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Date : 20010530

Dossier : IMM-447-00

Référence neutre : 2001 CFPI 553

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2001

EN PRÉSENCE DE :             MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

RASAIAH KAMALANATHAN

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en application de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ), à l'encontre d'une décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « Commission » ) en date du 13 janvier 2000. La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


[2]                 Le demandeur sollicite une ordonnance pour que la décision précédente soit annulée et pour que l'affaire soit renvoyée devant une formation différemment constituée pour réexamen.

Les faits

[3]                 Le demandeur Rasaiah Kamalanathan, un citoyen du Sri Lanka, est entré au Canada et a revendiqué le statut de réfugié le 19 janvier 1999. La revendication du demandeur a fait l'objet d'une audition le 27 août 1999 et le 27 septembre 1999. La Commission a résumé en ces termes les faits allégués par le demandeur :

Le revendicateur, qui est né à Jaffna, s'est rendu à Colombo en janvier 1968 pour travailler au magasin de son oncle. En août 1977, la boutique a été pillée pendant une émeute, à la suite de quoi, le revendicateur est retourné à Jaffna. En novembre 1977, il est retourné à Colombo. En juillet 1983, la boutique de son oncle a encore une fois été pillée, et, à cause des difficultés éprouvées en permanence par les Tamouls, le revendicateur et son oncle sont allés à Jaffna en août 1983. En janvier 1984, le revendicateur et son oncle ont ouvert une boutique à Jaffna. En octobre 1987, ce commerce a été pillé par l'IPKF, fermé, puis rouvert en janvier 1988. En avril 1989, le revendicateur a pris le commerce en mains et, à partir de ce moment et jusqu'en 1989, il a été forcé de donner des provisions aux soldats de l'EPRLF et de l'IPKF; en décembre 1989, le LTTE lui a extorqué de l'argent.

En mai 1990, le revendicateur a été emmené pour travailler pour le LTTE. Il a été détenu pendant quatre jours, et relâché contre le paiement d'une somme de 100 000 roupies. Pendant sa période de détention, il a été agressé et accusé d'être un espion pour l'EPRLF. En octobre 1991, la résidence du revendicateur a été détruite par des soldats.

En juillet 1994, le LTTE a encore soutiré de l'argent au revendicateur et, en août 1995, lorsqu'il a refusé de verser plus d'argent, il a été détenu pendant trois jours. Il a été remis en liberté en échange du versement de 60 000 roupies et de bijoux.


À la fin d'octobre 1995, le revendicateur et sa mère sont allés à Chavukachcheri et, en avril 1996, l'armée les a forcés à retourner à Jaffna. Encore une fois, son commerce a été pillé, fermé, puis rouvert en septembre 1996.

En 1997 et 1998, il a été agressé au moins cinq ou six fois par l'armée. Au cours de la première semaine de juillet 1998, le LTTE lui a, encore une fois, soutiré de l'argent à son magasin, le menaçant de revenir chercher d'autre argent. Le revendicateur, s'est enfui à Colombo en août 1998. Le 16 novembre 1998, le revendicateur, que l'on soupçonnait d'appuyer le LTTE, a été détenu pendant deux jours à Colombo.

Le 21 décembre 1998, il a à nouveau été arrêté par la police. Il a été détenu pendant une journée, puis relâché contre le paiement de 15 000 roupies.

[4]                 La Commission a conclu qu'il n'était pas crédible. Le demandeur avait indiqué dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'il avait un « mari et [un] fils » et que des membres de sa famille avaient revendiqué le statut de réfugié au Canada. Le demandeur est célibataire et n'a pas d'enfant. Le demandeur a corrigé ces erreurs lors de l'audience en remplaçant la mention « mari et fils » par la mention « mère et père » , puis en précisant qu'aucun membre de sa famille n'avait revendiqué le statut de réfugié au Canada. La Commission n'a pas accepté les explications du demandeur sur la raison pour laquelle il avait initialement consigné ce renseignement dans son FRP. La Commission ne l'a pas non plus jugé crédible relativement aux expériences vécues entre avril 1996 et août 1998. Concluant que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, la Commission a déclaré :

Le tribunal conclut que M. Rasaiah Kamalanathan n'a pas fourni de preuve digne de foi qui aurait pu permettre au tribunal de déterminer qu'il est un réfugié au sens de la Convention, en application du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

Les questions en litige


[5]                 1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne craignait pas d'être persécuté au Sri Lanka en raison des changements qu'il a apportés à son formulaire de renseignements personnels (FRP)?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en considération l'éventuelle crainte de persécution du demandeur si celui-ci devait rentrer au Sri Lanka?

