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Date : 20191112


Dossier : T-1187-19

Référence : 2019 CF 1408

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2019

En présence de la protonotaire Mireille Tabib, juge responsable de la gestion de l’instance

ENTRE :

BAYER INC. et

BAYER INTELLECTUAL PROPERTY GMBH

demanderesses

et

DR. REDDY’S LABORATORIES LTD.,

DR. REDDY’S LABORATORIES LIMITED et

DR. REDDY’S LABORATORIES, INC.

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La présente action correspond chronologiquement à la cinquième action intentée par Bayer en vertu du paragraphe 6 (1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 (le Règlement), relativement au médicament rivaroxaban et aux trois brevets inscrits à son égard. Par la présente requête, Dr. Reddy’s Laboratories sollicite une ordonnance autorisant l’instruction des questions d’invalidité qui sont communes aux quatre premières actions en septembre 2020, en même temps que les procès prévus dans les quatre actions précédentes.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la requête de Dr. Reddy’s sera rejetée

I.  FAITS ET HISTORIQUE PROCÉDURAL

[3]  La soussignée est nommée juge responsable de la gestion de l’instance pour toutes les actions intentées par Bayer à l’égard du rivaroxaban, et le juge William Pentney est désigné juge de première instance pour l’ensemble de ces actions.

[4]  Bayer a intenté les deux premières actions contre Teva et Apotex le 9 novembre 2018 et le 7 décembre 2018, respectivement. Dans une ordonnance datée du 14 février 2019, répertoriée sous l’intitulé Bayer Inc c Teva Canada Ltée, 2019 CF 191 (Bayer no 1), et malgré les objections de Bayer, j’ai ordonné que les questions d’invalidité communes soulevées par ces deux actions soient instruites ensemble et que les autres parties des procès sur la contrefaçon se déroulent séparément par la suite.

[5]  Après le prononcé de cette ordonnance, les 8 mars 2019 et 17 mai 2019, Bayer a intenté les troisième et quatrième actions contre Taro et Sandoz, respectivement. Une audience visant à déterminer si Taro et Sandoz pouvaient « se joindre » aux instances relatives aux questions d’invalidité a eu lieu le 24 juin 2019 devant le juge Pentney. Dans une ordonnance datée du 1er août 2019, et cette fois‑ci, malgré les objections de Teva et d’Apotex, mais avec l’appui de Bayer, il a été ordonné que les questions communes d’invalidité dans ces deux affaires soient instruites en même temps que les procès de Teva et d’Apotex (Bayer c Taro et al, 2019 CF 1039 (Bayer no 2 ). L’audition des questions communes doit commencer au début de septembre 2020. Les parties des actions en contrefaçon contre Teva et Apotex seront instruites à la fin de septembre et au début d’octobre 2020, et on s’attend à ce que les autres questions en litige dans les actions de Taro et de Sandoz soient instruites au début de 2021.

[6]  L’avis d’allégation de Dr. Reddy’s concernant le rivaroxaban a été signifié le 7 juin 2019 et la présente action a été introduite le 22 juillet 2019.

[7]  Les parties aux quatre premières actions ont collaboré à la tenue d’interrogatoires préalables conjoints des inventeurs et des représentants de Bayer sur les questions communes. Ces interrogatoires préalables sont en grande partie terminés. Il ne reste que les requêtes en refus et la possibilité d’une nouvelle comparution. Dr. Reddy’s s’est déclarée prête à accepter la transcription des interrogatoires préalables des représentants de Bayer et des inventeurs ainsi que les réponses aux engagements déjà fournis, et à se conformer à l’échéancier pour qu’elle soit prête à procéder en septembre 2020 à un procès sur les questions d’invalidité.

[8]  Bayer, Teva et Apotex s’opposent toutes énergiquement à la requête de Dr. Reddy’s. Taro et Sandoz n’ont pas pris position.

