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Date : 20191017


Dossier : T‑2073‑18

Référence : 2019 CF 1303

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2019

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

STEPHEN J. LAMARCHE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent de consultation du Centre des pensions du gouvernement du Canada de Services publics et Approvisionnement Canada [le Centre des pensions], dans laquelle ce dernier a adopté une interprétation particulière du Règlement sur le régime de pension de la Force de réserve, DORS/2007‑32 [le Règlement], pris sous le régime de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, LRC, 1985, c C‑17 [la Loi], ainsi qu’un point de vue en conséquence relativement au calcul de l’admissibilité du demandeur aux prestations de retraite [la décision].

[2]  Comme je l’expliquerai plus en détail ci‑dessous, je rejette la présente demande, parce que je juge que la décision est raisonnable.

II.  Le contexte

[3]  Les Forces armées canadiennes comprennent une Force régulière et une Force de réserve. La Force régulière est composée d’officiers et de militaires du rang enrôlés pour un service militaire continu à temps plein, tandis que la Force de réserve se compose d’officiers et de militaires du rang enrôlés pour le service militaire autre que le service continu et à plein temps, lorsqu’ils ne sont pas en service actif. Les deux forces bénéficient de régimes de retraite différents. Le Régime de pension de la Force régulière, qui est administré en vertu de la partie I de la Loi, est en place depuis 1959, tandis que le Régime de pension de la Force de réserve [le Régime de pension] a été créé par des modifications apportées le 1er mars 2007 qui ont entraîné l’ajout de la partie I.1 à la Loi. Les renseignements détaillés concernant le Régime de pension figurent dans le Règlement, y compris le calcul des cotisations et des prestations.

[4]  Comme l’explique l’affidavit de Linda LeBlanc, agente principale de consultation des Services consultatifs du Centre des pensions, déposé par le défendeur relativement à la présente demande, le Régime de pension est administré par le Centre des pensions depuis le 4 juillet 2016 et il était précédemment administré par le ministère de la Défense nationale.

[5]  Le demandeur, Stephen J. Lamarche, est un membre de la Force de réserve à la retraite. Il s’était enrôlé dans la Réserve de la Marine royale du Canada le 4 juillet 1973. Le 26 avril 2016, à l’âge de 60 ans, il a pris sa retraite après plus de 42 ans de service. Le 1er janvier 2012, il a obtenu le grade de premier maître de 1re classe, qu’il affirme être le plus haut grade que peut détenir un militaire du rang de la Force de réserve.

[6]  Probablement parce que le Régime de pension n’existait pas avant 2007, le Règlement permet ce qu’on appelle communément un [traduction] « rachat » des années de service accumulées avant le 1er mars 2007. Comme il sera examiné plus en détail sous la rubrique « Analyse » des présents motifs, un participant peut choisir de traiter ses gains antérieurs comme des gains ouvrant droit à pension en vertu du Régime de pension et d’effectuer, à cette fin, un paiement au Régime de pension. M. Lamarche a fait un tel choix le 9 février 2010, mais son choix est entré en vigueur le 1er août 2007. En raison de ce choix, il a versé 41 011,09 $ au Régime de pension.

[7]  Comme nous l’expliquerons plus en détail ci‑dessous, les prestations du Régime de pension sont calculées en tenant compte d’un maximum de 35 années de service ouvrant droit à pension du participant, ce dont les parties semblent toutes deux convenir dans le cadre de la présente demande. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la période de 35 ans à prendre en considération lorsqu’un participant a accumulé plus de 35 ans de service, comme c’est le cas pour M. Lamarche.

[8]  Selon les documents divulgués par le défendeur, le 1er juin 2010, M. Lamarche a parlé à un représentant de ce que le défendeur décrit comme étant le Centre de renseignements sur le service antérieur ouvrant droit à la pension afin de s’informer à ce sujet. On lui a répondu qu’[TRADUCTION] « au moment de calculer la pension, nous tenons compte des meilleures années ». Le défendeur reconnaît que cette réponse était erronée.

[9]  M. Lamarche a pris sa retraite le 26 avril 2016. En décembre 2016, il a reçu un relevé d’estimation des prestations de retraite, qui précisait ses gains bruts ouvrant droit à pension et établissait ses prestations mensuelles avant l’âge de 65 ans à 685,45 $ et ses prestations mensuelles à partir de 65 ans à 514,09 $. Cependant, le 26 avril 2017, un an après sa retraite, M. Lamarche a reçu un premier versement de prestations de retraite qui s’élevait à 442,06 $, soit 243,39 $ de moins que l’estimation qu’il a reçue en décembre 2016.

[10]  En mai 2017, M. Lamarche a téléphoné au Centre des pensions pour s’informer au sujet de l’écart et il a parlé avec Samir Baaghil, que le défendeur décrit comme un spécialiste des pensions du Centre des pensions. M. Baaghil a informé M. Lamarche que l’estimation de décembre 2016 était inexacte, parce qu’elle tenait compte par erreur des gains accumulés par M. Lamarche après qu’il eut atteint 35 années de service, précisant que seules ses 35 premières années de gains devaient servir au calcul de sa pension, de sorte que ses sept dernières années et plus de gains n’étaient pas prises en considération.

