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Date : 20191107


Dossier : IMM‑444‑19

Référence : 2019 CF 1395

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

XIZONG HE

(alias XiZong HE)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le présent contrôle judiciaire fait suite à une décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié ni une personne à protéger. Cette décision reposait surtout sur la conclusion de la SAR portant que certains des documents soumis dans la demande étaient frauduleux.

[2]  Les parties reconnaissent que si les documents sont bel et bien frauduleux, la demande doit alors être rejetée.

II.  Contexte

[3]  Le demandeur est un citoyen chinois. Selon le fondement de sa demande d’asile, il croit que s’il retournait en Chine, il serait arrêté en raison de sa participation à des manifestations contre des vaccins contaminés, organisées à la suite du décès d’un jeune garçon qui était sous sa tutelle. La Section de la protection des réfugiés puis la SAR ont rejeté sa demande d’asile.

[4]  L’authenticité de deux documents revêt une importance centrale au regard de cette demande d’asile. Le premier est une assignation délivrée par le Bureau de la sécurité publique chinois, que le demandeur aurait supposément reçue [l’assignation]. Le second est une assignation assortie d’un mandat d’arrestation qui aurait été reçue par un autre manifestant [l’assignation assortie d’un mandat d’arrestation].

[5]  La SAR a comparé les documents soumis avec des échantillons de documents standard : ayant relevé plusieurs différences, elle a conclu que les documents étaient frauduleux et que le reste de l’exposé circonstancié du demandeur n’était de ce fait pas crédible.

[6]  Le défendeur reconnaît que la SAR a commis une erreur dans son examen du Fondement de la demande d’asile et de l’avis d’arrestation, mais il fait valoir que le demandeur n’a toujours pas montré qu’il était recherché par le Bureau de la sécurité publique.

III.  Analyse

[7]  La question déterminante qui se pose dans le cadre du présent contrôle judiciaire est de savoir si les conclusions de la SAR, en particulier celles qu’elle a tirées à l’égard des documents frauduleux, sont raisonnables (voir Zhuang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 263). La décision est raisonnable si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47, [2008] 1 RCS 190.

[8]  Le demandeur fait valoir que la SAR a examiné à la loupe l’assignation et l’assignation assortie d’un avis d’arrestation. Cependant, un tel examen constitue généralement la seule méthode raisonnable de déceler des contrefaçons. Il incombe à la SAR, dans les circonstances, d’entreprendre ce type d’examen.

[9]  J’écarterai les précédents tels que Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 736, compte tenu des faits, étant donné que la nature de l’examen dépend de la nature de la contrefaçon alléguée et des documents examinés.

[10]  En l’espèce, la SAR a conclu que l’assignation et l’assignation assortie d’un avis d’arrestation étaient frauduleuses en s’appuyant sur des divergences relevées entre ces documents et les échantillons de documents standard. À cet égard, il faut faire preuve de retenue à l’égard de la SAR, mais l’examen doit être exact, et les divergences réelles et substantielles.

[11]  En l’espèce, et en l’absence de preuve additionnelle attestant que de telles divergences ont été relevées, je ne peux confirmer les conclusions de la SAR. Je ne mentionnerai ici que quelques exemples :

  • L’assignation standard comporte des parenthèses autour de ce qui semble correspondre au nom de la ville ou du lieu. La SAR a relevé l’absence de parenthèses dans le document à proprement parler, mais sans tenir compte de l’explication voulant que ces parenthèses aient la fonction d’« espace de remplissage ».

  • Le formulaire standard comportait une ligne correspondant à une date. Les deux derniers caractères sont « xx », alors que le formulaire proprement dit indiquait une date précise. Comme « x » n’est pas un caractère chinois, la SAR n’avait aucune explication quant à la raison pour laquelle le « xx » n’avait pas non plus la fonction de caractère de remplissage.

  • Une ligne réservée à la signature de l’accusé n’a pas été remplie. Bien que la SAR l’ait remarqué et laissé entendre que cette absence de signature signalait une fraude, l’accusé ne devait apposer sa signature qu’une fois appréhendé. Il ne l’a jamais été.

  • Un document d’arrestation correspondant à un avis adressé à la famille était daté du 9 mars; l’arrestation a eu lieu le 8 mars. La SAR a tiré une inférence défavorable de ces dates. Cependant, le formulaire faisait référence à l’article 91 (vraisemblablement d’une loi pénale). Cette disposition exige qu’un avis soit délivré dans les 24 heures de l’arrestation. En l’absence d’une meilleure explication, la date concorde avec l’article 91 si bien qu’aucune inférence défavorable ne doit être tirée.

[12]  Peut‑être que la SAR est en mesure d’expliquer les conclusions défavorables qu’elle a tirées, notamment en ce qui touche ces exemples mineurs; cependant, elle ne l’a pas fait. En l’absence de telles explications, j’estime que la décision est déraisonnable, car elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » comme cela est requis, et elle n’est pas défendable.

IV.  Conclusion

[13]  Pour ces motifs, il est fait droit au contrôle judiciaire, la décision est infirmée et l’affaire est retournée à la SAR pour être réexaminée par un tribunal différemment constitué. Aucune question n’est à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑444‑19

LA COUR STATUE qu’il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire, la décision est infirmée et l’affaire est renvoyée à la Section d’appel des réfugiés pour être réexaminée par un tribunal différemment constitué.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour de novembre 2019

Caroline Tardif, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑444‑19

 

INTITULÉ :

XIZONG HE (alias XiZong HE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 OCTOBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Adam Warzkiewicz

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Gregory G. George

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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