intrusion pour les tierces parties intimées. Afin de tenir compte de ses préoccupations, Distributel propose plusieurs modifications aux ordonnances proposées.

[13]  À la fin de l’audience, les parties ont été invitées à tenir de nouvelles consultations sur le contenu du projet d’ordonnance. Les questions en litige ont ainsi été circonscrites. Toutefois, des désaccords subsistent quant à certains éléments du projet d’ordonnance. Les demanderesses, TekSavvy, Distributel, Telus et Cogeco, ont communiqué leurs positions à la Cour par correspondance. Le contenu de l’ordonnance sera examiné plus tard dans les présents motifs.

IV.  Qu’est-ce que le blocage de sites?

[14]  La preuve par affidavit produite avec la requête explique la structure d’Internet et la façon dont les utilisateurs accèdent au contenu qui s’y trouve.

[15]  L’Internet est composé d’une série de « nœuds ». Chaque appareil connecté à Internet représente un nœud. Par exemple, lorsqu’un utilisateur accède à un site Web à partir d’un ordinateur portable, le serveur qui héberge le site Web représente un nœud, et une connexion est établie avec l’ordinateur portable, qui représente un autre nœud.

[16]  Chaque nœud comporte un identifiant numérique qu’on appelle adresse de protocole Internet (adresse IP). Les adresses IP sont des codes numériques qui peuvent être compliqués pour les utilisateurs. Au lieu d’utiliser une adresse IP, les utilisateurs utilisent généralement un nom, qu’on appelle un « nom de domaine », pour accéder à un nœud en particulier. Lorsqu’un utilisateur souhaite se connecter à un nœud à l’aide d’un nom de domaine, il accède automatiquement au « système de noms de domaine » (DNS), soit un répertoire qui constitue habituellement une partie de l’infrastructure du FAI, puis le nom de domaine est associé à l’adresse IP appropriée.

[17]  Le nom de domaine peut comprendre des sous-domaines et des adresses de « localisateur de ressources uniforme » (URL). Les adresses URL dirigent l’utilisateur vers un endroit très précis au sein d’un domaine. Un nom de domaine sera habituellement associé à une seule adresse IP, mais une même adresse IP peut héberger plusieurs noms de domaine.

[18]  Un FAI peut bloquer l’accès d’un utilisateur à un site Web en utilisant une ou plusieurs des principales méthodes de blocage des sites :

  1. le blocage du DNS, c’est-à-dire qu’un FAI peut empêcher un nom de domaine donné de se convertir adéquatement en l’adresse IP correspondante;

  2. le blocage de l’adresse IP, c’est-à-dire qu’un FAI peut rediriger vers une destination inexistante tout le trafic Internet dirigé vers une adresse IP donnée;

  3. le blocage de l’adresse URL, qui est une forme plus raffinée de blocage du DNS permettant aux FAI d’empêcher les utilisateurs d’accéder à un endroit particulier d’un domaine ou d’un sous-domaine.

[19]  La preuve démontre que la majorité des tierces parties intimées, si ce n’est toutes, peuvent imposer le blocage du DNS, et que toutes les tierces parties intimées peuvent bloquer des adresses IP. Toutefois le blocage d’une adresse URL excède les capacités de la plupart des FAI. Bell Canada semble être la seule tierce partie intimée capable de bloquer une adresse URL.

[20]  La preuve démontre également les options existantes permettant de contourner les mesures de blocage de sites. Les utilisateurs peuvent configurer leur appareil pour accéder à un autre serveur DNS que celui utilisé par le FAI afin d’éviter tout blocage de DNS entrepris par le FAI. L’utilisateur peut également installer un réseau privé virtuel (RPV). Ainsi, il n’utilisera le FAI que pour se connecter au RPV; toutes les autres connexions Internet seront établies par l’entremise du RPV afin d’éviter tout blocage établi par le FAI. L’exploitant d’un site bloqué peut également prendre des mesures pour contourner ce blocage en enregistrant un nouveau nom de domaine ou en créant un nouveau serveur pour héberger le site bloqué à une autre adresse IP.

V.  Questions en litige

[21]  La requête soulève les questions suivantes :

  1. La Cour a-t-elle compétence pour rendre une ordonnance de blocage de site?

  2. La Cour devrait-elle refuser d’exercer sa compétence?

  3. Quel est le critère applicable?

  4. Les demanderesses ont-elles respecté ce critère?

  5. Quelles devraient être les modalités associées à cette ordonnance?

VI.  Analyse

A.  La Cour a-t-elle compétence pour rendre une ordonnance de blocage de site?

[22]  Les articles 4 et 44 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F-7 (Loi sur les Cours fédérales), disposent que la Cour fédérale est une cour d’equity, et lui accordent le pouvoir de délivrer des injonctions sous réserve du respect d’une seule condition, c’est-à-dire que l’injonction soit « just[e] [et] opportun[e] ».

Maintien : Section de première instance

4 La section de la Cour fédérale du Canada, appelée la Section de première instance de la Cour fédérale, est maintenue et dénommée « Cour fédérale » en français et « Federal Court » en anglais. Elle est maintenue à titre de tribunal additionnel de droit, d’equity et d’amirauté du Canada, propre à améliorer l’application du droit canadien, et continue d’être une cour supérieure d’archives ayant compétence en matière civile et pénale.

[…]

Mandamus, injonction, exécution intégrale ou nomination d’un séquestre

44 Indépendamment de toute autre forme de réparation qu’elle peut accorder, la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale peut, dans tous les cas où il lui paraît juste ou opportun de le faire, décerner un mandamus, une injonction ou une ordonnance d’exécution intégrale, ou nommer un séquestre, soit sans condition, soit selon les modalités qu’elle juge équitables.

[Non souligné dans l’original.]

Federal Court — Trial Division continued

4 The division of the Federal Court of Canada called the Federal Court — Trial Division is continued under the name “Federal Court” in English and “Cour fédérale” in French. It is continued as an additional court of law, equity and admiralty in and for Canada, for the better administration of the laws of Canada and as a superior court of record having civil and criminal jurisdiction.

[…]

Mandamus, injunction, specific performance or appointment of receiver

44 In addition to any other relief that the Federal Court of Appeal or the Federal Court may grant or award, a mandamus, an injunction or an order for specific performance may be granted or a receiver appointed by that court in all cases in which it appears to the court to be just or convenient to do so.

[Emphasis added.]

 

[23]  Dans l’arrêt Google Inc. c. Equustek Solutions Inc., 2017 CSC 34, [2017] 1 RCS 824 [Equustek], la Cour suprême du Canada a tranché la question de savoir si l’on pouvait ordonner à Google, par l’entremise d’une injonction interlocutoire, de délister l’ensemble des sites Web d’une entreprise qui ne respectait pas plusieurs ordonnances judiciaires. Dans ce contexte, la Cour suprême a examiné la possibilité de recourir à une réparation par voie d’injonction à l’encontre d’une personne qui n’est pas partie au litige sous-jacent. La juge Abella, s’exprimant pour la majorité, a d’abord fait remarquer que les injonctions étaient des réparations en equity et que les pouvoirs des tribunaux ayant compétence en equity pour accorder des injonctions sont, sous réserve de toute restriction législative pertinente, illimités. Ces pouvoirs ne sont pas limités à un domaine de droit substantiel, et ces injonctions peuvent être facilement exécutées au moyen du pouvoir judiciaire en matière d’outrage (Equustek, au paragraphe 23).

[24]  La juge Abella a ensuite examiné la jurisprudence à l’appui de sa conclusion selon laquelle il était possible d’imposer une réparation par voie d’injonction à Google, un tiers au litige sous-jacent. Elle a fait remarquer que les ordonnances de type Norwich peuvent obliger des tiers à divulguer des renseignements et que les injonctions Mareva peuvent obliger des tiers à participer à la conservation d’actifs au centre d’un litige. Ces obligations sont imposées aux parties qui ne sont pas directement impliquées dans les actes répréhensibles, mais qui sont en position de favoriser le préjudice. Elle a mentionné que c’est ce raisonnement qu’a appliqué la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles (CAAPG) lorsqu’elle a rendu, dans Cartier CA, une ordonnance de blocage de sites à l’égard de cinq FAI (Equustek, aux paragraphes 31 à 33).

[25]  Dans ses observations écrites, TekSavvy a soutenu que la Cour n’avait pas compétence pour rendre une ordonnance de blocage de site. À l’audition, elle a reconnu que, dans un sens [traduction] « restreint », la Cour avait compétence pour prononcer l’ordonnance en question, mais qu’elle devrait s’abstenir de le faire.

[26]  Je conclus que la compétence en equity de la Cour lui confère le pouvoir de délivrer une injonction de la nature de celle que sollicitent les demanderesses.

B.  La Cour devrait-elle refuser d’exercer sa compétence?

[27]  TekSavvy soutient que la présente requête doit être examinée dans le contexte élargi du débat canadien sur le blocage de sites qui a cours devant le Parlement et au CRTC. Dans ce contexte, elle soutient que la Cour devrait s’abstenir d’exercer sa compétence ou son pouvoir discrétionnaire pour rendre une ordonnance de blocage de sites.