II.  ANALYSE

[9]  Essentiellement, Dr. Reddy’s reproduit à l’appui de sa requête tous les arguments que Bayer, Taro et Sandoz ont invoqués devant le juge Pentney dans Bayer no 2, et fait valoir que la présente affaire correspond en tous points à Bayer no 2 et qu’elle devrait connaître la même issue. Apotex et Teva reprennent également les arguments qu’elles ont présentés au juge Pentney, soulignant que la Cour a accordé l’autorisation d’interjeter appel de l’ordonnance rendue dans Bayer no 2, et que ces arguments devraient être dûment pris en considération en l’espèce. Les arguments des parties sont exposés en détail dans Bayer no 2 et n’ont pas à être repris ici.

[10]  Comme le juge Pentney l’a mentionné dans son ordonnance, la décision à prendre dans le cadre de la présente requête est discrétionnaire et tient principalement à deux facteurs, à savoir l’obligation de trancher les affaires sous le régime du Règlement dans un délai de 24 mois et la recherche d’un équilibre global entre les intérêts des innovateurs et des fabricants de médicaments génériques, et ceux du public en général. Le juge Pentney a examiné et pris en considération les intérêts opposés des parties et a conclu que, tout bien pesé, il était dans l’intérêt de la justice de constituer Taro et Sandoz parties à l’audience commune sur les questions d’invalidité visant Teva et Apotex.

[11]  Toutes choses étant égales, malgré l’appel en instance et compte tenu du fait que différents juges peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire pour arriver à un résultat différent en se fondant sur des faits identiques, je serais arrivée à la même conclusion que le juge Pentney. Cependant, toutes choses ne sont pas égales dans les circonstances de la présente requête.

[12]  Premièrement, Bayer s’oppose à la constitution en partie de Dr. Reddy’ à l’audience commune. Elle soutient, tout comme Teva et Apotex, que l’ajout d’une autre partie dans les circonstances rendra l’instance tellement difficile qu’elle compromettra la capacité des parties de respecter le délai de 24 mois prévu dans les actions antérieures. Je conviens que l’ajout d’un autre groupe d’avocats à une instance déjà encombrée vient conférer un degré de complexité et de lourdeur qui fait pencher la balance du côté de l’efficacité, et donc, contre la constitution d’une autre partie dans les circonstances de l’espèce. J’estime que, même en étant animé des meilleures intentions, les étapes restantes seraient plus difficiles à planifier et à coordonner, alors que l’échéancier est déjà serré. Plus important encore, les jours prévus pour le procès commun sont à peine suffisants pour permettre l’intervention de quatre défenderesses, et il n’y a tout simplement aucun jour supplémentaire de disponibilité commune de la part des participants existants pour prolonger le procès commun. Si Dr. Reddy’s souhaite ajouter quoi que ce soit d’utile aux étapes préalables à l’instruction et à l’audience, il faudrait alors consacrer plus de temps pour tenir compte de cette contribution. À l’inverse, si Dr. Reddy’s ne prévoit pas apporter à l’instance une contribution distincte et utile, à quoi servirait sa constitution en partie à l’audience commune?

[13]  Deuxièmement, il est raisonnablement possible de tenir un procès complet sur toutes les questions en litige dans l’action intentée par Dr. Reddy’s, au besoin, dans le délai de 24 mois prescrit par le Règlement, sans trop taxer les ressources de la Cour et de Bayer. Il y a une différence de plus de six mois entre l’introduction des deux premières actions et l’action de Dr. Reddy’s. Une partie importante de la période de 24 mois qui s’applique au règlement de l’action intentée par Dr. Reddy’s se situe donc en dehors de la période à l’intérieur de laquelle les deux premières actions doivent être tranchées. En outre, il y a près de deux mois entre l’expiration du dernier délai de 24 mois (applicable à Sandoz) et l’expiration du délai applicable à l’action de Dr. Reddy’s. L’économie de temps découlant de la constitution de Taro et de Sandoz comme parties à l’audience commune permet également d’alléger le fardeau imposé à Bayer et à la Cour quant aux préparatifs nécessaires à l’instruction, au début de 2021, des parties restantes des procès de Taro et de Sandoz. Même sans la participation de Dr. Reddy’s, les jugements qui seront probablement rendus en 2020 dans les affaires concernant Teva et Apotex donneront une très bonne indication de la preuve qui sera vraisemblablement produite au procès relatif à la présente action, ainsi que des conclusions de fait et de droit qui en résulteront vraisemblablement. On peut espérer que cela permettra de circonscrire les questions en litige dans l’action de Dr. Reddy’s. Même si ce n’est pas le cas, il sera possible de tenir un procès complet de deux semaines sur toutes les questions, devant le même juge, tout en respectant les exigences du Règlement.