Les prétentions du demandeur

[6]                 La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur ne craignait pas d'être persécuté au Sri Lanka en raison des changements qu'il a apportés à son FRP?

Les données biographiques du FRP

Le demandeur soutient que les conclusions de la Commission sur ce point sont dures et qu'elles relèvent de la conjecture. Il affirme ne pas être éduqué et ne pas comprendre l'anglais. De plus, il fait valoir qu'il n'est pas rare pour un revendicateur du statut de réfugié de s'attarder davantage sur la partie narrative du FRP que sur les données biographiques. À son avis, des erreurs comme celles qu'il a commises sont très fréquentes. Le demandeur prétend en outre que de telles erreurs n'ont aucune incidence à l'égard de sa revendication du statut de réfugié.


[7]                 La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en considération l'éventuelle crainte de persécution du demandeur si celui-ci devait rentrer au Sri Lanka?

Le demandeur fait valoir que la définition de « réfugié au sens de la Convention » est de nature prospective et laisse entendre qu'il serait susceptible (vu son profil, étant un Tamoul du Nord) d'être arrêté de nouveau et détenu par l'armée sri-lankaise et les TLET s'il devait retourner dans son pays. Le demandeur prétend que la crédibilité n'est pas en soi déterminante quant à savoir s'il est un réfugié au sens de la Convention. La Commission a reconnu qu'il était un Tamoul du Nord. Le demandeur affirme que la Commission ne peut faire abstraction des éléments de preuve concernant les actes de persécution dont les Tamouls du Nord font l'objet au Sri Lanka. Par conséquent, même si la Commission ne croit pas à son récit et conclut qu'il n'est pas crédible, le demandeur fait valoir que la Commission doit néanmoins évaluer s'il avait une crainte fondée de persécution : Sooriyakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 956, IMM-972-94 (16 juin 1995) (C.F. 1re inst.).

[8]                 Le demandeur cite également l'arrêt Mahanandan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1228, A-608-91 (24 août 1994) (C.A.F.), où le juge en chef Isaac écrivait au paragraphe 8 :


Lorsqu'au cours d'une audience, la Commission admet une preuve documentaire du genre de celle qui est en cause en l'espèce, soit une preuve susceptible d'influer considérablement sur son appréciation de la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention d'un appelant, il nous semble que la Commission doive dépasser la simple constatation de son admission de la preuve documentaire et qu'elle soit tenue aussi de préciser dans ses motifs l'impact, s'il en est, que cette preuve a eu sur la revendication du requérant. Comme je l'ai déjà dit, la Commission a omis de ce faire en l'espèce, et cette omission, à notre avis, porte un coup fatal à sa décision, qui ne peut être maintenue.

[9]                 Vu les circonstances de la présente affaire, le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire abondante émanant d'autres sources que de son propre témoignage et corroborant l'existence des risques auxquels font face les hommes tamouls au Sri Lanka. La Commission a donc omis de trancher la question de savoir si le demandeur avait une crainte raisonnable de persécution.

[10]            Le demandeur attire également l'attention de notre Cour sur l'affaire Burgos-Rojas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 162 F.T.R. 157 (C.F. 1re inst.), où la Cour a statué à la page 159 :

En conséquence, même si, après avoir conclu que le demandeur n'était pas crédible, elle a rejeté son récit concernant ce qui lui était arrivé au Chili, la Commission devait tout de même examiner la question de savoir si le demandeur avait une crainte fondée d'être persécuté au Chili en raison de son orientation sexuelle.

. . .

Une preuve documentaire abondante étayait la prétention du demandeur selon laquelle les homosexuels sont persécutés et, dans certains cas, incarcérés, au Chili. La formation a également omis de déterminer si le demandeur avait ou non une crainte raisonnable d'être persécuté s'il retournait au Chili.


Il s'agit là d'une erreur de droit, et l'affaire est renvoyée à une nouvelle formation pour qu'elle procède à une nouvelle audition.