[28]  En premier lieu, TekSavvy soutient que les recours dont dispose un titulaire d’un droit d’auteur, et qui sont établis dans la Loi sur le droit d’auteur, sont exhaustifs et ne comprennent pas les ordonnances de blocage de sites. TekSavvy avance en outre plus que le Parlement a examiné la possibilité d’ajouter un régime de blocage de sites lorsqu’il a modifié la Loi sur le droit d’auteur en 2012, mais qu’il a choisi de ne pas le faire. Elle fait valoir que la Cour fédérale ne devrait pas accorder aux demanderesses une réparation que le Parlement a expressément décidé de ne pas inclure dans la loi. Cette prétention n’est pas convaincante.

[29]  En n’adoptant pas de régime de blocage de sites, le Parlement n’a pas interdit à notre Cour d’exercer sa compétence en équité de rendre une ordonnance de blocage de sites. Par ailleurs, le paragraphe 34(1) de la Loi sur le droit d’auteur prévoit que, sous réserve des autres dispositions de cette Loi, le titulaire d’un droit peut « exercer tous les recours — en vue notamment d’une injonction [...] que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d’un droit ». Ceci comprend le droit d’obtenir réparation de tiers qui n’ont eux‑mêmes commis aucun acte répréhensible, mais qui sont mêlés aux actes fautifs d’autres personnes à un point tel qu’ils facilitent le préjudice (Equustek, au paragraphe 31).

[30]   Ce droit largement défini à une réparation par voie d’injonction contredit le point de vue de TekSavvy qui affirme que le choix du Parlement de ne pas inclure de régime de blocage de sites équivaut à une intention implicite de limiter l’accès à une telle réparation devant les tribunaux.

[31]  TekSavvy prétend par ailleurs que la seule question que notre Cour doit trancher dans la présente requête est de savoir s’il faut rendre une ordonnance de blocage de site à l’égard des tierces parties intimées, ce qui est une question distincte de l’instance sous-jacente relative à la violation supposée du droit d’auteur. TekSavvy soutient qu’aux termes de la Loi sur les télécommunications, le blocage de sites est une question qui relève du mandat du CRTC qui, dans ses décisions et ses directives, a conclu que le blocage de sites était seulement justifié dans des cas exceptionnels. TekSavvy invoque les articles 7 et 36 de la Loi sur les télécommunications pour plaider que la Cour, si elle décidait de rendre l’ordonnance demandée, 1) usurperait le rôle du CRTC en déterminant s’il est approprié de bloquer des sites, et 2) s’arrogerait le rôle du CRTC en décidant quels [traduction] « cas exceptionnels », s’il y en a, justifieraient le blocage d’un site en vue de réaliser les objectifs politiques établis à l’article 7 de la Loi sur les télécommunications.

[32]  À l’audition, TekSavvy a demandé et obtenu l’autorisation de présenter des observations écrites supplémentaires quant à l’article 36 de la Loi sur les télécommunications. Les demanderesses ont ensuite produit des observations écrites supplémentaires en réponse.

[33]  L’article 36 donne au CRTC le pouvoir d’autoriser un FAI à bloquer un site Web :

Neutralité quant au contenu

36 Il est interdit à l’entreprise canadienne, sauf avec l’approbation du Conseil, de régir le contenu ou d’influencer le sens ou l’objet des télécommunications qu’elle achemine pour le public.

Content of messages

36 Except where the Commission approves otherwise, a Canadian carrier shall not control the content or influence the meaning or purpose of telecommunications carried by it for the public.

[34]  Dans une décision de 2018, le CRTC a analysé la portée de l’article 36 lorsqu’il a examiné une demande présentée par un groupe appelé la coalition Franc-Jeu Canada. La coalition Franc-Jeu Canada demandait au CRTC de créer un régime permettant à ce dernier de contraindre les FAI à bloquer l’accès aux sites Web et aux services impliqués dans le piratage de droits d’auteur. Le CRTC a conclu qu’il n’avait pas compétence pour mettre en œuvre le régime proposé et a rejeté la demande de la coalition Franc-Jeu Canada. Le CRTC a ainsi examiné, au paragraphe 67 de la décision de télécom CRTC 2018-384 (la décision Franc-Jeu), la portée des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 36 :

67.  L’article 36 de la Loi sur les télécommunications limite la capacité des entreprises à contrôler le contenu des messages transmis par l’entremise de leurs réseaux sans l’autorisation préalable du Conseil. Bien que cet article accorde au Conseil le pouvoir explicite d’autoriser un FAI à bloquer un site Web, le régime proposé irait plus loin et exigerait un tel blocage en vertu d’une ordonnance du Conseil. Étant donné que l’article 36 confère un pouvoir d’autorisation et non un pouvoir de contrainte, le pouvoir d’exiger le blocage doit figurer ailleurs et ce pouvoir doit se rattacher à un sujet qui s’inscrit clairement dans la compétence du Conseil en vertu de la Loi sur les télécommunications. [Non souligné dans l’original.]

[35]  Dans la décision Franc-Jeu, le CRTC a également décidé qu’il n’avait aucune compétence relativement aux questions de violation de droits d’auteur. Il a conclu que le Parlement avait prévu la Loi sur le droit d’auteur comme un régime exhaustif et qu’il faudrait des dispositions claires pour établir les droits et les réparations reliés au droit d’auteur existant aux termes de la Loi sur les télécommunications (décision Franc-Jeu, paragraphes 60, 61 et 65).

[36]  J’ai examiné la jurisprudence citée par TekSavvy dans ses observations écrites supplémentaires (MTS Allstream v TELUS Communications Company, 2009 ABCA 372, aux paragraphes 20, 23, 28, 29 et 32; Bazos v Bell Media Inc, 2018 ONSC 6146, aux paragraphes 66 à 72; Iris Technologies Inc, et al v Telus Communications Company, 2019 ONSC 2502, aux paragraphes 30 et 33; Shaw Cablesystems (SMB) Ltd. et al v. MTS Communications Inc. et al., 2006 MBCA 29, aux paragraphes 52, 54 et 55; Association canadienne des télécommunications sans fil c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 3159, au paragraphe 119). Comme l’ont fait remarquer les demanderesses, la jurisprudence citée par TekSavvy se limite aux situations où le nœud du litige relève de la compétence que la loi confère au CRTC.

[37]  TekSavvy cherche à réduire la question en litige dans la présente requête à celle du blocage de sites. Je ne suis pas convaincu que la réparation par voie d’injonction demandée puisse être si simplement séparée du caractère essentiel de l’action sous-jacente en violation de droit d’auteur.

[38]  TekSavvy n’a pas soutenu que le CRTC avait commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas compétence dans le domaine de la violation de droit d’auteur. Aux fins du règlement des questions dont je suis saisi, et puisqu’il n’y a pas d’arguments contraires, j’adopte la conclusion du CRTC selon laquelle le Parlement a prévu la Loi sur le droit d’auteur comme un régime exhaustif. Faute de dispositions législatives claires attestant du contraire, lorsque le cœur du litige porte sur une question de droit d’auteur, c’est la Loi sur le droit d’auteur qui fixe les réparations possibles.

[39]  La tentative de TekSavvy de présenter la mesure de redressement demandée comme étant distincte de l’action sous-jacente en violation de droit d’auteur n’est pas convaincante et va à l’encontre des conclusions susmentionnées du CRTC. Le CRTC n’a pas compétence eu égard aux questions de violation de droit d’auteur sous-jacentes et n’a pas le pouvoir d’accorder le type de réparations demandées dans la présente requête. Vu ces faits, nul ne peut conclure que notre Cour, en accordant l’injonction demandée, usurperait, s’arrogerait ou éroderait le rôle du CRTC aux termes des articles 7 ou 36 de la Loi sur les télécommunications.

[40]  À l’audition, l’avocat de TekSavvy a également soulevé la question de savoir si les tierces parties intimées seraient tenues d’obtenir une autorisation du CRTC aux termes de l’article 36 de la Loi sur les télécommunications avant d’exécuter une ordonnance de blocage de sites. TekSavvy n’a pas avancé à nouveau cet argument dans ses observations écrites supplémentaires.

[41]  Ayant conclu que la compétence en equity de la Cour lui permet de contraindre les tierces parties intimées, je partage et adopte les observations des demanderesses à cet égard. L’article 36 de la Loi sur les télécommunications ne peut pas être interprété ou appliqué d’une façon qui permettrait au CRTC de modifier une ordonnance de la Cour destinée à empêcher de nouvelles violations des droits prévus aux termes de la Loi sur le droit d’auteur (Renvoi relatif à la Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2010-167 et l’ordonnance de radiodiffusion CRTC 2010-168, 2012 CSC 68, aux paragraphes 39 et 45).