[14]  Permettre à Dr. Reddy’s de procéder à l’instruction sur des questions communes en même temps que les quatre autres défenderesses ferait certainement le meilleur usage possible des ressources de la Cour et éviterait le dédoublement. Cependant, je conclus que ces économies ne peuvent, dans les circonstances de l’espèce, être réalisées sans compromettre la capacité de la Cour d’entendre et de trancher les actions intentées par Teva et Apotex dans le délai prescrit par le Règlement, et sans exercer des pressions déraisonnables sur les ressources de Bayer.

[15]  Cette conclusion, conjuguée au fait que la tenue d’un procès en bonne et due forme pour Dr. Reddy’s devant le même juge au printemps 2021 constitue une solution de rechange raisonnable, l’emporte sur toutes les autres considérations soulevées par Dr. Reddy’s et est déterminante quant à l’issue de la requête.

III.  DÉPENS

[16]  Selon Dr. Reddy’s, il y a lieu d’ordonner à Bayer de payer les dépens de la présente requête à toutes les parties, quelle que soit l’issue de la cause, comme conséquence juste de sa décision d’exercer son droit d’intenter toutes les actions en vertu du Règlement. Je ne vois aucune raison pour laquelle l’exercice par Bayer des droits que lui confère le Règlement devrait, en soi, l’exposer à une responsabilité à l’égard des dépens afférents aux requêtes que ses adversaires pourraient présenter et se voir rejeter dans le cadre de ces actions.

[17]  Dans ses observations sur les dépens, Dr. Reddy’s mentionne également [traduction] qu’il « serait sans doute censé que Bayer accepte que l’issue de l’instruction des questions communes d’invalidité ait force obligatoire sur l’action de Dr. Reddy’s », ce qui laisse entendre qu’une telle offre a été faite par Dr. Reddy’s pour régler la présente requête et qu’elle a été refusée par Bayer. Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que tel pourrait être le cas ou que l’offre comprenait, comme il se doit, l’acceptation réciproque du résultat par Dr. Reddy’s. De fait, il ne serait pas approprié de porter à l’attention de la Cour des offres de règlement avant que celle‑ci ne se prononce sur la requête.

[18]  Bayer n’a pas demandé le paiement de ses dépens dans la présente requête. Les dépens, le cas échéant, seraient donc normalement adjugés contre la partie déboutée, en l’occurrence Dr. Reddy’s, et en faveur de Teva et d’Apotex, les deux seules autres parties ayant obtenu gain de cause qui ont demandé le paiement de leurs dépens.

[19]  Je souligne toutefois que Bayer a signifié et déposé le dossier de réponse une semaine avant celui de Teva et d’Apotex, et qu’elle a avancé tous les arguments sur lesquels je me suis fondée pour rejeter la requête. Les dossiers d’Apotex et de Teva n’ont guère ajouté au débat. L’opposition à la requête et les principaux motifs invoqués étaient déjà bien saisis par Bayer no 2. Apotex et Teva auraient pu présenter leurs positions de façon très sommaire et conjointe. Dans les circonstances, je refuse d’adjuger des dépens.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

  1. La requête de Dr. Reddy’s est rejetée, sans frais.

« Mireille Tabib »

Juge responsable de la gestion de l’instance

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour de novembre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1187-19

 

INTITULÉ :

BAYER INC. ET AUTRES C. DR. REDDY'S LABORATORIES LTD ET AUTRES

LIEU DE L’AUDIENCE :

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

ORDONNANCE ET MOTIFS:

 

la protonotaire TABIB

 

DATE DE LoRDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 12 NOVEMBRE 2019

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

Dr. Reddy et autres

 

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Teva Canada LTÉE

 

Fineberg Ramamoorthy LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Taro Pharmaceuticals Inc.

Sprigings IP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Sandoz Canada Inc.

Goodmans LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

Apotex Inc.

 

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