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Date : 20191030


Dossier : IMM-1512-19

Référence : 2019 CF 1361

Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

MARIE SHERLYNE MILFORT-LAGUERE

GARY BRUNO MILFORT

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 22 janvier 2019, confirmant la décision de la Section de protection des réfugiés (SPR) en date du 22 décembre 2017, rejetant la demande d’asile de la demanderesse principale, Marie Sherlyne Milfort-Laguere, et de son fils mineur.

[2]  La SAR a conclu, pour des motifs différents, que Mme Milfort-Laguere n’avait pas qualité de réfugié par l’application de la section E de 1’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés (section 1E), et que son fils n’est ni un réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 ni une personne à protéger en vertu de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR].

[3]  Comme je l’explique plus en détail ci‑dessous, la demande est rejetée, car les arguments des demandeurs ne soulèvent pas un fondement à l’appui de la conclusion selon laquelle la décision de la SAR est déraisonnable.

II.  Contexte factuel

[4]  Mme Milfort-Laguere est citoyenne d’Haïti. Son enfant mineur Gary Bruno MILFORT est citoyen du Brésil.

[5]  Mme Milfort-Laguere allègue dans son formulaire « Fondement de la demande d’asile » (FDA) qu’elle est menacée du fait que la famille de son conjoint se faisait persécuter en Haïti.

[6]  Le 18 octobre 2010, le père de son conjoint aurait été assassiné alors qu’il quittait une réunion organisée par son fils. Les bandits auraient alors menacé de tuer tout le monde.

[7]  Son mari aurait reçu des appels anonymes menaçant de le tuer. Craignant pour sa vie, il s’est réfugié en République dominicaine.

[8]  Mme Milfort-Laguere affirme que le 15 février 2014, les mêmes personnes qui ont tué son beau-père auraient tiré des coups de feu dans la maison de sa mère. Ils se seraient alors sauvés chez un voisin.

[9]  Après quelques mois, son mari serait ensuite parti vers le Brésil. Le 1er avril 2014, Mme Milfort-Laguere quitte Haïti pour le rejoindre.

[10]  Mme Milfort-Laguere séjourne au Brésil du 9 avril 2014 au 28 juillet 2016. Elle allègue que son mari subissait de la discrimination de la part des Brésiliens. Les deux ont donc décidé de quitter le Brésil.

[11]  Mme Milfort-Laguere séjourne aux États-Unis du 24 octobre 2016 au 16 juillet 2017, date à laquelle elle s’est présentée à la frontière canadienne avec son fils pour y demander l’asile.

A.  Décision de la Section de protection des réfugiés

[12]  Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (le ministre) n’est pas intervenu dans l’audience devant la SPR, sauf pour présenter une copie d’une liste de personnes à qui le gouvernement brésilien a accordé le droit d’obtenir le statut de résident permanent. Le nom et le numéro de passeport de Mme Milfort-Laguere figurent sur cette liste.

[13]  La SPR a jugé qu’elle ne pouvait pas conclure à première vue que Mme Milfort-Laguere avait pris les mesures nécessaires pour obtenir le statut de résident permanent qui lui avait été accordé par le gouvernement brésilien et que Mme Milfort-Laguere n’était donc pas visée par l’article 1E.

[14]  La SPR a cependant tiré une inférence défavorable du défaut de Mme Milfort-Laguere de régulariser son statut, compte tenu du risque présumé en Haïti, du fait que son nom figurait sur la liste des personnes à qui le gouvernement brésilien a accordé le statut de résident permanent, et du fait que son frère a pris les mesures nécessaires pour obtenir le statut de résident permanent au Brésil. La SPR a rejeté la demande d’asile de Mme Milfort-Laguere parce qu’elle juge que cette dernière n’est pas crédible. La demande de son fils est également rejetée puisqu’il n’a pas établi l’existence d’une possibilité sérieuse d’être persécuté et n’a pas démontré qu’il est une personne à protéger.