[42]  En somme, la Cour a compétence pour accorder la mesure de redressement demandée. Je ne crois pas que la Loi sur les télécommunications ou l’existence d’un débat sur le rôle des mécanismes de blocage de sites dans le régime canadien de réglementation des télécommunications permettent d’affirmer que la Cour devrait s’abstenir d’exercer son pouvoir discrétionnaire en l’espèce.

C.  Quel est le critère applicable?

[43]  Les demanderesses soutiennent que la délivrance d’une ordonnance de blocage de sites doit satisfaire au critère établi dans les arrêts Manitoba (P.G.) c Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110 [Metropolitan Stores], et RJR -- Macdonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR--MacDonald], et selon lequel l’injonction interlocutoire sera délivrée si : 1) il y a une question sérieuse à trancher; 2) un préjudice irréparable sera causé si l’injonction n’est pas accordée; 3) la prépondérance des inconvénients joue en faveur du demandeur.

[44]  De plus, puisque l’ordonnance concerne des tiers innocents, les demanderesses doivent démontrer que l’ordonnance proposée cible les bons destinataires, qu’il est justifiable que les tierces parties intimées soient liées par cette ordonnance et que, eu égard à la prépondérance des inconvénients, les effets de l’ordonnance correspondent au juste équilibre entre les intérêts des défendeurs, des tierces parties intimées et du public.

[45]  Les demanderesses soutiennent que leur projet d’ordonnance satisfait à la première exigence, c’est-à-dire qu’il cible les bons destinataires, dans ce contexte, car il est établi que les services GoldTV sont impliqués dans la violation du droit d’auteur. La démonstration du fait que les tierces parties intimées sont des FAI permettra ensuite de justifier qu’elles soient liées par l’ordonnance. Je suis du même avis, et je fais également remarquer que ces éléments du critère ne sont pas contestés.

[46]  Les demanderesses se sont inspirées de la jurisprudence du Royaume-Uni pour évaluer la proportionnalité de l’ordonnance et soupeser ses effets sur les tierces parties intimées et le public. Les demanderesses soutiennent que les facteurs énumérés dans l’arrêt Cartier CA et adoptés dans l’arrêt Cartier SC sont pertinents pour l’examen, par notre Cour, de la prépondérance des inconvénients, qui l’un des volets du critère conditionnant la délivrance d’une injonction interlocutoire.

[47]  TekSavvy a remis en cause le fait que les demanderesses se soient appuyées sur la jurisprudence britannique. Elle soutient que contrairement au Canada, le Parlement britannique a codifié le pouvoir d’accorder une ordonnance de blocage de sites dans le contexte de violations de droits d’auteur (Copyright, Designs and Patents Act 1988 et Cartier SC, au paragraphe 4). Toutefois, TekSavvy n’a pas contesté le critère à satisfaire ni les facteurs énumérés en fonction de la jurisprudence britannique.

[48]  TekSavvy fait remarquer, à juste titre, que les arrêts Cartier ont été rendus dans un contexte de codification des ordonnances de blocage de sites où se posent également des questions d’interprétation et d’application des directives de l’Union européenne. Néanmoins, dans l’arrêt Cartier CA, la CAAPG a conclu qu’elle aurait été disposée à invoquer le pouvoir de rendre une ordonnance de blocage de sites aux termes du paragraphe 37(1) de la Senior Courts Act, 1981 (UK), c 54 (Senior Courts Act) (Cartier CA, au paragraphe 72) :

[traduction]

37   Pouvoirs de la Haute Cour quant aux injonctions et aux séquestres.

(1) La Haute Cour peut, par ordonnance (interrogatoire ou définitive), prononcer une injonction ou nommer un séquestre dans tous les cas où elle estime que cela est juste et opportun.

[49]  Le paragraphe 37(1) de la Senior Courts Act reflète les pouvoirs que l’article 44 de la Loi sur les Cours fédérales confère à notre Cour de « décerner [...] dans tous les cas où il lui parait juste ou opportun de le faire [...] une injonction […] ».

[50]  Bien que le contexte législatif ne soit pas le même, je conclus que le recours à la jurisprudence britannique est approprié en l’espèce. Les principes d’équité et l’application de ces principes dans les deux ressorts ont évolué à partir d’une tradition commune. Bien qu’ils découlent d’une loi, les facteurs évalués dans le contexte britannique seront utiles pour déterminer si la mesure de redressement demandée en l’espèce devrait être accordée.

[51]  La question fondamentale à trancher dans le contexte d’une demande d’injonction est de savoir s’il est juste et équitable de délivrer l’injonction eu égard à toutes les circonstances de l’affaire (Equustek, au paragraphe 25). Le volet de la prépondérance des inconvénients incarne très bien cet équilibre des équités, et a été présenté comme étant l’exercice visant à savoir laquelle des parties subirait le préjudice le plus important advenant le rejet ou l’octroi de l’injonction (Metropolitain Stores, à la page 129).

[52]  La CAAPG, dans l’arrêt Cartier CA, a adopté plusieurs principes ou facteurs pertinents afin de déterminer la proportionnalité d’une ordonnance de blocage de site. Ces facteurs sont les suivants :

  1. Nécessité : un examen sur la mesure dans laquelle la réparation est nécessaire pour protéger les droits d’un demandeur. La réparation n’a pas à être indispensable, mais la cour peut déterminer s’il existe d’autres mesures moins onéreuses

  2. Efficacité : un examen de la question de savoir si la mesure de redressement demandée compliquera la contrefaçon et découragera les utilisateurs d’Internet d’accéder au service contrefait.

  3. Effet dissuasif : un examen de la question de savoir si d’autres parties, qui n’utilisent pas actuellement le service contrefait, seront dissuadées de le faire.

  4. Complexité et coût : un examen de la complexité et du coût de la mise en œuvre de la mesure de redressement demandée.

  5. Obstacles à l’utilisation ou au commerce légitimes : un examen de la question de savoir si la réparation créera des obstacles à l’utilisation ou au commerce légitimes en nuisant indûment à la capacité des utilisateurs des services des FAI d’accéder légalement à l’information.

  6. Équité : un examen de la question de savoir si la réparation constitue le juste équilibre entre les droits fondamentaux des parties, des tiers et du grand public.

  7. Substitution : un examen de la mesure dans laquelle les sites bloqués pourraient être remplacés ou substitués et de la question de savoir si un site bloqué pourrait être remplacé par un autre site contrefait.

  8. Mesures de sauvegarde : un examen de la question de savoir si la mesure de redressement demandée comprend des mesures de sauvegarde contre les abus.

[53]  Le facteur de la nécessité est, à mon avis, étroitement lié au volet du préjudice irréparable du critère. J’examinerai les arguments relatifs à la disponibilité d’autres mesures moins onéreuses dans le contexte de ce volet du critère, et non dans le contexte de l’analyse de la prépondérance des inconvénients.

[54]  Les facteurs restants seront utiles pour évaluer la prépondérance des inconvénients et déterminer ce qui est juste et équitable en examinant les intérêts légitimes, mais opposés, des demanderesses, des tierces parties intimées et du grand public. J’estime que les facteurs susmentionnés ne sont pas exhaustifs et qu’aucun facteur n’est déterminant relativement au volet de la prépondérance des inconvénients du critère. Chaque des facteurs sera examiné, mais ils seront présentés de manière globale dans mon évaluation de la prépondérance des inconvénients.

D.  Les demanderesses ont-elles respecté ce critère?

[55]  En présence d’allégations de violation de droit d’auteur et d’une preuve prima facie solide selon laquelle des copies complètes ou importantes ont été effectuées, la jurisprudence reconnaît que ces allégations méritent une attention spéciale. Toutefois, cela ne dégage pas les demanderesses du fardeau d’établir l’existence d’un préjudice irréparable (Bell Canada c 1326030 Ontario Inc. (iTVBox.net), 2016 CF 612, au paragraphe 28 [iTVBox.net], conf. en appel dans l’arrêt Wesley (Mtlfreetv.com) c Bell Canada), 2017 CAF 55, citant la décision Somerville House Books Ltd c Tormont Publications Inc (1993), 50 CPR (3d) 390 (CF 1re instance), au paragraphe 10).

[56]  Les trois volets du critère conditionnant la délivrance d’une injonction ne doivent pas être traités isolément, comme l’a conclu la juge Danièle Tremblay-Lamer dans la décision iTVBox.net. Une conclusion ferme quant à l’un des trois volets du critère en matière d’injonction peut abaisser le seuil des deux autres critères :

[30]  Ceci étant dit, je suis d’accord avec le juge Annis lorsqu’il déclare, dans Geophysical Service Inc. qu’une forte preuve de l’un des trois volets du critère en matière d’injonction, comme c’est le cas en l’espèce, peut abaisser le seuil des deux autres critères :

[35]  Ajoutons que les trois volets du critère conditionnant la délivrance d’une injonction interlocutoire doivent être considérés, dans une certaine mesure, comme formant un tout et non pas comme des éléments distincts : Robert J. Sharpe, Injunctions and Specific Performance, volume à feuillets mobiles (Aurora : Canada Law Book, 2010 au paragraphe 2.600) cité dans Morguard Corporation c InnVest Properties Ottawa GP Ltd, 2012 ONSC 80 au paragraphe 12 :

[traduction]

Les termes « préjudice irréparable », « statu quo » et « prépondérance des inconvénients » n’ont pas un sens précis. Il convient de les considérer comme des principes d’orientation qui s’étoffent et se définissent en fonction des circonstances propres à chaque affaire. Il importe avant tout de ne pas les considérer comme des catégories distinctes et imperméables. Ces divers éléments sont en effet reliés entre eux et la force que peut avoir, dans un cas donné, un volet du critère doit permettre de compenser la faiblesse d’un autre volet.

