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Date : 20191018


Dossier : T‑353‑18

Référence : 2019 CF 1309

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

JANSSEN INC.

demanderesse

et

JANSSEN PHARMACEUTICA N.V.

demanderesse

(défenderesse reconventionnelle)

et

TEVA CANADA LIMITED

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une requête présentée par Teva Canada Ltd [Teva], la défenderesse et demanderesse reconventionnelle, en vue d’obtenir l’autorisation de signifier les rapports d’expert en réplique de Mme Suzanne Allain, de M. James Simm et de M. Herman Vromans [les rapports en réplique].

[2]  La requête de Teva s’inscrit dans le contexte d’une action en contrefaçon de brevet engagée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133. Les demanderesses, Janssen Inc et Janssen Pharmaceutica NV [Janssen], allèguent la contrefaçon du brevet canadien portant le no 2,655,335 [le brevet 335]. Teva rejette la contrefaçon et allègue que le brevet est invalide pour cause d’évidence et d’absence d’objet brevetable.

[3]  Le brevet 335 se rapporte à des préparations de palipéridone palmitate, un médicament dont la vente au Canada, par Janssen, a été approuvée pour le traitement de la schizophrénie et le traitement d’entretien du trouble schizoaffectif. Janssen vend le médicament sous son nom de marque INVEGA SUSTENNA®.

[4]  Teva soutient qu’il lui a été impossible d’apprécier pleinement la position de Janssen sur la validité du brevet 335 avant de recevoir les rapports d’expert de cette dernière et qu’il faudrait donc l’autoriser à signifier les rapports en réplique.

II.  Le contexte

[5]  Les parties ont échangé des rapports d’expert principaux le 31 mai 2019 : Teva sur la validité du brevet 335, et Janssen sur la contrefaçon.

[6]  Les parties ont échangé des rapports d’expert en réponse le 15 août 2019 : Teva sur la contrefaçon, et Janssen sur la validité du brevet 335.

[7]  Le 9 septembre 2019, Teva a signifié les rapports en réplique, et Janssen s’est opposée à l’intégralité de chacun de ces rapports.

[8]  Le procès était censé débuter le 30 septembre 2019, mais, par ordonnance de la Cour, un ajournement a été prononcé, et le début du procès a été reporté au 3 février 2020.

[9]  À la suite d’une conférence de gestion d’instance tenue le 23 septembre 2019, Teva a déposé la présente requête en vue d’obtenir l’autorisation de signifier les rapports en réplique.

[10]  La position de Teva est que les rapports en réplique portent sur des questions qui n’étaient pas anticipées au moment de l’échange des rapports d’expert principaux.

III.  Les questions en litige

[11]  L’unique question que la Cour doit trancher dans le cadre de la présente requête consiste à savoir s’il convient d’autoriser Teva à signifier et à déposer les rapports en réplique.

IV.  L’analyse

[12]  Le paragraphe 274(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, indique l’ordre caractéristique dans lequel les parties présentent leur preuve, y compris toute contre-preuve :

274 (1) Sous réserve du paragraphe (2), à l’instruction d’une action, sauf directives contraires de la Cour :

a) le demandeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

b) une fois que le demandeur a présenté sa preuve, le défendeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

c) après que le défendeur a présenté sa preuve, le demandeur peut présenter une contre-preuve.

[13]  Cette règle est atténuée par les limites qu’imposent les règles de preuve de la common law à l’introduction d’une contre-preuve. La règle générale veut que la partie demanderesse ne soit pas autorisée à scinder sa preuve (R c Krause, [1986] 2 RCS 466, à la p. 473). Autrement dit, la partie demanderesse ne peut pas produire une contre-preuve qui ne fait que confirmer la preuve principale. Une contre-preuve appropriée doit se rapporter à des questions soulevées dans la preuve de la défense qui ne l’ont pas été dans la preuve principale de la demanderesse (Amgen Canada Inc. c Apotex Inc., 2016 CAF 121, au par. 12 [Amgen]).

[14]  Autoriser un large éventail de preuves pourrait être injuste pour la partie qui comptait s’opposer à la preuve principale pour savoir ce qu’il lui faut prouver. De plus, une scission de la preuve pourrait créer une suite sans fin de fragments successifs de l’affaire (Amgen, précité, au par. 12).

[15]  Contrairement aux observations de Teva, il n’y a aucune lacune dans les Règles des Cours fédérales au sujet de la contre-preuve et, de ce fait, la règle des lacunes ne s’applique pas (Règles des Cours fédérales, art. 4).