B.  Décision de la Section d’appel des réfugiés

[15]  Le 10 décembre 2018, la SAR envoie une lettre à Mme Milfort-Laguere pour l’inviter à présenter des observations à l’appui de son avis d’appel sur la question à savoir si elle devrait se voir refuser l’asile par application de la section 1E. En particulier, la SAR demande à Mme Milfort-Laguere de traiter de la question de savoir si son inclusion sur la liste des personnes qui se sont vu accorder le statut de résident permanent prouve, à première vue, qu’elle a obtenu le statut de résident permanent, ce qui inverserait le fardeau de la preuve. La SAR demande aussi à Mme Milfort-Laguere de produire tous les éléments de preuve documentaire dont elle dispose qui permettrait d’établir son statut au Brésil et de mentionner toutes les mesures qu’elle a prises pour obtenir une preuve de son statut.

[16]  Mme Milfort-Laguere présente des observations écrites le 17 décembre 2018. Elle admet qu’elle avait le statut de réfugié en vertu du Protocole relatif au Statut des Réfugiés, R.T. Can. 1969 no 29, de 1967, mais indique qu’elle ne sait pas si elle aurait pu obtenir une résidence permanente. Elle prétend que même s’il y avait renversement du fardeau de preuve ou même si elle avait obtenu une résidence permanente, ce qu’elle nie, elle aurait automatiquement perdu son statut de résident permanent au Brésil puisqu’elle a quitté ce pays le 18 juillet 2016 et s’est absentée pour une période de plus de deux ans.

[17]  La SAR rejette l’appel des demandeurs et confirme la décision de la SPR selon laquelle Mme Milfort-Laguere n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La SAR conclut que la question déterminante est celle de savoir si Mme Milfort-Laguere doit se voir refuser la qualité de réfugiée du fait de son statut de résident permanent au Brésil.

[18]  La SAR conclu que la SPR avait erré en son analyse, puisque l’omission de Mme Milfort-Laguere de régulariser son statut aurait dû être prise en compte dans l’évaluation de l’application de la section 1E. Mme Milfort-Laguere avait témoigné devant la SPR qu’elle n’avait pas le statut de résident permanent, mais elle a aussi admis qu’une fois qu’un nom est dans le système, il est possible d’accorder le statut de résident permanent. Questionnée sur les démarches qu’elle avait faites, Mme Milfort-Laguere a répondu qu’elle ignorait les mesures qu'il convenait de prendre, pour ensuite indiquer qu’elle savait que son frère avait obtenu le statut de résident permanent et qu’elle avait communiqué avec quelqu’un qui travaillait pour le gouvernement brésilien, qui lui aurait dit que son nom n’avait pas encore été appelé. La SAR a jugé que cette explication n’était pas crédible, car elle contredisait l’arrêté ministériel de novembre 2015, qui confirme que Mme Milfort-Laguere s’est vu accorder le droit d’obtenir le statut de résident permanent le ou avant le mois de novembre 2015.

[19]  De plus, la SAR conclu que Mme Milfort-Laguere n’a pas démontré une possibilité sérieuse de persécution ou, selon la balance de probabilités, qu’elle serait personnellement exposée au risque d’un mauvais traitement au Brésil. Dans son FDA, Mme Milfort-Laguere n’a décrit aucun risque qui la visait personnellement au Brésil. Questionnée sur ce sujet par la SPR, Mme Milfort-Laguere a témoigné qu’elle avait été menacée par un homme inconnu à deux reprises. La SAR a jugé que ses explications pour l’omission de ces évènements dans son FDA n’étaient pas raisonnables.

[20]  La SAR conclu que Mme Milfort-Laguere n’a pas qualité de réfugié et que, par conséquent, il n’était pas nécessaire d’évaluer la crédibilité de son récit concernant les événements survenus en Haïti. La SAR a également conclu que Mme Milfort-Laguere n’avait pas démontré une possibilité sérieuse de persécution ou qu’elle serait personnellement exposée à un risque de mauvais traitement au Brésil. La SAR a appliqué la même conclusion à son fils puisque, selon Mme Milfort-Laguere, il n’avait rien à craindre au Brésil.