[36]  Dans certains cas, le dossier d’un demandeur est suffisamment solide pour que l’on puisse fixer pour les deux autres volets un seuil si bas qu’ils perdent leur pertinence. D’après moi, c’est peut‑être l’approche qui, dans la décision Diamant Toys, précitée, sous‑tend l’affirmation selon laquelle il n’est pas nécessaire de démontrer le risque d’un préjudice irréparable lorsque le plagiat est flagrant.

1)  Question sérieuse

[57]  Nul ne conteste ce volet du critère. Il existe une preuve prima facie solide de violation des droits d’auteur par les défenderesses; cette contrefaçon se poursuit malgré l’ordonnance rendue par la juge Kane le 8 août 2019 et enjoignant aux défenderesses de cesser l’exploitation des services GoldTV. La preuve établit de plus que les tierces parties intimées détiennent ou exploitent l’infrastructure permettant à leurs abonnés d’accéder à Internet, puis aux services GoldTV. Nul ne conteste que les services GoldTV utilisent les tierces parties intimées pour s’adonner à la contrefaçon alléguée.

[58]  Cette conclusion solide quant au volet de l’existence d’une question sérieuse, tel qu’il a été expliqué plus haut, est pertinente pour déterminer le seuil que les demanderesses devront franchir quant aux deux autres volets du critère.

2)  Préjudice irréparable

[59]  TekSavvy soutient que les demanderesses n’ont pas démontré qu’elles subiraient un préjudice irréparable si l’ordonnance n’est pas rendue.

[60]  TekSavvy présente d’abord la preuve de son vice-président de la technologie, M. Paul Steward, qui affirme que plusieurs sites ciblés ont été supprimés depuis que les injonctions provisoires et interlocutoires ont été prononcées. Selon TekSavvy, cela indique que les injonctions provisoires et interlocutoires ont l’effet escompté et que si les défendeurs déplacent leur activité de contrefaçon vers de nouveaux sites Web, alors les demanderesses pourront encore se tourner vers la Cour pour modifier l’injonction interlocutoire rendue à l’égard des défendeurs.

[61]  TekSavvy soutient par ailleurs qu’il existe d’autres méthodes pour cibler les sites problématiques restants et que ces solutions n’ont pas été envisagées par les demanderesses.

[62]  Enfin, TekSavvy affirme que la réussite financière des demanderesses indique que si la contrefaçon a donné lieu à un préjudice financier, celui-ci est [traduction] « minime, tout au plus ». Un préjudice financier peut être réglé par l’octroi de dommages-intérêts.

[63]  Les éléments de preuve démontrent que la possibilité d’accéder aux services GoldTV est restreinte depuis la délivrance de l’injonction interlocutoire. Toutefois, ils démontrent également que la contrefaçon se poursuit. Bien qu’il soit possible de revenir devant notre Cour pour modifier l’injonction interlocutoire, on ne sait pas clairement quelles seraient les conséquences éventuelles. Il n’en demeure pas moins que la contrefaçon se poursuit malgré l’injonction interlocutoire actuelle.

[64]  TekSavvy soutient de plus que les demanderesses disposent d’une série de moyens moins intrusifs et que, si rien ne prouve que ces moyens moins intrusifs ont été envisagés, la demande de réparation en l’espèce devrait être rejetée. Les moyens de rechange énoncés comprennent la possibilité de forcer des tiers à bloquer les paiements effectués aux exploitants des sites en infraction et de retirer les applications liées à GoldTV des boutiques d’applications sur Internet.

[65]  Les prétentions de TekSavvy à cet égard ne sont pas particulièrement convaincantes. Aucun élément de preuve ne soutient la prétention selon laquelle ces mesures proposées seraient efficaces. Les mesures et leur possible incidence sur l’activité de contrefaçon sont pour le moins spéculatives. Par ailleurs, dans un affidavit du 3 septembre 2019, Yves Rémillard, un enquêteur embauché par une des demanderesses, affirme preuve à l’appui que les mesures proposées ne sont pas efficaces et fournit un éventail de raisons à l’appui de cette évaluation.

[66]  Je suis d’accord que les pertes financières peuvent habituellement être réglées par la voie de dommages-intérêts. Or, le préjudice en l’espèce survient dans le contexte d’un dossier solide prima facie de violation continue du droit d’auteur des demanderesses par des défendeurs inconnus. De plus, les éléments de preuve indiquent qu’il n’existe aucune méthodologie établie permettant d’évaluer l’incidence des services d’abonnement non autorisés sur le comportement des consommateurs et les conséquences financières connexes pour les demanderesses. Ces faits ne permettent pas d’affirmer que ces pertes sont facilement quantifiables ou indemnisables.

[67]  De même, les observations de TekSavvy selon lesquelles l’incidence financière de la contrefaçon est minime compte tenu de la réussite financière générale des demanderesses ne signifient pas pour autant que le préjudice est sans importance ou sans conséquence. Dans la décision Franc-Jeu, le CRTC a reconnu « que le dossier de la présente instance démontre que le piratage de droits d’auteur cause un préjudice au système canadien de radiodiffusion et à l’économie en général » (au paragraphe 72). Ceci démontre qu’en plus de violer les droits des demanderesses, les actions des défendeurs portent atteinte aux demanderesses à titre de participantes à ce système.

[68]  À l’instar de mes collègues les juges Leblanc et Kane, je conclus que les demanderesses ont démontré qu’elles subiraient un préjudice irréparable si l’injonction n’était pas accordée.

3)  Prépondérance des inconvénients

[69]  TekSavvy soutient que la prépondérance des inconvénients milite en faveur du rejet de la demande d’injonction. Elle soutient que le blocage de sites est une mesure extrême risquant de porter atteinte à la liberté d’expression par inadvertance en bloquant du contenu légitime. Elle prétend donc que les conséquences d’une ordonnance de blocage de site sur les tierces parties intimées et les consommateurs canadiens l’emportent sur tout préjudice que les demanderesses pourraient subir en raison de l’activité de contrefaçon.

[70]  Comme je l’ai mentionné plus haut, l’évaluation de la prépondérance des inconvénients comprend de nombreux facteurs qui varient d’une affaire à l’autre. Les facteurs Cartier, exception faite du facteur de la nécessité que j’ai abordé lors de l’analyse du préjudice irréparable, offrent un cadre permettant d’examiner les intérêts des demanderesses, des tierces parties intimées et du grand public.

4)  Les facteurs Cartier

a)  Efficacité

[71]  Pour évaluer l’efficacité, il faut déterminer si l’ordonnance demandée compliquerait la réalisation de la contrefaçon et découragerait les utilisateurs d’accéder aux services en infraction. L’efficacité a été contestée sur la base de deux motifs principaux. Premièrement, le blocage de site peut être contourné et deuxièmement, tous les FAI n’ont pas été nommés à titre de tierces parties intimées.

[72]  Les éléments de preuve portant sur l’efficacité du blocage de site ne sont pas uniformes. Le déposant des demanderesses, M. Erone Quek, affirme que le blocage de sites est efficace pour empêcher l’accès aux sites Web en infraction, selon les expériences réalisées dans des pays où des ordonnances de blocage de sites ont été rendues. Toutefois, il reconnaît qu’il existe des options permettant aux utilisateurs et aux exploitants de sites Web de contourner le blocage de sites. Il présente ces mesures comme étant difficiles à mettre en œuvre et souvent inefficaces.

[73]  D’autre part, M. Paul Stewart, le déposant de TekSavvy, affirme que le blocage de sites peut être facilement contourné tant par les utilisateurs que par les exploitants de sites Web. Au cours de son contre-interrogatoire, M. Stewart a reconnu qu’il a avait peu d’expérience concrète quant aux techniques de contournement mentionnées dans son affidavit.

[74]  La preuve démontre que le blocage de sites peut être contourné, mais que la complexité de certaines techniques, l’incidence potentielle sur la qualité des services Internet, ainsi que la rentabilité des méthodes de contournement sont tous des obstacles éventuels que devront surmonter les abonnés souhaitant faire usage de ces techniques. De même, bien que la preuve démontre que les exploitants de sites Web ont accès à des options de contournement, elle démontre également que ces techniques sont souvent peu pratiques à mettre en œuvre.