[16]  Les principes qui régissent l’admissibilité d’une contre-preuve ont été résumés avec justesse par le juge Pelletier (tel était alors son titre) dans la décision Halford c Seed Hawk Inc., 2003 CFPI 141, au par. 15 [Halford] :

1. La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

2. La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre-interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

3. La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

4. J’ajoute un autre principe à ceux que je viens d’exposer. Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

[17]  Ces principes s’appliquent également aux rapports d’expert (Dow Chemicals Co c Nova Chemicals Corp, 2014 CF 855, aux par. 5 à 8 de l’annexe A). Un simple désaccord avec les énoncés d’un autre témoin ne peut faire l’objet d’une contre-preuve. Les désaccords entre experts peuvent être réglés par voie de contre-interrogatoire.

[18]  Les rapports en réplique que propose Teva doivent être conformes à ces principes. Teva soutient que les actes de procédure de Janssen présentaient des lacunes, et qu’elle n’a donc pu que deviner quelles questions et quels documents seraient pertinents à l’égard des questions centrales. De plus, Janssen a refusé de répondre à certaines questions lors de l’interrogatoire préalable, indiquant que les preuves d’expert porteraient sur les renseignements recherchés.

[19]  Teva est d’avis que les rapports en réplique constituent sa réponse à des renseignements qui n’étaient pas disponibles ou connus ou qui, anticipait-elle, ne seraient pas pertinents à l’égard des questions en litige dans la présente instance avant que Janssen signifie ses rapports d’expert.

[20]  Pour ce qui est des actes de procédure, Janssen soutient que Teva a le fardeau d’établir l’invalidité du brevet à titre de demanderesse reconventionnelle. C’est Teva, et non Janssen, qui a affirmé que le brevet 335 est invalide pour cause d’évidence et d’objet non brevetable. Après avoir reçu la réponse et défense de Janssen à la demande reconventionnelle, Teva n’a pas exigé de précisions ni présenté une requête en radiation de l’un des actes de procédure de Janssen, mais elle prétend maintenant que les actes de procédure présentaient des lacunes.

[21]  Janssen soutient que les refus formulés lors de l’interrogatoire préalable auxquels Teva fait référence dans ses observations écrites étaient appropriés. Cette position est étayée par l’insuccès de Teva à la suite de sa requête visant à obliger Janssen à répondre à chacune de ces questions.

[22]  Janssen soutient de plus que la question des modélisations pharmacocinétiques réalisées dans le cadre de la démarche des inventeurs constitue une bonne part des rapports en réplique de Teva et que celle-ci était au courant de cette question au moment où la preuve principale a été produite. Plus précisément, le brevet 335 fait référence à une analyse pharmacocinétique de population et les chiffres que contient le brevet sont fondés sur des modélisations pharmacocinétiques de population. L’analyse pharmacocinétique qui a été réalisée lors de la mise au point de la palipéridone palmitate est également exposée dans les documents que Janssen a produits.

[23]  Lors des interrogatoires préalables, Teva a posé des questions à deux des inventeurs du brevet 335, Mme Vermeulen et M. Samtani, relativement à leur participation à des modélisations pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. Teva n’aurait donc pas dû être surprise que des modélisations pharmacocinétiques de population soient pertinentes à l’égard de la question de la démarche des inventeurs.

[24]  De l’avis de Janssen, Teva a attendu de voir comment les experts de Janssen traiteraient de la question des modélisations pharmacocinétiques de population et elle a ensuite fait en sorte que ses propres experts traitent de la question dans les rapports en réplique. Ce type d’échange de rapports d’expert constitue un cas de scission de la preuve.

[25]  La majorité des rapports en réplique proposés sont assimilables à un simple désaccord avec les experts de Janssen, à une reformulation de l’opinion initiale des experts de Teva ou au fait que les experts de Teva disent qu’ils sont surpris par les énoncés formulés par les experts de Janssen. Ces parties des rapports en réplique ne devraient pas être admissibles en preuve, selon les principes qu’a énoncés le juge Pelletier dans la décision Halford.

[26]  Cependant, il quand même nécessaire d’examiner tout élément de preuve qui aurait pu être produit dans le cadre de la preuve principale de Teva en vue de déterminer si la Cour, en exerçant son pouvoir discrétionnaire, le considérerait quand même comme admissible en preuve. Compte tenu de l’ajournement de quatre mois qui a été prononcé en l’espèce à cause d’une situation médicale d’urgence, la Cour pourrait accorder à Janssen le droit de déposer des rapports en réplique sans créer de conflit avec la date du procès. Mais à quoi cela servirait‑il? En l’absence de questions nouvelles soulevées dans les rapports d’expert de Janssen, il n’y a pas lieu de produire un cycle sans fin de rapports, juste pour réfuter des rapports d’expert divergents ou une preuve confirmative déjà fournie dans le cadre de la preuve principale.