[11]            Dans son mémoire, le demandeur cite des extraits tirés de deux rapports présentés à la Commission pour établir qu'il existait d'abondantes preuves documentaires pour étayer sa prétention qu'il ferait l'objet de persécution s'il devait retourner au Sri Lanka. En faisant abstraction de la preuve documentaire produite par l'avocat et l'ACR lors de l'audience, la Commission n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents versés au dossier. Le demandeur affirme que cette omission constitue une erreur susceptible de révision, citant à l'appui l'extrait suivant tiré de l'arrêt Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 106 à la p. 113 (C.A.F.) :

Le défaut de prendre une preuve substantielle en considération a été diversement qualifié par cette Cour dans le cadre de litiges où elle a accueilli des demandes fondées sur l'article 28. Dans l'arrêt Toro c. M.E.I., [1981] 1 C.F. 652, mon collègue le juge Heald a dit au nom de la Cour:

Par conséquent, il appert que la Commission, au moment de prendre sa décision, n'a pas tenu compte de la totalité de la preuve produite réguliérement devant elle. La Commission a donc commis une erreur de droit.


[12]            Le demandeur fait également référence à l'affaire Padda c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1866, IMM-671-94 (6 décembre 1994) (C.F. 1re inst.) :

Le requérant soutient que la Commission, dans l'extrait précité, a commis une erreur de droit en faisant abstraction d'éléments de preuve documentaire présentés par l'agent d'audience. Je souscris à cette affirmation. Bien que la Commission ait été saisie d'éléments de preuve selon lesquels les Sikhs à l'extérieur du Pendjab ne vivent pas, en général, dans un climat d'hostilité, il y avait d'autres éléments de preuve selon lesquels certains Sikhs ont été la cible d'actes de violence. En particulier, le document intitulé Inde : Les Sikhs à l'extérieur du Pendjab (Service de recherches, Direction générale de la documentation, de l'information et des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Ottawa, décembre 1992) mentionne que « les jeunes étudiants sikhs de sexe masculin qui prônent l'avènement du Khalistan ou qui expriment publiquement leur opposition au gouvernement indien ne pourraient être en sécurité nulle part en Inde, en particulier s'ils se sont fait remarquer par leurs marches ou leurs écrits antigouvernementaux. »

Bien que la Commission soit habilitée à examiner et à apprécier la preuve, elle ne peut faire abstraction d'éléments de preuve. L'intimé soutient que la présente Cour ne doit pas intervenir dans l'appréciation de la preuve faite par la Section du statut de réfugié. Je suis de cet avis. Par contre, il ne fait aucun doute que la présente Cour doit intervenir lorsque la Commission omet d'examiner des éléments de preuve qui contredisent directement et explicitement ses conclusions. C'est une erreur de droit que de ne pas examiner toute la preuve.

[13]            Compte tenu de l'ensemble des circonstances mentionnées précédemment, le demandeur prétend qu'il ne serait pas raisonnable pour lui de chercher refuge soit à Jaffna, soit à l'extérieur de Jaffna. En conséquence, selon lui, il n'a pas été satisfait au critère de raisonnabilité énoncé dans l'arrêt Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.F.).


Les prétentions du défendeur

[14]            Conclusions relatives à la crédibilité

L'appréciation de la crédibilité personnelle du demandeur est centrale au processus de prise de décision incombant à la Commission. Qui plus est, le défendeur soutient que les questions de crédibilité et l'importance à accorder à la preuve relèvent de la compétence de la Commission en tant que juge des faits.

[15]            Selon le défendeur, compte tenu de l'importance de la revendication du statut de réfugié, il appartenait au demandeur de vérifier l'exactitude des renseignements consignés dans son FRP. Il est déraisonnable, fait-il valoir, de croire que le demandeur n'a pu relever les erreurs dans son formulaire puisque ce même formulaire lui a été traduit vers sa langue d'origine. En conséquence, le défendeur affirme qu'il était raisonnablement loisible à la Commission de mettre en doute la manière dont le renseignement avait été obtenu et l'identité de la personne qui l'avait initialement fourni.