[11]  En mai 2017, après avoir poursuivi ses recherches, M. Lamarche s’est entretenu avec David Symes, agent de consultation du Centre des pensions. M. Symes a adopté la même position que M. Baaghil, à savoir que, en vertu du Régime de pension, il fallait seulement tenir compte des 35 premières années de service d’un participant au moment de calculer les prestations de retraite de ce dernier. Même si cela n’est pas particulièrement pertinent en ce qui concerne les questions soulevées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, je souligne que, dans une lettre datée du 17 mai 2017, M. Symes a également fourni à M. Lamarche des renseignements sur la procédure à suivre pour demander la révocation de son choix de rachat. M. Lamarche n’a pas donné suite à cette possibilité, mais il a demandé une copie écrite de la décision de M. Symes concernant le calcul de ses prestations, copie que ce dernier lui a par la suite envoyée dans une lettre datée du 5 juin 2017. La lettre en question représente la décision contestée par M. Lamarche dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

[12]  La lettre de M. Symes s’appuie, entre autres, sur le paragraphe 11(3) du Règlement, qui est libellé ainsi :

Gains visés par le choix

Most recent earnings

3) Le choix visant les gains antérieurs porte sur la totalité de ces gains; toutefois, ne sont comptés comme gains ouvrant droit à pension, à commencer par les plus récents, que ceux qui permettent de porter le nombre d’années de service ouvrant droit à pension du participant à un maximum de trente‑cinq.

(3) A past earnings election is for all of the past earnings. However, there shall be counted as pensionable earnings, starting with the most recent, only those that would result in a maximum of 35 years of pensionable service to the credit of the participant.

[13]   Selon l’interprétation de M. Symes, le paragraphe 11(3) prévoit que, lorsqu’une personne choisit de compter ses gains antérieurs comme des gains ouvrant droit à pension, il faut compter ces gains antérieurs à rebours, à partir de la date du choix, jusqu’à un maximum de 35 ans. M. Symes a calculé que M. Lamarche avait accumulé 32 ans et 353 jours de service ouvrant droit à pension du début de son service, en 1973, au 1er mars 2007. Dans son calcul, M. Symes a ajouté 157 jours supplémentaires accumulés du 1er mars au 1er août 2007, date d’entrée en vigueur du choix de M. Lamarche. Selon les calculs de M. Symes, M. Lamarche a continué d’accumuler des gains ouvrant droit à pension après la date du choix, mais seulement jusqu’au 12 mars 2009, lorsqu’il a atteint le maximum de 35 ans.

[14]  Cette interprétation du paragraphe 11(3) du Règlement et son incidence sur le calcul des prestations de retraite de M. Lamarche constituent la question de fond que la Cour doit trancher dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

[15]  Préoccupé par le fait que ses prestations de retraite avaient été mal calculées, M. Lamarche s’est renseigné, notamment en envoyant au ministre de la Défense nationale (le ministre) une lettre datée du 7 juillet 2017. Il a reçu une réponse datée du 15 février 2018 d’Isabelle Daoust, secrétaire générale de la Défense; cette dernière a déclaré qu’elle répondait au nom du ministre.

[16]  Mme Daoust a maintenu que, selon le paragraphe 11(3), les prestations de retraite de M. Lamarche avaient été calculées correctement en fonction de ses gains antérieurs, en commençant par ses gains les plus récents en date de son choix (jusqu’au maximum de 35 années de service ouvrant droit à pension, maximum que M. Lamarche n’a pas atteint avec ses gains antérieurs), auxquels avaient été ajoutés ses gains subséquents, jusqu’à concurrence de 35 ans de service.

[17]  Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, l’interprétation du paragraphe 11(3) adoptée par M. Lamarche consiste à dire que la mention « à commencer par les plus récents » dans la disposition se rapportant aux gains les plus récents à la date de la retraite, et non aux gains les plus récents à la date du choix. L’adoption de cette interprétation aurait effectivement pour effet de remplacer les sept premières années et plus de gains antérieurs de M. Lamarche par les sept dernières années et plus de gains qu’il a accumulés immédiatement avant sa retraite. Au cours de ses sept dernières années et plus de service, M. Lamarche a grimpé de deux grades et gravi sept échelons de rémunération. Il estime que ses prestations de retraite augmenteraient d’environ 200 $ par mois si elles étaient calculées conformément à son interprétation proposée.

III.  Les questions en litige

[18]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève deux questions que la Cour doit trancher :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. À la lumière de la norme de contrôle applicable, le Centre des pensions a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle dans son interprétation et son application du paragraphe 11(3) du Règlement pour les besoins du calcul des prestations de retraite du demandeur?

IV.  Analyse

A.  Questions préliminaires

[19]  Après avoir examiné l’affidavit de M. Lamarche, je remarque que ce dernier a déclaré avoir été avisé en 2018 que, en vertu du paragraphe 93(1) de la Loi, il pouvait présenter au ministre une demande de réexamen de la décision qu’il jugeait insatisfaisante dans les 90 jours suivant la date de la décision. Dans son affidavit, M. Lamarche affirme avoir invoqué ce droit en envoyant une lettre au ministre le 7 juillet 2017, soit dans les 90 jours suivant la réception de la décision de M. Symes.

[20]  Même si aucune des parties n’a soulevé cette question dans le cadre de la présente demande, le paragraphe 93(1) de la loi habilitante oblige la Cour à établir si, en l’espèce, elle doit procéder au contrôle judiciaire dans la mesure où le demandeur peut exercer un autre recours.

[21]  Dans l’arrêt Strickland c Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, aux par. 40 à 45, la Cour suprême du Canada a établi que l’existence d’une solution de rechange adéquate constitue l’un des motifs discrétionnaires pouvant justifier le refus de procéder à un contrôle judiciaire, en plus de décrire les facteurs pertinents dans le cadre de l’exercice d’un tel pouvoir discrétionnaire.

[22]  Dans l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Limited, 2010 CAF 61 (CB Powell), au paragraphe 30, la Cour d’appel fédérale a expliqué que la règle normale est que les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui leur sont ouvertes en vertu du processus administratif. Parmi les objectifs sous‑jacents de cette règle, mentionnons le fait d’éviter le fractionnement du processus administratif, le morcellement du processus judiciaire et les interventions prématurées tout en s’assurant que les conclusions du décideur administratif examinées par la cour de révision seront caractérisées par le recours à des connaissances spécialisées, des décisions de principe légitimes et une précieuse expérience en matière réglementaire (CB Powell, au paragraphe 32).