A.  Le projet de déclaration d’expert en réplique de Mme Suzanne Allain

[27]  Au paragraphe 1, Mme Allain indique que les avocats de Teva lui ont demandé de répondre à des énoncés qui étaient inclus dans la déclaration d’expert de M. Ofer Agid sur la validité du brevet et qu’elle n’aurait pas pu anticiper au moment de la rédaction de ses deux premiers rapports.

[28]  Au paragraphe 3, Mme Allain répond au témoignage d’opinion de M. Agid quant à sa définition de la personne moyennement versée dans l’art. Ce paragraphe ne fait que réfuter ou rejeter l’opinion de M. Agid et il ne constitue pas une contre-preuve appropriée.

[29]  Les paragraphes 4 à 6 se rapportent à l’idée originale du brevet 335. Mme Allain ne souscrit pas à l’opinion de M. Agid sur divers aspects de cette idée. Dans sa demande reconventionnelle, Teva a eu la possibilité de traiter de sa propre version de l’idée originale et elle a décidé de ne pas le faire. Là encore, ces paragraphes ne font que réfuter ou rejeter l’opinion de M. Agid, et ils ne constituent pas une contre-preuve appropriée.

[30]  Au paragraphe 7, Mme Allain répond à l’énoncé de M. Agid selon lequel la rispéridone est le composé le plus sédatif de sa classe. Mme Allain cite un rapport qui analyse les effets sédatifs de divers médicaments antipsychotiques. Teva soutient que cet énoncé n’était pas anticipé, parce qu’il est inexact et que, de ce fait, le paragraphe 7 constitue une contre-preuve appropriée. Je ne suis pas d’accord. Teva peut traiter de l’exactitude de cet énoncé lors du contre-interrogatoire de M. Agid, sans qu’il soit nécessaire de fournir une contre-preuve sur la question.

[31]  Le paragraphe 8 porte sur les schémas de dose d’attaque dont traite M. Agid dans son rapport d’expert. Là encore, Mme Allain dit que l’opinion de M. Agid est inexacte et elle cite diverses sources. Cette preuve ne fait que réfuter la preuve d’expert de M. Agid, et il aurait été possible de la produire dans le cadre de la preuve principale. Teva peut contre-interroger M. Agid sur ce point. De plus, les autres experts de Teva, MM. Kwon et Vromans, ont analysé la question de l’emploi de doses d’attaque.

[32]  Aux paragraphes 9 à 12, Mme Allain traite du désaccord de M. Agid avec ses propres pratiques cliniques concernant les doses d’attaque et d’entretien d’Invega Sustenna. Mme Allain dit qu’elle ne [traduction] « réitère pas l’opinion formulée dans ses rapports antérieurs » et elle critique ensuite les pratiques de prescription de M. Agid. Elle dit en outre qu’elle préfère l’approche de M. Simm, l’un des autres experts de Teva, à celle de M. Agid. Ces paragraphes sont assimilables à une tentative pour contredire la preuve de M. Agid, tout en amplifiant le témoignage d’expert d’autres témoins de Teva. Ils visent aussi à confirmer une preuve déjà soumise à la Cour dans le rapport de M. Simm, et il n’y a pas lieu de les admettre.

[33]  Aux paragraphes 13 à 15, Mme Allain exprime son désaccord avec les critiques de M. Agid au sujet du rapport d’expert de M. Simm. Là encore, ces paragraphes sont assimilables à une tentative pour contredire la preuve de M. Agid, tout en souscrivant à l’opinion de M. Simm qui a déjà été soumise à la Cour, et il n’y a pas lieu de les admettre.

[34]  Aux paragraphes 16 à 28, Mme Allain fait part de son désaccord avec l’opinion de M. Agid, à savoir que la prescription de la dose d’attaque d’Invega Sustenna ne requiert aucun jugement. Mme Allain déclare à plusieurs endroits qu’elle est surprise par l’opinion de M. Agid. Elle dit aussi ne pas souscrire au désaccord de M. Agid avec des passages de ses rapports d’expert initiaux. Elle confirme en fait sa preuve initiale, tout en tentant de contredire l’opinion de M. Agid. Ces paragraphes ne constituent pas une contre-preuve appropriée et il n’y a pas lieu de les admettre.