[75]  Il ressort clairement du témoignage que le blocage de sites Web n’empêchera pas tous les utilisateurs d’avoir accès aux services en infraction. Cependant, la preuve démontre que ces mesures de blocage de sites ont mené à une réduction considérable du nombre de visites des sites Web en infraction dans les pays où elles ont été mises en œuvre. Je conclus qu’une ordonnance de blocage de sites est un moyen efficace de limiter l’accès aux services GoldTV.

[76]  TekSavvy soutient également que toute ordonnance aurait une efficacité limitée, car les demanderesses n’ont pas nommé un grand nombre de petits FAI canadiens ou établissements postsecondaires canadiens en tant que tierces parties intimées. Un grand nombre d’établissements postsecondaires ne font pas appel aux FAI pour offrir l’accès Internet à leurs étudiants.

[77]  Afin d’étayer sa position, TekSavvy a fourni à la Cour des éléments de preuve démontrant qu’environ deux millions d’étudiants fréquentent des établissements d’éducation postsecondaire au Canada, et que 51 % des consommateurs en ligne âgés de 18 à 34 ans accèdent à du contenu illégitime sur Internet.

[78]  Les arguments avancés par TekSavvy à cet égard sont convaincants; néanmoins, ils doivent être examinés dans le contexte de la preuve que les demanderesses ont soumise à notre Cour au sujet des abonnés.

[79]  Les demanderesses s’appuient sur le Rapport de surveillance des communications 2018 du CRTC pour établir que 12,8 millions de personnes sont abonnées à des services Internet résidentiel en 2017. Selon les données publiques pour l’année 2018 tirées de ce rapport, les demanderesses estiment également que les principaux FAI au Canada, qui sont tous nommés à titre de tierces parties intimées dans la présente requête, représentaient plus de 12,8 millions d’abonnés en 2018.

[80]  Tous les FAI canadiens n’ont pas été nommés, mais il est clair que les abonnés desservis par les tierces parties intimées en l’espèce représentent une part importante des abonnés canadiens. Les étudiants postsecondaires peuvent avoir accès à Internet dans leurs établissements d’études postsecondaires; toutefois, les éléments de preuve produits ne sont pas suffisants pour démontrer que cette population s’appuie uniquement sur les services fournis par ces établissements pour accéder à Internet ou que les services en infraction en cause sont même accessibles par l’un de ces moyens.

[81]  La preuve démontre que les ordonnances de blocage de sites ont bel et bien été efficaces dans d’autres pays et que les abonnés des tierces parties intimées représentent un pourcentage important des abonnés de FAI au Canada. En conséquence, je conclus que l’ordonnance demandée est susceptible de réduire l’accès général aux services en infraction et est un moyen efficace de protéger les droits des demanderesses et de limiter le préjudice subi par celles-ci.

b)  Effet dissuasif

[82]  Les demanderesses soutiennent qu’une ordonnance de blocage de site dissuadera les tiers qui n’utilisent pas actuellement les services GoldTV et d’autres exploitants éventuels de services en infraction pour les mêmes raisons qu’elle sera efficace en ce qui concerne les utilisateurs et exploitants actuels. Les demanderesses avancent de plus que les coûts liés au contournement du blocage s’additionneront de sorte que le coût d’accès total au contenu par l’entremise des services GoldTV sera plus près du coût de l’accès légitime au contenu, ce qui aura aussi un effet dissuasif.

[83]  TekSavvy reconnaît que les méthodes de contournement, comme l’utilisation d’un RPV, sont coûteuses pour l’utilisateur et sont moins efficaces. Toutefois, TekSavvy soutient que de nombreux utilisateurs utilisent déjà la technologie de RPV à d’autres fins. Par conséquent, il n’y a pas de conséquences financières supplémentaires pour ces utilisateurs et, quoi qu’il en soit, les coûts financiers et la perte d’efficacité liés à l’utilisation d’un RPV sont minimes.

[84]  La thèse de TekSavvy a un certain fondement. Cependant, je ne crois pas que l’on puisse mettre de côté ou écarter les coûts et la complexité supplémentaires au motif que ces éléments ne dissuaderont pas tous les utilisateurs futurs éventuels des services en infractions. Les tribunaux des pays où des mesures de blocage de sites ont été autorisées ont conclu qu’une augmentation même minime des coûts pouvait avoir un effet dissuasif (Twentieth Century Fox Film Corp. v British Telecommunications PLC [2011] EWHC 1981 (Ch), au paragraphe 196).

c)  Complexité et coût

[85]  TekSavvy a soutenu que [traduction] « la mise en œuvre et le maintien d’un système de blocage de sites pourraient coûter des centaines de milliers de dollars et imposer d’importantes pressions sur les ressources humaines de TekSavvy ». TekSavvy indique également qu’une ordonnance de blocage de sites en l’espèce créerait un précédent qui pourrait, en fin de compte, exposer les FAI à des centaines, voire à des milliers d’ordonnances de blocage de sites. J’ai examiné les modalités du projet d’ordonnance et les éléments de preuve limités étayant les estimations des coûts éventuels de la conformité, et j’estime que cet argument n’est pas convaincant.

[86]  Le projet d’ordonnance exige que les tierces parties intimées procèdent au blocage du DNS et de l’adresse IP en ce qui a trait aux domaines et aux adresses IP précisées dans l’ordonnance. Le projet d’ordonnance n’oblige pas les tierces parties intimées à procéder au blocage d’adresses URL. TekSavvy reconnaît qu’elle a le matériel et les logiciels techniques nécessaires pour procéder au blocage de DNS et d’adresses IP. Rien n’indique que TekSavvy ou toute autre tierces parties intimées serait tenue d’acquérir du matériel ou des logiciels pour se conformer au projet d’ordonnance.

[87]  Bien qu’elle ait la capacité technique de se conformer à l’ordonnance, TekSavvy soutient n’avoir ni le système ni les processus opérationnels en place pour s’y conformer. Elle fait également remarquer que la redirection d’utilisateurs qui tentent d’accéder à un site bloqué vers une page d’information [traduction] « serait virtuellement impossible sur des systèmes qui utilisent des serveurs DNS sécurisés modernes ».

[88]  J’accepte la preuve de TekSavvy selon laquelle elle ne dispose actuellement pas d’un système ou d’un processus opérationnel qui lui permettraient de mettre en œuvre et de surveiller le blocage de sites; toutefois, la preuve ne démontre pas que le coût et la complexité d’une telle entreprise penchent en faveur du refus de rendre une telle ordonnance.

[89]  De manière similaire, et bien que le projet d’ordonnance oblige les tierces parties intimées à prendre des mesures raisonnables pour mettre certains renseignements à la disposition des utilisateurs qui tentent d’accéder aux domaines et aux adresses IP bloqués, ces mesures raisonnables ne se limitent pas à la redirection des utilisateurs vers une page d’avis. D’autres options de notification peuvent être mises en œuvre.

[90]  Le projet d’ordonnance prévoit le remboursement des frais des tierces parties intimées. Les dispositions d’indemnisation font l’objet d’un désaccord et seront analysées ultérieurement dans les présents motifs. Cependant, aux fins de cette partie de l’analyse, il suffit de souligner que le projet d’ordonnance impose des obligations d’indemnisation aux demanderesses, qui reconnaissent que les tierces parties intimées ne devraient pas être responsables des coûts de la mise en œuvre de l’ordonnance.

[91]  En résumé, le projet d’ordonnance tient compte des limites techniques des tierces parties intimées, reconnaît que les tierces parties intimées ne devraient pas avoir à assumer les coûts liés à la mise en œuvre de l’ordonnance, et comporte un processus d’indemnisation des tierces parties intimées par les demanderesses.

[92]  Je ne suis pas convaincu que les coûts ou la complexité, dans le contexte des dispositions du projet d’ordonnance, penchent en défaveur de l’octroi de l’ordonnance demandée.

d)  Obstacles au commerce légitime

[93]  Dans le cadre de l’évaluation de ce facteur, je dois déterminer si l’ordonnance proposée priverait indûment les clients des tierces parties intimées de l’accès à du contenu légal. À mon avis, ce ne serait pas le cas pour les motifs suivants :

  1. L’ordonnance est limitée aux domaines, aux sous-domaines et aux adresses IP indiqués dans le projet d’ordonnance; Nul ne conteste le fait que l’objet principal ou prédominant des domaines, sous-domaines et adresses IP définis soit de permettre ou de faciliter l’accès aux services GoldTV;

  2. Bien que l’ordonnance prévoit l’ajout éventuel de domaines, de sous-domaines et d’adresses IP, cet ajout ne peut avoir lieu qu’après avoir transmis un avis à la Cour et après avoir produit des éléments de preuve établissant l’objet principal ou prédominant des domaines et des adresses nouvellement ciblés;

  3. L’ordonnance prévoit également le retrait de domaines ou d’adresses IP advenant qu’ils ne répondent plus au critère relatif à la [traduction« raison d’être principale ou prédominante »;

  4. L’ordonnance prévoit la levée temporaire du blocage d’accès à un site par les tierces parties intimées afin de leur permettre d’aplanir des préoccupations d’ordre technique ou de sécurité ou pour éviter un surblocage.