[23]  Selon moi, compte tenu des principes susmentionnés, l’exercice approprié de mon pouvoir discrétionnaire consiste à trancher la présente demande de contrôle judiciaire sur le fond. Je suis d’accord avec l’affirmation formulée par M. Lamarche dans son affidavit (même s’il ne l’a pas formulée dans une telle optique) selon laquelle sa lettre du 7 juillet 2017 adressée au ministre constituait une invocation opportune de son droit, en vertu du paragraphe 93(1), de demander au ministre le réexamen de la décision. Dans sa lettre du 15 février 2018, Mme Daoust déclare expressément répondre au nom du ministre, ce qui signifie que la lettre en question contient une décision au titre de l’article 93. Par conséquent, M. Lamarche a épuisé le processus de redressement administratif avant de présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour.

[24]  Je reconnais que la décision que M. Lamarche conteste dans le cadre de la présente demande est la décision de M. Symes, et non la décision subséquente formulée par Mme Daoust. Cependant, à la lumière des faits de l’espèce, il serait excessivement formaliste de rejeter la demande de M. Lamarche et d’obliger ce dernier à contester plutôt la décision communiquée dans la lettre de Mme Daoust. Je ne vois aucune différence importante dans le raisonnement sous‑jacent aux deux décisions. Par conséquent, le dossier dont la Cour est saisie bénéficie de l’expertise administrative, des décisions de principe et de l’expérience en matière réglementaire pour soutenir le raisonnement en question. En outre, il n’y a aucune préoccupation liée à la fragmentation du processus administratif ni à l’intervention prématurée à la Cour.

B.  Quelle est la norme de contrôle applicable?

[25]  Le défendeur est d’avis que, malgré le fait que les arguments du demandeur soulèvent une question de droit pure concernant l’interprétation du Règlement sur laquelle repose la décision, une telle question peut faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Dans ses observations, le défendeur fait valoir qu’il s’agit d’une décision d’un tribunal spécialisé, qui interprète et applique sa loi habilitante, de sorte qu’il y a présomption que la norme de la décision raisonnable s’applique et qu’il n’y a pas de questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique ni de questions étrangères au domaine d’expertise du tribunal à même de réfuter une telle présomption (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, aux par. 30, 34 et 39).

[26]  Même si M. Lamarche n’a pas présenté d’observations précises sur la norme de contrôle à appliquer, je ne crois pas qu’il ait contesté la position du défendeur selon laquelle il faut appliquer la norme de la décision raisonnable. Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec les observations du défendeur à ce sujet et c’est la norme que j’appliquerai dans le cadre de mon contrôle de la décision.

C.  À la lumière de la norme de contrôle applicable, le Centre des pensions a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle dans son interprétation et son application du paragraphe 11(3) du Règlement pour les besoins du calcul des prestations de retraite du demandeur?

[27]  Avant d’examiner le caractère raisonnable de la décision, il est utile d’examiner certaines des principales dispositions du Règlement qui se rapportent à la question dont la Cour est saisie, y compris les dispositions précises qui donnent lieu au différend entre les parties. Les articles du Règlement sur lesquels je m’appuie dans les présents motifs sont exposés en détail à l’annexe « A » ci‑dessous.

[28]  Tout d’abord, commençons par la disposition qui permet d’établir le montant de la pension d’un participant. L’article 41 prévoit que le montant de la pension à laquelle le membre peut acquérir le droit correspond à 1,5 p. 100 du total de ses gains ouvrant droit à pension ou, s’il est plus élevé, du total de ses gains rajustés ouvrant droit à pension.

[29]  Les gains rajustés ouvrant droit à pension sont calculés conformément au paragraphe 37(2), à l’aide d’une formule au titre de laquelle les gains ouvrant droit à pension accumulés par un participant durant une année civile antérieure donnée — établis en fonction des niveaux de rémunération applicables pour l’année civile en question — sont rajustés de façon à refléter les niveaux de rémunération plus récents. Ni le calcul des gains ouvrant droit à pension ni l’incidence de leur rajustement sur la pension d’un participant ne constituent des enjeux particulièrement importants au moment de trancher la question de l’interprétation de la loi dont la Cour est actuellement saisie.

[30]  En ce qui concerne les gains ouvrant droit à pension, l’article 10 prévoit ce qui suit :

Gains ouvrant droit à pension

Pensionable earnings

10 (1) Sont comptés comme gains ouvrant droit à pension :

10 (1) There shall be counted as pensionable earnings

a) les gains à l’égard desquels le participant est tenu de verser à la caisse la cotisation prévue à l’alinéa 6(1)a);

(a) the earnings in respect of which the participant is required to make the contribution to the Fund set out in paragraph 6 (1) (a); and

b) sous réserve des paragraphes 11(3), 26(1) et 32(1), les gains qu’il choisit de compter ainsi.

(b) subject to subsections 11 (3), 26 (1) and 32 (1), the earnings in respect of which the participant makes an election to count as pensionable earnings.

Gains n’ouvrant pas droit à pension

Not pensionable earnings

(2) Ne sont pas comptés comme gains ouvrant droit à pension les gains à l’égard desquels, selon le cas :

(2) There shall not be counted as pensionable earnings those earnings in respect of which

a) le participant a opté, en vertu de l’article 8, pour ne pas verser de cotisations;

(a) the participant has opted, under section 8, not to contribute;

b) le membre avait droit à un remboursement de cotisations au sens de l’article 38;

(b) the member was entitled to a return of contributions, within the meaning of section 38;

c) il y a eu versement d’une valeur de transfert conformément à l’article 61;

(c) the payment of a transfer value has been effected in accordance with section 61; or

d) une somme est portée au débit de la caisse et au crédit de la Caisse de retraite des Forces canadiennes en vertu de l’article 83.

(d) an amount is charged to the Fund and credited to the Canadian Forces Pension Fund under section 83.