[16]            Le défendeur prétend en outre que le FRP du demandeur ne constitue qu'un facteur sur lequel la Commission s'est fondée pour conclure qu'il n'était pas crédible. Le rapport médical du demandeur a révélé l'existence d'une ancienne fracture du bras droit et de la jambe droite, mais le demandeur n'a pas expliqué s'il y avait un lien entre ces fractures et sa revendication. De plus, la Commission a rejeté les prétentions du demandeur selon lesquelles certains groupes auraient tenté de lui extorquer de l'argent étant donné que le demandeur a été incapable de les identifier.

[17]            Selon le défendeur, on peut établir une distinction entre l'affaire Sooriyakumar, précitée, et celle en l'espèce. Dans l'affaire Sooriyakumar, la Cour a statué qu'il n'existait que peu ou pas de preuve pour étayer les conclusions de la Commission. En l'espèce, le défendeur fait valoir que les conclusions de la Commission étaient étayées par les faits relatés lors du témoignage du demandeur et par la preuve documentaire dont la Commission disposait. Le défendeur prétend que la Cour devrait être moins enclin à intervenir lorsque la Commission tire une conclusion sur la crédibilité d'un témoin. Les affaires Fletcher c. Société d'assurance publique du Manitoba, [1990] 3 R.C.S. 191; Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993]A.C. F. no 685, A-756-91 (8 juillet 1993) (C.A.F.) et Ankrah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 385, T-1986-92 (16 mars 1993) (C.F. 1re inst.) sont citées au soutien de cette prétention.

[18]            L'omission de prendre en compte la preuve


Le FRP fait état des raisons au soutien de la revendication du demandeur du statut de réfugié et, selon le défendeur, rien n'établit que la revendication du demandeur se fonde uniquement sur son statut en tant que Tamoul vivant au Sri Lanka. Sa revendication se fonde plutôt sur des incidents particuliers relatés dans le FRP, que la Commission n'a pas jugés crédibles. De plus, le défendeur soutient que si l'on se fie à l'affidavit du demandeur, rien n'indique que celui-ci a invoqué lors de l'audience l'appartenance à un groupe social au soutien de sa revendication.

[19]            Le défendeur fait valoir que, dans ses motifs, la Commission a indiqué que la revendication du demandeur se fondait sur ses opinions politiques, à savoir que puisque les autorités croyaient qu'il était partisan des Tigres tamouls, elles le persécuteraient. Cependant, comme la Commission a conclu que la preuve des prétendues opinions politiques n'était pas crédible, le demandeur n'a pas réussi à étayer sa revendication. Le défendeur prétend que le demandeur ne peut invoquer aujourd'hui son statut de Tamoul à l'appui de sa revendication, puisque cet élément n'a pas été soumis à la Commission elle-même.


[20]            Subsidiairement, le défendeur affirme que les documents sur lesquels le demandeur s'appuie n'étayent pas l'argument selon lequel tous les hommes tamouls font l'objet de persécution au Sri Lanka. L'un de ces rapports renvoie au traitement réservé aux jeunes Tamouls. Le défendeur soutient que le demandeur, âgé de 49 ans, n'est clairement pas visé par cette catégorie. En outre, fait-il valoir, les documents décrivent le traitement réservé aux Tamouls comme du harcèlement plutôt que de la persécution. L'un de ces documents fait référence au traitement que subissent les Tamouls aux mains des TLET; cependant, le défendeur soutient que la Commission n'a pas jugé crédible la preuve du demandeur quant au traitement infligé par les TLET. Selon lui, il n'est pas aujourd'hui loisible au demandeur de prétendre qu'il s'expose néanmoins à un danger. Si le demandeur était menacé par les Tigres tamouls, le défendeur soutient qu'il lui incombait de produire des éléments de preuve crédibles à cet égard lors de l'audience. Le demandeur a omis de produire des éléments de preuve crédibles pour établir un lien entre sa situation et la preuve documentaire.

