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Date : 20191009


Dossier : IMM‑5458‑19

Référence : 2019 CF 1273

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 9 octobre 2019

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

KULDEEP BANSAL

demandeur

et

LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Kuldeep Bansal, demande une ordonnance en sursis de la suspension provisoire de son adhésion au Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (CRCIC), au sein duquel il était autorisé à exercer les fonctions de consultant en immigration.

[2]  Le défendeur le CRCIC est l’organisme national qui a pour mandat et responsabilité de délivrer des permis aux prestataires de services de consultation en immigration et de réglementer ceux-ci.

[3]  Le permis de M. Bansal a fait l’objet d’une suspension provisoire le 28 août 2019 à la suite d’une instance dont était saisi le Comité de discipline du CRCIC au cours de laquelle M. Bansal a déposé des pièces et présenté des observations écrites. C’est la décision du Comité de discipline qui constitue le fondement de la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente de M. Bansal.

[4]  L’ordonnance du 28 août 2019 du Comité de discipline du CRCIC pour laquelle M. Bansal demande une ordonnance d’injonction stipule ce qui suit :

[traduction]

L’adhésion du défendeur au CRCIC est suspendue jusqu’à ce que l’on ait statué sur les plaintes suivantes déposées en 2015 et 2016 devant le Comité de discipline, à savoir […].

[5]  Le défendeur le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté n’a pas déposé d’éléments de preuve ni n’a pris de position à l’égard de la présente requête.

I.  Les éléments de preuve du demandeur

[6]  M. Bansal fonde la présente requête sur la preuve par affidavit d’une stagiaire en droit, Mme Tam, qui est employée par son avocat. Cet affidavit est en grande partie constitué de déclarations faites « sur la foi de renseignements tenus pour véridiques ». Les paragraphes 2 à 10 de l’affidavit traitent des questions de procédure relatives à la requête en suspension provisoire du CRCIC.

[7]  Le paragraphe 11 de l’affidavit Tam présente l’avis de cotisation de 2018 de M. Bansal, indiquant que ses revenus étaient de 234 680 $ en 2018. Il n’existe aucun élément de preuve relatif à son revenu actuel.

[8]  Le paragraphe 12 de l’affidavit Tam présente une série de frais médicaux liés à la grossesse de l’épouse de M. Bansal.

[9]  Les paragraphes 13 et 14 de l’affidavit Tam présentent des factures et des états des salaires afférents aux entreprises de M. Bansal, soit Sterling Immigration Services et Overseas Career Consulting Services.

[10]  Il n’existe pas de preuve par affidavit de la part de M. Bansal lui-même en ce qui concerne la présente requête en sursis de la suspension provisoire de la capacité de pratiquer de M. Bansal en tant que consultant en immigration accrédité.

II.  Les éléments de preuve du CRCIC

[11]  Le CRCIC s’appuie sur l’affidavit de Leslie Ibouily, qui occupe le poste de technicienne judiciaire au CRCIC. Au paragraphe 4 de son affidavit, elle déclare que M. Bansal a fait l’objet de 40 plaintes depuis 2012 et que, présentement, 10 des plaintes sont actives, 8 d’entre elles ayant été renvoyées au Comité de discipline.

[12]  Le Comité de discipline a suspendu le permis de M. Bansal par décision rendue le 28 août 2019, concluant qu’il y avait des motifs raisonnables d’estimer qu’une telle mesure était nécessaire pour protéger le public contre M. Bansal.

[13]  Les éléments de preuve examinés par le Comité de discipline étaient notamment constitués de la preuve par affidavit de l’enquêteuse du CRCIC Natalie Wruck, souscrite le 4 juin 2019. Le paragraphe 2 de l’affidavit Wruck indique que M. Bansal a effectué la prestation de services d’immigration par l’intermédiaire de quatre entreprises enregistrées en Alberta et en Colombie‑Britannique, à savoir Overseas Career and Consulting Services Ltd. (société albertaine), Overseas Immigration Services Inc. (société britanno‑colombienne), Overseas Career and Consulting Services Ltd. (société britanno‑colombienne) et Trident Immigration Services Ltd. (société britanno‑colombienne).