[94]   Ces mesures n’éliminent pas complètement le risque de surblocage, mais elles permettront de le réduire au minimum. Le risque de surblocage est anticipé, et les FAI sont outillés pour y réagir, le cas échéant.

e)  Équité

[95]  TekSavvy soutient que le projet d’ordonnance est contraire au principe de la neutralité du Net, c’est-à-dire le concept selon lequel tout le trafic Internet devrait recevoir un traitement égal de la part des FAI. Elle affirme en outre que le projet d’ordonnance réduirait indûment la compétitivité de plus petits FAI, comme elle, et aurait une incidence négative sur les utilisateurs de FAI, notamment sur leur droit individuel de liberté d’expression.

[96]  Les demanderesses font valoir que le principe de la neutralité du Net ne s’applique pas dans le contexte de l’espèce. Elles soutiennent que le principe de la neutralité du Net découle de l’article 36 de la Loi sur les télécommunications, lequel vient codifier la [traduction] « doctrine du transporteur public ». Les demanderesses invoquent la jurisprudence du transporteur public pour soutenir que la doctrine ne peut pas contraindre un transporteur à obtenir des biens ou des services illégaux ou à faciliter l’accès à ceux-ci (Graham & Strang v Dominion Express Company, 1920 Carswell ON 56, au paragraphe 37).

[97]  Je ne suis pas disposé à conclure que, comme le suggèrent les demanderesses, le principe de la neutralité du Net n’est nullement applicable dans le contexte d’une demande d’ordonnance de blocage de sites. Toutefois, je conclus, compte tenu de la solide preuve prima facie en l’espèce de la contrefaçon continue et du projet d’ordonnance visant à limiter le blocage aux sites illégaux et intégrant des processus afin d’éviter le surblocage involontaire, que les préoccupations relatives à la neutralité du Net et à la liberté d’expression ne jouent pas contre l’octroi de la mesure de redressement demandée. Comme l’a déjà fait remarquer la Cour suprême du Canada, quoique dans un contexte différent, la jurisprudence n’a pas reconnu jusqu’à maintenant que la liberté d’expression exige qu’on facilite une conduite illégale (Equustek, au paragraphe 48). De même, je ne suis pas convaincu que le principe de la neutralité du Net, ou la [traduction] « doctrine du transporteur public », doivent être appliqués de manière à exiger des FAI qu’ils facilitent une conduite illégale.

[98]  Le dossier de preuve comprend des déclarations selon lesquelles le coût de la mise en œuvre et l’exclusion de certains FAI tiers de la présente ordonnance pourraient avoir une incidence négative sur la compétitivité de plus petits FAI, dont TekSavvy.

[99]  Il y a peu d’éléments de preuve, voire aucun, permettant d’étayer les prétentions de TekSavvy relativement à toute incidence négative sur sa compétitivité. TekSavvy souligne une disposition dans l’ordonnance qui, selon son libellé d’origine, aurait permis aux demanderesses d’ajouter des dispositions à l’ordonnance de manière unilatérale. Les modifications analysées dans les suivantes et apportées au projet d’ordonnance ont permis d’apaiser cette préoccupation. Les observations de TekSavvy relativement aux répercussions financières découlant de la mise en œuvre et du maintien de l’ordonnance ont été analysées aux paragraphes 85 à 92 susmentionnés.

[100]  Je conclus que l’examen de la question de l’équité penche en faveur de l’octroi de l’ordonnance.

f)  Substitution

[101]  Ce facteur exige un examen de la mesure dans laquelle les sites bloqués pourraient être remplacés ou substitués par un autre site en infraction.

[102]  La substitution est une possibilité. Toutefois, comme je l’ai affirmé dans la section portant sur le préjudice irréparable des présents motifs, les coûts et les pertes en efficacité liés à la substitution sont des obstacles pour les exploitants de sites en infraction. Certains exploitants d’autres services en infraction pourraient bénéficier du blocage des services GoldTV; cependant la preuve ne le démontre pas. Quoi qu’il en soit, la possibilité de substitution n’est pas à elle seule un motif suffisant pour conclure que ce facteur milite en défaveur de l’octroi de la mesure de redressement demandée.

g)  Mesures de protection

[103]  Comme je l’ai décrit, l’ordonnance comprend une série de mesures visant à protéger les différents intérêts découlant de l’abus ou de l’utilisation fautive de l’ordonnance.

[104]  Ayant examiné les facteurs Cartier et reconnu les intérêts concurrents légitimes découlant de la mesure de redressement demandée, je conclus que la prépondérance des inconvénients milite en faveur des demanderesses.

VII.  Quelles devraient être les modalités associées à cette ordonnance?

[105]  Distributel a également fait remarquer que les tierces parties intimées ne sont pas accusées d’avoir commis un acte répréhensible; en conséquence, toute ordonnance découlant de la requête doit être la moins intrusive possible. Dans ses observations écrites, Distributel a adopté la position selon laquelle le projet d’ordonnance des demanderesses ne satisfait pas à cette norme à plusieurs égards. D’autres discussions ont eu lieu entre les demanderesses et les tierces parties intimées au terme des plaidoiries concernant le libellé du projet d’ordonnance, ce qui a permis de réduire le nombre de points en litige, sans toutefois tous les éliminer.

A.  Paragraphe 2 : Disposition de mise à jour

[106]  Le paragraphe 2 de l’ordonnance établit le processus selon lequel les demanderesses peuvent mettre à jour l’ordonnance ou y faire des ajouts pour inclure tout domaine ou toute adresse IP supplémentaires dont l’objet principal ou prédominant est de permettre l’accès aux services GoldTV.

[107]  Distributel et les autres tierces parties intimées soutiennent que le mot [traduction« actif » devrait être retiré du sous-alinéa 2a)(ii) et qu’il faudrait ajouter une mention relativement à l’obligation d’obtenir une autorisation judiciaire, et non de produire un avis à la Cour, pour tout ajout à l’ordonnance.

[108]  Je ne suis pas convaincu qu’un domaine associé, mais inactif, constitue un fondement suffisant pour écarter une adresse IP qui serait autrement assujettie à l’ordonnance. L’ordonnance prévoit que les tierces parties intimées peuvent suspendre leur application de l’ordonnance afin d’enquêter sur un éventuel surblocage (au paragraphe 9). Bien que ce ne soit pas déterminant, je remarque également que le mot [traduction] « actif » est utilisé dans d’autres sections du projet d’ordonnance dans un contexte semblable (alinéa 4b) et paragraphe 3 de l’annexe 2], sans soulever d’opposition.

[109]  Quant à l’exigence d’obtenir une autorisation judiciaire plutôt que de transmettre un avis à la Cour pour tout ajout à l’ordonnance, je conclus que les intérêts touchés par le blocage de sites nécessitent plus que la transmission d’un avis à la Cour. Les modifications aux alinéas 2a) et c) seront comprises.

[110]  Le paragraphe 2 ainsi modifié est rédigé ainsi :

[TRADUCTION]

  1. Si les demanderesses ont connaissance de tout autre domaine, sous-domaine ou adresse IP dont l’objet principal ou prédominant est de permettre ou de faciliter l’accès aux sites visés :

a)  les demanderesses pourront signifier et déposer un affidavit et une proposition d’annexe 1 modifiée :

(i)  précisant les domaines, sous-domaines ou adresses IP supplémentaires;

(ii)  affirmant que lesdits domaines, sous-domaines ou adresses IP supplémentaires ont pour raison d’être principale ou prépondérante de permettre ou de faciliter l’accès aux sites visés, et qu’aucune adresse IP supplémentaire n’est associée à un autre domaine actif;

(iii)  proposant la modification de l’annexe 1 de cette ordonnance pour inclure ledit domaine, sous-domaine ou adresse IP supplémentaire;

b)  toute tierce partie intimée peut déposer une requête pour s’opposer au domaine, au sous-domaine ou à l’adresse IP supplémentaire en signifiant et en déposant un dossier de requête dans les dix (10) jours ouvrables suivant la signification de l’affidavit et du projet d’ordonnance modifiée des demanderesses;

c)  advenant qu’aucune tierce partie intimée ne dépose une requête en opposition dans les dix (10) jours ouvrables conformément à l’alinéa 2b), la Cour pourra rendre l’ordonnance sans autre procédure.