III.  Questions en litige

[21]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève trois questions en litige :

  1. Est-ce que la SAR a erré lorsqu’elle conclut que la SPR a commis une erreur en omettant d’analyser le défaut de Mme Milfort-Laguere de régulariser son statut au Brésil en relation avec la question de l’exclusion par application de la section 1E de la Convention?

  2. Est-ce que la SAR a erré lorsqu’elle conclut que Mme Milfort-Laguere ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait pas le statut de résident permanent?

  3. Est-ce que la SAR a erré lorsqu’elle conclut que Madame Milfort-Laguere n’a pas établi qu’elle risque sérieusement d’être persécutée ou qu’elle a qualité de personne à protéger à l’égard du Brésil?

IV.  Norme de contrôle

[22]  Le critère pour établir s’il y a lieu à l’exclusion en vertu de la section 1E de la Convention est une question de droit d’application générale au processus de détermination du statut de réfugié et est assujetti à la norme de contrôle de la décision correcte. La question de savoir si les faits donnent lieu à l’exclusion est une question mixte de droit et de fait et en conséquence, la norme de la décision raisonnable s’applique (Zeng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CAF 118, au para. 18 [Zeng]; Zhong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 279, au para. 15).

[23]  La conclusion de la SAR repose également sur un examen de questions mixtes de fait et de droit, et commande donc la déférence et l’application de la norme de la décision raisonnable (Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 870, au para. 9).

V.  Analyse et décision

[24]  La jurisprudence a établi un cadre d’analyse afin de déterminer si une personne remplit les critères de la section 1E de la Convention. D’abord, le ministre doit établir, prima facie, que le demandeur peut revenir dans son pays et bénéficier des mêmes droits que les citoyens du pays. Si cette étape est remplie avec succès, le fardeau est alors renversé sur le demandeur qui doit démontrer qu’il ne peut effectivement bénéficier des droits que lui conférait sa résidence (Ramadan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1093, au para. 18 [Ramadan]; Mai c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 192, au para. 35; Romero c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 506, au para. 8).

[25]  Pour déterminer le moment où le demandeur jouit d’un statut dans le tiers pays conférant les droits équivalents à ceux des citoyens, il faut appliquer l’analyse à trois volets de l’arrêt Zeng. Le demandeur doit jouir de ce statut au moment où il dépose sa demande au Canada et le jour où sa demande d’asile est tranchée. S’il ne jouissait pas de ce statut, le tribunal doit vérifier si le demandeur aurait pu préserver son droit d’entrer dans le pays ou s’il a une raison valable de ne pas l’avoir préservé (Zeng, au para 34).

[26]  Les demandeurs prétendent que la SAR a agi de façon déraisonnable en décidant de son propre chef de casser la décision de la SPR, même si cette partie de la décision de la SPR quant à l’applicabilité de la clause d’exclusion ne faisait pas partie des motifs de l’appel.

[27]  Or, la SAR n’est aucunement limitée à considérer uniquement les motifs d’appel qui lui sont soumis: Canada (Citoyenneté et immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, aux paras. 78 et 98. Elle a plutôt le devoir d’évaluer tout le dossier devant la SPR et d'intervenir si elle constate que cette dernière a commis une erreur.

[28]  Les demandeurs considèrent également que Mme Milfort-Laguere n'a pas eu l’occasion de répondre à la question tranchée par la SAR, surtout en ce qui concerne le fait que le frère de Mme Milfort-Laguere avait obtenu le statut de résident permanent au Brésil et que son nom parait sur la même liste que sa sœur. Selon les demandeurs, il s’agit d’une violation de l’équité procédurale. Je ne suis pas d’accord.

[29]  La SAR est habilitée à tirer de façon indépendante des conclusions défavorables sur la crédibilité du demandeur sans l’avertir et sans lui donner la possibilité de formuler des observations. Cependant, l’équité procédurale exige qu’un demandeur ait la possibilité de dissiper les doutes de la SAR au sujet de toute nouvelle question.