[14]  Le paragraphe 7 de l’affidavit Wruck est ainsi libellé :

[traduction]

Depuis 2012, le CRCIC a reçu 40 plaintes à l’endroit de Bansal ainsi que des renseignements du gouvernement de l’Alberta indiquant que Bansal s’est livré à une inconduite professionnelle en tant que CRIC – plus précisément, il a activement recruté des travailleurs à l’étranger, leur a facturé des frais importants pour obtenir un emploi au Canada et s’est engagé à leur obtenir la résidence permanente et à leur permettre par la suite de faire venir des membres de leur famille au Canada. Dans bon nombre de cas, ils ont versé des milliers de dollars à Bansal pour obtenir des emplois, mais se sont aperçu à leur arrivée au Canada que les emplois promis indiqués sur leur permis de travail n’étaient pas disponibles, ce qui les a privés de toute source de revenu ou d’accès aux services sociaux et a fait en sorte qu’ils étaient légalement incapables d’occuper d’autres emplois parce qu’ils étaient liés à leur permis de travail.

III.  Les dispositions législatives pertinentes

[15]  Le règlement administratif 2017‑1 du CRCIC prévoit ce qui suit :

31.7 Ordonnances intérimaires urgentes

En tout temps, le Comité de discipline peut ordonner la suspension de l’adhésion ou de l’inscription ou ordonner toute restriction ou condition de pratique continue qu’il juge nécessaire afin de protéger le public, en attendant le résultat de l’audience sur le bien‑fondé de la plainte, sous réserve de ce qui suit :

a)  le Comité de discipline a entendu une demande urgente du conseiller juridique du Conseil et au cours de cette audience, la personne faisant l’objet de la plainte s’est vue offrir une juste possibilité de s’opposer à la demande, et le Comité a tranché la demande en faveur du Conseil;

b)  le Comité de discipline est convaincu que refuser l’application de l’ordonnance pourrait entraîner un préjudice pour un membre du public.

IV.  L’analyse

[16]  La question à trancher relativement à la présente requête est de savoir si le demandeur est en mesure de satisfaire au critère à trois volets de l’arrêt RJR ‑ Macdonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, aux paragraphes 87 à 90, pour l’obtention d’un sursis, à savoir :

  1. Y a-t-il une question sérieuse à juger?

  2. M. Bansal subira‑t‑il un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé?

  3. La prépondérance des inconvénients milite-t-elle en faveur de l’octroi du sursis?

[17]  Ce critère est conjonctif, en ce sens qu’il faut satisfaire aux trois volets du critère pour avoir droit à réparation (arrêt Janssen Inc. c Abbvie Corporation, 2014 CAF 112, au paragraphe 14).

La question sérieuse à juger

[18]  L’exigence à respecter pour savoir s’il y a une question sérieuse à juger dans la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente est faible. En général, si une demande n’est ni futile ni vexatoire, elle peut satisfaire au critère (arrêt R. c. Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5, au paragraphe 12).

[19]  Dans sa demande de contrôle judiciaire sous‑jacente, M. Bansal prétend que le Comité de discipline du CRCIC a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère juridique dans son analyse et qu’il a donc eu tort de suspendre son adhésion.

[20]  Dans les circonstances et compte tenu de la faiblesse de l’exigence, je suis disposée à admettre que M. Bansal puisse satisfaire au premier des trois volets, à savoir celui de la question sérieuse à juger.

Le préjudice irréparable

[21]  Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice et non à son étendue (arrêt RJR MacDonald, au paragraphe 64). « C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre » (décision Shoan c Canada (Procureur général), 2016 CF 1031, au paragraphe 33).

[22]  Le demandeur doit présenter une preuve claire qui ne repose pas sur des conjectures démontrant qu’un préjudice irréparable sera subi (arrêt United States Steel Corporation c Canada (Procureur général)), 2010 CAF 200, au paragraphe 7).

[23]  M. Bansal prétend qu’il subira un préjudice irréparable sous forme de perte de revenu et d’atteinte à sa réputation professionnelle et commerciale si le sursis n’est pas accordé. Comme il a été mentionné, M. Bansal n’a pas déposé d’affidavit dans le cadre de la présente requête en sursis et le dossier contient peu de renseignements financiers concernant la perte de revenu alléguée.

[24]  Aux paragraphes 33 et 34 de l’affidavit Ibouily (pièces P et Q), on peut lire que M. Bansal a délégué à sa sœur, qui exploite Trident Immigration Services Ltd., le pouvoir d’exploiter sa pratique pendant sa suspension. Cela n’est pas mentionné dans la preuve déposée pour le compte de M. Bansal, et celui-ci n’a fourni aucun renseignement concernant des dispositions financières qui auraient été prise avec sa sœur. De plus, je tiens à souligner que, nonobstant le sursis, rien n’empêche M. Bansal d’occuper un autre emploi que celui de consultant en immigration. La preuve au dossier laisse entendre qu’il participe à d’autres entreprises commerciales.