B.  Paragraphe 6 : Disposition sur l’avis aux clients

[111]  Le paragraphe 6 exige des tierces parties intimées qu’elles mettent certains renseignements à la disposition des clients qui tentent d’accéder aux sites bloqués. Le texte suivant a été proposé :

[TRADUCTION]

6.  Dans la mesure du possible, c’est-à-dire lorsque l’accès au site visé est bloqué par une tierce partie intimée conformément à la présente ordonnance, la tierce partie intimée devra prendre des mesures raisonnables afin de mettre les renseignements suivants à la disposition des clients de son service d’accès Internet résidentiel qui tentent d’accéder au site visé et dont l’accès est bloqué :

a)  le fait que l’accès a été bloqué conformément à la présente ordonnance;

b)  l’identité des demanderesses et le numéro du dossier de la Cour fédérale en l’espèce;

c)  une déclaration selon laquelle les exploitants des sites ciblés (c.-à-d. les défendeurs Untel), les exploitants de tout site Web affirmant être touché par la présente ordonnance, ainsi que tout client du service d’accès Internet touché par la présente ordonnance, doivent s’adresser à la Cour pour obtenir une modification de la présente ordonnance aux termes du paragraphe 10 ci-dessous.

[112]  TekSavvy indique ne pas être en mesure de se conformer à cette disposition à l’aide d’une page de redirection et cherche à obtenir une ordonnance confirmant que l’expression « mesures raisonnables » permet l’utilisation d’un autre moyen de communication pour transmettre les renseignements énoncés aux alinéas a) à c). TekSavvy n’a pas suggéré un autre libellé. Je ne suis pas convaincu qu’il soit nécessaire d’apporter le moindre changement au texte proposé. Le paragraphe 6 ne limite pas les moyens d’avis à l’emploi d’une page de redirection.

C.  Paragraphe 11 : Disposition sur l’indemnisation

[113]  Le paragraphe 11 porte sur l’indemnisation. Distributel a soulevé plusieurs préoccupations en lien avec ce paragraphe dans ses observations écrites et verbales; des modifications ont été apportées dans le cadre des discussions postérieures à l’audition. Il semble que toutes les tierces parties intimées sont désormais satisfaites des dispositions relatives à l’indemnisation, exception faite de TekSavvy.

[114]  TekSavvy s’oppose aux dispositions au motif qu’elles sont [traduction] « trop restrictives », mais n’a fourni aucune autre explication quant à la nature de ses préoccupations ni suggéré de texte pour aplanir celles-ci. Je conclus que les dispositions sur l’indemnisation mises à jour tiennent compte du fond de thèse de Distributel selon laquelle toute ordonnance devrait être la moins intrusive possible pour les tierces parties intimées.

D.  Paragraphe 13 : Disposition de temporisation

[115]  Le paragraphe 13 prévoit que l’ordonnance arrivera à échéance après deux ans. TekSavvy estime que l’ordonnance devrait arriver à échéance après un an. Je conclus que la période deux ans est appropriée.

VIII.  Conclusion

[116]  La requête est accueillie et l’ordonnance, dans sa version modifiée, sera rendue.

[117]  Les demanderesses avaient initialement demandé que leur soient adjugés des dépens à l’encontre des tierces parties intimées contestant leur requête. Elles ont abandonné leur demande de dépens au cours des observations verbales. Aucuns dépens ne sont adjugés.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-1169-19

LA COUR ORDONNE également ce qui suit :

  1. Les tierces parties intimées devront, dans les quinze (15) jours suivant le prononcé de la présente ordonnance, bloquer ou tenter de bloquer l’accès, minimalement, de leurs clients de service Internet terrestre résidentiel aux sites Web ou aux services en ligne figurant à l’annexe 1 de la présente ordonnance (les « sites visés ») en bloquant, ou en tentant de bloquer, l’accès à tous les domaines, sous-domaines ou adresses IP associés aux sites visés et indiqués dans les présentes. Pour plus de précision, le service GoldTV.ca est un site visé aux fins de la présente ordonnance. L’annexe 1 de la présente ordonnance est laissée vide pour le service GoldTV.ca en date du prononcé de la présente ordonnance, et peut être supplémentée par les demanderesses en temps opportun, conformément au paragraphe 2 de la présente ordonnance.

  2. Si les demanderesses ont connaissance de tout autre domaine, sous-domaine ou adresse IP dont l’objet principal ou prédominant est de permettre ou de faciliter l’accès aux sites visés :

  • a) les demanderesses pourront signifier et déposer un affidavit et une proposition d’annexe 1 modifiée :

  • i) précisant les domaines, sous-domaines ou adresses IP supplémentaires;

  • ii) affirmant que lesdits domaines, sous-domaines ou adresses IP supplémentaires ont pour raison d’être principale ou prépondérante de permettre ou de faciliter l’accès aux sites visés, et qu’aucune adresse IP supplémentaire n’est associée à un autre domaine actif;

  • iii) proposant la modification de l’annexe 1 de cette ordonnance pour inclure ledit domaine, sous-domaine ou adresse IP supplémentaire;

  • b) toute tierce partie intimée peut déposer une requête pour s’opposer au domaine, au sous-domaine ou à l’adresse IP supplémentaire en signifiant et en déposant un dossier de requête dans les dix (10) jours ouvrables suivant la signification de l’affidavit et du projet d’ordonnance modifiée des demanderesses;

  • c) advenant qu’aucune tierce partie intimée ne dépose une requête en opposition dans les dix (10) jours ouvrables conformément à l’alinéa 2b), la Cour pourra rendre l’ordonnance sans autre procédure.

  1. Les tierces parties intimées ne sont aucunement tenues de vérifier si les mises à jour effectuées par les demanderesses à l’annexe 1 de la présente ordonnance sont exactes; il incombe entièrement aux demanderesses de désigner les domaines, sous-domaines et adresses IP exacts associés aux sites visés.

  2. Si l’une des situations suivantes se présente ou est portée à l’attention des demanderesses, celles-ci devront en aviser les tierces parties intimées dans les plus brefs délais :

    • a) tout domaine, sous domaine, ou adresse IP figurant à l’annexe 1 de la présente ordonnance (dans sa version modifiée) n’ayant plus pour raison d’être principale ou prédominante de permettre ou de faciliter l’accès aux sites visés, en quel cas, les demanderesses devront fournir aux tierces parties intimées et déposer à la Cour une annexe 1 modifiée retirant le domaine, le sous-domaine ou l’adresse IP en question de la liste, et les tierces parties intimées ne seront plus tenues de bloquer ou de tenter de bloquer l’accès audit domaine, sous-domaine ou adresse IP;

    • b) toute adresse IP figurant à l’annexe 1 de la présente ordonnance (dans sa version modifiée) hébergeant un ou plusieurs sites Web autres que les sites visés, auquel cas les tierces parties intimées ne seront plus tenues de bloquer ou de tenter de bloquer l’accès à ladite adresse IP.

    • a) le fait que l’accès a été bloqué conformément à la présente ordonnance;

    • b) l’identité des demanderesses et le numéro du dossier de la Cour fédérale en l’espèce;

    • c) une déclaration selon laquelle les exploitants des sites ciblés (c.-à-d. les défendeurs Untel), les exploitants de tout site Web affirmant être touché par la présente ordonnance, ainsi que tout client du service d’accès Internet touché par la présente ordonnance, doivent s’adresser à la Cour pour obtenir une modification de la présente ordonnance aux termes du paragraphe 10 ci-dessous.

  3. Les avis et la signification de documents aux termes de la présente ordonnance pourront être faits par les demanderesses, les tierces parties intimées, et leurs représentants, par voie électronique à l’aide des adresses électroniques établies et entendues entre les parties. La signification et le dépôt de documents aux termes du paragraphe 2 ne seront pas faits plus souvent qu’aux dix (10) jours ouvrables.

  4. Dans la mesure du possible, c’est-à-dire lorsque l’accès au site visé est bloqué par une tierce partie intimée conformément à la présente ordonnance, la tierce partie intimée devra prendre des mesures raisonnables afin de mettre les renseignements suivants à la disposition des clients de son service d’accès Internet résidentiel qui tentent d’accéder au site visé et dont l’accès est bloqué :

    • Une tierce partie intimée sera réputée conforme aux paragraphes 1 et 2 de la présente ordonnance si elle utilise les moyens techniques énoncés à l’annexe 2 de la présente ordonnance ou un autre moyen technique équivalent, à condition d’informer les demanderesses du changement.

    • Si une tierce partie intimée n’est pas mesure de mettre en œuvre l’une des mesures figurant à l’annexe 2 de la présente ordonnance dans le cadre de l’observation de celle-ci, la tierce partie intimée devra, à l’intérieur d’un délai de quinze (15) jours ouvrables de la signification de la présente ordonnance, ou de l’expiration du délai de dix (10) jours ouvrables mentionné aux alinéas 2b) et c) de la présente ordonnance, informer les demanderesses de la mesure ou des mesures prises et des motifs pour lesquels elle ne peut pas se conformer à l’ordonnance.