[31]   Les circonstances définies au paragraphe 10(2) où les gains ne sont pas comptés comme gains ouvrant droit à pension ne s’appliquent pas à la situation de M. Lamarche et ne sont pas particulièrement pertinentes pour ce qui est de la question dont la Cour est saisie. Les alinéas 10(1)a) et 10(1)b) énoncent les deux types de gains qui sont comptés comme gains ouvrant droit à pension. En vertu de l’alinéa 10(1)a), le premier type de gains concerne les gains à l’égard desquels le participant est tenu de verser à la caisse la cotisation prévue à l’alinéa 6(1)a). Voici le paragraphe 6(1) dans son intégralité :

Taux de cotisation

Rate of contributions

6 (1) La cotisation du participant à la caisse est, selon le cas :

6 (1) The contribution of a participant to the Fund shall be

a) du pourcentage ciaprès de ses gains :

(a) the following percentage of the participant’s earnings:

(i) 4,3 % à l’égard de 2007,

(i) 4.3 per cent in respect of 2007,

(ii) 4,6 % à l’égard de 2008,

(ii) 4.6 per cent in respect of 2008,

(iii) 4,9 % à l’égard de 2009,

(iii) 4.9 per cent in respect of 2009, and

(iv) 5,2 % à l’égard de 2010 et des années suivantes;

(iv) 5.2 per cent in respect of 2010 and each subsequent year; or

b) de 1 % de ses gains, s’il compte à son crédit trente‑cinq années de service ouvrant droit à pension.

(b) 1 per cent of the participant’s earnings, if the participant has to their credit 35 years of pensionable service.

[32]  L’alinéa 6(1)a) définit différents pourcentages des gains d’un participant qu’il faut verser à titre de cotisation à la caisse de retraite pour chaque année à compter de 2007. Cependant, les alinéas 6(1)a) et 6(1)b) doivent être lus conjointement, car l’alinéa 6(1)b) impose une limite à l’alinéa 6(1)a). Une fois qu’un participant atteint 35 années de service ouvrant droit à pension, sa cotisation requise est réduite à 1 p. 100 de ses gains, et ce, peu importe le pourcentage établi à l’alinéa 6(1)a) et en remplacement de celui‑ci.

[33]  Par conséquent, le premier type de gains ouvrant droit à pension inclut seulement les gains relativement auxquels des cotisations ont été versées en vertu de l’alinéa 6(1)a) durant les 35 premières années de service ouvrant droit à pension. Le concept de service ouvrant droit à pension est abordé plus loin dans la présente analyse.

[34]  Le deuxième type de gains admissibles à titre de gains ouvrant droit à pension, au titre de l’alinéa 10(1)b), concerne les gains qu’un participant choisit de compter comme gains ouvrant droit à pension, ce qui nous amène à l’article 11, qui s’applique à un tel choix :

Choix

Election

11 (1) Le participant a le droit de choisir, une fois seulement à l’égard de chaque type de gains pendant toute période durant laquelle il est participant, de compter les gains antérieurs et les gains pris en compte pour une valeur de transfert comme gains ouvrant droit à pension.

11 (1) A participant is entitled to make an election, once only in respect of each type of earnings in each period during which the participant is a participant, to count past earnings and transfer value earnings as pensionable earnings.

Gains antérieurs

Past earnings

(2) Les gains antérieurs correspondent, à concurrence du produit visé à l’alinéa 6(2)a), aux gains afférents à l’ensemble des périodes suivantes :

(2) Past earnings are the earnings, up to the product calculated under paragraph 6 (2) (a), in respect of

a) toute période dans la force de réserve, même antérieure au 1er mars 2007, durant laquelle le participant n’était pas participant, à l’exception de celle :

(a) any period in the reserve force, including any period before March 1, 2007, during which the participant was not a participant except any period

(i) qu’il compte comme service ouvrant droit à pension ou à l’égard de laquelle il y a eu versement d’une valeur de transfert ou d’une valeur escomptée aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique ou de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada,

(i) that the participant is counting as pensionable service for the purposes of, or in respect of which the payment of a transfer value or a commuted value has been effected under, the Public Service Superannuation Act or the Royal Canadian Mounted Police Superannuation Act, or

(ii) à l’égard de laquelle il y a eu versement d’une valeur de transfert conformément à l’article 61;

(ii) in respect of which the payment of a transfer value has been effected in accordance with section 61;

b) toute période dans la force de réserve à l’égard de laquelle il a eu droit à un remboursement de cotisations au sens de l’article 38;

(b) any period in the reserve force in respect of which the participant was entitled to a return of contributions within the meaning of section 38; and

c) toute période dans la force régulière à l’égard de laquelle il a eu droit à une allocation de cessation en espèces ou à un remboursement de contributions.

(c) any period in the regular force in respect of which the participant was entitled to a cash termination allowance or a return of contributions.

Gains visés par le choix

Most recent earnings

(3) Le choix visant les gains antérieurs porte sur la totalité de ces gains; toutefois, ne sont comptés comme gains ouvrant droit à pension, à commencer par les plus récents, que ceux qui permettent de porter le nombre d’années de service ouvrant droit à pension du participant à un maximum de trente‑cinq.

(3) A past earnings election is for all of the past earnings. However, there shall be counted as pensionable earnings, starting with the most recent, only those that would result in a maximum of 35 years of pensionable service to the credit of the participant.

Gains pris en compte pour une valeur de transfert

Transfer value earnings

(4) Les gains pris en compte pour une valeur de transfert correspondent aux gains à l’égard desquels il y a eu versement de la dernière valeur de transfert conformément à l’article 61.

(4) Transfer value earnings are those earnings in respect of which the payment of the last transfer value was effected in accordance with section 61.

[35]   Le paragraphe 11(1) offre un choix entre les gains pris en compte pour une valeur de transfert et les gains antérieurs, ce qui permet à un participant de compter de tels gains comme gains ouvrant droit à pension. Dans le cas de M. Lamarche, seuls les gains antérieurs sont pertinents.