[21]            L'un des documents sur lesquels s'appuie le demandeur porte sur la situation des Tamouls soupçonnés d'avoir des liens avec les TLET. Le défendeur fait valoir que la Commission n'a été saisie d'aucune preuve crédible établissant que le demandeur faisait l'objet de tels soupçons et, par conséquent, ce document ne s'applique pas à son égard. De plus, le défendeur soutient que, si l'on se fie à la preuve que le demandeur a effectivement produite, le traitement qu'on lui a réservé à Colombo ne ressemble pas à celui que décrivent les documents. Le demandeur n'a pas subi de torture lors de sa détention; il a été détenu pendant quelques jours, puis relâché sur versement d'un pot-de-vin. Selon le défendeur, la Commission n'a donc pas fait abstraction de la preuve au soutien de la revendication du demandeur. Qui plus est, même si la Commission est tenue de considérer l'ensemble de la preuve pertinente, rien ne l'oblige à analyser chaque élément de preuve dont elle a tenu compte pour parvenir à sa conclusion, ou à s'y référer.


[22]            En l'absence d'une conclusion de fait abusive ou arbitraire au coeur de la décision de la Commission, sa décision ne devrait pas être modifiée par la Cour. Même si la Commission avait tiré une conclusion de fait abusive ou arbitraire, le défendeur fait valoir que celle-ci n'était qu'accessoire à son raisonnement et qu'elle ne modifierait pas la conclusion finale que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

Les dispositions législatives pertinentes

[23]            La Loi sur l'immigration définit « réfugié au sens de la Convention » en ces termes :


2(1) « réfugié au sens de la Convention » Toute personne_:

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques_:

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article

1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;



Analyse et décision

[24]            Je propose de traiter tout d'abord de la deuxième question.

La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de prendre en considération l'éventuelle crainte de persécution du demandeur si celui-ci devait rentrer au Sri Lanka?

La Commission n'a manifestement pas reconnu la crédibilité du demandeur. La décision ne traite que de la crédibilité de la preuve présentée par le demandeur et, en fait, la seule conclusion qu'a tirée la Commission est celle-ci :

Le tribunal conclut que M. Rasaiah Kamalanathan n'a pas fourni de preuve digne de foi qui aurait pu permettre au tribunal de déterminer qu'il est un réfugié au sens de la Convention, en application du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

Il s'agit d'une conclusion que la Commission était certainement habilitée à tirer, mais elle n'aurait pas dû s'arrêter là puisqu'elle disposait d'autres éléments de preuve documentaire qui n'avaient pas encore été pris en compte.


[25]            Dans l'affaire Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 167 F.T.R. 130 (C.F. 1re inst.), notre Cour a statué à la page 132 :

Il est clair que lorsque la seule preuve qui relie le demandeur à la persécution émane de son témoignage, le fait de rejeter ce témoignage signifie que le lien avec la persécution n'existe plus. Il devient donc impossible d'établir un lien entre la revendication de la personne et la preuve documentaire.

La situation est évidemment différente en l'espèce, car il existait une preuve, dont la CIN de la demanderesse principale, émanant d'autres sources que son témoignage et permettant de relier sa demande à la persécution infligée aux jeunes femmes tamoules au Sri Lanka.

J'estime que la Commission aurait dû avoir pris en considération la preuve documentaire indépendante dont elle disposait et qui faisait état de la persécution de certains hommes tamouls du Nord. Cette preuve aurait dû avoir été prise en compte afin de déterminer si le demandeur appartenait à la catégorie des hommes tamouls dont il était question. Cette preuve aurait pu servir à démontrer chez le demandeur l'existence d'une crainte fondée de persécution. Ce qu'il importe de retenir, c'est que les membres de la formation auraient dû apprécier cette preuve afin de décider si celle-ci établissait l'existence d'une crainte fondée de persécution. À mon avis, la Commission a commis une erreur de droit en omettant de le faire et sa décision doit donc être annulée.

[26]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée devant une formation différemment constituée pour réexamen.


[27]            Vu ma réponse à la deuxième question, il n'est pas nécessaire que je me penche sur la première.

[28]            Aucune partie n'a soumis de question grave de portée générale à certifier.

ORDONNANCE

[29]            LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée devant une formation différemment constituée pour réexamen.

                                                                                 « John A. O'Keefe »             

                                                                                                      J.C.F.C.                      

Ottawa (Ontario)

Le 30 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                               IMM-447-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Rasaiah Kamalanathan c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                Le 25 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE EXPOSÉS PAR :

MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

EN DATE DU :                                                  30 mai 2001

ONT COMPARU :

Preevanda K. Sapru                                                         POUR LE DEMANDEUR

Jamie Todd                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Max Berger & Associates                                               POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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