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Date : 20191114


Dossier : T‑210‑12

Référence : 2019 CF 1426

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 novembre 2019

En présence de madame la protonotaire Mandy Aylen

ENTRE :

JENNIFER MCCREA

représentante demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

et

CAROLYN BOWEN

demanderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Carolyn Bowen, soumet à la Cour une demande de contrôle judiciaire conformément à l’article 8 de l’entente de règlement conclue dans le cadre du recours collectif et approuvée par la juge Kane dans son ordonnance et motifs en date du 29 janvier 2019, visant la décision datée du 8 août 2019 par laquelle l’administrateur du recours collectif sur les prestations de maladie de l’assurance‑emploi a refusé sa demande de prestations de maladie de l’assurance‑emploi (AE).

[2]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que Mme Bowen ne répond pas à la définition du groupe et que, par conséquent, la décision de l’administrateur est confirmée.

I.  Contexte

[3]  Le contexte entourant le recours collectif sous‑jacent est décrit en détail dans les décisions McCrea c Canada (Procureur général), 2013 CF 1278, [2013] ACF no 1444 [McCrea 2013], McCrea c Canada (Procureur général), 2015 CF 592, [2015] ACF no 1225 (QL) [McCrea 2015], et dans l’ordonnance et motifs de la juge Kane du 29 janvier 2019.

[4]  En résumé, dans le cadre du recours collectif, la représentante demanderesse a notamment fait valoir que d’autres personnes et elle‑même qui sont tombées malades alors qu’elles recevaient des prestations parentales et se sont vu refuser de manière illicite des prestations de maladie au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi. Le recours collectif a été autorisé, mais la définition du groupe a été modifiée. La Cour a refusé d’élargir la définition du groupe pour inclure les personnes qui, pendant la période pertinente, « ont été informées de vive voix ou par écrit par les défendeurs, la Commission ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail au moment où leur demande de congé de maladie aurait été présentée si, après avoir reçu cet avis et ces déclarations, elles ne s’étaient pas abstenues de présenter une telle demande ».

[5]  Les détails de l’entente de règlement, de la mise en œuvre de cette entente et du processus de demande de contrôle sont déterminants pour les besoins de la présente demande.

[6]  Le paragraphe 4.02 de l’entente de règlement définit le groupe de la manière suivante :

Toutes les personnes qui, au cours de la période s’étendant du 3 mars 2002 au 23 mars 2013, inclusivement :

i)  ont présenté une demande de prestation et reçu des prestations parentales au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec;

ii)  sont tombées malades, ont été blessées ou mises en quarantaine alors qu’elles touchaient les prestations parentales en question;

iii)  ont présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine mentionnée au point ii) ci‑dessus;

iv)  ont vu leur demande de conversion de prestations parentales en prestations de maladie refusée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a)  elles étaient autrement indisponibles au travail; ou

(b)  elles n’avaient pas reçu au moins une semaine de prestations de maladie au cours de la période de prestations parentales.

[Non souligné dans l’original]

[7]  Selon le paragraphe 5.01 de l’entente de règlement, toute personne pouvant établir qu’elle répond à la définition du groupe et ayant touché moins de quinze (15) semaines de prestations de maladie au cours de la période de prestations durant laquelle la demande originale de conversion en prestations de maladie a été présentée est admissible à un paiement individuel (au sens de l’entente de règlement).

[8]  Selon l’entente de règlement, certaines personnes qui ont été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers sont réputées être des membres du groupe admissibles. Pour les personnes qui n’ont pas été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers, il doit être établi qu’elles répondent à la définition du groupe. Le paragraphe 5.03 de l’entente de règlement prévoit ce qui suit :

Le cas échéant, les demandeurs qui n’ont pas été identifiés comme membres du groupe à l’issue du projet d’examen des dossiers seront admissibles s’il est établit [sic] qu’ils satisfont à la définition de groupe sur la base de preuve d’une demande de conversion en prestations de maladie dans le dossier de EDSC dans a) les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations; b) la liste de vérification des demandes de conversion utilisée pendant la période visée par le recours collectif; ou c) un autre dossier tenu par EDSC. Subsidiairement, EDSC prendra en compte un élément de preuve documentaire fournie par un demandeur qui atteste la présentation d’une demande de conversion.

[9]  L’article 7 de l’entente de règlement prévoit, au bénéfice de quiconque souhaite présenter une demande de prestations en vertu de l’entente de règlement, le processus d’administration des demandes. L’administrateur traite toutes les demandes et rend des décisions écrites qu’il communique aux demandeurs.

[10]  Selon l’article 8 de l’entente de règlement, si l’administrateur détermine qu’une demande n’est pas fondée et refuse un paiement individuel, le demandeur peut demander à la Cour fédérale un contrôle de la décision de l’administrateur.

[11]  Le paragraphe 8.05 de l’entente de règlement prévoit que le protonotaire désigné de la Cour fédérale détermine si le demandeur est un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement) et, selon l’issue du processus, maintient la décision de l’administrateur ou infirme la décision de l’administrateur et lui renvoie la demande afin qu’il procède au calcul et au traitement du paiement individuel auquel le membre du groupe a droit.

II.  La décision de l’administrateur

[12]  Le 10 avril 2019, la demanderesse a présenté une demande de prestations de maladie à l’administrateur pour une période de 11 semaines et 1 jour débutant le 13 avril 2004.