[36]  L’effet de l’alinéa 11(2)a) est que — sous réserve d’un maximum prescrit à l’alinéa 6(2)a) qui n’est pas pertinent dans la situation de M. Lamarche — les gains antérieurs sont les gains afférents à toute période dans la force de réserve, même antérieure au 1er mars 2007, durant laquelle le participant n’était pas participant. Autrement dit, en faisant fi des détails qui ne sont pas pertinents dans le cadre de la présente analyse, les gains antérieurs sont les gains accumulés avant 1er mars 2007.

[37]  L’alinéa 10(1)b) est assujetti aux paragraphes 11(3), 26(1) et 32(1). Le paragraphe 32(1) porte sur la valeur de transfert des gains et n’est donc pas pertinent dans le cadre de la présente analyse. Le paragraphe 26(1) prévoit une formule qui définit la façon dont les gains antérieurs sont comptés comme gains ouvrant droit à pension. Dans le cadre de la présente demande, les arguments de M. Lamarche portent sur le paragraphe 11(3). Selon le paragraphe 11(3), lorsqu’un choix visant les gains antérieurs est fait, il doit l’être pour la totalité des gains antérieurs, ce sur quoi les parties s’entendent. Il prévoit également que ne sont comptés comme gains ouvrant droit à pension, à commencer par les plus récents, que ceux qui permettent de porter le nombre d’années de service ouvrant droit à pension du participant à un maximum de trente-cinq. Le désaccord entre les parties porte principalement sur le sens de l’expression « à commencer par les plus récents » au paragraphe 11(3). Je reviendrai sur ce désaccord sous peu.

[38]  Comme le paragraphe 6(1), le paragraphe 11(3) soulève la notion de service ouvrant droit à pension, ce qui nous amène à l’article 34 de la Loi :

Service ouvrant droit à pension

Counting pensionable service

34 (1) Est comptée comme service ouvrant droit à pension :

34 (1) There shall be counted as pensionable service

a) toute période durant laquelle le membre est participant;

(a) any period during which a member is a participant;

b) malgré le paragraphe (2), toute période durant laquelle le participant est réputé avoir touché des gains à l’égard desquels il a opté, en vertu de l’article 8, pour ne pas verser de cotisations;

(b) despite subsection (2), any period during which the participant has been deemed to have earnings in respect of which the participant has opted not to pay contributions under section 8; and

c) toute période qui se rattache à des gains qui ont fait l’objet d’un choix aux termes du paragraphe 11(1).

(c) any period that relates to earnings in respect of which an election was made under subsection 11 (1).

Service n’ouvrant pas droit à pension

Not counted as pensionable service

(2) N’est pas comptée comme service ouvrant droit à pension toute période qui se rattache à des gains qui ne sont pas comptés comme gains ouvrant droit à pension.

(2) There shall not be counted as pensionable service any period that relates to earnings that are not counted as pensionable earnings.

[39]  Sans égard à l’alinéa 34(1)b), qui n’est pas pertinent en l’espèce, les deux périodes comptées comme service ouvrant droit à pension sont les suivantes :

  1. toute période durant laquelle le membre est participant (alinéa 34(1)a));

  2. toute période qui se rattache à des gains qui ont fait l’objet d’un choix aux termes du paragraphe 11(1) (alinéa 34(1)c).

Par conséquent, de façon générale, lorsqu’un membre fait un choix en vertu du paragraphe 11(1), l’effet des alinéas 34(1)a) et 34(1)c) consiste à compter comme service ouvrant droit à pension toute période de service du participant avant et après le 1er mars 2007.

[40]  Toutefois, le paragraphe 34(2) prévoit une limite importante, à savoir que « [n]’est pas comptée comme service ouvrant droit à pension toute période qui se rattache à des gains qui ne sont pas comptés comme gains ouvrant droit à pension ». Cela nous ramène au paragraphe 10(1) et aux deux types de gains ouvrant droit à pension mentionnés aux alinéas 10(1)a) et 10(1)b). Au titre de l’alinéa 10(1)a), les gains du participant sont comptés comme gains ouvrant droit à pension, parce que les cotisations connexes prévues à l’alinéa 6(1)a) sont versées, mais seulement jusqu’au point où le participant compte à son crédit 35 années de service ouvrant droit à pension. Sous le régime de l’alinéa 10(1)b), la référence au paragraphe 11(3) a le même effet, c’est‑à‑dire que les gains antérieurs sont comptés comme gains ouvrant droit à pension seulement jusqu’à ce que le participant ait accumulé 35 années de service ouvrant droit à pension.

[41]  Pour revenir au désaccord principal entre les parties, la question clé est la suivante : si un membre de la Force de réserve comme M. Lamarche a plus de 35 ans de service, quel type de rémunération est tronqué pour respecter le maximum de 35 ans? S’agit‑il des gains accumulés avant le 1er mars 2007 visés à l’alinéa 10(1)b) ou des gains accumulés après le 1er mars 2007 visés à l’alinéa 10(1)a)? Selon les deux parties, la réponse dépend de l’interprétation de l’expression « à commencer par les plus récents » au paragraphe 11(3).

[42]  La position du défendeur, aussi celle retenue dans la décision faisant l’objet du contrôle, consiste à dire qu’il faut interpréter l’expression en question comme faisant référence à la date du choix visé au paragraphe 11(1). Il faut compter les gains antérieurs au 1er mars 2007 comme gains ouvrant droit à pension à rebours, à partir de la date du choix, jusqu’à l’atteinte du maximum de 35 années de service ouvrant droit à pension. Dans le cas de M. Lamarche, tous ses gains antérieurs seront comptés, parce que le maximum de 35 ans n’est pas encore atteint, ce qui signifie que certains gains accumulés après le 1er mars 2007 seront comptés comme gains ouvrant droit à pension. Il faudrait continuer de compter les gains jusqu’à l’atteinte du maximum de 35 ans, après quoi ceux‑ci ne seraient plus assujettis à l’alinéa 6(1)a), mais plutôt à l’alinéa 10(1)a).