[25]  Tout compte fait, il n’existe pas une preuve claire qui ne repose pas sur des conjectures démontrant qu’un préjudice irréparable sera occasionné à M. Bansal. Je ne suis pas convaincue que toute perte de revenu pouvant être subie par M. Bansal atteint le niveau de préjudice irréparable qui ne peut par ailleurs être réparé par une attribution de dommages‑intérêts dans le cas où la suspension serait jugée illégale (décision Watto v Immigration Consultants of Canada Regulatory Council, 2018 ONSC 4825, au paragraphe 21).

[26]  M. Bansal prétend également qu’il subira une atteinte irréparable à sa réputation professionnelle et commerciale si le sursis n’est pas accordé.

[27]  Dans certaines circonstances, le fait de porter atteinte à la réputation professionnelle d’une personne peut constituer un préjudice irréparable. Toutefois, le préjudice qui est déjà survenu au moment de l’examen du sursis ne peut justifier un sursis (décision Douglas c Canada (Procureur général), 2014 CF 1115, 2014 CF 1115, aux paragraphes 26 et 28).

[28]  L’adhésion de M. Bansal au CRCIC est suspendue depuis le 28 août 2019. Par conséquent, toute atteinte à sa réputation professionnelle a probablement déjà eu lieu. De plus, je remarque que, au paragraphe 37 de l’affidavit Ibouily, il est fait référence à la vaste couverture médiatique concernant les activités d’immigration de M. Bansal qui sont antérieures à la suspension de son adhésion au CRCIC.

[29]  À l’appui de son allégation selon laquelle le sursis causera une atteinte irréparable à sa réputation professionnelle et commerciale, M. Bansal invoque un certain nombre d’affaires concernant les suspensions ou les restrictions afférentes à la pratique imposées aux médecins, à savoir la décision Kumar v College of Physicians and Surgeons of Alberta, (2019) ABQB 514, et la décision Visconti v College of Physicians and Surgeons of Alberta, (2009) ABQB 742.

[30]  Bien que ces affaires mettent en cause des organismes professionnels autoréglementés, elles diffèrent en fait de la situation de M. Bansal. Le travail dans le domaine médical est souvent spécialisé et fondé sur des relations qui durent souvent plusieurs années. La relation médecin‑patient est très personnelle. En revanche, le travail de consultation de M. Bansal auprès des immigrants potentiels au Canada s’effectue à distance et est ponctuel. Rien n’indique que M. Bansal a des ententes ou des relations à long terme avec des clients qui ont besoin de ses compétences et de ses connaissances pendant une longue période, comme ce fut le cas dans les décisions Kumar et Visconti.

[31]  La preuve présentée par M. Bansal à l’appui de ses arguments sur le préjudice irréparable est limitée et sélective. Elle n’est ni claire ni convaincante. Par conséquent, je conclus que M. Bansal n’a pas satisfait au volet du préjudice irréparable du critère.

La prépondérance des inconvénients

[32]  La prépondérance des inconvénients ne favorise pas M. Bansal. Il fait l’objet de plaintes multiples et graves concernant ses pratiques de consultation en immigration. Dans les circonstances et compte tenu de son mandat en matière de protection du public, la prépondérance penche en faveur du CRCIC et de la responsabilité qui lui incombe de remplir son mandat (arrêt Dr. Collett v College of Physicians & Surgeons of Alberta et al., 2019 ABCA 86, au paragraphe 15).

[33]  La requête est rejetée.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER IMM‑5458‑19

LA COUR STATUE que la requête est rejetée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour d’octobre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5458‑19

INTITULÉ :

KULDEEP BANSAL c LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA ET LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 OctobRE 2019

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 9 OctobRE 2019

COMPARUTIONS :

Rebecca McConchie

Sadaf Kashi

POUR LE DEMANDEUR

Anna Wong

Justin Gattesco

POUR LE DÉFENDEUR LE CONSEIL DE RÉGLEMENTATION DES CONSULTANTS EN IMMIGRATION DU CANADA

Robert Gibson

POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peck and Company, avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

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