[30]  Le procureur des demandeurs soutient que la SAR n’a pas respecté l’obligation d’équité procédurale dans le cadre de son enquête. Il prétend que la décision de la SAR est injuste et inéquitable puisqu’elle est axée sur le fait que le frère de Mme Milfort-Laguere était lui aussi sur la liste des Haïtiens pouvant se prévaloir de la résidence permanente. Selon le procureur, il n’y avait aucune preuve devant la SPR que ce frère était sur cette liste—même son nom n’a pas été mentionné en cours d’audience à la SPR, il reproche à la SAR plus spécifiquement de ne pas avoir donner la possibilité aux demandeurs d’être entendus à nouveau afin qu’ils puissent répondre à toutes les préoccupations de la SAR et à la preuve qu’elle entendait utiliser, soit la référence au frère de Mme Milfort-Laguere, dont le nom était aussi sur ladite liste.

[31]  La SAR a pourtant informé les demandeurs de ses préoccupations concernant l’application de la clause d’exclusion contenue à la section 1E et la question du renversement du fardeau de la preuve. Elle a aussi invité Mme Milfort-Laguere à soumettre des observations et toute preuve à l’appui. Mme Milfort-Laguere a donc eu la chance de répondre aux préoccupations de la SAR, en pleine connaissance du renversement du fardeau de la preuve concernant son statut au Brésil.

[32]  Dans sa décision, la SAR a estimé que la présence du nom de Mme Milfort-Laguere sur la liste des Haïtiens qui ont la possibilité de se voir octroyer la résidence permanente au Brésil constitue une preuve prima facie de son exclusion, car Mme Milfort-Laguere aurait pu obtenir ce statut si elle avait choisi de remplir les démarches administratives : Noël c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1062, aux paras. 7 et 8.

[33]  Mme Milfort-Laguere a d’abord témoigné devant la SPR ne pas avoir eu d'information quant à la possibilité de régulariser son statut au Brésil, pour ensuite admettre que son frère avait obtenu le statut de résident permanent et qu’elle était au courant des démarches faites par lui. Finalement, elle a changé son témoignage en avouant qu’elle aurait fait des démarches auprès des autorités brésiliennes, mais que son nom n’était pas encore prêt.

[34]  La SAR a pris en considération les renseignements fournis par Mme Milfort-Laguere dans son FDA, son témoignage en audience, ainsi que la preuve documentaire objective selon laquelle elle s’est vu accorder le droit d’obtenir le statut de résident permanent au Brésil. À la lumière de cette preuve et de la jurisprudence, la SAR avait raison de conclure qu’il était établi, à première vue, que Mme Milfort-Laguere avait, le 12 décembre 2017, soit la journée de la fin de son audience devant la SPR, le droit de retourner vivre au Brésil, le droit d’y travailler sans restriction, le droit d’y étudier et le droit d’y utiliser sans restriction différente de celle s’appliquant aux citoyens brésiliens, les services sociaux disponibles dans ce pays.

[35]  La conclusion de la SAR, selon laquelle il existait une preuve prima facie que Mme Milfort-Laguere détenait toujours à la date de l’audience le droit de retourner vivre au Brésil, s’appuyait sur les éléments de preuve objectifs et crédibles et la Cour doit faire preuve de retenue à son égard.

[36]  Mme Milfort-Laguere n’a fourni aucune preuve que son droit au statut de résident permanent aurait pu expirer. En outre, lors de son témoignage en audience, elle a admis ne pas avoir fait des démarches auprès des autorités brésiliennes.

[37]  Ainsi, la conclusion selon laquelle Mme Milfort-Laguere ne s’était par déchargée de son fardeau de prouver qu’elle n’était plus reconnue au Brésil et qu’elle ne pouvait bénéficier des droits que lui conférait son statut est également raisonnable.

[38]  En conséquence, je suis d’avis que la SAR n’a pas commis d’erreur en concluant que la Mme Milfort-Laguere était exclue en vertu de la section 1E de la Convention.