[43]  Selon M. Lamarche, il faut interpréter l’expression « à commencer par les plus récents » au paragraphe 11(3) comme faisant référence au moment où le membre prend sa retraite. Par conséquent, affirme‑t‑il, le calcul prévu au paragraphe 11(3) prend seulement fin une fois que la totalité des gains accumulés après le 1er mars 2007 et les derniers gains accumulés avant le 1er mars 2007 atteignent le maximum de 35 ans.

[44]  Il ne semble pas y avoir de désaccord entre les parties sur les principes applicables d’interprétation des lois. Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. Autrement dit, l’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la loi dans son ensemble (Hypothèques Trustco Canada c Canada, 2005 CSC 54 au paragraphe 10).

[45]  M. Lamarche s’appuie également sur l’article 12 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21, selon lequel tout texte est censé apporter une solution de droit et s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

[46]   M. Lamarche présente plusieurs arguments à l’appui de sa position selon laquelle l’interprétation du Règlement sur laquelle repose la décision faisant l’objet du contrôle n’est pas raisonnable. Analysant le libellé du paragraphe 11(3) en tant que tel, il souligne que, dans la version anglaise, la disposition figure sous la rubrique « Most recent earnings », ce qui signifie « gains les plus récents ». Il fait valoir que, lorsque l’article fait référence aux gains qu’il faut compter, à commencer par les plus récents, il n’est pas question des gains antérieurs les plus récents, mais plutôt des gains les plus récents, quel qu’en soit le type, y compris les gains accumulés immédiatement avant la date de la retraite.

[47]  Je trouve cette interprétation forcée. Nonobstant le nom de la rubrique, lorsque la deuxième partie du paragraphe 11(3) précise qu’il faut compter « que ceux qui permettent de porter le nombre d’années de service ouvrant droit à pension du participant à un maximum de trente‑cinq », le mot « ceux » renvoie à un élément mentionné précédemment dans la disposition. À mon avis, l’interprétation naturelle du libellé est que « ceux » renvoient à « gains antérieurs », dont il est question dans la première partie du paragraphe 11(3). Plus important encore, compte tenu du fait que la Cour procède à une analyse du caractère raisonnable, une telle interprétation — qui semble être l’interprétation à tout le moins implicite sur laquelle repose la décision — appartient aux issues possibles acceptables.

[48]  M. Lamarche souligne également que la deuxième partie du paragraphe 11(3) commence par le mot « toutefois » et soutient que cela démontre que la deuxième partie de la phrase vise à contredire quelque chose qui a été dit dans la première partie de la phrase ou à s’y opposer. Même si je suis d’accord avec une telle observation, elle n’appuie pas, selon moi, la position selon laquelle les gains à compter dont il est question dans la deuxième partie de la phrase sont autre chose que les gains antérieurs. Il existe au moins une interprétation tout aussi probable selon laquelle l’utilisation du mot « toutefois » se rapporte au fait que la première partie de la phrase prévoit que le choix visant les gains antérieurs s’applique à la totalité de ces gains, alors que la deuxième partie de la phrase prévoit que les gains antérieurs ne sont pas nécessairement tous comptés comme gains ouvrant droit à pension. Encore une fois, l’argument de M. Lamarche n’appuie pas une conclusion selon laquelle l’interprétation du paragraphe 11(3) sur laquelle repose la décision est déraisonnable.

[49]  M. Lamarche s’appuie également sur l’article 57 du Règlement, qui prévoit ce qui suit :

Gains ouvrant droit à pension au crédit du pensionné

Pensionable earnings to pensioner’s credit

57 Le calcul des prestations de pension acquises est fondé sur les gains ouvrant droit à pension qui figurent au crédit du pensionné le lendemain du jour où il cesse d’être participant et pour lesquels il a payé ou aurait dû payer, jusqu’à la veille de la date d’exercice du droit d’option.

57 The calculation of the accrued pension benefits shall be based on the pensionable earnings to the pensioner’s credit on the day after the day on which they cease to be a participant and for which they have paid or ought to have paid before the date of the option.

[50]  M. Lamarche souligne que l’article 57 fait référence aux gains ouvrant droit à pension qui figurent au crédit du pensionné le lendemain du jour où il cesse d’être participant, ce qui, selon lui, confirme sa position selon laquelle, au moment de calculer les prestations de retraite, il faut tenir compte des gains accumulés jusqu’à la date de la retraite. Je remarque que l’article 57 porte sur le calcul des prestations de retraite acquises. Ces prestations permettent de calculer la valeur de transfert, un paiement que le pensionné peut choisir de recevoir en remplacement d’une pension différée, et ne concernent pas directement l’application du paragraphe 11(3). De plus, la référence aux gains ouvrant droit à pension qui figurent au crédit du pensionné au moment de sa retraite ne signifie pas nécessairement que ces gains s’accumulaient jusqu’à la date de la retraite. J’estime que l’article 57 appuie fort peu la thèse de M. Lamarche.

[51]  En défense du caractère raisonnable de la décision, le défendeur renvoie au paragraphe 26(2) et à l’article 35 du Règlement. Ces dispositions prévoient, respectivement, que les gains antérieurs et le service ouvrant droit à pension seront portés au crédit du participant à la date du choix. Même si la décision ne renvoie pas expressément à ces dispositions, le raisonnement qu’elle suppose inclut le fait que, une fois qu’un choix a été fait, le service antérieur d’un participant est porté au crédit de ce dernier comme service ouvrant droit à pension.

