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Date : 20191003


Dossier : T-210-12

Référence : 2019 CF 1258

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2019

En présence de madame la protonotaire Mandy Aylen

ENTRE :

JENNIFER MCCREA

représentante demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

et

COURTNEY SWINIMER

demanderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Courtney Swinimer, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision concernant une demande de prestations en vertu de l’article 8 de l’entente de règlement conclue dans le cadre du présent recours collectif et approuvée par madame la juge Kane dans son ordonnance et ses motifs datés du 29 janvier 2019. Mme Swinimer sollicite le contrôle de la décision du 21 mai 2019, par laquelle l’administrateur du recours collectif portant sur les prestations de maladie de l’assurance‑emploi a rejeté sa demande de prestations de maladie.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que Mme Swinimer n’a pas établi qu’elle satisfait à l’exigence d’admissibilité à un paiement individuel énoncée au paragraphe 5.01 de l’entente de règlement et, par conséquent, la décision de l’administrateur est confirmée.

I.  Le contexte

[3]  Le contexte du recours collectif sous-jacent est décrit en détail dans les décisions McCrea c Canada (Procureur général), 2013 CF 1278, [2013] ACF no 1444 [McCrea 2013], et McCrea c Canada (Procureur général), 2015 CF 592, [2015] ACF no 1225 (QL) [McCrea 2015], et dans l’ordonnance et les motifs de madame la juge Kane datés du 29 janvier 2019.

[4]  En résumé, dans le cadre du recours collectif, la représentante demanderesse a fait valoir qu’elle et d’autres personnes qui, comme elle, sont tombées malades alors qu’elles recevaient des prestations parentales se sont vu refuser illégalement des prestations de maladie en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Le recours collectif a été autorisé, mais la définition du groupe a été modifiée. La Cour a refusé d’élargir la définition du groupe pour inclure les personnes qui, au cours de la période visée, ont été informées de vive voix ou par écrit par les défendeurs, la Commission ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou autrement indisponibles au travail, et qui se sont, pour cette raison, abstenues de présenter une demande de congé de maladie.

[5]  Pour les besoins de la présente demande, il est essentiel d’examiner certains détails de l’entente de règlement, de sa mise en œuvre et du processus relatif aux demandes de contrôle.

[6]  Le paragraphe 4.02 de l’entente de règlement définit le groupe ainsi :

Toutes les personnes qui, au cours de la période s’étendant du 3 mars 2002 au 23 mars 2013, inclusivement :

i)  ont présenté une demande de prestation et reçu des prestations parentales au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale du Québec;

ii)  sont tombées malades, ont été blessées ou mises en quarantaine alors qu’elles touchaient les prestations parentales en question;

iii)  ont présenté une demande de prestation de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine mentionnées au point ii) ci‑dessus;

iv)  ont vu leur demande de conversion de prestations parentales en prestations de maladie refusée pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

(a)  elles étaient autrement indisponibles au travail; ou

(b)  elles n’avaient pas reçu au moins une semaine de prestations de maladie au cours de la période de prestations parentales.

[7]  Suivant le paragraphe 5.01 de l’entente de règlement, toute personne en mesure d’établir qu’elle répond à la définition du groupe et ayant touché moins de 15 semaines de prestations de maladie au cours de la période de prestations durant laquelle la demande originale de conversion en prestations de maladie a été présentée est admissible à un « paiement individuel » (au sens de l’entente de règlement).

[8]  L’entente de règlement prévoit que les personnes qui ont été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers sont réputées être des membres admissibles du groupe. Pour ce qui est des personnes n’ayant pas été identifiées à l’issue de ce projet, il est nécessaire d’établir qu’elles satisfont à la définition du groupe. Le paragraphe 5.03 de l’entente de règlement prévoit ce qui suit :

Le cas échéant, les demandeurs qui n’ont pas été identifiés comme membres du groupe à l’issue du projet d’examen des dossiers seront admissibles s’il est établit [sic] qu’ils satisfont à la définition de groupe sur la base de preuve d’une demande de conversion en prestations de maladie dans le dossier de EDSC dans : a) les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations; b) la liste de vérification des demandes de conversion utilisée pendant la période visée par le recours collectif; ou c) un autre dossier tenu par EDSC. Subsidiairement, EDSC prendra en compte un élément de preuve documentaire fournie [sic] par un demandeur qui atteste la présentation d’une demande de conversion.

[9]  L’article 7 de l’entente de règlement expose le processus d’administration des demandes à l’intention des personnes qui souhaitent présenter une demande de prestations au titre de l’entente de règlement. L’administrateur est chargé du traitement de toutes les demandes et il remet ses décisions aux demandeurs par écrit.

[10]  Suivant l’article 8 de l’entente de règlement, un demandeur peut demander à la Cour fédérale le contrôle de la décision de l’administrateur, si celui-ci détermine que la demande n’est pas fondée et refuse au demandeur un paiement individuel.

[11]  Le paragraphe 8.05 de l’entente de règlement prévoit que le protonotaire de la Cour fédérale qui a été désigné détermine si le demandeur est un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement), à la suite de quoi soit il maintient la décision de l’administrateur, soit il infirme cette décision et renvoie la demande à l’administrateur afin que celui‑ci procède au calcul et au traitement du paiement individuel auquel le demandeur a droit.

II.  La décision de l’administrateur

[12]  Le 7 février 2019, la demanderesse a présenté à l’administrateur une demande de prestations de maladie pour la période de 24 semaines s’échelonnant du 23 novembre 2008 au 10 mai 2009.