[39]  Bien que cette question n’ait pas été soulevée par les demandeurs, il semble que la SAR a évalué le risque de Mme Milfort-Laguere au Brésil après avoir conclu que cette dernière était exclue. Il découle des décisions récentes de cette Cour que le risque dans le tiers pays, s’il est allégué, doit être évalué dans le cadre de la détermination de l’application de la section 1E : Romelus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 172, aux paras. 39 à 45; Jean c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 242, aux paras. 21 et 24; Constant c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 990, au para. 38.

[40]  Quoi qu’il en soit, la SAR a conclu que Mme Milfort-Laguere n’était pas crédible quant à son témoignage selon lequel elle aurait été menacée au Brésil à deux reprises et que même si ces deux incidents avaient eu lieu comme décrit, ils ne constitueraient pas un cas de persécution ou de préjudice grave. Cette conclusion est raisonnable.

[41]  Les demandeurs prétendent qu’il était déraisonnable pour la SAR de ne pas avoir analysé la possibilité que Mme Milfort-Laguere ait perdu son statut de résident permanent, car elle était en dehors du Brésil pendant plus de deux ans. Selon eux, la SAR aurait dû également considérer la situation des demandeurs advenant un renvoi en Haïti.

[42]  La Cour d’appel fédérale a déjà considéré la question du moment auquel il faut évaluer le statut d’un demandeur dans les arrêts Zeng, aux paras. 28, 38 et 39, et Majebi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 274, aux paras. 7 et 9. La Cour d’appel a précisé que le tribunal peut considérer toute évolution du statut à partir de l’entrée au Canada jusqu’au dernier jour d’audience devant la SPR. La SAR ne devrait normalement pas prendre en considération tout changement qui peut avoir lieu après cette date, car son rôle est d’évaluer la décision de la SPR.

[43]  En l’espèce, Mme Milfort-Laguere est restée au Brésil du 9 avril 2014 au 28 juillet 2016. Ainsi, à la dernière journée d’audience devant la SPR, soit le 12 décembre 2017, elle était absente du pays pendant moins que 17 mois.

[44]  Je conviens avec le défendeur que la perte possible du statut de Mme Milfort-Laguere depuis l’audience devant la SPR n’a aucune pertinence. Décider autrement aurait pour effet de permettre à tout demandeur d’attendre la perte de son statut lors du processus d’appel et viderait l’exclusion contenue à la section 1E de tout sens.

[45]  Les demandeurs prétendent que la preuve documentaire aurait dû mener la SAR à conclure l’existence de persécution ou de risque pour le fils de Mme Milfort-Laguere au Brésil. Il n’y a cependant aucune preuve au dossier que le fils aurait subi une discrimination quelconque au Brésil. Au contraire, Mme Milfort-Laguere a elle-même témoigné que son fils n’avait rien à craindre. Cela porte un coup fatal à sa demande d’asile.

[46]  Qui plus est, la SAR n’avait aucune obligation de considérer la situation des demandeurs advenant un retour en Haïti. Ayant conclu que Mme Milfort-Laguere était visée par une clause d’exception, le SAR n’était pas obligé de soupeser les risques advenant le retour dans son pays d’origine, car elle ne peut pas être déclarée réfugié ou personne à protéger : Xie c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 250, au para. 39; Canada (Citoyenneté et immigration) c. Sartaj, 2006 CF 324, aux paras. 15 et 16.

[47]  Prise dans son ensemble, la décision de la SAR fait partie des issues possibles acceptables pouvant être justifiées au regard des faits et du droit. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune question ne sera énoncée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1512-19

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1512-19

 

INTITULÉ :

MARIE SHERLYNE MILFORT-LAGUERE, GARY BRUNO MILFORT c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 octobre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 octobre 2019

 

COMPARUTIONS :

Luciano Mascaro

 

Pour les demandeurs

 

Guillaume Bigaouette

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ARPIN, MASCARO ET ASSOCIÉS

Avocat(e)s

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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