[52]  Selon moi, l’effet de ces dispositions appuie fortement le caractère raisonnable de la décision. S’il faut porter au crédit du participant les gains antérieurs et le service ouvrant droit à pension à la date du choix, alors il faut pouvoir quantifier les montants associés à ces gains et à ce service à ce moment‑là, ce qui appuie la conclusion, comme le soutient le défendeur, selon laquelle le paragraphe 11(3) prévoit le calcul des gains antérieurs, à commencer par les plus récents, à la date du choix. S’il fallait adopter l’interprétation de M. Lamarche et compter les gains à rebours à partir de la date de la retraite, le montant à prendre en considération associé aux gains antérieurs et au service ouvrant droit à pension pour la période antérieure au 1er mars 2007 resterait inconnu et serait donc impossible à calculer avant la date de la retraite. Autrement dit, un tel montant ne serait pas connu à la date du choix de façon à pouvoir étayer l’application du paragraphe 26(2) et de l’article 35.

[53]  M. Lamarche ajoute qu’il y a quatre principaux régimes de pension au sein de la fonction publique fédérale au Canada, soit le Régime de pension de retraite de la fonction publique, le régime applicable à la GRC, le Régime de pension de la Force régulière des Forces armées canadiennes, qui est administré en vertu de la partie I de la Loi, et le Régime de pension de la Force de réserve visée par la présente demande. Il soutient que les trois autres régimes mentionnent clairement que le calcul des prestations de retraite repose sur une formule fondée sur les cinq meilleures années de rémunération du participant. Selon lui, il s’agit d’un précédent qui appuie son interprétation du Régime de pension.

[54]  Même si M. Lamarche n’a pas appuyé ses observations au moyen de renvois aux lois régissant les autres régimes, pour les besoins de l’appréciation de son argument, j’admets l’exactitude de ses observations. Toutefois, cet argument — qui est fondé sur des lois qui ne s’appliquent pas au Régime de pension — ne mine pas le caractère raisonnable de la décision fondée sur l’interprétation du Règlement qui régit précisément le Régime de pension.

[55]  De même, M. Lamarche renvoie la Cour à la Loi sur les normes de prestation de pension, LRC 1985, c 32. Il reconnaît que la loi en question s’applique aux régimes de pension privés relevant de la compétence fédérale et qu’elle ne s’applique donc pas au Régime de pension visé par la présente demande. Cependant, il renvoie la Cour au paragraphe 16(5), qui est libellé ainsi :

Emploi après l’âge admissible

Employment after pensionable age

16 (5) Un régime de pension qui prévoit, d’une façon générale, que la période d’emploi d’un participant ou sa rémunération durant cette période, ou les deux, influent sur ses prestations de pension doit également prévoir l’application de ces facteurs relativement à la période postérieure à l’âge admissible, pour le calcul de ses prestations de pension, s’il continue à travailler après l’âge admissible sans recevoir de prestations de pension, relativement à l’emploi qu’il occupe auprès de l’employeur actuel, sous réserve des dispositions du régime fixant :

16 (5) Where a pension plan provides generally that a member’s period of employment or the member’s salary during that period, or both, affect the member’s pension benefit, it shall provide that, where a member continues employment after attaining pensionable age and is not receiving a pension benefit in respect of employment with the current employer, the member’s period of employment after pensionable age or the member’s salary during that period, or both, as the case may be, shall be taken into account in calculating the member’s pension benefit, subject to any term of the pension plan

a) le nombre maximal d’années d’emploi dont il peut être tenu compte pour la détermination des prestations de pension;

(a) fixing a maximum number of years of employment that can be taken into account under the plan for purposes of determining the pension benefit; or

b) le montant maximal des prestations de pension.

(b) fixing a maximum amount of the pension benefit.

[56]  M. Lamarche soutient que cette disposition appuie son interprétation du Règlement, car elle fait en sorte que les participants à un régime de pension qui conservent leur emploi après avoir atteint l’âge de la retraite continuent de voir leurs gains portés à leur crédit en vue du calcul de leurs prestations de retraite.

[57]  Je ne suis pas certain que cette disposition aiderait M. Lamarche, et ce, même si elle s’appliquait d’une façon ou d’une autre au Régime de pension, puisque la disposition prévoit que son principe sous‑jacent est assujetti à toute disposition du régime de pension fixant le nombre maximal d’années d’emploi dont il peut être tenu compte pour la détermination des prestations de pension. Plus important encore, comme dans le cas des dispositions législatives qui régissent les trois autres régimes de pension de la fonction publique fédérale sur lesquels M. Lamarche s’est appuyé, cette disposition ne s’applique pas au Régime de pension et, par conséquent, ne mine pas le caractère raisonnable de la décision fondée sur l’interprétation du Règlement qui régit précisément le Régime de pension.

V.  Conclusion

[58]  J’ai tenu compte des principes d’interprétation des lois sur lesquels s’appuient les parties, y compris l’exigence d’interpréter le Règlement de la façon la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. En appliquant ces principes, j’ai examiné les arguments formulés par M. Lamarche à l’appui de son interprétation proposée. Malgré qu’il ait fait valoir sa cause de manière fort habile, je ne relève aucun motif me permettant de conclure que la décision ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision est donc raisonnable, et il faut rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[59]  Même si, dans son mémoire des faits et du droit, le défendeur affirme qu’il convient de rejeter la présente demande avec dépens, il n’a pas fait valoir une telle position durant l’audition de la demande. Il semble s’agir de la première fois que les cours de justice se prononcent sur l’interprétation de ce Règlement Je remarque également, à la lecture du dossier de la demande, que le Centre des pensions a eu de la difficulté dans le passé à fournir à M. Lamarche des renseignements exacts et cohérents sur le fonctionnement du Régime de pension et les prestations qu’il pourrait en tirer.

[60]  Compte tenu des facteurs qui précèdent, et même si le défendeur a eu gain de cause dans le cadre de la présente demande, j’exerce, en l’espèce, mon pouvoir discrétionnaire de ne pas adjuger de dépens contre M. Lamarche.