[13]  Dans une lettre datée du 21 mai 2019, l’administrateur a informé la demanderesse qu’il rejetait sa demande. Il a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Au terme d’un examen minutieux de votre dossier, nous avons déterminé que vous n’êtes pas admissible à un paiement individuel, conformément à l’entente de règlement approuvée, relativement à la période de prestation d’assurance-emploi (AE) commençant le 9 décembre 2007, parce que vous avez déjà touché le maximum de 15 semaines de prestations de maladie pendant votre période de prestations.

III.  Analyse

[14]  Dans le formulaire de demande de contrôle qu’elle a rempli, la demanderesse sollicite le contrôle de la décision de l’administrateur pour les raisons suivantes :

[traduction]

Je n’ai pas reçu de prestations de maladie; ma demande a été rejetée, et j’ai comparu devant un conseil d’administration. Quand j’ai présenté ma demande, on m’a dit que je recevrais des prestations pendant au moins 15 semaines et peut-être 17 semaines. Lorsque j’ai parlé à un agent, il m’a dit que les dossiers qu’ils avaient en leur possession ne remontaient pas aussi loin, puis les dossiers, qui comportaient des renseignements inexacts, sont apparus dans mon compte en ligne quelques semaines plus tard.

[15]  Dans ses observations écrites supplémentaires, la demanderesse affirme également ce qui suit :

[traduction]

Après réception du courriel initial du cabinet Cavalluzzo, j’ai communiqué avec Service Canada pour lui demander des documents concernant ma demande d’AE de l’année 2008‑2009 et, à ce moment‑là, un agent m’a dit que ces documents n’étaient pas disponibles parce qu’ils remontaient trop loin en arrière. J’ai également vérifié en ligne, et rien n’était disponible. On m’a refusé des prestations de maladie pendant que j’étais en congé de maternité. J’ai interjeté appel de la décision devant un conseil arbitral, qui a confirmé le rejet de ma demande. Quelques semaines ont passé, puis soudainement, il y avait un dossier sur mon compte en ligne. Service Canada n’a vraiment rien fait pour trouver mon dossier d’assurance-emploi complet. En fin de compte, j’ai reçu des prestations parentales et des prestations de maternité, mais aucune prestation de maladie. Je ne sais pas pourquoi leur document indique « maladie ».

J’ai joint une copie d’un feuillet d’impôt provenant de mon compte pour l’année 2009, et les montants ne correspondent pas aux renseignements qui sont fournis par Service Canada.

[16]  Il incombe à la demanderesse d’établir qu’elle répond à la définition du groupe et qu’elle a reçu des prestations de maladie durant moins de 15 semaines au cours de la période visée. Cette dernière exigence est en cause dans la présente demande.

[17]  L’historique des paiements d’AE produit par la Couronne indique que la demanderesse a reçu des prestations de maternité pendant 15 semaines et des prestations parentales pendant 33 semaines, suivies de prestations de maladie pendant 15 semaines, du 23 novembre 2008 au 1er mars 2009. La demanderesse affirme que, malgré ce qu’indiquent les documents de la Couronne, elle n’a jamais reçu de prestations de maladie puisque sa demande a été rejetée, tout comme l’appel qu’elle a interjeté à l’encontre du rejet de sa demande de prestations de maladie. Toutefois, je ne dispose d’aucun document pour réfuter l’historique des paiements d’AE produit par la Couronne.

[18]  Je conclus que le feuillet d’impôt produit par la demanderesse n’étaye pas son affirmation. Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que le montant total des prestations reçues pour l’année d’imposition 2009, tel qu’il est indiqué sur le feuillet d’impôt (5 499 $), ne concorde pas avec les documents de paiement produits par la Couronne (lesquels, pour l’année 2009, indiquent que les prestations payées (toutes sous forme de prestations de maladie) équivalent à 3 807 $). Toutefois, cette incohérence – qui semble démontrer que la demanderesse a reçu encore plus de prestations que ne le reflète le document de la Couronne – n’étaye pas, à première vue, l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle n’a reçu aucune prestation de maladie au cours de la période visée.

[19]  Comme je ne dispose d’aucun élément de preuve pour réfuter l’historique des prestations d’AE, je conclus que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir qu’elle a reçu des prestations de maladie durant moins de 15 semaines au cours de la période visée.

[20]  Compte tenu de la preuve dont je dispose, je conclus que la demanderesse n’a pas droit à un paiement individuel conformément aux modalités de l’entente de règlement. L’administrateur a appliqué correctement le paragraphe 5.01 de l’entente de règlement et, par conséquent, sa décision est confirmée.

[21]  Aucuns dépens ne sont adjugés dans le cadre de la présente demande.


JUGEMENT dans le dossier T-210-12

  1. La décision de l’administrateur datée du 21 mai 2019 concernant la demande de Courtney Swinimer est confirmée.

« Mandy Aylen »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de novembre 2019.

Julie Blain McIntosh, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :

T-210-12

 

INTITULÉ :

JENNIFER MCCREA C SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et COURTNEY SWINIMER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

JUGEMENT ET MOTIFS :

MADAME LA PROTONOTAIRE MANDY AYLEN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 3 OCTOBRE 2019

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Steven J Moreau

Cavalluzzo LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour lA REPRÉSENTANTE DEMANDERESSE

 

Christine Mohr

Ayesha Laldin

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour lA DÉFENDERESSE

 

Courtney Swinimer

Pour son propre compte

Pour lA DEMANDERESSE

 

 

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