[35]  Aucun des éléments du projet de rapport en réplique de Mme Allain ne constitue une contre-preuve appropriée et il n’y a pas lieu de les admettre en preuve.

B.  Le projet de déclaration d’expert en réplique de M. James Simm

[36]  Au paragraphe 1, M. Simm indique que les avocats de Teva lui ont demandé de répondre à des énoncés qui sont inclus dans la déclaration d’expert de M. Ofer Agid sur la validité du brevet et qu’il n’aurait pas pu anticiper au moment de la rédaction de ses rapports antérieurs.

[37]  Le paragraphe 3 porte sur l’énoncé de M. Agid selon lequel la rispéridone est le composé le plus sédatif de sa classe. M. Simm est d’avis que divers autres médicaments sont connus pour avoir un effet plus sédatif que la rispéridone, faisant référence à cet égard au site web du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Teva avance les mêmes arguments qu’elle a invoqués sur ce point à l’égard du rapport de Mme Allain et, pour les mêmes raisons, je ne suis pas d’accord. Teva peut traiter de l’exactitude de cet énoncé lors du contre-interrogatoire de M. Agid, s’il le faut.

[38]  Aux paragraphes 4 à 6, M. Simm rejette l’opinion de M. Agid sur l’emploi de doses d’attaque en pratique clinique. Là encore, cette preuve ne fait que réfuter la preuve d’expert de M. Agid, et il aurait été possible de la produire dans le cadre de la preuve principale. Teva peut contre-interroger M. Agid sur ce point. De plus, les autres experts de Teva, MM. Kwon et Vromans, ont traité de cette question.

[39]  Au paragraphe 7, M. Simm rejette le désaccord de M. Agid avec la pratique qu’a Mme Allain d’administrer Invega Sustenna. Ce paragraphe est une tentative de contredire la preuve de M. Agid, tout en souscrivant à la pratique de Mme Allain. Il vise à confirmer des éléments de preuve déjà soumis à la Cour dans le rapport de M. Simm, et il n’y a pas lieu de l’admettre en preuve.

[40]  Les paragraphes 8 à 10 se rapportent à l’opinion de M. Agid selon laquelle la définition qu’emploie M. Simm de la personne moyennement versée dans l’art est trop restrictive. Ce dernier rejette l’opinion de M. Agid et il réitère ensuite une partie de son énoncé initial au sujet de la personne moyennement versée dans l’art, lequel figure dans son rapport d’expert initial. M. Simm ne fait que confirmer sa preuve initiale qui a déjà été soumise à la Cour, et il tente de contredire M. Agid. De plus, tous les experts de Teva ont fait part dans leurs rapports initiaux de leur opinion sur la personne moyennement versée dans l’art. Ces paragraphes ne constituent pas une contre-preuve appropriée, et il n’y a pas lieu de les admettre en preuve.

[41]  Au paragraphe 11, M. Simm conteste la manière dont M. Agid interprète l’expression [traduction] « dose d’entretien ». Teva affirme que l’opinion de M. Agid est inexacte et qu’elle n’aurait donc pas pu être anticipée au moment de la rédaction du rapport initial de M. Simm. Celui-ci a déjà fait part de son opinion sur les questions d’interprétation dans son rapport initial, dont une analyse du sens de l’expression [traduction] « dose d’entretien ». Il n’est pas approprié de traiter de nouveau de cette question en exprimant son désaccord avec l’opinion de M. Agid en réplique. Il n’y a donc pas lieu d’admettre ce paragraphe en preuve.

[42]  Aux paragraphes 12 à 28, M. Simm répond aux critiques que M. Agid a formulées au sujet de l’opinion qu’il avait initialement formulée sur l’emploi de la palipéridone palmitate en pratique, dont le fait de savoir si les médecins suivent ou non la monographie de produit. L’opinion de M. Simm sur cette question avait déjà été soumise à la Cour, et ces paragraphes ont pour seul but de réfuter les critiques de M. Agid. Il n’y a pas lieu de les admettre.

[43]  Aux paragraphes 29 à 35, M. Simm traite de la manière dont M. Agid caractérise l’idée originale du brevet 335. À l’instar des paragraphes 4 et 6 du projet de déclaration en réplique de Mme Allain, ces paragraphes ne font que réfuter ou rejeter l’opinion de M. Agid, et ils ne constituent pas une contre-preuve appropriée.