[13]  Par une lettre datée du 8 août 2019, l’administrateur a transmis sa décision par laquelle il rejetait demande de la demanderesse. Dans sa décision, il a écrit ce qui suit :

[traduction]

Après un examen approfondi de votre dossier, nous avons déterminé, conformément à l’entente de règlement approuvée pour les demandes de prestations d’assurance‑emploi (PAE), que vous n’êtes pas admissible à un paiement individuel à partir du 4 juillet 2011, parce que vous ne répondez pas à la définition du recours collectif, étant donné que vous n’avez pas présenté de demande de prestations de maladie de l’AE alors que vous receviez des prestations parentales ou des prestations correspondantes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec (RQAP).

III.  Analyse

[14]  Dans le formulaire Demande de contrôle d’une décision concernant une demande qu’elle a rempli, la demanderesse sollicite le contrôle de la décision de l’administrateur pour les motifs suivants :

[traduction]

Je N’AI PAS présenté de demande de prestations, car on m’a dit que je devais utiliser ma banque de congés de maladie au travail même si j’ai été hospitalisée pendant ma grossesse. Par conséquent, je devrais être indemnisée financièrement, car j’aurais quitté mon travail plus tôt pour prendre mon congé de maternité et j’aurais présenté une demande de prestations plutôt que de perdre des jours de congé de maladie dont je NE pourrais PAS me servir à l’avenir, et ainsi de voir une perte de salaire mon chèque de paie plus tard. Pour cette raison, ma demande doit faire l’objet d’un nouvel examen.

[15]  Pour en arriver à ma conclusion, j’ai examiné les documents produits par EDSC conformément au paragraphe 8.04 de l’entente de règlement et les observations écrites déposées par EDSC. La demanderesse n’a pas déposé d’autres observations écrites, même si elle a eu l’occasion de le faire. Ainsi, les motifs de contrôle détaillés au paragraphe 14 plus haut sont tout ce que m’a transmis la demanderesse à titre d’observation.

[16]  Pour les motifs qui suivent, je juge que la demanderesse ne répond pas à la définition de membre du groupe.

[17]  Premièrement, selon la preuve dont je dispose, la demanderesse a touché des prestations de maternité à compter de la semaine du 18 juillet 2004 jusqu’à la semaine du 29 août 2004. Toutefois, la demanderesse a déclaré que, pendant qu’elle touchait des prestations de maternité, elle s’était vu accorder cinq semaines de congé de maladie par son employeur. Par conséquent, aucune prestation de maternité n’a été versée à la demanderesse pour la période allant de la semaine du 5 septembre 2004 jusqu’à la semaine du 3 octobre 2004. Par la suite, la demanderesse a reçu des prestations de maternité pendant sept autres semaines, suivies d’une période de prestations parentales.

[18]  Selon la définition du groupe, un membre est une personne qui est tombée malade pendant qu’elle touchait des prestations parentales. En l’espèce, la demanderesse affirme qu’elle a droit à une indemnisation pour une période durant laquelle elle touchait des prestations de maternité (du 13 avril au 30 juin 2004), et non des prestations parentales. Les éléments de preuve dont je dispose montrent que la maladie de la demanderesse s’est manifestée non pas après la naissance de son fils le 30 juillet 2004, mais pendant sa grossesse. Rien ne me permet de conclure que la maladie s’est prolongée après la naissance de son fils et, quoi qu’il en soit, la demande de la demanderesse ne vise pas l’obtention d’une indemnisation pour la période suivant la naissance du fils de la demanderesse. Comme la demande d’indemnisation ne se rapporte pas à une période durant laquelle la demanderesse touchait des prestations parentales, cette dernière ne répond pas à la définition du groupe.

[19]  Deuxièmement, pour répondre à la définition du groupe, la demanderesse doit avoir « présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine » au cours de la période s’étendant du 3 mars 2002 au 23 mars 2013 inclusivement. La Cour ne dispose d’aucun document, que ce soit dans le dossier d’EDSC ou dans celui de la demanderesse, susceptible de corroborer que la demanderesse a présenté une demande de conversion en prestations de maladie.

[20]  Au contraire, la demanderesse confirme dans ses observations écrites qu’elle n’a pas présenté de demande de prestations parce qu’il lui a été dit qu’elle devait utiliser sa banque de congés de maladie au travail, quoique la question de à savoir qui a fourni cette information à la demanderesse reste sans réponse définitive. Comme il a été mentionné plus haut, les personnes qui ont été informées par la défenderesse, la Commission ou RHDCC qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail au moment où leur demande de congé de maladie aurait été présentée si, après avoir reçu cet avis et ces déclarations, elles ne s’étaient pas abstenues de présenter une telle demande, ne sont pas incluses dans la définition du groupe approuvée par la Cour. Même si une personne autre qu’un représentant de la défenderesse, de la Commission ou de RHDCC a informé la demanderesse du fait qu’elle ne devrait pas présenter de demande, je ne dispose d’aucun élément de preuve montrant que la demanderesse a présenté une demande pour convertir ses prestations parentales en prestations de maladie. Ainsi, elle ne répond pas à la définition du groupe.

[21]  Comme j’ai conclu que la demanderesse ne répond pas à la définition du groupe, je conclus qu’elle n’est pas un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement). L’administrateur a correctement appliqué les articles 4.02 et 5.03 de l’entente de règlement, et, par conséquent, sa décision est confirmée.

[22]  Aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre de la présente demande.


JUGEMENT dans le dossier T‑210‑12

  1. La Cour confirme la décision de l’administrateur rendue le 8 août 2019 concernant la demande de Carolyn Bowen.

« Mandy Aylen »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour de novembre 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :

T‑210‑12

 

INTITULÉ :

JENNIFER MCCREA c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et CAROLYN BOWEN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE mandy aylen

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 14 novembre 2019

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Steven J Moreau

Cavalluzzo LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA REPRÉSENTANTE DEMANDERESSE

 

Christine Mohr

Ayesha Laldin

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour la défenderesse

 

Carolyn Bowen

Pour son propre compte

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

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