    • Une défenderesse mise en cause ne sera pas réputée en infraction de la présente ordonnance si elle suspend temporairement, sans dépasser le délai raisonnable nécessaire, son observation des paragraphes 1 et 2, en entier ou en partie, lorsqu’une telle suspension est nécessaire pour réaliser les suivantes : rectifier un surblocage ou enquêter sur un éventuel surblocage causé ou présumément causé par les mesures prises en application des paragraphes 1 et 2; maintenir l’intégrité ou la qualité de ses services Internet ou le fonctionnement de ses systèmes de blocage; mettre à jour et maintenir ses services Internet ou ses systèmes de blocage ou résoudre les problèmes à l’égard de ceux-ci; prévenir une menace réelle ou éventuelle pour la sécurité de ses réseaux ou de ses systèmes ou réagir à celle-ci; à condition que la tierce partie intimée (i) informe les demanderesses de la suspension avant celle-ci (ou, si nécessaire, dès que possible après celle-ci) et leur fournisse les motifs de la suspension en question et une estimation de la durée de celle-ci ou, (ii) si la suspension ne dure pas plus longtemps que 48 heures, déploie les efforts raisonnables sur le plan commercial pour maintenir un registre de la suspension et le fournisse aux demanderesses, sur demande. Les demanderesses traiteront toute information reçue en application de ce paragraphe en toute confidentialité et l’utiliseront uniquement à des fins de surveillance et de respect de la présente ordonnance.

    • Les exploitants des sites (c.-à-d. les défendeurs Untel), les exploitants de tout site Web affirmant être touché par la présente ordonnance, ainsi que tout client du service d’accès Internet touché par la présente ordonnance, doivent s’adresser à la Cour pour obtenir une modification de la présente ordonnance dans la mesure où celle-ci affecte leur capacité à accéder à du contenu légitime ou à le distribuer en signifiant et en déposant un dossier de requête dans les trente (30) jours suivant la première occurrence de l’événement les affectant présumément et découlant de la présente ordonnance.

    • Les demanderesses indemniseront et exonéreront les tierces parties intimées pour les suivantes :

    • a) les coûts marginaux raisonnables en lien avec la mise en œuvre des paragraphes 1 à 6 de la présente ordonnance et la mise en jour de l’application de la présente ordonnance à la suite d’avis ou de significations de la part des demanderesses aux termes des paragraphes 2 et 4;

    • b) les pertes, les charges, les obligations, les réclamations, les dommages, les honoraires (y compris les honoraires de défense), ou les dépenses découlant d’une plainte, d’une demande, d’une action, d’une réclamation ou de toute autre procédure semblable intentée par un tiers, qu’elle soit de nature administrative, judiciaire ou quasi judiciaire, à l’égard des tierces parties intimées en raison de leur observation de la présente ordonnance.

    1. Relativement aux coûts mentionnés à l’alinéa 11a) de la présente ordonnance :

      • a) les tierces parties intimées devront fournir aux demanderesses une facture décrivant les frais réclamés ainsi que le total après la mise en œuvre d’une ou de plusieurs modalités de la présente ordonnance;

      • b) les demanderesses devront, dans un délai de trente (30) jours suivant la réception de la facture, soit : (i) payer la facture; ou (ii) signifier et déposer une requête contestant le caractère raisonnable des coûts réclamés dans la facture, faute de quoi, les coûts seront réputés raisonnables;

      • c) advenant que les demanderesses ne paient pas la facture ou ne signifient et ne déposent pas la requête mentionnée à l’alinéa 12b), les tierces parties intimées ne seront plus tenues de se conformer aux modalités de la présente ordonnance relativement aux domaines, sous-domaines, ou adresses IP concernés par la facture.

    2. La présente ordonnance arrivera à échéance deux (2) ans à compter de la date de son prononcé, sauf ordonnance contraire de la Cour.

    3. Sous toutes réserves de la capacité de toute tierce partie intimée à demander ultérieurement la suspension, la modification ou l’annulation de la présente ordonnance ou de s’y opposer en fonction de toute autre ordonnance connexe ou similaire demandée par les demanderesses ou toute autre partie.

    4. Aucuns dépens ne sont adjugés relativement à la présente requête.

    « Patrick Gleeson »

    Juge

    Traduction certifiée conforme

    Ce 26e jour de novembre 2019

    Lionbridge


    Annexe 1 – Sites visés

    1.  Service GoldTV.Biz

    Domaines à bloquer

    Sous-domaines à bloquer

    Adresses IP à bloquer

    goldtv.biz

    [VIDE]

    151.80.96.122

    [VIDE]

    dtv.goldtv.biz

    185.152.64.114

    [VIDE]

    billing.goldtv.biz

    51.15.149.83

    [VIDE]

    p1-edge.goldtv.biz

    185.152.64.114

    [VIDE]

    256.goldtv.biz

    185.152.64.82

    [VIDE]

    portal.goldtv.biz

    185.152.64.82

    [VIDE]

    p2-edge.goldtv.biz

    185.152.64.82

    edge.tm

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    portal.edge.tm

    188.165.164.0

    [VIDE]

    dyn.edge.tm

    185.152.64.137

    [VIDE]

    256.edge.tm

    185.152.64.137

    [VIDE]

    billing.edge.tm

    51.15.149.83

    2.  Service GoldTV.ca

    Domaines à bloquer

    Sous-domaines à bloquer

    Adresses IP à bloquer

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]

    [VIDE]


    Annexe 2 – Moyens techniques

    1. Pour les domaines indiqués à l’annexe 1 (dans sa version modifiée) : blocage du DNS, ou subsidiairement, redirection du DNS pour respecter le paragraphe 6 de la présente ordonnance.
    2. Pour les domaines, sous-domaines ou chemins précis indiqués à l’annexe 1 (dans sa version modifiée) : blocage du DNS ou redirection du DNS, ou, au choix de la tierce partie intimée, blocage de l’adresse URL, dans la mesure où l’infrastructure technique de la tierce partie intimée lui permet d’avoir recours à cette méthode de blocage. Pour plus de précision :
    • (a) pour les domaines et sous-domaines indiqués à l’annexe 1 (dans sa version modifiée), les tierces parties intimées ne sont pas tenues de procéder par blocage de l’adresse URL si elles procèdent au blocage du DNS ou à la redirection du DNS aux termes du paragraphe 1 de l’annexe 2;

    • (b) aucune tierce partie intimée ne sera tenue d’acquérir le matériel ou les logiciels nécessaires au blocage de l’adresse URL.

    1. Pour les adresses IP indiquées à l’annexe 1 (dans sa version modifiée) : blocage de l’adresse IP ou redirection de l’adresse IP. Pour plus de précision, le blocage de l’adresse IP ou la redirection de l’adresse IP seront seulement exigés pour bloquer les adresses IP pour lesquelles les demanderesses ou leurs représentants ont confirmé aux tierces parties intimées que, au meilleur de leurs connaissances, le serveur associé à l’adresse IP héberge uniquement les sites visés et aucun autre site Web actif.

    COUR FÉDÉRALE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


    DOSSIER :

    T-1169-19

     

    INTITULÉ :

    BELL MÉDIA INC. GROUPE TVA INC. ROGERS MEDIA INC. c UNTEL 1 faisant affaire sous le nom de GOLDTV.BIZ, UNTEL 2 faisant affaire sous le nom de GOLDTV.CA et BELL CANADA, BRAGG COMMUNICATIONS INC. faisant affaire sous le nom EASTLINK, COGECO CONNEXION INC. DISTRIBUTEL COMMUNICATIONS LIMITED, FIDO SOLUTIONS INC. ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC. SASKATCHEWAN TELECOMMUNICATIONS SHAW COMMUNICATIONS INC. TEKSAVVY SOLUTIONS INC. TELUS COMMUNICATIONS INC. VIDEOTRON LTD.

     

    LIEU DE L’AUDIENCE :

    Ottawa (Ontario)

     

    DATE DE L’AUDIENCE :

    Le 11 septembre 2019

    Le 12 septembre 2019

     

    ORDONNANCE ET MOTIFS :

    LE JUGE GLEESON

     

    DATE DES MOTIFS :

    Le 15 novembre 2019

    COMPARUTIONS :

    François Guay

    Guillaume Lavoie Ste-Marie

    Joshua Neubarth

    Olivier Jean-Lévesque

     

    Pour les demanderesses

     

    AUCUNE COMPARUTION

     

    Pour les défendeurs

     

    Colin Baxter

    Julie Mouris

    Timothy M. Lowman

    Vincent de Grandpré

     

    POUR LA MISE EN CAUSE

    (TEKSAVVY SOLUTIONS INC.)

    POUR LA MISE EN CAUSE

    (DISTRIBUTEL COMMUNICATIONS LIMITED)

    POUR LA MISE EN CAUSE

    (TELUS COMMUNICATIONS INC.)

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

    Smart & Biggar LLP

    Montréal (Québec)

     

    Pour les demanderesses

     

    AUCUN AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER

     

    Pour les défendeurs

     

    Conway Baxter Wilson LLP/s.r.l.

    Ottawa (Ontario)

    Aird & Berlis LLP

    Toronto (Ontario)

    Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L., s.r.l.

    Toronto (Ontario)

    Pour la mise en cause

    (TEKSAVVY SOLUTIONS INC.)

    POUR LA MISE EN CAUSE

    (DISTRIBUTEL COMMUNICATIONS LIMITED)

    POUR LA MISE EN CAUSE

    (TELUS COMMUNICATIONS, INC.)

     

     

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