[44]  Le projet de rapport en réplique de M. Simm ne constitue pas une contre-preuve appropriée.

C.  Le projet de rapport d’expert en réplique de M. Herman Vromans

[45]  Au paragraphe 1, M. Vromans indique que les avocats de Teva lui ont demandé de répondre à des énoncés qui étaient inclus dans les rapports d’expert de MM. Robert R. Bies et Larry Ereshefsky et qu’il n’aurait pas pu anticiper lors de la rédaction de son premier rapport.

[46]  Les paragraphes 4 à 14 ont trait à la définition de la personne moyennement versée dans l’art. M. Vromans conteste les critiques de M. Ereshefsky au sujet de sa définition de la personne moyennement versée dans l’art. À l’instar du projet de rapport en réplique de Mme Allain, ces paragraphes ne font que réfuter ou rejeter l’opinion de M. Ereshefsky et ils ne constituent pas une contre-preuve appropriée. Dans la mesure où ils ne sont pas déjà inclus dans les actes de procédure, les documents d’antériorité qui sont joints aux annexes A à C de ce rapport seront ajoutés à l’annexe B de la défense et demande reconventionnelle modifiée dans le but restreint dont il est question au paragraphe 56 de la présente décision.

[47]  Au paragraphe 15, M. Vromans traite des critiques de M. Ereshefsky au sujet de son interprétation de la revendication 1 du brevet 335. Il indique qu’il ne saisit pas clairement ce que M. Ereshefsky rejette, et il réitère et clarifie ensuite sa propre position au sujet de cette interprétation. Ce paragraphe est assimilable à une reformulation d’une preuve soumise à la Cour ainsi qu’à une réfutation de la preuve de M. Ereshefsky, et il ne constitue pas une contre-preuve appropriée.

[48]  Les paragraphes 16 à 39 concernent les connaissances générales courantes et l’antériorité concernant la pharmacocinétique dont M. Ereshefsky a traité dans son rapport. M. Vromans souscrit à l’inclusion, par M. Ereshefsky, de certains concepts et détails dans le cadre des connaissances générales courantes, mais il n’est pas d’accord avec l’importance que revêtent ces éléments. Il réitère ensuite son opinion sur les connaissances qu’aurait la personne moyennement versée dans l’art au moment pertinent qu’il a énoncée dans son rapport initial, et il précise cette opinion en se fondant sur celle de M. Ereshefsky. Rien de ce que contiennent ces paragraphes ne constitue une contre-preuve appropriée. M. Vromans critique simplement M. Ereshefsky et il reformule l’opinion initiale qu’il a émise dans le cadre de la preuve principale de Teva – il s’agit là d’un exemple classique de scission de preuve.

[49]  Dans la mesure où ils ne sont pas déjà inclus dans les actes de procédure, les documents d’antériorité mentionnés au paragraphe 28 et joints en tant qu’annexes E à G à ce rapport seront ajoutés à l’annexe B de la défense et demande reconventionnelle modifiée pour le but restreint dont il est question ci‑après.

[50]  Les paragraphes 40 à 46 portent sur l’idée originale du brevet 335. M. Vromans présente l’opinion de M. Ereshefsky sur l’idée originale et il la critique ensuite, disant que cette opinion n’est pas étayée par le brevet lui-même. Il reformule ensuite son opinion sur l’idée originale. Là encore, ces paragraphes ne contiennent rien de plus qu’un désaccord entre experts et la reformulation d’une preuve déjà soumise à la Cour, et ils ne constituent pas une contre-preuve appropriée.

[51]  Les paragraphes 47 à 50 portent sur les efforts requis pour déterminer les fenêtres de dosage et le site d’injection, de même que la motivation requise pour trouver le schéma posologique optimal. M. Vromans critique l’opinion de M. Ereshefsky, et il réitère ensuite celle qu’il a formulée dans son premier rapport. Ces paragraphes ne constituent pas une contre-preuve appropriée.

[52]  Les paragraphes 51 à 53 et 57 à 76 (qui critiquent la déclaration d’expert de M. Bies) sont axés sur le travail réellement accompli par les inventeurs. M. Vromans présente les opinions de MM. Ereshefsky et Bies sur la question et il indique ensuite qu’une bonne partie des travaux décrits dans ces opinions auraient été de nature courante. Il n’est pas d’accord non plus avec plusieurs conclusions que MM. Ereshefsky et Bies ont tirées. Là encore, ces paragraphes ne sont rien de plus qu’un désaccord entre experts, et ils ne constituent pas une contre-preuve appropriée.