JUGEMENT dans le dossier T‑2073‑18

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée sans adjudication de dépens.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’octobre 2019

Maxime Deslippes


ANNEXE A

Taux de cotisation

Rate of contributions

6 (1) La cotisation du participant à la caisse est, selon le cas :

6 (1) The contribution of a participant to the Fund shall be

a) du pourcentage ci‑après de ses gains :

(a) the following percentage of the participant’s earnings:

(i) 4,3 % à l’égard de 2007,

(i) 4.3 per cent in respect of 2007,

(ii) 4,6 % à l’égard de 2008,

(ii) 4.6 per cent in respect of 2008,

(iii) 4,9 % à l’égard de 2009,

(iii) 4.9 per cent in respect of 2009, and

(iv) 5,2 % à l’égard de 2010 et des années suivantes;

(iv) 5.2 per cent in respect of 2010 and each subsequent year; or

b) de 1 % de ses gains, s’il compte à son crédit trente‑cinq années de service ouvrant droit à pension.

(b) 1 per cent of the participant’s earnings, if the participant has to their credit 35 years of pensionable service.

Gains ouvrant droit à pension

Pensionable earnings

10 (1) Sont comptés comme gains ouvrant droit à pension :

10 (1) There shall be counted as pensionable earnings

a) les gains à l’égard desquels le participant est tenu de verser à la caisse la cotisation prévue à l’alinéa 6(1)a);

(a) the earnings in respect of which the participant is required to make the contribution to the Fund set out in paragraph 6 (1) (a); and

b) sous réserve des paragraphes 11(3), 26(1) et 32(1), les gains qu’il choisit de compter ainsi.

(b) subject to subsections 11 (3), 26 (1) and 32 (1), the earnings in respect of which the participant makes an election to count as pensionable earnings.

Gains n’ouvrant pas droit à pension

Not pensionable earnings

Choix

Election

Moment de l’imputation

Date of crediting

26 (2) Ils sont portés à son crédit à la date du choix.

26 (2) The past earnings shall come to the participant’s credit on the date of the election.

Service ouvrant droit à pension

Counting pensionable service

34 (1) Est comptée comme service ouvrant droit à pension :

34 (1) There shall be counted as pensionable service

a) toute période durant laquelle le membre est participant;

(a) any period during which a member is a participant;

b) malgré le paragraphe (2), toute période durant laquelle le participant est réputé avoir touché des gains à l’égard desquels il a opté, en vertu de l’article 8, pour ne pas verser de cotisations;

(b) despite subsection (2), any period during which the participant has been deemed to have earnings in respect of which the participant has opted not to pay contributions under section 8; and

c) toute période qui se rattache à des gains qui ont fait l’objet d’un choix aux termes du paragraphe 11(1).

(c) any period that relates to earnings in respect of which an election was made under subsection 11 (1).

Service n’ouvrant pas droit à pension

Not counted as pensionable service

(2) N’est pas comptée comme service ouvrant droit à pension toute période qui se rattache à des gains qui ne sont pas comptés comme gains ouvrant droit à pension.

(2) There shall not be counted as pensionable service any period that relates to earnings that are not counted as pensionable earnings.

Imputation du service ouvrant droit à pension

Date of crediting

35 Le service ouvrant droit à pension est porté au crédit du participant à la date du choix.

35 The pensionable service shall come to the participant’s credit on the date of the election.

Gains rajustés ouvrant droit à pension

Updated pensionable earnings

37 (2) Les gains rajustés ouvrant droit à pension correspondent, pour une année civile, à la moins élevée des valeurs suivantes :

37 (2) The updated pensionable earnings, for a calendar year, are the lesser of

a) le résultat de la formule suivante :

A × B

Où :

A représente les gains ouvrant droit à pension du participant de cette année,

B le résultat de la formule ci‑après, arrondi au dix‑millième près :

C/D

où :

C représente la moyenne du salaire de référence des cinq années comprenant l’année pendant laquelle le membre a cessé d’être participant la dernière fois et les années les plus récentes durant lesquelles il a été participant ainsi que, s’il le faut, les années qui les précèdent toutes,

D le salaire de référence de cette année civile;

(a) an amount determined by the formula

A × B

where

A is the participant’s pensionable earnings for that year, and

B is the result of the following formula, rounded to the nearest fourth decimal point:

C/D

where

C is the average of the wage measures for five years consisting of the year the member most recently ceased to be a participant and the most recent years during which the member was a participant and, if necessary, the years preceding all of those years, and

D is the wage measure for that calendar year, and

b) le produit visé à l’alinéa 6(2)a) pour l’année pendant laquelle le membre a cessé d’être participant la dernière fois.

(b) the product calculated under paragraph 6 (2) (a) for the year the member most recently ceased to be a participant.

Montant de la pension

Amount of annuity

41 Le montant de la pension annuelle à laquelle le membre peut acquérir le droit correspond à 1,5 % du total de ses gains ouvrant droit à pension ou, s’il est plus élevé, du total de ses gains rajustés ouvrant droit à pension.

41 The amount of an annuity to which a member may become entitled is an amount equal to 1.5 per cent of the greater of the member’s total pensionable earnings and total updated pensionable earnings.

Gains ouvrant droit à pension au crédit du pensionné

Pensionable earnings to pensioner’s credit

57 Le calcul des prestations de pension acquises est fondé sur les gains ouvrant droit à pension qui figurent au crédit du pensionné le lendemain du jour où il cesse d’être participant et pour lesquels il a payé ou aurait dû payer, jusqu’à la veille de la date d’exercice du droit d’option.

57 The calculation of the accrued pension benefits shall be based on the pensionable earnings to the pensioner’s credit on the day after the day on which they cease to be a participant and for which they have paid or ought to have paid before the date of the option.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑2073‑18

INTITULÉ :

STEPHEN J. LAMARCHE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 SEPTEMBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 17 OCTOBRE 2019

COMPARUTIONS :

Stephen J. Lamarche

POUR SON PROPRE COMPTE

(plaideur non représenté)

Haniya Sheikh

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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