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Date : 20191028


Dossier : IMM-1365-19

Référence: 2019 CF 1345

Montréal (Québec), le 28 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

MAMADOU TRAORE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision rendue le 8 février 2019, par laquelle l’agent principal d’immigration [agent] a rejeté la demande d’examen des risques avant le renvoi [ERAR] du demandeur au motif que ce dernier ne serait pas exposé à un risque de persécution ou de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé au Mali, son pays de nationalité. L’intitulé de la cause est modifié pour refléter le fait que le défendeur est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

[2] En bref, le demandeur soumet que la décision de l’agent n’est pas suffisamment motivée et ne s’appuie pas sur la preuve. De plus, l’agent n’a pas considéré le risque élevé au Mali, ni mentionné qu’il existe un «moratoire administratif». La décision de l’agent va également à l’encontre des articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c11 [Charte] et de l’article 3 de la Convention contre la torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 des Nations Unies.

[3] Il n’y a pas lieu d’intervenir en l’espèce.

[4] Les demandes d’ERAR portent sur des questions mixtes de faits et de droit, et par conséquent, elles sont évaluées selon la norme de la décision raisonnable (Flores Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94 au para 36; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940 au para 10). Force est de constater ici que les risques invoqués par le demandeur sont généralisés, et que ceux-ci sont précisément exclus par l’article 97(1) (b) ii) de la LIPR. L’agent pouvait donc raisonnablement conclure que le demandeur n’a pas démontré qu’il serait davantage visé que le reste de la population (Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331 au para 23; Pulako c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1048 au para 30; Ventura c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 871 au para 25; Ayikeze c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1395 au para 22).

[5] Rappelons que le demandeur a quitté le Mali en 2006, a vécu aux États-Unis de 2006 à 2017, puis au Burkina Faso de 2017 à 2018 avant de venir au Canada pour revendiquer le statut de réfugié. Sa plus récente demande d’asile a été jugée irrecevable. Interdit de territoire pour grande criminalité, il ne peut invoquer le sursis administratif pour contester la raisonnabilité de la décision de l’agent (paragraphe 230(3) (c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227). D’ailleurs, l’absence de mention du moratoire au Mali n’est pas une erreur révisable, puisque l’évaluation d’un risque avant renvoi et l’exécution éventuelle d’une mesure de renvoi sont deux éléments distincts (Lalane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 5 au para 32).

[6] En l’espèce, l’agent a tenu compte de la preuve au dossier. Le demandeur n’a pas clairement établi s’il craint d’être torturé, ni pour quel motif d’ordre personnel. Dans son formulaire, le demandeur a simplement déclaré qu’il a été recherché par les autorités maliennes, et qu’il déposera des avis de recherche au dossier, ce qui n’a jamais été fait d’ailleurs. De surcroît, l’agent note que le fait d’être convoqué par la police ne permet pas de démontrer quoi que ce soit. L’agent note également que le demandeur a déposé des documents médicaux, notamment des ordonnances, mais il n’a pas expliqué la pertinence de ces documents, ni en quoi ces documents démontrent un risque quelconque. Le demandeur a également soumis plusieurs articles concernant la situation précaire au Mali, lesquels ont également été pris en compte par l’agent.

[7] Il n’y également eu aucun manquement à l’équité procédurale. L’agent n’était pas tenu de convoquer le demandeur à une audience orale, ni de l’inviter à compléter son dossier. Il convient d’examiner l’insuffisance des motifs au niveau de la raisonnabilité de la conclusion de l’agent (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 14; Alexander c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 634 au para 6). Au risque de nous répéter, les brefs motifs fournis par l’agent sont une réponse adéquate à la preuve limitée soumise par le demandeur.

[8] Enfin, s’il est vrai que « l’expulsion d’un réfugié vers un pays où il court un risque sérieux de torture porte généralement atteinte aux droits garantis par l’art. 7 de la Charte » (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l'Immigration), 2002 CSC 1 au para 5) [je souligne], puisque le demandeur n’est pas un réfugié et que l’agent a raisonnablement déterminé qu’il n’existe pas de risque sérieux de torture ou de traitements cruels, advenant un retour au Mali, les droits garantis par la Charte ne sont pas engagés en l’espèce. Au demeurant, la question que soulève le demandeur semble prématurée puisque ce dernier n’a pas encore reçu un avis de convocation pour fixer la date de son renvoi au Mali.

[9] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.


JUGEMENT au dossier IMM-1365-19

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé de la cause est modifié pour refléter le fait que le défendeur est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration;

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  3. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1365-19

 

INTITULÉ :

MAMADOU TRAORE c LE MININSTRE DE CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 octobre 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 OCTOBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Me Moriba Alain Koné

 

Pour le demandeur

Me Renalda Ponari

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Étude de Me Moriba Alain Koné

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

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