[53]  Cela dit, dans la mesure où ils ne sont pas déjà inclus dans les actes de procédure, les documents d’antériorité mentionnés aux paragraphes 60, 62, 63, 66, 67 et 70 et joints en tant qu’annexes H à O à ce rapport seront ajoutés à l’annexe B de la défense et demande reconventionnelle modifiée dans le but restreint dont il est question au paragraphe 56 de la présente décision. Les paragraphes 54 et 55 se rapportent aux avantages d’Invega Sustenna qu’analyse M. Ereshefsky en lien avec deux éléments de l’antériorité alléguée dont Teva a fait état. M. Vromans a déjà fait référence à ces deux éléments d’antériorité dans son rapport initial. Ces paragraphes contiennent un désaccord entre experts et ils reformulent une preuve déjà soumise à la Cour. Ils ne constituent pas une contre-preuve appropriée.

[54]  Le paragraphe 56 se rapporte à l’idée originale qu’a mentionnée M. Bies. M. Vromans indique qu’il est d’accord avec cette idée originale, dans la mesure où elle concorde avec celle qui a été mentionnée dans son rapport initial, mais qu’il y a d’autres aspects avec lesquels il n’est pas d’accord. Ce désaccord ne constitue pas une contre-preuve appropriée.

D.  La défense et demande reconventionnelle modifiée

[55]  L’article 75 des Règles des Cours fédérales est celui qui s’applique :

75 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

Conditions

(2) L’autorisation visée au paragraphe (1) ne peut être accordée pendant ou après une audience que si, selon le cas :

a) l’objet de la modification est de faire concorder le document avec les questions en litige à l’audience;

b) une nouvelle audience est ordonnée;

c) les autres parties se voient accorder l’occasion de prendre les mesures préparatoires nécessaires pour donner suite aux prétentions nouvelles ou révisées.

[56]  Teva souhaite également modifier de nouveau sa défense et demande reconventionnelle modifiée en vue d’y inclure d’autres documents d’antériorité auxquels M. Vromans a fait référence dans son projet de rapport en réplique. Comme je l’ai indiqué aux avocats à l’audience, l’inclusion d’éléments d’antériorité pertinents, même si elle a lieu tardivement, devrait néanmoins être prise en compte pour que la Cour se fasse une idée précise de l’état de la technique, dans la mesure où cela ne causerait aucune injustice à la demanderesse. Le procès est maintenant fixé au mois de février 2020; cette antériorité peut être pertinente du point de vue contextuel pour le contre-interrogatoire des témoins-experts et, à cette fin seulement, il y aurait lieu de l’admettre en tant que modification supplémentaire à l’annexe B de la défense et demande reconventionnelle modifiée (Canderel Ltée c Canada [1994] 1 CF 3 (CAF); Nidek Co. c VISX Inc. (1998) 234 NR 94 (CAF)).

V.  Conclusion

[57]  La Cour ne peut permettre la scission de preuve ou la présentation d’une contre-preuve irrégulière qui vise à renforcer la preuve principale d’une partie ou à réfuter simplement la preuve d’une partie adverse, compte tenu surtout du « changement de culture au sujet des litiges prescrit par la Cour suprême du Canada dans la décision Hryniak c. Maudlin, 2014 CSC 7 » (Amgen, au par. 24).

[58]  Pour les motifs qui précèdent, la requête de Teva en vue de produire les rapports en réplique est rejetée. La requête en modification est accueillie, dans le but restreint qui a été décrit ci-dessus.


JUGEMENT dans le dossier T‑353‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête de Teva en vue de déposer les rapports en réplique est rejetée.

  2. La requête de Teva en vue de modifier l’annexe B de la défense et demande reconventionnelle modifiée en vue d’ajouter les éléments d’antériorité mentionnés dans le rapport d’expert en réplique de M. Herman Vromans est accueillie dans le but restreint de procéder au contre-interrogatoire de tout témoin expert au procès, si l’une des parties l’estime nécessaire.

  3. Les dépens sont adjugés à Janssen et taxés au milieu de la colonne III du tarif B.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de novembre 2019

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

T‑353‑18

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC. ET JANSSEN PHARMACEUTICA N.V. c TEVA CANADA LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 OctobrE 2019

 

motifs et jugement :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 OctobrE 2019

 

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Marian Wolanski

Bohdana Tkachuk

 

poUR LA DEMANDERESSE

 

Jonathan Stainsby

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

poUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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